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Interview   

No One Is Innocent libère la bête


Marionnettes du rock, les No One ? Loin de là. Avec son énergie habituelle, le groupe sort le 30 mars Frankenstein, peut-être bien leur album le plus abouti. Alors que Propaganda, lancé en 2015, avait été écrit sous le coup de diverses émotions (colère, indignation suite aux attentats, à Charlie…), Frankenstein paraît plus mûr, plus posé. Côté textes, coups de gueules, histoires et métaphores se mêlent, tantôt en anglais ou en français, toujours pour pointer du doigt, dénoncer et pousser à la réaction. Côté musique, le groupe propose un album toujours avec cette rage rock et provocante pour réveiller les esprits, avec des nuances en plus et un gros travail sur la production pour un résultat vraiment convaincant.

Avant la sortie du nouveau bébé, et la reprise des dates un peu partout en France, Kemar, chanteur des No One, nous parle de l’écriture et du sens du projet Frankenstein, et bien sûr de la scène, moteur principal du groupe No One Is Innocent.

« Ce n’est pas facile d’être dans un groupe où les textes sont engagés. C’est un choix que nous avons fait dès le départ. Mais en même temps, ce qui est hyper bien avec ce choix-là, c’est que tu sais qui tu es. Tous, dans le groupe, nous savons qui nous sommes, nous savons ce que nous jouons et nous savons ce que nous racontons. Ça, ça te fait gagner peut-être dix ans de carrière. »

Radio Metal : Après un album studio en 2015, un album live, une grosse tournée, etc., ces dernières années ont été très intenses pour le groupe. Dans quelles conditions avez-vous écrit ce nouveau disque ? Dans l’effervescence la plus complète ?

Kemar (chant) : Quand les choses se passent bien, humainement, artistiquement, les choses s’enchainent. Nous ne sommes pas trop du genre à beaucoup écrire pendant que nous sommes en tournée, parce que nous sommes assez rincés et il faut que notre corps et notre cerveau puissent répondre. En général, nous sommes assez concentrés sur ce qui se passe en tournée. Comme ça sue, ça transpire beaucoup et ça demande énormément d’énergie… Nous ne sommes pas les seuls à qui ça demande de l’énergie, mais comme nous le disons dans une bio, nous montons sur scène comme si c’était le dernier concert. Nous ne nous le disons pas, mais dans la tête et dans le regard de tous, c’est un peu le cas.

Nous nous sommes laissés des petits temps pour commencer à balancer quelques idées, et nous nous sommes très vite rendus compte qu’il se passait des choses. Ça a duré pendant un an et demi. Nous nous sommes plutôt retrouvés à trois, avec Shanka et Poppy, les deux guitaristes. Tous les trois, nous sommes hyper complémentaires. Ils ont tous les deux une personnalité complètement différente : l’un est plutôt super bosseur, il va te faire tourner un riff pendant une heure. C’est Poppy, à la rythmique. Même moi qui suis un gros bosseur, des moments je lui dis : “Arrête, j’en peux plus, arrête !” Et François, c’est plutôt le créateur, un peu fou, avec un côté un peu instinctif quand il écrit. Les deux, comme ils s’apprécient et se respectent beaucoup, avec moi au milieu, c’est hyper complémentaire.

