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Interview   

Nightwish : la nouvelle étape dans son évolution


Nightwish 2015« J’ai donné à ce principe, en vertu duquel une variation si insignifiante qu’elle soit se conserve et se perpétue, si elle est utile, le nom de sélection naturelle » affirmait Charles Darwin dans son fameux ouvrage fondateur De L’Origine Des Espèces, pour expliquer qu’un changement chez une espèce perdurait s’il constituait une force et donner à ce phénomène un nom. Voilà un principe qui aujourd’hui sied fort bien à Nightwish qui, non seulement signe avec son nouvel opus Endless Forms Most Beautiful un ambitieux concept inspiré par la vie et son évolution, mais aussi a fait preuve d’adaptabilité face aux lourds problèmes d’insomnies de son batteur Jukka Nevalainen et s’est surtout particulièrement renforcé en ayant officiellement intégré la polyvalente chanteuse Floor Jansen et le multi-instrumentiste Troy Donockley. Deux ajouts au line-up du groupe qui ont fait le plus grand bonheur du claviériste et compositeur principal Tuomas Holopainen, comme il nous l’avoue ci-après en compagnie, justement, de sa nouvelle recrue Floor.

Il y a un an et demi Tuomas, seulement quelques jours après l’annonce officielle, nous expliquait comment cette nouvelle évolution dans l’histoire de Nightwish s’était faite. Un an et demi et une bande son sur les aventures de l’Oncle Picsou plus tard, Nightwish crée l’événement avec son huitième et très attendu album. Tous les fans sont déjà depuis des mois dans les starting-blocks à décortiquer chaque nouveau bout de musique dévoilé, à dévorer chaque mot qui pourra leur donner un avant-goût de la direction musicale de l’opus et des performances de la troisième chanteuse du combo.

On parle donc de tout ceci avec Tuomas et Floor, abordant dans la foulée la question du téléchargement (suite à un message du groupe dénonçant la fuite de son premier single « Élan » il y a quelques semaines) et plus généralement l’ « expérience de la musique » et le rôle de l’éducation dans celle-ci, sujet qui leur tient visiblement très à cœur.

Nightwish 2015

« Tu dois agir en fonction de ce que les chansons réclament et non faire les choses parce que tu peux les faire. »

Jukka a dû se retirer de l’enregistrement de l’album et de la tournée à venir. C’est la première fois dans l’histoire du groupe qu’un membre doit partir pour des raisons de santé. Quel est ton sentiment à propos de cette situation ?

Tuomas Holopainen (clavier) : Je suis toujours terrifié et triste parce que les choses allaient vraiment très bien pour Nightwish pendant un bon moment, lorsqu’elle (Floor Jansen) est montée à bord fin 2012 et a continué le reste de la tournée avec nous, suivi du DVD live, du processus de composition et des débuts des répétitions pour le nouvel album. C’était un bonheur absolu et ensuite ceci s’est produit. On dirait que nous ne nous débarrassons jamais de l’agitation dans le groupe [petits rires]. Mais il faut aussi que nous disions que c’était une décision très courageuse et altruiste de la part de Jukka parce qu’il s’est rendu compte qu’il n’était plus capable de fonctionner à cent pour cent à cause de sa maladie dont il souffre depuis plus de dix ans. Il a fait ceci pour le bien de tout le groupe et de l’organisation. Mais je l’ai rencontré il y a trois semaines – il est venu chez moi faire un tournoi de poker en ligne – et je ne l’avais pas vu aussi en forme et heureux depuis des lustres. Il va donc bien mieux en ce moment mais Kai fera quand même toute la tournée à venir. Laissons le prendre une grande respiration.

Sera-t-il en mesure de revenir en tant que membre à part entière de Nightwish ?

Personne ne le sait mais tout le monde l’espère !

Est-ce qu’il se charge toujours de tout le côté business de Nightwish comme il le faisait jusqu’alors ?

Oui, il est très impliqué. C’est pour ainsi dire le PDG de l’entreprise du groupe. Dans le groupe, il se charge de toutes les problématiques liées au merchandising et financières, ainsi que toute la paperasse. C’est donc un membre du groupe super important, et c’est ce qu’il est : il est toujours un membre du groupe.

