Nashville Pussy n’est pas le genre de groupe dont on a le temps de ressentir le manque : après la réédition en 2012 de leur album From Hell To Texas accompagné d’un live tout neuf, la bande d’Atlanta était en Europe l’été dernier, a pris le temps de sortir un nouvel opus cet hiver, et à quelques semaines du printemps revient arpenter le Vieux Continent avec une couche généreuse de dates en France et une setlist dopée par les nouvelles chansons d’Up The Dosage. Mais cela n’empêche pas le public, tout sauf blasé ou repu, de revenir en masse demander sa dose régulière.
Dans la queue qui s’allonge, s’allonge et s’allonge devant le Ninkasi, à Lyon, un peu de cheveux allant du grisonnant au carrément blancs, des blousons noirs qui ont dû connaître AC/DC sur scène du temps de Bon Scott, mais, comme on pourra le constater, cela ne changera rien pour certains à la façon de vivre un concert. Enfin, quel que soit l’âge, pas mal de T-shirts Motörhead et Nashville Pussy (bien sûr) sous des vestes patchées… Cela indique bien quel type de musique étaient venus chercher les spectateurs. Et si un certain côté « sudiste » parcourt le son du groupe de première partie, God Damn, il ne paraît pas évident que cette foule se soit aussi déplacée pour les Lyonnais.
Artistes : Nashville Pussy – God Damn
Date : 19 février 2014
Salle : Ninkasi Kao
Ville : Lyon
God Damn sur la scène du Ninkasi, on n’a pas vu ça depuis… 2009 ! Ha ouais, quand même ! C’était alors en première partie de Lamb Of God, défendant leur premier opus Old Days. Depuis ils ont engendré en 2012 son petit frère Back To The Grindstone, tourné un peu en France, Renato, le chanteur, a changé de coupe (instant bigoudis) et Charly (bassiste) a bien dû prendre un décimètre ou deux. Et ils étaient ce soir de retour au Ninka’ pour en finir avec un cycle, avant de retourner à l’écriture de nouvelles compos.
Si sur album le groupe nous habitue plutôt à un groove metal panteresque avec une louchée de stoner puisée dans la suite de la carrière d’Anselmo (Down), sur scène, c’est sur un versant entre hardcore et metalcore qu’ils basculent. La musique de God Damn roule bien, déroule tranquillement les vertèbres, de la première caudale à la dernière cervicale mais le groove laisse principalement la place aux screams de Renat’ (qui semble en mettre plus ici que sur album) et les basses obligent parfois à tendre l’oreille pour entendre le jeu de guitare lead au milieu de toute la rythmique. Enfin, il ne faudra pas se leurrer : ce n’est pas pour eux que le plus gros du public est venu ce soir. En fait, la majeure partie de celui-ci est soit en retrait, soit ailleurs. Ce qui n’empêche pas Renato de faire le show – peut-être un peu trop en manquant de tomber de scène en voulant taper dans les mains d’une spectatrice – et d’exprimer à maintes reprises, ne trouvant parfois pas ses mots, sa joie d’être de retour au Ninka’.
Pour l’animation du concert, on peut au moins compter sur les quelques fans aux premiers rangs qui commencent à s’échauffer. Renato fait aussi jouer le public à qui gueule le plus fort entre le balcon et la fosse, et offre à cette soirée son seul wall of death, séparant lui-même le public en descendant au milieu de celui-ci. Quand on vous disait que God Damn soigne son côté hardcore en live… Un wall of death pas aussi fourni que ce qu’on peut voir habituellement, ni d’une durée incroyable, mais au moins avec des participants motivés. Le set des Lyonnais se termine finalement sur « Landing For My Pride », extrait d’Old Days, un album bien peu représenté dans ce concert, et qui aura même un tantinet manqué. Il ne faudrait pas qu’il disparaisse des setlists dans l’avenir avec l’arrivée d’un troisième opus…
On n’exagérait pas en disant que le gros de la foule était ailleurs lors de la première partie car pendant le temps qu’on va passer à attendre l’arrivée des Ricains, la salle va devenir une vraie boîte de sardines. Camarade, quand tu auras trouvé ta place, merci de ne plus en bouger, la situation est verrouillée et si vous avez oublié de soulager votre vessie, ce n’est plus le moment… Bon, vous auriez pu essayer : trois quarts d’heure d’attente depuis la fin du set de God Damn, dont vingt minutes à fixer une scène vide – pas même un roadie. Pendant ce temps la musique diffusée pour patienter tire la couverture vers le passé, vers le rock (et la soul) fondamental et intemporel.
Trois quarts d’heure, c’est long, surtout quand on est bloqué au milieu d’une foule, les jambes raides, mais tout sera oublié dès l’arrivée de Nashville Pussy. Blaine le camionneur et ses Valkyries se placent sur le front de scène, Jeremy part pour chauffer son tabouret pendant une heure et demi et soudain tout le monde retrouve pourquoi on est là. Sur scène le groupe répand son rock insolent, sale et chaud, Ruyter Suys glisse sur les planches et fait des choses à sa guitare (au moins musicalement) que d’autres guitaristes rêvent à peine de faire. Dans la fosse, c’est la folie, dès « Keep On Fucking ». On se croirait revenu au temps où l’on arrachait les sièges des salles de concert pour les faire valdinguer d’un bout à l’autre.