Donc il y a eu ce travail pendant un an et demi, toute la phase intru où, comme d’habitude, les musiques arrivent, et au bout d’un moment donné, c’est : “Bon, alors, le chanteur, ça te dit quoi ?” Et le chanteur, un moment donné, il travaille avec eux, les instrus, et il faut qu’il écoute les instrus pendant des heures, en sachant que dans ses tiroirs, il a quand même quelques thèmes et peut-être quelques bribes de texte qui commencent à arriver. Il faut que j’arrive à trouver le lien entre ce que raconte la musique et ce que va raconter le texte. Il faut que ce soit hyper lié. Quand l’instru de « Ali (King Of The Ring) » arrive, il y a tellement ce côté rythmique dans l’instrumental que tout d’un coup, je me dis : “Mais ouais, putain, il faut parler de ça !” Pour « Frankenstein », c’était clair que le morceau était tellement intense, c’est une espèce de transe où, quand je trouve la ligne de chant, je me dis : “C’est un mec qui a envie de dire quelque chose, qui est un peu à cran, à fleur de peau.” Quand le thème arrive, tout jaillit. C’est un peu comme ça que ça fonctionne chez No One. Ce n’est pas simplement des mecs qui se retrouvent, qui font trois riffs comme ça, genre : “Vas-y, chante ce que tu veux.” Non, ce n’est pas comme ça que ça marche.

Même, le premier morceau de l’album, « A La Gloire Du Marché », où je me prends pour un trader, qui raconte que Dieu, c’est l’argent et les traders, parce qu’il se dit :”Pour sauver l’humanité, la seule solution c’est de rejoindre les traders, le monde de la thune.” A un moment donné, quand il y a ce ralentissement et que je dis : “Vous allez partir en fumée”, les “Alléluias”, les machins, c’est cohérent avec ce qui est raconté. Et c’est ça aussi qui nous fait vivre intensément les morceaux sur scène. Ce que j’aime, c’est que les mecs, quand ils jouent les titres, mes potes, ils aient aussi ce qui est raconté dans la tête. En jouant, tu illustres ce qui est raconté.

« On est plus proches de Viktor Frankenstein que de la bête en elle-même. Le créateur, c’est nous tous, les occidentaux […]. On passe notre temps à se plaindre du terrorisme, mais en même temps il faut essayer de réfléchir sur la genèse du terrorisme. C’est pour ça que Propaganda était un album sous le coup de l’émotion, Frankenstein c’est plus en mode ‘ok, on se pose et on creuse un peu.' »

Il y a déjà un paquet de dates annoncées pour la prochaine tournée. On dirait que vous ne vous arrêtez jamais ! Est-ce que c’est ça votre environnement de prédilection, le live, avant le studio ?

On ne va pas se mentir, je pense que nous ne sommes pas les seuls, mais écrire un album, c’est juste un prétexte pour partir sur scène après. Ceci dit, il y a des périodes de ta carrière – de nos carrières – où c’est plus facile et plus agréable d’écrire un album.

Et celui-ci, facile ?

Celui-là a été facile, hyper agréable, vraiment. Je crois que ça a été l’un des plus agréables à écrire, vraiment. Ce n’est pas parce que c’est le dernier, je le dis sincèrement.

Dans Propaganda, vous aviez dédié une chanson à l’équipe de Charlie Hebdo. D’autres chansons étaient malheureusement presque visionnaires quand on sait ce qui s’est passé quelques mois plus tard, alors que l’album était déjà sorti. Avec tout ce qui s’est passé depuis (terrorisme, guerres, politique en France, aux USA etc.), comment as-tu eu envie de chanter cette actu ?

Ce n’est pas facile d’être dans un groupe où les textes sont engagés. C’est un choix que nous avons fait dès le départ. Mais en même temps, ce qui est hyper bien avec ce choix-là, c’est que tu sais qui tu es. Tous, dans le groupe, nous savons qui nous sommes, nous savons ce que nous jouons et nous savons ce que nous racontons. Ça, ça te fait gagner peut-être dix ans de carrière. Se renouveler, comme je disais tout à l’heure, c’est d’abord les morceaux, qui t’inspirent profondément. Très vite, dans les premiers textes qui sont arrivés, il y a eu cette idée de création du monstre. Très, très vite. C’est-à-dire l’image des traders et ce qu’ils peuvent être : moi je les ai fait tapiner avec l’Eglise. Forcément, tout ce que nous, les occidentaux, on est allés foutre comme merde au Moyen-Orient. Il y a des moments, tu l’esquisses dans d’autres morceaux, mais là je l’ai vraiment pointé du doigt.

