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Live Report   

Nightwish : escapade dans un monde virtuel


An Evening with Nightwish In a Virtual World 2021Qu’on le veuille ou non, depuis désormais un peu plus d’un an, les livestreams sont solidement ancrés dans le paysage. Si certains groupes se sont lancés dès les premiers mois de la pandémie, d’autres, plus frileux face au concept ou peut-être plus optimistes quant au retour prochain de la « vie normale », ont préféré temporiser et prendre le train du concert virtuel à la fin du voyage.

En salle, en studio, en acoustique, en tout pareil que d’habitude mais simplement sans public, en version intimiste et dépouillée, en mode grandiose et démesuré… Les possibilités ne manquaient pas, mais soyons honnêtes, en quinze mois de concerts à la maison, on pensait avoir fait le tour. Enfin, ça, c’était avant que Nightwish ne pense au dernier joujou technologique en vogue : la réalité virtuelle.

Contraints de reporter deux fois leur tournée, les champions incontestés du metal symphonique ont finalement choisi de défendre Human. :||: Nature. en live pour la toute première fois depuis The Islander’s Arms, une taverne virtuelle spécialement imaginée par Janne « Toxic Angel » Pitkänen, déjà responsable des visuels de plusieurs albums et vidéos du groupe. En fait de « taverne », le décor virtuel s’apparente davantage à un observatoire steampunk abandonné, perché au bord de cascades dont les dimensions donneraient des complexes aux chutes du Niagara. Et parce qu’on ne saurait imaginer d’univers rétrofuturiste sans dirigeable, c’est un magnifique zeppelin, le bien nommé « Spirit Of Punk », qui dépose le groupe dans cette salle de concert d’un genre nouveau. L’identité steampunk, déjà largement présente dans l’univers visuel de Nightwish ces dernières années, est désormais totalement assumée et permet d’espérer de grandes choses en termes de production scénique.

Cette débauche de technologie étant déployée pour deux concerts, c’est l’occasion pour le groupe de proposer deux setlists sensiblement différentes. Sans surprise, les titres de Human. :||: Nature. représentent un bon tiers du programme. Si les singles que sont « Noise » et « Harvest » ont le droit de revenir en deuxième soirée, « Tribal » est quant à elle évincée par « Pan », histoire sans doute d’offrir à un maximum de nouvelles chansons leur baptême du feu (des projecteurs). Mention spéciale à « How’s The Heart », interprétée une première fois dans une version acoustique par Floor Jansen et Troy Donockley, puis reprise le lendemain par l’ensemble du groupe dans sa version album. Pour les fans de la première heure, le reste de la setlist fait l’effet d’une machine à remonter le temps et des titres qui n’avaient pas revu la scène depuis des années s’offrent une nouvelle jeunesse entre les cordes vocales expertes de Floor. La présence inattendue de « Bless The Child » ou « 7 Days To The Wolves » au programme a quelque chose d’un peu étourdissant, mais après tout, l’inattendu est bien le propre des mondes qui n’existent pas !

À ce sujet, les designers ont véritablement mis les petits plats dans les grands, et force est de reconnaître que les décors virtuels sont superbes. Loin d’être statiques, ils évoluent au fil des chansons, passant des cascades de lave de « Planet Hell » aux paysages enneigés de « Storytime » et à l’éclipse de « Sleeping Sun ». Avec ses arbres grandioses et ses bougies suspendues dans les airs (Poudlard et Nightwish ont manifestement les mêmes fournisseurs en matière de déco), l’intérieur de la taverne-observatoire ne fait que renforcer le sentiment d’avoir mis les pieds dans un univers de fantasy pour un moment de détente avec les meilleurs bardes de la contrée. Pour le groupe, privé de public et entouré d’écrans verts, l’exercice doit être particulièrement déconcertant. Pour le public, ce n’est rien de moins qu’un régal sonore et visuel.