Que penses-tu de son remplaçant Kai Haito ? Comment va-t-il avec Nightwish ?

Eh bien, étant donné les circonstances, ça n’aurait pu être mieux ou plus facile. Mais Kai est un professionnel ultime. Nous le connaissons depuis des années et nous savions qu’il aurait les compétences, la personnalité et la motivation pour faire ça. Nous étions juste un peu inquiets quant à savoir s’il aurait le temps pour faire ça. Mais étant donné où en sont Swallow The Sun et Wintersun pour le moment, il pouvait le faire. Nous avons eu un coup de chance par rapport à ça.

Floor, ça fait maintenant deux ans que tu as rejoint Nightwish et tu as tourné avec le groupe avant de faire un album. Est-ce que, d’un côté, ça t’a aidé à bien rentrer dans l’esprit de Nightwish et, d’un autre côté, ça a aidé le groupe à mieux te connaître toi et tes capacités avant d’entamer le processus créatif ?

Floor Jansen (chant) : Je crois que, pour ma part, ouais, c’est certain. C’est super d’avoir déjà pu voir tous les aspects de l’atmosphère du groupe et d’avoir pu en faire partie assez longtemps pour vraiment, vraiment pouvoir le comprendre. Et ensuite, évidemment, pendant la période de répétitions et d’enregistrements, tu vois toutes les facettes différentes de chacun. Nous utilisons le temps différemment. Nous voyons la créativité différemment. Mais, somme toute, ça a rendu les choses plus faciles.

Tuomas : D’accord à cent pour cent ! [Rires]

Nightwish a débuté avec une chanteuse lyrique, a ensuite eu une chanteuse plus pop, et maintenant avec Floor, on dirait que le groupe obtient le meilleur des deux mondes, dans la mesure où elle peut tout faire et possède un spectre vocal très large. Est-ce que sa voix et ses capacités t’ont inspirés, Tuomas, dans la musique que tu écrivais et est-ce que Tuomas t’as poussé, Floor, à utiliser tout le spectre de ta voix ?

Ça aide de savoir qui chantera ces chansons, ça c’est certain. Mais en tant que chanteuse, elle est tout ce qu’il y a de plus polyvalent, du coup je ne me suis pas du tout senti restreint. Mais oui, nous voulions la mettre au défi, particulièrement pour chanter d’une manière plus éthérée et douce, ce qu’on n’a pas vraiment beaucoup entendu de sa part dans After Forever et Revamp. C’est quelque chose qui m’inquiétait vraiment et elle aussi…

Floor : Ouais !

Tuomas : En fait, il se peut que ça surprenne qu’elle n’utilise pas tant que ça sa voix lyrique sur l’album. Mais c’était aussi quelque chose que nous avons essayé sur quelques chansons dans le studio de répétition et ça n’a simplement pas fonctionné. Je veux dire que tu dois agir en fonction de ce que les chansons réclament et non faire les choses parce que tu peux les faire.

Nightwish 2015

« Je me considère sérieusement comme étant le compositeur le plus chanceux de la planète, en étant entouré d’un groupe comme celui-ci. […] Je n’ai absolument jamais à me demander si c’est faisable ou pas. »

En 2013, tu nous avais dit que grâce à sa grande polyvalence, Troy Donockley t’avait donné des outils supplémentaires en tant que compositeur. Ceci est son premier album en tant que membre officiel du groupe. Quel a été son apport et comment est-ce que ça a évolué sur cet album ?

Le fait qu’on l’ait officialisé en tant que membre du groupe n’a pas changé quoi que ce soit. Il était déjà pas mal un membre du groupe parce qu’il a tourné avec nous pendant toute la tournée Imaginaerum. Simplement, ça paraissait injuste de continuer sans qu’il soit un membre du groupe car nous savions qu’il serait toujours là, qu’il aurait toujours une partie à jouer et un rôle à jouer dans le groupe. Je me considère sérieusement comme étant le compositeur le plus chanceux de la planète, en étant entouré d’un groupe comme celui-ci. Une voix féminine et deux voix masculines qui peuvent chanter presque tout, ce qui est… [Petits rires] Tout est possible ! Je n’ai pas du tout à me sentir restreint. Je n’ai absolument jamais à me demander si c’est faisable ou pas : « Est-ce qu’il peut jouer ça ? Est-ce qu’elle peut chanter ça ? » Rien. Quelle sacrée liberté ça représente !