« Les Revenants », c’est un thème qui nous a un peu martelé le cerveau. Nous avons trouvé par hasard une instru qui correspondait pour pouvoir écrire dessus, parce que c’est un phénomène auquel on est tous confrontés, et qui est une espèce de menace virtuelle, qui existe mais qui n’est pas palpable pour nous. Il y a encore cette idée de création de monstre. Il y a aussi le populisme, « Hold-Up Au Nom Du Peuple ». Nous reprenons quand même “Au nom du peuple”, le slogan de Marine Le Pen. Nous y allons, mais un moment donné il faut y aller pour dire les choses. Donc nous avons rajouté “Hold-up” parce que c’est valable pour tous les autres. Dans cette idée de populisme, il y a aussi la création du monstre : à quel moment un homme politique peut se révéler devenir un monstre. Il y a aussi le troisième titre, « Desperado », sur le burn-out : c’est aussi la nervosité du titre, qui te fait penser à écrire sur ce thème-là. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment tu peux basculer complètement ? Evidemment, quelqu’un qui est en burn-out ne va pas se révéler devenir un monstre, mais se révéler devenir quelqu’un d’autre.

C’est pour ça qu’à un moment, Frankenstein est arrivé, cette idée de création du monstre. Et on est plus proches du créateur, finalement, que du monstre en lui-même. On est plus proches de Viktor Frankenstein que de la bête en elle-même. Le créateur, c’est nous tous, les Occidentaux, les Russes, les Américains qui se partagent le Moyen-Orient. Voilà les nouveaux monstres. Enfin, ils ne sont pas nouveaux, mais de ce qu’on en voit depuis à peu près une vingtaine d’année, c’est un peu ce qui se passe. Et à un moment donné il faut mettre le doigt dessus parce qu’on passe notre temps à se plaindre du terrorisme, mais en même temps il faut essayer de réfléchir sur la genèse du terrorisme. C’est pour ça que Propaganda était un album sous le coup de l’émotion – Charlie, le djihad, tout ça -, Frankenstein c’est plus en mode « ok, on se pose et on creuse un peu. »

« Bien sûr qu’on nous endort ! Ce que nous essayons de faire, c’est de la musique pour justement réveiller. »

Dans la chanson « Frankenstein », il a cette phrase « Dormez tranquilles, tout ira bien » : as-tu l’impression qu’on nous endort, justement pour étouffer dans l’œuf toute forme de rébellion ?

Evidemment, qu’on nous endort. C’est le principe même. Ça fait partie aussi de l’ironie et du cynisme dans les textes de No One. Des petites phrases comme ça, qui sont peut-être parfois plus marquantes qu’un couplet qui dit quelque chose de super fort. Evidemment, bien sûr. Ça ne veut pas dire qu’il faut rentrer dans la thèse complotiste à outrance, non. Mais par contre, réfléchir. Ces petites phrases-là, elles amènent à cette réflexion. Effectivement, bien sûr qu’on nous endort ! Ce que nous essayons de faire, c’est de la musique pour justement réveiller. C’est ce que nous avons toujours fait : utiliser la musique pour dire des choses, et pour se réveiller d’abord nous-mêmes, et essayer de toucher des gens en face de nous.

Est-ce que vous avez le sentiment, en tant que groupe engagé, d’avoir un réel poids pour infléchir les choses en France, politiquement et socialement ?

