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Interview   

Nergal (Behemoth) : le monstre qui coule dans ses veines


Nergal a atteint un point crucial de son existence. Outre ses problèmes de santé qui n’appartiennent qu’au passé désormais, le chanteur et guitariste de Behemoth est libre, l’esprit créatif en perpétuel mouvement et débridé. Ainsi en est-il donc également avec son groupe, où l’artiste semble avoir poussé le concept d’art à son paroxysme. Pour Nergal, The Satanist, ce nouvel album du combo, est un exemple d’ouverture : à la fois proche de ce que le groupe a toujours fait mais pourtant plus riche, musicalement, plus varié bien que paradoxalement plus spontané qu’intellectualisé. Un album à l’image de son leader qui jouit d’une sur-activité créatrice, nourrit par un perpétuel besoin de toucher à diverses formes d’art.

D’ailleurs, dans l’entretien qui suit, le frontman revient avec nous sur ses différents side-projects : musicaux et extra-musicaux. De ses albums country au cinéma, en passant par son rôle de jury à la télévision polonaise. Nergal nous parle avec franchise et démontre tout son enthousiasme actuel. Un enthousiasme prêt à être déversé sur scène, lors de la future tournée européenne du groupe que Nergal et sa bande attendent de pieds fermes.

« En restant dans les contraintes du genre, nous essayons d’étendre les limites tout en restant fidèles à nos origines, à un style de metal radical, en repoussant juste un peu les frontières et en ayant une démarche plus artistique. »

Radio Metal : Pour commencer, comment va Inferno ? Il a dû être remplacé pour les concerts de cet été pour des raisons médicales…

Nergal (chanteur, guitariste) : Il va mieux. Il devrait retourner derrière ses fûts dans les semaines à venir, du moins je l’espère, comme ça il sera parfaitement au point pour notre tournée en Europe. Il va bien. Son opération était assez compliquée, il lui a donc fallu plus de temps que prévu pour s’en remettre, mais il y arrivera. Nous croisons les doigts !

Comment se sont passés les concerts avec Krimh à la batterie ?

Krimh fait un super boulot. Ce n’est pas évident de remplacer l’un des meilleurs batteurs du genre, mais il se débrouille bien, avec beaucoup de discipline, il fait de son mieux. Nous sommes très heureux qu’il ait pu nous donner un coup de main.

Dans une interview récente publiée dans Revolver Magazine, tu as décrit les nouvelles chansons comme « très atmosphériques » et « pleines d’émotions », et comme « un mélange de Burzum, de New Order et de Killing Joke. » Est-ce que ces groupes ont été des influences conscientes pendant que vous travailliez sur l’album ?

Non… J’ai dit ça de manière un peu légère. Je n’étais pas là à écouter ces groupes, puis à essayer délibérément de les copier, non. L’album a une atmosphère différente comme tu as pu l’entendre : d’un côté, il conserve certains éléments de notre passé, mais de l’autre, nous nous sommes vraiment étendus vers le futur et vers d’autres directions… Nous en sommes très fiers, il est très varié, ce n’est pas seulement du death ou du black metal, c’est un mélange. On y trouve beaucoup de structures rock, pour les passages principaux, nous avons utilisé beaucoup de gammes blues ou pentatoniques, par exemple… Je ne sais pas, il me semble vraiment plus musical. Je l’adore.

Dans cette interview, tu as aussi insisté sur le fait qu’il sonne toujours comme un album de Behemoth classique, tu as d’ailleurs fait une analogie avec Slayer en disant : « Quel que soit le genre qu’ils jouent, ils finissent par sonner comme du Slayer. Même quand ils flirtent avec le neo metal, ça reste du Slayer. » Que penses-tu des groupes qui changent radicalement de son, alors ?

Ça dépend. Tant que ça fonctionne, tout va bien. J’ai beaucoup de respect pour Morbid Angel d’avoir eu les couilles de faire un changement aussi radical, mais si tu me demandes si ça m’a plu… Non, pas du tout ! Je pense que ce groupe devrait s’en tenir au metal. Mais par contre, si tu prends Ulver par exemple, toutes leurs transformations m’ont toujours semblé parfaitement logiques. Ça sonne bien, tout simplement. Certains groupes peuvent se permettre de le faire, d’autres non. Je ne m’attends pas à ce qu’AC/DC deviennent un groupe de pop, tu vois ce que je veux dire ? Je m’attends à ce qu’ils jouent toujours les mêmes chansons, et je suis un grand fan d’AC/DC. Mais en ce qui concerne Behemoth, et en restant dans les contraintes du genre, nous essayons d’étendre les limites tout en restant fidèles à nos origines, à un style de metal radical, en repoussant juste un peu les frontières et en ayant une démarche plus artistique, disons. Je ne sais pas, nous changeons, tout simplement, nous changeons en permanence.