Est-ce que tu te sens restreint par d’autres choses, comme ce que les gens penseront lorsque Nightwish emprunte une direction inhabituelle ? Je veux dire que la dernière chanson de l’album part dans tous les sens, même pour Nightwish… Est-ce que tu te sens limité par ce que les gens pourraient attendre de toi ?

Non. Composer et faire un album avec un groupe c’est quelque chose de très, très égoïste. J’estime que ce devrait être quelque chose d’égoïste. Pour aller jusqu’aux extrêmes, je ne crois même pas que pendant le processus de composition solitaire tu devrais penser aux autres membres du groupe. C’est la seule façon pour que la musique et les paroles soient aussi honnêtes que possible. Ensuite on travaille ensemble les chansons avec tout le groupe et on essaye de faire en sorte que ça plaise à tout le monde autant qu’il est humainement possible, mais on ne pense jamais aux commentaires ou aux critiques ou aux réactions des fans. C’est vraiment une mauvaise manière d’aborder ça.

En 2013 tu nous avais dit penser « faire un pas en arrière ». « Pas d’un point de vue musical ou artistique, mais ce sera sans doute un album plus terre-à-terre, un peu plus old-school. […] Plutôt quelque chose de plus orienté groupe. » Penses-tu que l’album soit fidèle à ton idée d’origine ou est-ce que ça a changé au cours du processus créatif ?

La dernière fois que nous nous sommes parlé, j’avais déjà terminé quelques chansons, donc à ce moment j’avais déjà une idée d’où nous allions. C’est donc pour ça que je t’avais parlé de ça, d’être un peu plus old-school. Je pense effectivement que nous y sommes parvenus avec cet album. Tous les éléments caractéristiques de Nightwish sont toujours là mais il y un fort côté à la Oceanborn et Once qui peut être entendu sur cet album, pour des raisons que je ne peux pas vraiment expliquer.

La chose qui saute aux oreilles en écoutant l’album c’est à quel point les claviers et les guitares sont présents par rapport à Imaginaerum ou même l’album précédent. Parce qu’à un moment donné ces instruments étaient, non pas perdus, mais un peu cachés derrière l’orchestre et pour la première fois depuis un moment on peut les entendre, pas seulement en tant que soutiens à l’orchestre mais en tant qu’instruments à part entière, si tu vois ce que je veux dire…

Ouais, peut-être que les chansons réclamaient ce genre d’approche. Je ne sais pas vraiment. Il y a une raison pour que l’album Imaginaerum soit si cinématographique et orchestral, c’est parce que nous avons fait un film pour aller avec, du coup il fallait vraiment que ça sonne un peu comme une bande originale de film. Il sonne exactement comme nous voulions qu’il sonne, je n’essaie pas du tout de le renier. Mais puisque nous avions deux nouveaux membres dans le groupe, ça paraissait une très, très bonne chose, dans tous les sens du terme, de peut-être ramener ce sentiment de groupe, peut-être moins utiliser l’orchestre comme c’est le cas sur cet album.

Imaginaerum était d’ailleurs un album très spécial pour Nightwish, dans la mesure où il a été écrit pour un film et explorait du coup de nouvelles influences que vous n’auriez peut-être pas explorées naturellement. Est-ce que cette expérience avec cet album et ce que vous en avez appris a influencé, d’une manière ou d’une autre, le processus de composition d’Endless Forms Most Beautiful ?

Peut-être dans le sens où avec cet album nous avons atteint le sommet de la part orchestrale et cinématographique ultime du groupe et nous nous sommes donc dit : « OK, revenons un peu en arrière vers une manière de faire un album plus old-school ». Je pense que c’est tout. Une autre chose serait que si tu crois que le business de la musique est un cirque, alors essaie le business du cinéma… Donc faire un film était clairement une expérience qui n’était pas vouée à être réitérée.

Tu as déclaré que tu composais tes chansons principalement très tard le soir et le matin. Pourquoi ? Et penses-tu que ceci a influencé l’atmosphère de l’album ?