Pas dans un ordre général. Il y a deux choses. Il y a des gens que tu rencontres après un concert et qui te disent : “No One, ça a changé énormément de choses dans l’écoute de la musique que je pouvais en avoir avant. Votre style, ce que vous racontez, ça m’a énormément influencé dans mon évolution musicale.” Quand tu entends des trucs comme ça, tu te dis que tu as un peu servi à quelque chose, et c’est cool. Après, les gens viennent nous voir et nous écoutent parce qu’il y a cette pulsion musicale qui leur plait. Ils font un peu attention à ce que nous racontons, mais ce n’est pas forcément ce qui est supra important. Il ne faut pas oublier un truc : on parle beaucoup de ce qui est raconté dans No One, mais on oublie le fondement réel, c’est que avant tout, nous faisons de la zique. Ce n’est pas déplaisant aussi de parler de ce que tu racontes, évidemment, mais… A la limite c’est plutôt attachant, parce qu’on ne me parle que de musique. J’imagine que tu es confrontée souvent à des groupes où tu n’as pas trop de trucs à dire sur ce qu’ils racontent, les mecs… [Petits rires] Nous, c’est un peu l’inverse qui se passe. Mais c’est plutôt plaisant, en même temps. C’est quand même plaisant de se dire que tu touches les gens à travers ce que tu racontes.

On vit dans un monde de plus en plus formaté, normalisé, où il ne faut surtout pas sortir du rang, où la liberté d’expression est de plus en plus muselée. Il y a quarante ans, faire du rock débridé était une provocation, est-ce que c’est aujourd’hui devenu un acte militant ?

Eh bien, ouais, moi je pense, ouais. Je pense qu’être dans le style dans lequel nous sommes, avec nos potes de Tagada Jones, Mass Hysteria, tous les autres, c’est toujours être en marge. Nous sommes toujours en marge, et nous nous y plaisons vraiment. C’est d’ailleurs le propos de « Nous Sommes La Nuit » : nous racontons qu’on vit dans des bunkers, des plateformes protégées, on te dicte ce que tu dois écouter, etc. Nous, ce que nous aimons bien, c’est être à côté, en marge. Mais être en marge comme ceux qui écoutent notre style de musique, aussi, qui n’en font pas forcément mais qui écoutent ce style de musique. Il faut vraiment faire la part des choses, quand tu as le Hellfest qui arrive, que tu as l’impression que la France entière parle du Hellfest et la France entière est au Hellfest, et la France entière écoute la musique du Hellfest. Non, les mecs, redescendez. Quand le Hellfest est terminé, les radios elles te basent, les grands formats, ils te basent, etc. Tout redevient normal, quoi. Mais on ne passe pas en radio, on ne va pas faire la “une” de tel canard, de tel magazine, etc. Tu sais quoi ? On s’en branle, aujourd’hui.

Nous, en fait, nous avons envie de parler aux gens comme toi, comme ceux qui nous connaissent, qui nous suivent, qui nous apprécient depuis longtemps et avec qui on peut vraiment échanger des choses. Et pas quelqu’un qui te raconte n’importe quoi. Moi, en général, je base ces gens-là. Même quelqu’un d’un gros canard ou d’un machin qui commence à me raconter n’importe quoi sur No One, qui n’a pas fait son boulot, en général je fais : “Ouais, vas-y, question suivante s’il te plait.” Je n’ai plus de patience avec ces gens-là. Maintenant que le groupe existe depuis super longtemps, je n’ai plus de patience avec les gens avec qui tu parles et qui te racontent n’importe quoi, où à chaque fois il faut ramer pour resituer les choses, reformuler, machin. On dirait que c’est une espèce de zapping : ils vont être là, puis tout à l’heure ils vont parler à je ne sais pas qui d’autre et ils n’en auront encore rien à foutre. Ils font juste un taf, comme ça. Plus ça va, plus on a envie de parler à des passionnés.

« Provoquons les concerts avec nos potes, même si on doit un peu se serrer la ceinture, mais au moins on propose des choses aux gens, on n’est pas chacun dans son coin. Moi, je suis un amoureux du fédéralisme ! »

C’est pour ça que je dis : nous sommes la nuit, nous sommes cette nuit, nous sommes tous dans cette nuit-là. Nous n’avons plus besoin de cette reconnaissance absolue. C’est quelque chose que nous ressentons profondément. Peut-être à un moment donné, à une époque, je ne sais pas, peut-être à l’époque de Révolution.com ou d’un autre album, tu es là : “Alors, quand est-ce que ça vient, quand est-ce que les choses arrivent ?” Aujourd’hui, nous nous disons : faisons les meilleurs morceaux du monde, soyons nous-mêmes, faisons des putains de bons concerts pour les gens qui viennent nous voir, rencontrons les gens après les concerts, parlons avec les gens, avec les passionnés, avec ceux qui kiffent cette zique. C’est ça qui nous intéresse, vraiment. Ca a changé.