OK, et comment traces-tu la limites entre ce que vous pouvez vous permettre de faire et ce qui irait trop loin ?

Je suis juste mon intuition…

« Maintenant, nous nous concentrons sur nos tripes avant tout, et nous essayons de limiter un peu l’influence intellectuelle qu’il a pu y avoir dans notre musique. »

D’où vient le côté atmosphérique et plein d’émotions de l’album ? Est-ce que ça a quelque chose à voir avec les problèmes de santé que tu as eus en 2011 ?

Ça n’a pas vraiment changé depuis le début. Je trouve de l’inspiration partout où je vais, partout où je regarde. J’essaie d’être un observateur vigilant de la vie en général, la mienne, celle des autres… Je puise mon inspiration partout, que ce soit dans l’Histoire, dans des livres, dans des films, dans la musique d’autres groupes… Évidemment, il y a certains aspects dans le fait d’avoir frôlé la mort ces dernières années qui ont eu un impact déterminant sur le son du nouvel album. Mais si tu me demandes plus précisément à quels moments la leucémie se fait entendre dans notre musique, je ne peux pas te répondre [rires] !

Donc tu ne dirais pas que ça a vraiment modifié votre manière de travailler ou d’écrire…

Eh bien, si, c’est le cas. Maintenant, nous nous concentrons sur nos tripes avant tout, et nous essayons de limiter un peu l’influence intellectuelle qu’il a pu y avoir dans notre musique. Évidemment, d’un point de vue technique, tu devras toujours analyser certaines choses, mais nous essayons de trouver le bon équilibre. Nous essayons de nous servir de notre cœur et de notre intuition plus que de notre intellect.

Beaucoup de gens, quand ils sont confrontés à de gros problèmes de santé comme tu l’as été, se tournent vers la religion. Manifestement, il n’y a pas eu de changement radical de ton côté puisque l’album s’appelle The Satanist, un titre fort, mais est-ce que ton combat contre la leucémie a modifié d’une manière ou d’une autre ta relation à la religion ?

Je ne sais pas… Je pense que c’est un processus. Cette transformation est un processus permanent, mais si quelqu’un s’était attendu à ce que mes croyances fassent un virage à 180°, non, ça ne me correspond pas, évidemment. Est-ce que je suis devenu plus religieux ? Ça dépend de ce que l’on entend par là. Il n’y a pas très longtemps, j’ai trouvé une phrase très chouette dans un livre que je lisais : « Le doute est ma religion. » De ce point de vue-là, est-ce que je suis devenu plus religieux ? Oui, je doute plus que jamais ! [rires]

Est-ce que tu peux nous parler un peu du titre de l’album, The Satanist ? Il est très simple, en même temps il fait un peu penser à Satanica…

Pour moi, The Satanist et Satanica sont deux choses complètement différentes. Les contextes sont différents. Nous n’en sommes plus au même point ; nous sommes des personnes différentes, d’une certaine manière, nous sommes tout simplement plus matures. Il m’a semblé que ce serait le titre parfait pour un dixième album, et vu où nous en sommes maintenant, vu notre expérience, les combats que j’ai dû mener ces dernières années, mon procès en Pologne, le cancer, il m’a semblé que c’était la déclaration la plus forte d’autonomie et de liberté que nous puissions faire. Je sais que pour certaines personnes, c’est trop radical, ou trop primitif, ou trop ceci, ou trop cela, mais je n’en ai rien à foutre. Pour nous, ça paraissait évident. Quand j’ai trouvé ce titre, je n’ai pas eu l’ombre d’un doute que ce serait le bon. C’est le titre de Behemoth ultime. Je l’adore. Je le trouve parfait.

La pochette de l’album a été réalisée par Denis Forkas. Elle a été peinte avec ton propre sang…

Il a mélangé un peu de mon sang à la peinture qu’il a utilisée pour la pochette, et il a fait un boulot magnifique. C’est un artiste basé à Moscou. Il n’est pas encore très connu pour ce qu’il a fait pour d’autres groupes, ce qui n’est pas plus mal parce que ça rend notre pochette plus unique encore, et c’était l’objectif pour cet album, pour montrer qu’il est très artistique et très unique, très original. Et je suis sûr que ça va l’être, c’est différent de tout ce qu’on peut voir, tu le verras quand il sera sur le marché.

« Il m’a semblé que c’était la déclaration la plus forte d’autonomie et de liberté que nous puissions faire. […] Cet album est l’aboutissement de toute une vie, c’est mon ultime ouvrage en tant qu’artiste. »

Et qu’est-ce que ça symbolisait pour toi de donner ton propre sang pour la pochette ?