Pas tard le soir en fait, je compose toujours les matins et les après-midis… Je suis une personne matinale et j’aime me coucher tôt. Ceci dit, ça ne cadre pas vraiment avec le nom du groupe… [Petits rires] C’est juste un truc personnel. Les gens travaillent différemment, ils fonctionnent différemment et comme je l’ai dit, je suis un matinal. C’est à cette période de la journée que je suis en meilleure forme. C’est là où mon esprit est le plus clair. Le soir j’aime juste regarder des films ou lire des livres ou me poser au coin d’un feu de camp, écouter de la musique et boire du vin rouge…

Sympa comme programme !

Ouais, ça ne me dérange pas ! [Petits rires]

Nightwish - Endless Forms Most Beautiful

« Composer et faire un album avec un groupe c’est quelque chose de très, très égoïste. […] Pour aller jusqu’aux extrêmes, je ne crois même pas que pendant le processus de composition solitaire tu devrais penser aux autres membres du groupe. »

L’album se termine sur une chanson épique de 24 minutes intitulée « The Greatest Show On Earth ». Peux-tu nous en dire plus sur cette chanson et comment tu en es arrivé à composer une si longue chanson épique ?

La raison pour laquelle elle s’est retrouvée si longue, c’est parce que l’histoire est longue et massive. L’idée derrière cette piste c’est de traverser l’évolution de la vie sur Terre depuis les débuts de la formation de cette planète, il y a moins de cinq milliards d’années, jusqu’au futur lointain. Et j’ai trouvé cette idée, en tant qu’histoire, vraiment très passionnante. C’était très amusant de faire ça et essayer d’assembler toutes les pièces en ordre chronologique et créer cette bande de temps jusqu’au futur lointain dont personne ne sait à quoi ça ressemblera…

Vous avez enregistré l’album dans un chalet au milieu d’un paysage semi-désertique avec des arbres et de la neige. Pensez-vous que cet environnement particulier a d’une certaine manière laissé son empreinte sur la musique et les enregistrements ?

Je le crois clairement, oui. Il n’y avait pas tant de neige là-bas parce que c’était l’été mais c’était un lieu reculé autour de ma ville de résidence. C’était comme un camp de boy-scouts. Ce que nous recherchions était l’immersion ultime, c’est ça le mot, pour nous réveiller tous les matins en ce même lieu magnifique et calme avec les collègues dans le groupe, pour aller répéter et arranger les chansons et simplement vivre et respirer l’album chaque jour sans avoir à revenir à la maison puis retourner au studio et ensuite revenir à la maison… On était vraiment dans l’essence de toute la chose pendant trois mois d’affilée. Évidemment, il nous arrivait de revenir chez nous de temps en temps et tout, mais tout de même…

C’était d’ailleurs évident que vous respirez 24h/24 l’album lorsqu’on voyait les vidéos de making of que vous aviez posté sur internet…

Ouais, c’était ça. C’étaient des moments très détendus. Nous jouions presque tous les jours lorsque nous y étions. Mais le soir, c’était juste sauna, baignade, barbecue, des films à l’occasion… De charmants moments, vraiment très relaxes. Pas une seconde nous avions l’impression d’être dans la routine. C’est ce que nous recherchions.

Est-ce quelque chose que tu avais déjà fait avec tes autres groupes, Floor, ou bien est-ce que cet isolement était tout à fait nouveau pour toi ?

Floor : Ouais, c’était très nouveau pour moi. Avec le dernier album d’After Forever nous avons fait quelque chose qui s’en rapproche. Nous avions loué une maison dans un camp de vacances proche de la ville, qui était aussi situé dans un lieu reculé. Nous allions nous promener entre les sessions d’enregistrement, sans être au milieu de la circulation et des distractions citadines. Mais nous dormions tous dans la même maison, et tu n’avais jamais vraiment de moment à toi, ce que je trouve aussi nécessaire. Tu investis beaucoup dans ta musique, donc il y a un besoin naturel de passer du temps ensemble mais tout en ayant assez d’espace pour faire des choses par toi-même. Si tu as absolument besoin d’aller nager seule ou lire un livre ou simplement te poser dans ton chalet pendant un moment, l’espace que nous avions était vraiment bien. Il y avait beaucoup d’espace. Tu peux vraiment t’imprégner de tout ça et c’est quelque chose que je n’avais jamais vécu, et le fait de passer autant de temps dessus aussi. J’ai vraiment apprécié ça aussi.