Vous avez évolué, cheminé…

Ouais, et nous ne sommes pas forcément les seuls. Provoquons les concerts avec nos potes, même si on doit un peu se serrer la ceinture, mais au moins on propose des choses aux gens, on n’est pas chacun dans son coin. Moi, je suis un amoureux du fédéralisme !

Propaganda, sorti en 2015, a été très bien reçu et souvent vu comme un retour aux sources. Frankenstein continue dans cette direction très rock. Et vous poursuivez la collaboration avec Fred Duquesne côté production. Est-ce que tout cela, ce sont des éléments qui vont dans le même sens ? Quelle est aujourd’hui la démarche musicale de No One Is Innocent ?

Déjà, Fred Duquesne, c’est une évidence, parce que c’est un pote. Avant de travailler avec lui, c’était un pote de bande. Pour entrer un peu dans l’intimité du truc, tous les vendredis soir, il y a un rendez-vous avec une bande de potes, et Fred fait partie de cette bande de potes. Nous nous connaissions déjà bien avant, mais nous nous connaissions en mode déconne. Ça a été très bizarre de se dire : “Mais comment ça se fait qu’on n’a pas bossé ensemble avant ?” Donc Fred Duquesne, évidence, parce que nous nous connaissons bien, parce que c’est un mec intelligent, c’est un bosseur, c’est un mec qui réfléchit, c’est un mec qui reste dans le doute, et puis c’est un mec qui a beaucoup de talent. J’aime ce mec, quoi. Nous aimons ce mec.

Après, musicalement, nous restons un peu dans notre ADN. Comme nous le disons dans la bio, notre ADN, c’est les Stooges, c’est Rage, c’est Black Sabbath, c’est ça notre ADN. Ce n’est pas difficile pour nous d’aller ailleurs, mais nous essayons d’être surprenants quand nous faisons des morceaux comme « Madking » ou « Nous Sommes La Nuit », des mid-tempo comme ça où d’un coup la voix est différente, ça nous plait. Mais nous restons nous-mêmes. Nous restons dans cette veine-là. C’est cette veine de zique animale. Nous nous marrons souvent, quand nous sommes en répète et que nous jouons, quand ça joue, les potes aiment bien me regarder, et si je commence physiquement à partir en vrille sur les choses, c’est que ok, c’est bon, on tient un truc. C’est un peu le détonateur, mais ça peut être aussi dans le jeu de batterie, la guitare et tout, mais il y a un peu de ça. J’ai besoin qu’ils me donnent ce truc-là : “Donnez-moi une transe particulière pour qu’il y ait des choses qui arrivent.”

Dans ton interprétation vocale, on note un vrai investissement pour faire ressortir les émotions, et on a l’impression que tu t’autorises davantage de nuances (par exemple sur « Les Revenants » pour le côté « habité », par rapport à « Madking », beaucoup plus pop). Comment travailles-tu sur cet aspect ?

Moi, je travaille instinctivement, suivant ce qui arrive. Quand tu as un morceau comme « Les Revenants » qui arrive, une espèce d’intro longue, il y a une façon de dire les choses par rapport au thème que tu abordes. Ca s’y prête, il y a une intuition et une démarche menaçantes à donner dans ce que tu vas raconter. « Madking », c’était Shanka qui avait sorti cette instru, et quand j’ai trouvé cette ligne de chant, je me suis dit : “Ouais, putain, c’est bien !” Tout le monde kiffait cette ligne de chant, et nous sommes dit : “Ok, c’est pas ‘Ali’, c’est pas ‘A La Gloire Du Marché’, mais c’est bien. Allons-y.” J’espère que les gens sont sensibles à ça. Comme « Nous Sommes La Nuit », où la voix est complètement différente. Et puis ça vient de toutes les influences que tu as eues dans ta carrière. Moi, je suis un mec qui a autant kiffé le disco que Kill ’Em All quand c’est arrivé.