Je n’ai pas d’enfants, mais les personnes qui en ont disent toujours qu’ils pourraient mourir pour les leurs… Maintenant, je pense que cet album est l’aboutissement de toute une vie, c’est mon ultime ouvrage en tant qu’artiste, et j’y ai sacrifié beaucoup de choses ; toute ma vie, toute mon expérience, ma philosophie s’y retrouvent, donc si je pouvais faire ou offrir encore plus… Le sang est un symbole de vie souvent offert en sacrifice, donc tu peux considérer ça comme le sacrifice ultime à toute vision artistique.

L’une des chansons de l’album est intitulée « Messe Noire ». Pourquoi as-tu choisi un titre français ?

Pourquoi pas ? [rires] C’est une belle langue. En réalité, c’est une coïncidence. Nous avons été inspiré par une calendrier occulte du XIXe siècle. On m’en a envoyé une version pdf il y a à peu près un an de cela, et en l’étudiant, je suis tombé sur ces mots, « messe noire », et je me suis dit : « Ouah, c’est magnifique, c’est parfait pour cette chanson. » J’ai juste su que ce serait le titre parfait pour cette chanson.

Est-ce que tu parles du « calendrier magique » de Manuel Orazi ?

Je ne sais pas, peut-être… C’est une sorte de compilation de chiffres et de dessins, de trucs un peu dingues ?

Oui !

C’est magnifique ! Donc c’est de là que ça vient !

J’ai entendu dire qu’il y aurait une reprise d’un groupe de punk polonais appelé Siekiera, mais je ne crois pas l’avoir entendu sur l’album…

Oui, tu n’as entendu que les neuf chansons principales, et ce sont des chansons que nous avons composées nous. La reprise sera sur notre EP qui va bientôt sortir [Blow Your Trumpets Gabriel, qui n’était pas encore sorti au moment de cet entretien, ndlr.]. Siekiera est un vieux groupe de punk, ils n’ont sorti que deux albums. Ils ont commencé comme un groupe de punk très agressif, puis ont sorti un album plutôt post-punk, new wave, un peu gothique. C’est une chanson de celui-ci, elle est géniale. Nous l’avons fait sonner comme du Behemoth, mais, je dirais, Behemoth mélangé à Killing Joke avec Dave Grohl à la batterie. C’est comme ça que je perçois notre interprétation de la chanson [rires]. C’est très groovy, très puissant. Je ne sais pas si nous la jouerons pendant la tournée à venir… Sans doute seulement en Pologne parce que c’est une chanson polonaise, mais nous avons vraiment beaucoup de matière donc je ne peux pas encore dire.

Dans la chanson « In The Absence Ov Light », il y a une partie en polonais…

C’est de Witold Gombrowicz. Il doit être connu en France parce que c’est l’un des plus grands auteurs polonais du XXe siècle et sa femme, Rita Gombrowicz, vivait à Paris. Je suis sûr que ses livres ont été traduits en français, ils doivent l’être puisqu’il a vécu un moment en France avant de mourir. Je ne sais pas, cherche le sur Google et tu verras si tu trouves quelque chose sur lui ! Mais oui, c’est une citation de lui que j’ai utilisée, elle est magnifique. C’est très difficile à traduire parce qu’il a créé son propre style d’écriture. Essayer de le traduire, c’est déjà échouer parce que c’est tellement difficile… Mais c’est un passage vraiment beau et touchant où le poète en tant qu’être humain apparaît réduit à sa faiblesse et à ses besoins, il apparaît comme un être humain fatigué par tous ces dieux, ces endoctrinements, ces doctrines et ces dogmes, qui insulte Dieu et toute forme d’idéologie et de pensée, et qui demande simplement un autre être humain, qui a un besoin fou de cette interaction, qui a besoin d’amour, tout simplement, d’amour inconditionnel.

Un peu plus tôt, tu disais que cet album est ton œuvre d’art ultime. Qu’est-ce qu’il te restera à faire après, alors ?

Je ne sais pas, c’est trop tôt pour le dire. L’un de mes principes de vie est de vivre ici et maintenant. Le futur est évidemment très important à mes yeux, mais je n’y réfléchis pas longtemps à l’avance. Je prévois les mois à venir, c’est tout. Je suis très content de cet album, je suis content de te parler, je suis content d’entendre les retours à propos du disque et j’ai vraiment hâte de l’offrir au public, mais je me concentre sur l’instant présent, et j’essaie de profiter au maximum d’aujourd’hui pour faire de ma vie une expérience la plus complète possible. Qui sait ce que le futur apportera ? [rires]

« Dans le futur, je m’investirai dans de la musique qui n’a rien à voir avec le metal et j’en ferai sans doute quelque chose que je sortirai. […] parce que je m’intéresse à plein de genres musicaux, tout simplement ! »

Tu as joué dans une comédie polonaise sur le nazisme (AmbaSSada). Est-ce que tu peux nous raconter comment tu t’es retrouvé impliqué dans ce projet ?