Si les écrans verts constituent aujourd’hui la base du décor de tout bon film de SFFF, ils présentent en revanche un inconvénient dans le cas d’une prestation live : le statisme. L’espace scénique étant limité, pas question pour les musiciens de se déplacer comme bon leur semble. Le guitariste Emppu Vuorinen, grand habitué du sprint permanent d’un bout à l’autre de la scène, est le premier à en faire les frais, même s’il ne peut s’empêcher d’aller rendre visite aux collègues lorsque l’immobilité se fait trop dure à supporter. Malgré une année de chômage technique, Nightwish n’a rien perdu de sa superbe et la performance musicale est au rendez-vous : même si les interactions avec le public sont inexistantes, Floor Jansen se contentant de réciter quelques lignes de dialogue entre les chansons, la frontwoman donne de la voix comme en plein Wacken et les autres membres du groupe semblent trop heureux de se retrouver pour donner autre chose que le meilleur d’eux-mêmes. Niveau réalisation, si Floor est évidemment le centre de l’attention, aucun musicien, quel que soit son niveau d’ancienneté dans l’institution Nightwish, n’est laissé de côté et chacun a droit à son coup de projecteur.

Puisque nous en sommes à évoquer les différents membres du groupe, arrêtons-nous sur l’éléphant dans la pièce : l’absence de Marco Hietala, bassiste et voix masculine du combo depuis 2001, dont la démission, début 2021, a poussé Tuomas Holopainen à envisager l’arrêt pur et simple de Nightwish. Présenté au public dans le cadre d’une interview d’une trentaine de minutes juste avant le premier concert, le nouveau bassiste de session, Jukka Koskinen de Wintersun, avait annoncé la couleur : lui ne chantera pas. Dorénavant, exit de la setlist, donc, des titres emblématiques comme « The Islander » ou « While Your Lips Are Still Red », trop associés à Marco. Et si cette annonce a sans doute pu inquiéter plus d’un fan, pour qui l’homme à la barbe fourchue était devenu un contrepoint indispensable à la voix féminine, au bout d’environ quarante-cinq minutes de concert virtuel, une constatation s’impose : Marco est irremplaçable, certes… mais peut-être pas indispensable. Floor assure ainsi avec brio l’intégralité de « Planet Hell », tandis que Troy Donockley se charge des chœurs et du chant masculin lorsque d’autres chansons l’exigent. Des titres tels que « 7 Days To The Wolves » ou « The Greatest Show On Earth » fonctionnent parfaitement malgré le timbre moins agressif de Troy, et l’absence de Marco ne laisse pas le vide vocal béant que l’on aurait pu redouter. Il faudra sans doute attendre l’épreuve du « vrai » live pour se faire une idée définitive, mais dans le cadre de ces concerts plus intimistes, les accents folk de Troy font des merveilles. Quant à Jukka, manifestement conscient de sa chance comme de sa responsabilité, il semble déjà parfaitement intégré à son groupe d’adoption, comme en témoignent ses visites discrètes mais conviviales à Emppu et Tuomas tout au long des deux concerts.

Après près de une heure quarante-cinq de show et des visuels passés par tout le nuancier météorologique imaginable, le soleil revient sur la taverne pour célébrer la fin du spectacle et, si l’on en juge par le soulagement et l’émotion de Tuomas au moment des embrassades finales, la résilience d’un groupe qui a su, une fois de plus, échapper de justesse à l’implosion. Pendant que les premières notes de « Ad Astra » retentissent, les musiciens s’asseyent au milieu de la « scène » pour finir ce que peuvent bien contenir leurs tasses, puis Floor retourne au micro le temps des vocalises finales. La nuit finit par tomber sur The Islander’s Arms et le dirigeable repart, emportant le groupe avec lui jusqu’aux rives du monde réel.

En deux soirs, Nightwish aura réussi l’exploit de représenter l’intégralité de sa discographie (à l’exception du tout premier album, Angels Fall First), de conjuguer démesure et intimité, et d’établir de nouvelles normes en matière de livestream. Une prouesse pas si étonnante que cela, finalement, de la part d’un groupe qui ne cesse de repousser les limites du genre depuis bientôt vingt-cinq ans.