« Les potes aiment bien me regarder, et si je commence physiquement à partir en vrille sur les choses, c’est que ok, c’est bon, on tient un truc. C’est un peu le détonateur […]. J’ai besoin qu’ils me donnent ce truc-là : ‘Donnez-moi une transe particulière pour qu’il y ait des choses qui arrivent.' »

Tu ne te mets pas de limites ?

Non, à part chanter quelque chose de complètement incompréhensible et qui n’a aucun sens, quoi. C’est ça par moment qui me frustre un peu, quand j’écoute des trucs où la zique est bien, mais quand tu as derrière [fait une sorte de growl]… J’ai besoin qu’on me parle.

Frankenstein est un album infectieux, très direct, débordant d’énergie. Quel est le message le plus important pour vous : celui des mots ou bien celui de la musique ? Tom Morello, pour sa part, nous disait au sujet de Prophets Of Rage que « le message est dans le mosh pit. » Et pour vous ?

Que chacun prenne le message comme il a envie de le prendre. C’est ça qui me plait. Je sais qu’il y en a qui viennent pour la zique, il y en a qui viennent pour les textes, il y en a qui viennent pour les deux, il y en a qui écoutent No One pour ça. Le message il est partout, il est dans ce que tu ressens. Moi, quand j’écoute les morceaux de cet album, c’est cette espèce d’interaction entre la zique et ce que le mec raconte. “Dans le moshpit” : bien sûr ! [Petits rires].

L’album se termine sur une reprise du « Paranoid » de Black Sabbath, qui est sans doute une des chansons hard/metal les plus reprises de tous les temps. Qu’est-ce que cette chanson représente pour vous et comment avez-vous abordé l’exercice de la reprise sur une telle chanson ?

Shanka avait ça dans ses tiroirs. Nous n’étions pas forcément prêts à faire ce cover. Et puis à un moment donné, la démarche qu’il a eue de reprendre cet hymne, nous nous sommes dit : “Ouais, on arrive à proposer quelque chose de différent. » Une façon différente de jouer ce titre qu’on jouait dans la cave de la grand-mère quand on avait quinze balais. Si tu apportes quelque chose, ok, fais-le ! Si ne t’apportes rien, ça n’a aucun intérêt. Surtout, je trouve que Shanka, il a une grâce, à la fois dans ce morceau et dans tous les autres titres. Je trouve que c’est SON album de No One. Je lui ai dit, à la fin des enregistrements : “Putain, les phases que tu as données, solos, thèmes, je trouve que c’est ton album.” Moi, je suis hyper fier, je lui ai dit : “Je suis hyper fier de ce que tu as fait et je trouve que c’est senti.” C’est autant senti que quand le mec il va chanter son couplet ou donner une intention particulière dans le refrain. C’est exactement pareil. Dans « Paranoïd », je le trouve sublime, il est parfait, il est juste. Et puis Black Sab’, s’il y a un groupe qui résume peut-être No One, ce serait ce groupe-là. Pas de Rage et de Metallica sans Black Sab’. Enfin, en tout cas c’est notre avis. Même si, tu vas mettre Kill ‘Em All et Paranoïd, l’alubm, tu vas dire : “Euh, non, peut-être pas”, bah si ! Si, putain.

Niko Jones en invité sur un titre, il était déjà intervenu dans Barricades Live, vous avez fait une tournée commune… C’était la suite logique ?

