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Interview   

Le nouveau paradigme d’Angra


Certes, Angra n’en est pas à son coup d’essai en matière de changement de line-up, mais le départ du guitariste Kiko Loureiro chez Megadeth représente sans doute le plus grand séisme vécu par le groupe depuis le split de 2000. Membre emblématique de la formation, guitar hero talentueux, partenaire de Rafael Bittencourt avec qui il entretenait une véritable alchimie, Kiko a forcément laissé un grand vide derrière lui. Mais encore et toujours, Angra s’est relevé. La capacité de Rafael (en tant que leader et seul membre restant des débuts) à toujours rebondir, trouver les ressources pour aller de l’avant et faire que malgré tout Angra reste Angra force le respect.

A l’occasion de la sortie du nouvel album Ømni (qui signifie « tout » en latin), nous avons longuement discuté avec lui, avec tant de choses à aborder ! C’est ainsi qu’il nous fait part de la façon dont il a vécu ce changement mais aussi des doutes qu’il a déjà éprouvé il y a six ans de ça et des fluctuations dans sa motivation. Le tout menant à ce disque qui revêt une importance toute particulière pour lui, en tant que compositeur et parolier principal, mais aussi globalement dans sa vie.

Un album régit par un concept complexe à la croisée de la science-fiction, la science, la philosophie et la spiritualité, prophétique par sa façon d’envisager l’avenir de l’humanité, pensé par Rafael pour donner une cohérence à sa vie, en particulier, et nos vies, en général, et reliant tous les concepts passés du groupe. Un concept dans lequel nous nous sommes plongés, afin de mieux le saisir, et autant dire que Rafael nous emmène loin, très loin…

« Pour l’avenir, cette famille Angra devra être encore plus grande, avec plus d’apparitions en tant qu’invités de gens qui ont quitté le groupe ; ce serait quelque chose de très positif pour nous et pour les fans. »

Radio Metal : En 2015, Kiko Loureiro a rejoint Megadeth. Comment as-tu vécu ça ? Je veux dire, tu as déjà dit que tu étais content pour lui, que tu le soutenais et comprenais sa décisions, mais étais-tu inquiet pour le futur du groupe à un moment donné ?

Rafael Bittencourt (guitare) : Oh ouais ! J’avais des sentiments divergents. D’un côté, j’étais très content, évidemment, pour lui, je le soutenais, j’étais fier de ses réussites. Mais bien sûr, il y avait une autre part de moi qui était très inquiète pour le futur mais même là, j’étais très content parce que je crois que mes plus grandes réussites dans ma carrière sont ressorties de très durs défis. Comme lorsqu’André [Matos] et deux autres gars ont quitté le groupe, j’avais un énorme défi à relever, car il fallait vraiment que je réinvente le style du groupe, ma manière de penser, la manière dont j’écrivais les chansons car André était un bon partenaire de composition. Souvent dans ma carrière, j’ai eu de supers résultats à la suite de moments difficiles, et j’aime assez ça. Certains amis disent que je suis un phénix. Mais je pense surtout que c’est Angra cet oiseau de feu qui se réinvente toujours. C’est une grande responsabilité [d’être le gardien de l’héritage du groupe], mais dès qu’il faut que je prenne en charge quelque chose, je prends cette responsabilité. Généralement, je suis très fainéant et s’il y a d’autres personnes pour partager cette responsabilité avec moi, je préfère, mais s’il faut que je me remonte les manches pour travailler, je le fais. Donc j’aime assez ce type de défi et ça m’a beaucoup motivé. J’étais aussi très inquiet jusqu’à ce que je commence à travailler avec Marcelo Barbosa, notre nouveau guitariste, car j’ai eu beaucoup de chance que nous trouvions quelqu’un qui puisse vraiment remplacer Kiko, qui puisse prendre sa place de la meilleure des façons. Ça m’a vraiment enthousiasmé parce que je voulais montrer aux gens ce que nous avions. C’est un miracle, ce qui s’est passé. Le groupe a été totalement renouvelé au niveau de l’alchimie que nous avions ensemble, du style, des idées musicales que nous avions. Donc au final, j’ai trouvé que c’était très positif.

As-tu discuté avec Kiko du futur du groupe, de ce que tu devais faire ?

Ouais. En l’occurrence, Marcelo Barbosa est un ami commun à moi et Kiko. Lorsque Kiko m’a dit qu’il allait rejoindre Megadeth, j’étais une des premières personnes à le savoir, et il m’a aussi dit qu’il aimerait aider à trouver quelqu’un pour le remplacer, qu’il apprécierait réfléchir sur ce que devait être le futur du groupe et nous aider à trouver une solution pour remplir le vide qu’il allait laisser, pour ainsi dire. J’ai dit : « Eh bien, ouais, pas de souci. Tu penserais à qui ? » Nous avions quelques options mais ensuite, il a dit : « Que dirais-tu de Marcelo ? » Nous avons donné quelques concerts avec Marcelo, nous avons testé quelques répétitions, et il convenait très bien. Et Kiko fait toujours partie du groupe, nous sommes toujours de très proches amis et nous discutons toujours ensemble de la part managériale du groupe.

Justement, ça amène directement à ma question suivante : il n’y a jamais eu de communiqué officiel pour acter son départ et il est toujours mentionné comme faisant partie du groupe sur Facebook. Pour autant, il n’apparaît sur l’album qu’en tant qu’invité sur la chanson « War Horns ». Du coup, quel est le statut de Kiko dans le groupe aujourd’hui ?

