ENVOYEZ VOS INFOS :

CONTACT [at] RADIOMETAL [dot] FR

Chronique Focus   

Ne Obliviscaris – Exul


Ne Obliviscaris n’a jamais recherché la facilité, ni dans sa musique, metal extrême progressif et hybride, ni dans son organisation, comme en témoigne notamment la présence dans ses rangs du Français Benjamin Baret qui, avant de finalement s’exiler, résidait à des milliers de kilomètres des autres membres australiens du groupe. Cette fois, c’est un élément externe, la pandémie, qui a compliqué la création de son nouvel album. Entamé juste au moment où les frontières se sont refermées les unes après les autres, en mars 2020, l’enregistrement d’Exul a été suspendu pendant deux ans. Une période difficile qui a failli briser le groupe, mais dont il a su tirer parti en utilisant ce temps supplémentaire pour parfaire des détails de l’album et parfois en réécrire complètement des parties.

Cinq années séparent donc Exul d’Urn, sans pour autant que Ne Obliviscaris en ait profité pour concevoir à nouveau un album-fleuve comme son premier. Ce quatrième album offre un juste équilibre entre la grande longueur de Portal Of I et la concision de ses deux successeurs.
L’équilibre est d’ailleurs peut-être ce qui le caractérise le mieux. Ainsi « Misericorde », pièce épique en deux parties caractéristique de Ne Obliviscaris, illustre comment sa musique singulière est la somme des idées, préférences et inspirations de chacun de ses membres. Sorte de diptyque, cette composition illustre à travers ses deux volets les deux facettes du groupe. S’ouvrant sans préambule sur le chant death de Xenoyr, sa première partie, composée pour l’essentiel par le guitariste Benjamin Baret et le nouveau bassiste Martino Garattoni (qui perpétue l’habitude du groupe d’une basse très présente et mélodique), repose sur leurs instruments et forme une des compositions les plus denses et massives de l’album, dans laquelle le violon ne fait que de brèves et discrètes apparitions. Écrite par Tim Charles en collaboration avec les autres membres, la deuxième partie met au contraire son instrument à l’honneur et incarne l’aspect progressif de Ne Obliviscaris. Le violon tapisse les premières mesures de sa mélodie plaintive, seulement accompagné de notes de piano et d’une guitare acoustique, puis, à mesure que se déplient les sections et s’agrègent de nouveaux éléments, enfle un des foyers ardents de l’album.

« Misericorde II » mais aussi « Suspyre » et « Equus » illustrent comment la place et l’utilisation du violon ont évolué depuis les débuts de Ne Oblivscaris. S’il a toujours été une des marques de fabrique du groupe, cet instrument a vu son rôle s’affirmer et s’affiner d’album en album, devenant à la fois un instrument lead prééminent et un fascinant agent de texture sonore. Amorcée sur Urn, cette place plus importante octroyée aux cordes frottées dans leur dimension mélodique ne remet pas en question l’aspect extrême de la musique des Australiens, comme le prouvent, dans « Suspyre », la joute que livrent violon et violoncelle avec de brutales parties death et la façon dont ils en exacerbent l’intensité. Associé à l’alto et au violoncelle, le violon joue aussi un rôle majeur dans « Equus », une des compositions les plus remarquables de l’album, à laquelle ils apportent une puissance émotionnelle considérable. Passé les quelques mesures de percussion tribale, c’est bien l’élan des cordes de Tim Charles et Emma Charles qui, se greffant sur un riff de guitare death mélodique, déclenche la dynamique du morceau et souligne la puissance de la partie à la double pédale qui suit.

Avec ses textes évoquant les tourments provoqués par différentes formes d’exil, l’album adopte un ton encore un peu plus sombre et inquiétant que ses prédécesseurs. A cet égard, le violon est aussi le principal vecteur, par ses dissonances, de l’inconfort que la musique des Australiens sait susciter. « Equus », inspiré par les incendies meurtriers qui ont ravagé l’Australie en 2019 et 2020, figure la Terre suppliciée et le « cycle destructeur » dans lequel se trouve l’humanité à travers une fresque contrastée, un choc des contraires typique du groupe. Le violon y passe en un même mouvement de la stabilité mélodique la plus délicate et épurée à un sentiment d’urgence, comme aiguillonné par le feu dévorant jeté à sa poursuite, tandis que le tempo s’accélère et qu’un maelström de double pédale, de riffs de guitare implacables et de growls telluriques l’entraîne dans un élan dévastateur. Les caresses mélancoliques deviennent alors d’éprouvants grincements et crissements.

Si le violon s’impose au point d’éclipser assez souvent les guitares, celles-ci offrent toujours d’inoubliables moments, des replis acoustiques aux soli éloquents. On retient notamment le long solo final d’« Equus », dont la technicité est transcendée par l’émotion dont il déborde, celui, également volubile mais jamais vain, de « Misericorde II », ou encore l’éblouissant dialogue qu’offrent solo de violon et solo de guitare dans le final haletant de « Suspyre ». Tout en continuant d’exploiter les mêmes ingrédients et la même formule, Ne Obliviscaris le fait avec un raffinement croissant et des évolutions mineures mais judicieuses. En misant de plus en plus sur ses éléments mélodiques (dont le chant clair toujours plus maîtrisé de Tim Charles), le groupe accentue d’autant plus l’intensité qui naît de leur fracas avec sa part la plus dure et massive.

Clip vidéo de la chanson « Equus » :

Album Exul, sortie le 24 mars 2023 via Season Of Mist. Disponible à l’achat ici



Laisser un commentaire

  • Suis-je le seul à trouver la prod du groupe un peu fade et mécanique ? Vous parlez beaucoup d’émotion dans cette chronique, je trouve hélas qu’elle est souvent absente des albums (en concert, c’est autre chose).

    Je me trompe peut-être mais j’ai l’impression que l’utilisation d’amplis logiciels pour les guitares joue beaucoup : les guitares pour moi manquent cruellement d’énergie et de dynamique…

    Hélas, ça me gâche vraiment le plaisir de l’écoute des albums.

    [Reply]

    CastorJunior

    Je te rejoins Louis, c’est un groupe que j’ai toujours trouvé ultra-technique et sans réelle émotion (voire intention ?). Pas pour moi…

  • Arrow
    Arrow
    Metallica @ Saint-Denis
    Slider
  • 1/3