Si l’on s’attendait à un public attentif qui se laisserait porter par le groove d’un hard rock sudiste en twistant gentiment sur place, on s’est mis le doigt dans l’œil jusqu’à l’épaule. C’est une foule de punks qui prend le dessus dans la fosse dès le démarrage du concert et cela ne se calmera que rarement, notamment sur les nouveaux morceaux d’Up The Dosage joués ce soir, ou sur un « Go To Hell », au tempo plus détendu mais dont la dernière partie plus agitée relancera la machine à laver pogotante avec une telle frénésie qu’on lira, au sourire de la bassiste, à quel point cela leur fait plaisir, voire les surprendrait presque un peu. Et ce n’est pas les ans qui en arrêteraient certains : comment ne pas admirer cet homme en blouson de cuir noir, aux cheveux blancs et épars, dont on jurerait qu’il a connu les affrontements entre Mods et Rockers dans les Sixties, qui se jette, la banane accrochée aux lèvres, dans ce choc des corps !
Les ans passent mais la jeunesse du rock est intacte. Ce soir-là, c’était d’ailleurs l’anniversaire de la bassiste Bonnie Ruitago qui a eu droit à un « Happy birthday » lancé par Blaine Cartwright et entonné par toute la salle. La « nouvelle recrue » (elle fait tout de même partie du groupe depuis deux ans maintenant), si elle n’est pas une musicienne hors-norme (son petit solo au moment des présentations de chaque membre n’était pas vraiment ce qu’on peut qualifier d’extraordinaire), n’en est pas moins une indéniable passionaria du rock’n’roll, suant tout ce qu’elle a, qui a tôt fait de tomber la veste tant elle se donne, sans réserve, pour la musique des Nashville Pussy.
Jeunesse toujours dans l’œil de la guitariste de Ruyter Suys. S’il est parfois difficile de trouver ses yeux derrière son impressionnante crinière (elle déclarera d’ailleurs plus tard sur ce sujet, fraiche et disponible, avant de monter dans le bus : « Avec ces seins et ces cheveux, on ne peut faire que du rock »), quand parfois émerge son regard, c’est toujours celui-ci d’une pétillante jeune fille qui ferait ses premiers concerts que l’on discerne.
Grand gamin aussi, voire un peu inconscient, dont on se demanderait s’il pourra un jour devenir vieux, Blaine Cartwright a aussi démontré que devenir adulte et responsable, c’est pour les autres. Quand, avant le début du concert, chacun avait pu voir les roadies disposer bouteilles de bière et de whisky, il était évident que le groupe ne marchait pas à l’eau. Mais le frontman peut-être plus que le reste de la bande. Si pendant le reste du concert ce n’était pas flagrant, étant capable d’assurer le job même si tout le monde peut se douter que, le soir venu, il n’a pas passé la journée sans descendre quelques bières, arrivé à la longue jam basée sur leur reprise du « Milk Cow Blues », Blaine est assurément allé au-delà de ses capacités. Se changeant en showman, chantant, dansant, se versant une bouteille de bière sur la tête, au bout d’une très, très longue note dont on ne l’aurait cru capable (et dont il se tire pourtant admirablement, au moins vocalement), il s’écroule de tout son long sur la scène ! Inquiétude sur scène, dans le public aussi, même si la musique continue, un roadie se précipite quand même sur le chanteur pour vérifier s’il va bien… ce même roadie qui nous avouera plus tard, après le concert, que ce sont des choses qui arrivent et dont joue parfois le frontman. Ce dernier se relève finalement sans mal (enfin, avec un petit peu d’aide quand même), le show n’a même pas souffert de cet incident. On aura tout de même senti l’inquiétude de ses camarades et on soupçonne Ruyter Suys de lui avoir glissé un mot pour lui dire de lever un peu le pied.
Mais voilà, « it’s only rock’n’roll », et le spectacle continue ! On arrive tranquillement (enfin, c’est relatif étant donné l’ambiance) à la fin du concert. L’entêtant « Why Why Why » conclue la partie principale du concert avant l’instant rappel traditionnel durant lequel le public n’aura pas manqué de jouer le jeu bruyamment pour faire revenir le groupe sur scène. Qui bien sûr revient et dédiera le morceau suivant, « Go Motherfucker Go », à Bon Scott, le chanteur d’AC/DC s’étant éteint exactement trente-quatre ans plus tôt, un 19 février 1980, suite à un abus de bouteille, pour rejoindre les légendes du rock’n’roll parties trop tôt. Encore un « You’re Going Down » et le concert s’achèvera dans les applaudissements d’un public qui partira persuadé d’avoir assisté à une manifestation de rock pur, grâce à un groupe qui n’a besoin que de se montrer naturel, sans chichi ou artifice pour honorer ce genre avec brio.
Setlist du concert de Nashville Pussy :
Photos : Claudia Mollard
A voir également :
Galerie photos du set de God Damn
Galerie photos du concert de Nashville Pussy.
Excellent concert effectivement. Juste un poil déçu de la longueur du Show. Un peu plus d’1h15 alors qu’on a connu les Nashville assurer plus de 2 heures de concerts dans des conditions bien pire que le Ninkasi…
Pas trop grave en soit, mais on en aurait bien repris pour une demi-heure, d’autant que la discographie du groupe le permet largement !