Ceci est un concept inspiré par Charles Darwin et vous avez d’ailleurs invité le biologiste évolutionniste et auteur Richard Dawkins sur l’album. Quelle est votre relation à Charles Darwin et plus généralement à la biologie évolutionniste ? Ce doit être très important pour toi, Tuomas, dans la mesure où tu as dit un jour que tu retranscris habituellement quelque chose en musique lorsque ça t’affecte très profondément…

Tuomas : Oui, absolument. Vraiment comprendre l’essence de l’évolution, c’est une expérience magnifique et spirituelle et une leçon d’humilité. Je veux dire qu’on nous a appris l’évolution lorsque nous étions à l’école et je l’avais comprise et j’avais toujours apprécié. Mais je ne l’avais jamais vraiment comprise d’un point de vue poétique, si tu vois ce que je veux dire. En l’occurrence, le fait de beaucoup lire Dawkins et regarder la série télévisée Cosmos de Carl Sagan, et la version actualisée avec Neil DeGrasse Tyson, m’a simplement ouvert les yeux à un niveau différent. Ça m’a tellement marqué que j’ai ressenti ce besoin de mettre ça en musique pour l’album. The Greatest Show On Earth est d’ailleurs un livre de Dawkins. Le titre provient directement de là. Ça semblait parfaitement coller si nous pouvions avoir Dawkins sur cette chanson en particulier pour faire un peu de lecture. Le livre parle de l’évolution sur Terre et c’est de ça dont parle la chanson également, d’où le fort lien.

Est-ce que ce pourrait être également une manière de saluer le jeune homme qui voulait devenir un biologiste marin ?

Ça pourrait être plus un truc subconscient. Je n’y ai pas vraiment réfléchi mais oui, nous voulons effectivement, en quelque sorte, sensibiliser les gens sur ces sujets. Je veux dire que la dernière étude dit que quarante cinq pour cent des Américains ne croit pas en l’évolution. Dans un pays occidental, c’est une sacrée proportion. Ne pas prêcher, ne pas dire ce que les gens doivent penser mais sensibiliser.

Nightwish 2015

« La nouvelle génération, en particulier, a besoin d’apprendre ce que ça fait de ressentir la musique pour de vrai. « 

Le titre de l’album, Endless Forms Most Beautiful, provient du livre de Charles Darwin De L’Origine Des Espèces. Pourquoi cette phrase en particulier ? Quelle résonance a-t-elle en toi ?

Ça résume magnifiquement toute l’idée de l’album. Je veux dire que « une quantité infinie de belles et admirables formes » (NDT : traduction de la phrase issue du livre de Darwin « endless forms, most beautiful and most wonderful »), c’est la diversité de la vie.

Floor, dans une des vidéos making-of, tu disais que c’était très étrange pour toi de chanter des paroles que tu n’avais pas écrites. Qu’est-ce que ça change pour toi en tant que chanteuse ? Était-ce plus difficile de t’approprier les paroles que tu chantais ?

Floor : Ouais, évidemment. Une fois que tu as écrit quelque chose toi-même, tu sais déjà exactement de quoi ça retourne, quelles émotions sont derrière. Donc, de façon à pouvoir raconter l’histoire correctement, il a effectivement fallu que je les comprenne et que je les ressente. J’avais besoin de ça pour les faire ressortir. Même pour les anciennes chansons, celles que j’ai chantées en concert, il faut les comprendre à un niveau très pur de façon à pouvoir raconter les histoires mais les histoires sont toujours vues avec des regards différents. Tuomas les a écrites, je les chante, tu les écoutes et chaque fois quelque chose de différent se passe, donc comment fais-tu la bonne interprétation ? Et ça, bien sûr, ce n’est pas un travail que j’ai fait seule mais en en parlant et demandant à Tuomas : « Comment penses-tu que ça devrait ressortir ? » Ou nous essayions en répétition et ça a facilité les choses de manière à vraiment mieux rentrer dedans et m’approprier les paroles pour les faire ressortir avec sincérité. Donc ouais, c’était une nouvelle expérience mais une expérience très positive. D’un côté les chansons paraissent bien plus honnêtes que tout ce que j’ai chanté auparavant. Et ça, c’était un sentiment très agréable et c’était très important pour moi.