Setlist du premier show :

01. Music (intro)
02. Noise
03. Planet Hell
04. Tribal
05. Élan
06. Storytime
07. She Is My Sin
08. Harvest
09. 7 Days To The Wolves
10. I Want My Tears Back
11. Bless The Child
12. Nemo
13. How’s The Heart (version acoustique)
14. Shoemaker
15. Last Ride Of The Day
16. Ghost Love Score
17. The Greastest Show On Earth
18. Ad Astra (outro)

Setlist du second show :

01. Music (intro)
02. Noise
03. Planet Hell
04. Alpenglow
05. Élan
06. Storytime
07. How’s The Heart (version album)
08. Harvest
09. Dark Chest Of Wonders
10. I Want My Tears Back
11. Ever Dream
12. Nemo
13. Sleeping Sun
14. Pan
15. Last Ride Of The Day
16. Ghost Love Score
17. The Greast Show On Earth
18. Ad Astra (outro)



Laisser un commentaire

  • J’ai regardé ce live il y a quelques jours.
    Je vais encore casser du sucre sur le dos de Nightwish (désolé Tiphaine !), mais j’ai eu l’impression de voir un cover band.

    Je ne comprends pas pourquoi Tuomas a choisi Jukka Koskinen, alors qu’il s’était « débarrassé » de Sami, à l’époque, en partie parce qu’il était trop effacé, en retrait ; Jukka K. reste dans son coin, la tête baissée, finalement j’ai l’impression de revenir 20 ans en arrière, avant que Marko n’arrive. Ajouté à cela que Marko assurait le 2nd chant de façon magistrale, il me manque d’autant plus.
    Et parlons-en, du 2nd chant : Troy ne suffit pas. C’est flagrant sur « I Want My Tears Back ». Et sur « Planet Hell », où Floor chante les 2 parties (masculin & féminin), c’est ridicule ; quelqu’un qui ne connaît pas le morceau va se demander pourquoi elle change d’intonation à ce point entre 2 couplets. Et quand je me suis repassé la version « End Of An Era » juste derrière, j’en ai eu des frissons tellement c’était meilleur.

    Jukka (Nevalainen) me manque aussi, je déteste le style de Kai, mais là c’est un ressenti plus personnel.
    Et Floor, j’en ai déjà parlé, elle est très impressionnante, mais je préférais encore Anette (je ne vais pas relancer le débat, pour moi Tarja est LA chanteuse de Nightwish, mais je respecte l’opinion de chacun).

    Bref, je n’ai vraiment pas apprécié le concert, bien que les images, les décors, les changements d’ambiance, étaient très réussis, même magiques (vraiment, j’ai été impressionné par la D.A., même si la technique fait un peu « cinématique PS2). Malheureusement, je pense que c’est la seule chose qui m’a fait rester jusqu’au bout, et c’est quand même bien dommage car le principal, c’est la musique ; et là, encore une fois, j’ai été déçu par Nightwish, qui est quand même dans mon top 5 depuis 20 ans (mais il ne tient cette position que grâce à son passé, tout comme Aerosmith d’ailleurs).

    Du coup j’ai profité du changement de date du concert à Paris pour me faire rembourser. Et pour un gros fan comme moi, ça représente quelque chose, quand même.

    Je vais attendre une dizaine d’années, ils feront peut-être une « réunion » à la Guns N’ Roses ou Helloween, en rappelant Tarja, Marko et Jukka N. (bordel, ce line-up de fou sur « End Of An Era », quand même, c’était quelque chose). 😋

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    Tiphaine

    Mais pas de souci, je n’ai aucun problème avec les gens qui ont des opinions différentes des miennes, surtout quand c’est étayé par de vrais arguments bien propres.;)

    Pour Jukka K., je lui laisse encore le bénéfice du doute : c’étaient quand même ses 2 premiers concerts avec un groupe d’une envergure et d’une notoriété autrement supérieures à ce dont il a l’habitude avec Wintersun. On verra bien au Hellfest et en novembre si ça change ou pas. De toute façon, il n’est toujours officiellement que bassiste de session, il y a moyen de le remplacer par la suite si Tuomas trouve que ça ne colle pas. Là il fallait vraiment juste mettre quelqu’un à la basse pour cette tournée…

  • Erratum: c’était Bless The Child, et non Beauty of the Beast au premier concert.

    [Reply]

    Spaceman

    C’est corrigé, merci ! 🙂

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