Oui ! Ça a été une drôle de coïncidence. Le réalisateur a lu une interview que j’avais faite pour la version polonaise de Newsweek, une longue interview qui était en couverture. Il m’a juste envoyé un SMS pour me dire qu’il aimait ma façon de penser. Ça a commencé comme ça. Nous nous sommes rencontrés quelques semaines ou quelques mois plus tard. Il a commencé à me parler du scénario, de ses idées pour le film et ça m’a bien plu, donc il m’a envoyé le scénario, je l’ai lu, nous en avons discuté et il m’a proposé le rôle. Je joue l’un des quatre personnages principaux, et ça rend vraiment bien… à mon avis en tout cas [rires]. Bien entendu, tout le monde a sa propre opinion là-dessus. Je suis très heureux de l’avoir fait. Quant à savoir si je vais continuer, je ne sais pas. Peut-être qu’être sur le grand écran est destiné à rester une expérience unique, peut-être que je vais continuer dans cette direction, je n’en sais absolument rien ! Comme je le disais, j’ai un nouvel album qui va sortir et j’ai envie de tourner autant que je pourrai pour celui-là.

Ces dernières années, tu as été très occupé puisque tu t’es investi dans des projets très variés, comme ce film ou encore un album de country. À quoi peut-on s’attendre de ta part à l’avenir ?

À chaque fois que je me consacrerai à des side-projects à côté de Behemoth, je sais que les fans vont râler : « Fais de la nouvelle musique, fais de la nouvelle musique, arrête avec tes autres projets, donne-nous de la nouvelle musique ! », donc… Faire tous ces projets a définitivement été une super expérience pour moi et j’ai toujours fait ce qui me tenait à cœur, mais il a aussi été annoncé officiellement que quand je sortirai un album, je m’y consacrerai complètement, et c’est ce que je fais en ce moment. Là, je ne vais pas faire grand-chose en dehors du groupe. Je vais faire la promo de The Satanist aussi longtemps que je le pourrai.

OK, et pour quelle raison t’es-tu tourné vers beaucoup de projets non metal ces derniers temps ?

Je suis une personne assez ouverte d’esprit, je m’intéresse à beaucoup de choses. Dans le futur, je m’investirai dans de la musique qui n’a rien à voir avec le metal et j’en ferai sans doute quelque chose que je sortirai. Mais oui, parce que je m’intéresse à plein de genres musicaux, tout simplement !

Ces dernières années, tu es devenu très populaire, grâce à Behemoth mais aussi grâce à des émissions de télé en Pologne. Certains fans de metal s’en plaignent parce qu’ils pensent qu’on ne peut pas être une « star » et jouer de la musique extrême en même temps. Qu’as-tu à répondre à ça ?

Rien, vraiment. J’ai mon opinion, ils ont la leur. Je la respecte [rires].

Peux-tu nous parler un peu de votre tournée en Europe au début de l’année ?

Bien sûr ! Nous jouerons évidemment à Paris, au Bataclan. C’est une chouette salle, nous y avons joué avec Cannibal Corpse la dernière fois et le show avait été putain de spectaculaire. J’ai hâte d’y retourner. Nous avons une affiche controversée mais géniale et très variée. Beaucoup de gens détestent le fait que nous nous joignions à Cradle Of Filth pour cette tournée, mais honnêtement, je trouve que c’est la combinaison parfaite. Et le fait que nous ajoutions à cela ces groupes underground très prometteurs, très différents mais tous de très bons artistes comme Inquisition et In Solitude rend cette tournée vraiment, vraiment formidable. J’adore ça, j’ai vraiment hâte de commencer. Ça va être génial.

Interview réalisée en face-à-face le 20 novembre 2013 par Chloé.
Fiche de questions : Spaceman et Metal’O Phil.
Retranscription et traduction : Chloé.
Introduction : Alastor.

Site internet officiel de Behemoth : www.behemoth.pl

Album The Satanist, sortie le 7 février 2014 chez Nuclear Blast Records.



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  • kinchaos.groscon dit :

    les problèmes appartiennent au passé, jspr oui…. ça fait flipper cette putain de maladie. et faut faire gaffe aux rechutes à 5 ans. Behemoth évolue autant que Ulver selon moi. ils ont commencé Black et sont arrivés à nous sortir un des plus grands albums de death qu’est Demigod, et mtn ils nous sortent du son lourd digne d’un grand groupe de DOOM.

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  • Hâte d’entendre cette album. On se retrouve au Bataclan !

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