Ouais, pote, partager des idées avec lui, parler de Trump mais intelligemment, être impliqués ensemble. C’est ce que je disais, le côté fédérateur. Quand le morceau est arrivé et que j’ai commencé à gratter, je me suis rendu qu’il y avait un truc à deux voix qui était possible, et j’ai dit : “Niko, viens, je t’envoie l’instru, viens chanter avec nous si ça te botte.” Je suis hyper content, vraiment. C’est aussi notre petit côté punk, chez No One, que nous revendiquons complètement. Nous ne le revendiquons pas forcément musicalement, mais dans l’attitude. Dans l’attitude, il y a un côté un peu “out of control”. Ok, nous ne jouons pas forcément les mêmes musiques, mais nous nous rejoignons vachement sur les questions d’attitude, ensemble. A l’automne, nous refaisons douze ou treize dates ensemble, donc ça promet de bons jours à venir.

Interview réalisée par téléphone le 30 janvier 2018 par Claire Vienne.
Fiche de questions : Claire Vienne & Nicolas Gricourt.
Retranscription : Claire Vienne.
Photos : Stéphane Hervé (1, 2 & 5) & Nicolas Gricourt (3 & 6)

Site officiel de No One Is Innocent : www.nooneisinnocent.net.

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  • 2 choses:
    déjà  » Paranoïd, l’alubm » XP à ne pas confondre avec Paranoïd, la chasonn 😉

    Ensuite, quand je lis des choses comme « un retour aux sources. », « notre ADN, » j’ai envie d’obliger Claire Vienne (merci quand même pour l’interview ^^) et Kemar a remonter le temps, en 95/98, et à constater par eux même que quand même No One a beaucoup perdu de son ADN, de ses sources.
    Moins de bruit, moins de rage.
    Surement la faute à l’âge, nous vieillissons tous.

  • Ça, des rebelles, des mecs anti-système ??? Hahahaha, laissez-moi rire !!! No One Is Innocent n’est rien d’autre qu’un ramassis de bobos décérébrés, d’idiots utiles (comme leurs collègues de RATM, d’ailleurs). Et c’est bien pour ça qu’ils n’ont JAMAIS eu le moindre problème avec les autorités, ont TOUJOURS été chouchoutés et accueillis à bras ouverts par les promoteurs et la presse musicale (bien-pensante, ça va sans dire). Les artistes VRAIMENT anti-système, VRAIMENT anti-establishment sont plutôt méprisés, ostracisés par les médias et ne sont pas soutenus par la presse, ni les promoteurs et autres organisateurs des Festivals, en général.

    Si les mecs de No One Is Innocent avait des choses INTELLIGENTES à exprimer de manière CONCRETEMENT subversive, on les aurait vu dénoncer la propagande mensongère des médias mainstream (qui perdure depuis des décennies, en passant), pointer du doigt les technocrates de Bruxelles, les groupes de pression tels que Rothschild, Bilderberg et autres Georges Soros… Mais ça, ils se garderont bien de le faire car soit ils n’ont aucune conscience du danger que ces individus et lobbys représentent, soit ils ont peur de représailles en retour….

    A l’instar de leurs collègues de RATM et de Lofofora, ils représentent bien ces soit-disant grandes gueules qui dénoncent le système, mais ne se privent pas d’en profiter autant qu’ils le peuvent pour jouir des privilèges que cette société de consommation leur a bien accordée. On constate aussi que dès que les choses deviennent concrètes, un peu dangereuses, ces guignolos reculent de plusieurs pas, ferment leurs gueules.

    Bref, tous ces donneurs de leçons aussi crétins que puants sont à jeter dans la fosse à purin.

  • Red Hot Chili Peppers @ Lyon
    Queens Of The Stone Age @ Lyon
    Kiss @ Lyon
    Skid Row @ Lyon
    Hollywood Vampires @ Paris
    Depeche Mode @ Lyon
    Scorpions @ Lyon
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    Ghost @ Lyon
    Spiritbox @ Lyon
    Metallica @ Saint-Denis
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