Imaginaerum est un véritable conte féerique. Premier long-métrage de Stobe Harju, dont le scénario est basé sur les idées de Tuomas Holopainen. Ce film concrétise enfin les rêves de l’homme à chapeau de Nightwish : offrir un second support artistique à l’œuvre musicale des Finlandais. La boucle est ainsi bouclée. Le film apporte le contrepoids, l’équilibre et la cohérence finale à Imaginaerum, l’œuvre audio qui a précédé celle sur pellicule.
Et, au même titre que l’album qui lui a montré une réelle cohésion malgré sa diversité musicale, ce Imaginaerum s’impose comme un véritable film cohérent et non comme un simple et léger téléfilm de Noël ou autre nanar que l’on pourrait voir un mardi soir sur la TNT.
L’ambition de Holopainen est concrétisée. C’est une véritable réussite – à son échelle toutefois – et Nightwish élargit assurément son panel artistique. « Mon objectif a toujours été de créer le type de musique que l’auditeur pouvait visualiser autant qu’écouter » nous confiait Tuomas en interview en octobre 2011 à propos de « cette idée ambitieuse [qui lui] est venue à l’été 2007 ». Six ans plus tard, le résultat final est là. Concret et étonnamment bien maîtrisé.
Petit retour sur le synopsis de ce film : « Imaginaerum relate l’histoire d’un compositeur âgé, Tom, qui souffre de démence sévère. Étant malade depuis plusieurs années et ayant régressé vers l’enfance, il ne se souvient pratiquement plus de sa vie adulte. Sa musique, ses amis, tout son passé y compris les souvenirs de sa fille ne sont plus que flous dans son esprit fragile. Tout ce qui lui reste est l’imagination d’un garçon de dix ans. Comme il tombe dans le coma, il semble impossible de retrouver ce qu’il a oublié. Tom voyage dans son monde imaginaire, à la recherche de réponses et trouvant des souvenirs, pendant que sa fille, Gem, essaie de recréer les liens qu’elle avait autrefois partagés avec son père dans le monde réel. Comme ils étaient devenus de plus en plus distants l’un de l’autre les années passant, et comme il y a des obstacles encore plus grands qui les séparent maintenant (le coma de Tom et sa mort proche), les plans de Gem semblent voués à l’échec. Cependant, à travers les plus sombres secrets de Tom, Gem découvre le chemin qu’elle doit suivre pour retrouver son père à nouveau. »
Les bases sont donc clairement établies : Imaginaerum évolue dans un univers parallèle, celui du rêve, en un voyage intérieur aux racines féeriques croisant la noirceur poétique d’un Tim Burton à la fantaisie aux allures de comédie musicale telles que Disney savait le faire (et qu’admire Holopainen). Une composante musicale qui, de facto, semble logique puisque l’album a été la base de ce film. De plus, Nightwish a toujours ratissé un champ féerique intrinsèquement lié au metal dit « symphonique ». Sur le plan visuel, l’œuvre se développe donc dans un univers principalement fictif et numérique, représentation de l’imaginaire du personnage principal. Tout y est grandiloquent, démesuré (à l’image du Alice de Tim Burton). Tout y est sombre et alambiqué. A l’image du récit.
D’ailleurs, ce sentiment de déstructuration du récit par l’alternance des passages entre monde réel et monde du rêve peut déstabiliser. En effet, la situation initiale (présentation des personnages, description de leurs caractéristiques, lieu ou cadre dans lequel se déroule l’action, etc.) peine à vraiment se mettre en place. Mais, il faut savoir rester indulgent puisque, au-delà d’un scénario somme toute bateau (on n’est pas non plus dans Memento ou Inception de Nolan), sa mise en scène s’avère grandement travaillée et complexe, sa construction narrative alambiquée n’est finalement que la métaphore du rêve, et ce simple travail de caméra et de post-production apporte la plus-value de ce film – le distinguant de suite de toute une frange quelque peu pauvre du cinéma où on ne fait qu’apporter une caméra sur une histoire – et ce malgré son budget d’un peu moins de 4 millions de dollars.