Tuomas, tu as débuté en étant le seul compositeur de Nightwish mais maintenant Marco et Emppu ont un peu contribué également à la composition. Te vois-tu un jour laisser Floor écrire des paroles pour un album de Nightwish ?

Tuomas : Eh bien, ça a toujours été dans la philosophie du groupe que de permettre à tout le monde de présenter ses idées musicales et de paroles. C’est juste que, par rapport à ça, ça fonctionne mieux lorsque tu as une personne qui tient le rôle de leader. Un groupe ne peut pas marcher en étant complètement une démocratie, ça ne fonctionne tout simplement pas mais nous sommes aussi démocratiques qu’il est possible de l’être en tant que groupe.

Tu as été cité affirmant que le concept d’ « Élan » n’est « pas moins que le sens de la vie, ce qui peut être quelque chose de différent pour chacun de nous. » Du coup, la question à un million d’euros : qu’est-ce que le sens de la vie pour vous, alors ?

Floor & Tuomas : [Rires]

Floor : Eh bien, pour moi c’est le fait d’apprécier chaque seconde que tu as dans ce temps très bref de vie que nous avons, de comprendre ce qui te fais avancer, ce qui te rend heureuse. Pour ma part, j’ai besoin d’avoir un équilibre très sain entre la vie privée et la vie professionnelle, être capable de faire ce que j’aime faire, passer du temps avec les gens que j’aime, être inspiré par tout ce qui m’entoure… Ce serait ça pour moi mon sens de la vie.

Tuomas : Vivre à fond, être aussi aventureux que possible, essayer de ne blesser personne en le faisant et laisser cette planète en légèrement meilleur état que quand tu l’as trouvée, tout du moins, faire de ton mieux pour ça.

Il y a quelques jours, le nouveau single de l’album a fuité. Naturellement, ça vous a mis en colère et vous avez écrit un long message sur la page Facebook du groupe à ce sujet. On sait à quel point vous aimez construire un mystère autour d’un nouvel album de Nightwish. Est-ce que la vieille époque, lorsqu’il était plus difficile de faire fuiter une chanson ou un album et qu’un nouvel album était entouré par une grande attente et une sorte de magie, vous manque ?

Ça me manque, oui. Ça me manque énormément. Je me souviens de l’époque où Far Beyond Driven de Pantera s’apprêtait à sortir en 1994 ou quelque chose comme ça, j’ai attendu des semaines. Ensuite, lorsqu’il est arrivé en magasin, c’était un grand événement. Tu allais à vélo au magasin et tu achetais l’album avec l’argent que tu avais économisé, et ensuite tu revenais en vélo chez toi pour écouter en paix l’album du début à la fin plusieurs fois de suite. C’était un grand événement. Tu connaissais même aucune chanson par avance, peut-être le single mais c’était un grand mystère. Ouais, cette époque me manque. Ça ne me dérangerait pas de faire ramener un peu de ce mystère dans notre musique et dans nos sorties d’albums et tout ce qui l’entoure. [Le fait de vouloir qu’un album soit une grosse surprise] est une qualité pour un mélomane qui est très rare de nos jours. J’aurais aimé qu’il y ait plus de gens comme ça.

De nos jours les groupes ont tendance à dévoiler au moins deux, trois voire plus de chansons d’un album avant de le sortir. J’imagine que ce n’est pas quelque chose que tu affectionnes beaucoup, n’est-ce pas ? Je veux dire qu’un album doit être pris comme un tout…

C’est absolument ça et si ça ne tenait qu’à moi, je ne sortirais même pas le premier single. Je trouve ça injuste pour le single et envers l’album de juste mettre une chanson sur un piédestal plusieurs mois avant la sortie de l’album.

Mais tu dois satisfaire les maisons de disques…

C’est une collaboration. Je comprends totalement pourquoi c’est fait et ça ne me pose pas vraiment de problème mais d’un point de vue artistique, ça aurait beaucoup de sens de ne pas sortir de single. Mais ça ne me dérange pas.