Imaginaerum impose donc un univers personnel créé de toute pièce par un homme : Tuomas Holopainen. Car, si la réalisation de ce film est l’œuvre de Stobe Harju – qui a déjà œuvré aux côtés de Nightwish pour le clip de « The Islander » – le maître à penser de tout ce cirque reste le clavier et principal compositeur du combo que l’on sent aux côtés du réalisateur à donner ses impressions et idées. Car, au-delà de la musique du film, Tuomas (ainsi que le reste de la bande) joue – quasiment – son propre rôle ; cependant poussé à l’extrême (transformé un musicien fou obnubilé par sa création, au détriment de sa famille). Et bien que la triste fin de l’ère Anette Olzon au sein de Nightwish ne s’était pas encore profilée à l’horizon à l’époque du tournage et, bien en amont, lors de l’écriture du scénario, Imaginaerum dépeint également un groupe secoué par des soucis internes liés à deux de ses membres : le compositeur principal et sa chanteuse (Ann, interprétée par Joanna Noyes à 73 ans et par Anette Olzon elle-même à l’âge de 32 ans). Muni de cette connaissance a posteriori, la fable tend alors vers le témoignage ; bien que l’axe central du film ne réside pas dans cette intrigue qui n’est qu’un élément narratif.
Au final, pour être objectif sur la profondeur de ce film il faudrait être totalement détaché du groupe et de son actualité. Or, ce film se comprend également et principalement grâce et par Nightwish même. Et là réside la force première du film : apporter une réelle cohérence entre deux œuvres aux racines communes mais qui sont exprimées par deux vecteurs différents. Il y a un certain plaisir enfantin à voir les titres « Slow, Love, Slow » et « Scaretale » (dont le break central fait définitivement penser à une bande son d’un Tim Burton) interprétés dans leur intégralité et finement incorporés au scénario (même si cela ne se comprend qu’à la fin du film). D’ailleurs, même s’il n’est toujours pas garanti d’obtenir Imaginaerum dans une version française ou autrement qu’en import, ce film se regarde dans sa version originale afin d’avoir les sous-titres des paroles des chansons qui, elles aussi, apportent un plus au scénario (renforçant un peu plus ce lien album/film). Ajoutez à cela la multitude de détails essentiels à l’intrigue qui grouille à chaque plan de ce véritable tableau visuel et expressif, et vous obtenez un bon et agréable moment cinématographique, avec une réelle densité, plusieurs axes d’analyses qui, paradoxalement, s’associent à une légèreté et une féerie simple (pas forcément simpliste) qui font que ce Imaginaerum comblera très certainement, fans, cinéphiles ou simples néophytes et autres curieux.
Merci Alastor pour cette chronique pertinente !
Ce que je trouve extraordinaire dans Imaginaerum n’est pas tant le film en soi. Il ne va pas révolutionner le monde du 7ème art (même s’il est fichtrement bien foutu !), mais il va peut-être mettre un sacré coup de pied dans la conception même du concept-album.
A quand une comédie musicale, une pièce de théâtre, un mausolée (ah non, ça c’est déjà fait), un cirque ou un parc d’attractions adaptant un concept album ou l’univers d’un groupe ? (quoi, Devin Townsend ne l’a pas encore fait ?)
Le metal n’arrêtera pas de nous surprendre…!
Prochaine étape avec le père Thuomas : la jeunesse de Picsou (par Don Rosa) interprétée en musique.
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Salut, je l’ai regardé hier en streaming (oui pas bien mais trop tentant.. en VOSTFR en plus) et j’ai beaucoup aimé l’ambiance général de ce film !
Les passages du groupe sont magiques et collent exactement avec l’ambiance « un peu glauque et décalée » du film.
Film à voir !
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Perso, je l’ai trouvé en téléchargement (VASTFR). suffit d’utiliser un peu Google ^^. Oui bouuuh c’est mal le téléchargement, mais c’est le seul moyen d’avoir des sous titres FR. Mais pour ceux qui ont les moyens, ils peuvent acheter la version anglaise sous titrée anglaise sur amazon.
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Bon Synopsis !
Ça me rappelle un jeu sur Xbox, Eternal Sonata, un trés bon jeu où le compositeur Chopin gravement malade nous faisait découvrir son monde imaginaire en incarnant un petit garçon qui voyageait de mondes en mondes.
Dommage qu’il ne soit pas en français !
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Bon synopsis !
Ça me rappelle un jeu sur Xbox, Eternal Sonata, dont l’histoire est ressemblante. En effet, on était dans l’imaginaire du compositeur Chopin qui gravement malade nous faisait découvrir son monde imaginaire à travers un enfant.
Dommage que ce film ne soit pas en français.
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C’est bien joli tout ça mais comment fait on pour le regarder ce chef d’oeuvre ?
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Si on parle anglais, on achète le DVD sur le Nightwish Shop. Si on ne parle pas anglais, c’est raté, il n’y a pas de sous-titres français sur le DVD…
Il ne passera pas par la case cinéma je suppose dans notre « bon » vieux pays? Même en VO?
@Lone : je crois qu’il a été diffusé en tout et pour tout dans deux salles en Allemagne… Autant dire qu’il ne faut pas y compter en France.
buc
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