Nightwish 2015

« Un groupe ne peut pas marcher en étant complètement une démocratie […] mais nous sommes aussi démocratiques qu’il est possible de l’être en tant que groupe. »

Pensez-vous que votre idéal de conserver un mystère autour de vos sorties soit compatible avec la manière dont fonctionne internet ?

Floor : Je pense que c’est un nouveau défi. Avec internet, l’industrie de la musique évolue et change constamment, et en général, tout vient par vague. Les téléchargements gratuits et le streaming ont aussi leurs côtés opposés : les gens achètent de plus en plus de vinyles. Il y a des puristes qui ont vraiment besoin de ça. Leur voix prendra de l’ampleur et aura sans doute à nouveau un effet sur cet accès super rapide à la musique. Je pense qu’il y a un aspect éducatif à ça qui est sous-estimé aujourd’hui. La nouvelle génération, en particulier, a besoin d’apprendre ce que ça fait de ressentir la musique pour de vrai. Ces gosses sont tout le temps sur internet et ils continueront à faire ça dans vingt ans. J’espère donc vraiment que les gosses d’aujourd’hui, par le biais des parents ou de l’école ou d’amis, apprendront à apprécier la musique et peut-être retrouver sur internet cette excitation que vient de décrire Tuomas, lorsqu’il allait au magasin en vélo pour acquérir cet album tant attendu. Je veux dire que c’est une plateforme fantastique, accessible à tous, n’importe où. Elle pourrait donc vraiment, bien utilisée, offrir plus de bénéfices qu’elle n’en offre déjà.

Tuomas : Floor a marqué un point crucial : tout est une question d’éducation. C’est quelque chose dont nous devons nous souvenir parce que les gosses aujourd’hui ne se rendent même pas compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans le fait de balancer un single sur internet ou le télécharger gratuitement, parce qu’ils ne savent pas faire mieux et tu ne peux pas les blâmer pour ça. Tu peux blâmer le manque d’éducation. Et c’est pourquoi nous avons publié ce message. Nous ne voulions simplement pas laisser couler. Nous voulions que les gens se rendent compte que ce n’est pas bien, que c’est du vol, que ce n’est bien pour personne. Et ça a pas mal chauffé en ayant fait ça car ils disent que maintenant nous avons porté à la connaissance d’autres gens que ça avait fuité, que l’on se tirait une balle dans le pied. Mais [soupirant] nous voulions éduquer [petits rires].

Floor : Ouais, ça montre l’exemple. Je sais qu’il y a beaucoup de musiciens qui partagent notre opinion et nos pensées, et les puristes aussi d’un autre côté. Ça ruine aussi les choses pour les gens qui sont surexcités par cette sortie. Ça requiert une force supplémentaire de ne pas l’écouter. Tu sais que ça va arriver et il y a toujours la tentation de l’écouter avant, les gens s’énervent, il y a un courant négatif qui se crée à propos de quelque chose qui ne devrait être rien d’autre que du positif [rires].

Tuomas : Ouais, le commentaire qui est revenu le plus souvent était : « C’est le XXIe siècle ! Faut vous y faire ! Evoluez ! Ces choses se produisent pour chaque groupe ! Ces choses arrivent, alors vivez avec ! » C’est la même chose avec les bombes suicides ou n’importe quoi de négatif qui se produit : « Pourquoi ne laisses-tu pas faire ? Parce que ça arrive tout le temps… » Bien au contraire…

Emppu a déclaré que « le besoin de frimer a d’autant plus diminué. Tu veux davantage rendre justice aux chansons et ne pas chercher à montrer ce que tu sais faire. » Est-ce que ça veut dire que par le passé vous frimiez et cherchiez à montrer ce que vous saviez faire, comme si vous aviez quelque chose à prouver et, au final, ne pas totalement rendre justice aux chansons ?

[Longue réflexion et petits rires]

Floor : Parce que lorsque tu es jeune, effectivement, tu vois les choses différemment. De manière générale, tu as tellement plus à prouver. Tu veux te montrer à toi-même ce que tu peux faire et c’est « cool » ! Et ça, ça part un peu en grandissant et tu sais que tu peux le faire, tu sais un peu mieux ce qu’est une bonne chanson. J’imagine que ça vaut aussi pour vous les gars…

Tuomas : C’était tellement bien dit ! Je n’ai rien à ajouter mais c’est précisément ça ! Tu as besoin de prouver quelque chose, pas forcément pour les autres gens, mais pour toi.

A propos de ce nouvel album, tu as déclaré que c’était un processus très amusant et qui s’est fait en douceur. Etait-ce spécifique à Endless Forms Most Beautiful ?

Ça l’était ! Je veux dire que nous nous sommes beaucoup amusé à enregistrer Angels Fall First, je m’en souviens, et Once aussi. Mais encore une fois, il y a eu beaucoup de difficultés avec Imaginaerum. Je me souviens que Century Child était un enfer absolu à enregistrer, pour des raisons dans lesquelles nous n’avons pas à entrer maintenant… Mais ouais, ça a changé d’album en album et ce nouveau était sans conteste l’un des albums les plus amusants à composer, enregistrer et mixer.

En parlant d’Angels Fall First, je crois que l’an prochain marquera les vingt ans de l’album. Est-ce vous allez vous concentrer exclusivement sur une tournée pour Endless Forms Most Beautiful ou bien envisagez-vous de faire peut-être quelque chose pour cet anniversaire ?

Ce sera juste la tournée, de ce que j’en sais. Nous n’avons rien de vraiment prévu. Je pense que nous attendrons le trentième anniversaire et alors nous ferons quelque chose de spécial [petits rires].

Les fans français de Sabaton ont été plutôt surpris de te voir apparaître, Floor, sur scène en tant que roadie de luxe, donnant une guitare au chanteur Joakim Brodén… Est-ce que chanter ne paye pas assez, ce qui t’oblige à avoir un genre de boulot secondaire ?

Floor : [Rires] Ouais, c’est ce qui s’est passé !

Tuomas : Ouais, on l’arnaque constamment ! Elle ne reçoit aucun argent de cet album, alors voilà ce qu’elle doit faire… [Rires]

Floor : Ouais, et montrer mes qualités de guitariste, donc peut-être que je peux me trouver un autre groupe à côté où je pourrais jouer de la guitare.

Est-ce que tes talents de guitariste sont aussi bons que ceux de Joakim ? Parce qu’on ne peut pas dire qu’il soit le meilleur guitariste qui soit…

[Rires] Je pense que malgré tout il me surpasse. Ce qui s’est en fait passé, c’est que j’avais une guitare et Chris, le guitariste aux cheveux bruns, se cachait derrière la batterie et il jouait pendant que je faisais du air-guitar ! Nous en avons parlé au préalable, genre pour savoir lorsqu’il s’arrêterait, lorsqu’il ferait quelque chose de particulier… Je crois de toute façon que beaucoup de gens n’ont pas compris sur le moment. Ensuite, bien sûr, je l’ai donné à Joakim. C’était une farce de fin de tournée marrante dans laquelle je me suis retrouvée impliquée ! [Rires]

Eh bien, aucune chance de te voir quitter Nightwish pour débuter une carrière en tant que guitariste quelque part…

J’ai considéré la chose depuis lors mais je n’ai pas osé m’y mettre parce que ce n’était pas le bon moment [rires].

Interview réalisée en face à face le 9 février 2015 par Tiphaine Lombardelli.
Retranscription, traduction et introduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Ville Akseli Juurikkala.

Site officiel de Nightwish : nightwish.com.



Laisser un commentaire

  • « ce groupe a toujours pué ». Je détiens la vérité. Mon avis est souverain. Mouarf… … … Bonne soirée hein.

  • après plusieurs écoute des chansons qui sont disponible je suis déçut de ne pas entendre Marco et que les mélodies soit si répétitive ainsi qu’une batterie un peu molle.
    d’un point de vue personnel je préfère pour le moment les albums précédent (oui même avec Anette!). Espérons de meilleure piste pr les prochaines.

  • DiamondDude dit :

    L’album est top. Il va falloir plusieurs écoutes pour pouvoir l’apprécier pleinement mais dès la première écoute c’est bon malgré quelques mélodies répétitives. Merci les voeux de la nuit.

  • on s’en tape de ces sous merdes, ce groupe a toujours pué

  • akoufhaine dit :

    Et sinon, ils comptent embaucher un batteur et un bassiste un de ses jours ?

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