C’est un ami du groupe désormais, voilà ce qu’il est. Il n’a pas l’obligation de faire des réunions avec nous, il n’a pas l’obligation de prendre part aux albums, mais si son emploi du temps le permet, il est prêt à parler du business, à prendre part aux répétitions ou à composer des chansons avec nous. Sur la chanson « War Horns », certains riffs ont été créés par lui. Il a donc pris part à la composition de cette chanson avec nous. Il m’envoyait via son téléphone portable, via WhatsApp, des vidéos de certains riffs qu’il n’allait pas utiliser pour autre chose. Donc nous avons dit « d’accord, on va écrire une chanson avec certains de ces riffs. » Donc nous les avons reliés à d’autres riffs que nous jouions et ils coïncidaient parfaitement. Mais il n’a pas l’obligation de faire ça parce que sa priorité aujourd’hui est Megadeth. Donc c’est un proche ami du groupe, il fait partie de la famille. Je crois d’ailleurs que pour l’avenir, cette famille Angra devra être encore plus grande, avec plus d’apparitions en tant qu’invités de gens qui ont quitté le groupe ; ce serait quelque chose de très positif pour nous et pour les fans.

As-tu d’ailleurs déjà essayé de contacter certains membres passés pour ça ?

Oui. Nous avons fait quelques événements et concerts avec Ricardo Confessori, Luís Mariutti, ainsi qu’Edu Falaschi qui prend part à certains de nos concerts en tant qu’invité ; une fois Fabio Lione et lui étaient ensemble sur scène pour célébrer. Nous avons aussi contacté André mais il ne se sent toujours pas tout à fait prêt à apparaître en invité, mais je pense qu’un jour il se sentira plus à l’aise et laissera derrière lui toute rancune. Il y a du mieux mais il a encore besoin d’un peu plus de temps. Aussi, pour cette fois, nous voulions présenter ce line-up comme étant quelque chose de très solide et fort. Donc ça n’aurait pas été très malin à ce stade, mais peut-être que pour le prochain album, en l’occurrence, ce serait une bonne chose, une bonne surprise pour les gens.

Ømni est un album conceptuel, un ensemble de petites histoires de science-fiction se déroulants à divers endroits en même temps. L’intrigue est basée sur l’idée qu’en 2046, un système d’intelligence artificielle changera la perception et la connaissance humaines. C’est un système qui permettra la communication consciente entre les êtres humains du présent et du futur. Peux-tu nous expliquer davantage l’idée derrière ce concept ?

C’est une histoire que j’ai commencé à écrire il y a environ six ans. Je ne pensais pas que l’histoire en soi allait devenir un concept, car c’est un genre de système pour donner une cohérence, des lignes directrices à ma pensée créative. Après un moment, cette histoire a commencé à prendre de l’ampleur dans ma tête. J’ai pensé à écrire un livre, ensuite j’ai pensé à peut-être écrire une comédie musicale, avec de la musique et une histoire, pour le théâtre, mais ensuite, lorsque nous construisions ces chansons l’année dernière, lorsque nous écrivions et assemblions tout un tas d’idées, tous ces environnements musicaux m’ont inspirés pour ressortir cette histoire, qui est d’un côté une fiction, mais d’un autre côté prophétique, car ça traite de choses qui sont déjà en train de se produire et qui peuvent paraître dingues, comme la physique quantique, mais c’est très réel, c’est très proche de nous, la rotation du temps, le voyage temporel et d’autres concept spéciaux. Ça peut paraître fantastique mais c’est très proche de notre réalité.

« Lorsqu’on a appris à faire du feu, lorsqu’on a appris comment construire une roue, ça nous a fait croire qu’on était très puissants. […] Et je pense que c’est la même vanité et le même égoïsme et la même hystérie que l’on vit aujourd’hui via les réseaux sociaux. »

Je pense que l’art, la philosophie, la foi, avec toutes ces religions différentes, et la science, ces quatre branches de la connaissance parlent de plus en plus de la même chose. Elles apprennent l’une de l’autre, elles sont interconnectées, comme ce qu’on peut voir dans ces séries Netflix ; elles prennent en compte un peu de philosophie, un peu de science, un peu de foi, d’imagination, de créativité, d’art… C’est donc quelque chose qui arrive à l’humanité, pas seulement à Angra, n’est-ce pas ? C’est quelque chose qui nous arrive à tous. Donc je pensais que c’était une bonne chose d’amener cette discussion, d’amener notre perspective sur le sujet. Car c’est une chose étrange dont on ne discute pas tellement. On regarde Interstellar, le film, mais on n’a pas les ressources pour en discuter avec nos amis, car on a tous des bouts d’idées éparpillées sur ce que serait cette réalité projetée mais on est encore en train d’apprendre à porter tout ça dans notre vraie réalité. C’est donc important que les gens commencent à parler de plus en plus de ça, à discuter de cette possibilité à priori improbable et se dise que ce n’est pas si improbable mais très présent voire carrément inévitable.

Ce que tu dis renvoie à quelque chose que Kiko nous a dit à l’époque de Secret Garden, le fait que tu aimes « vraiment relier et mélanger les mondes spirituels, les religions, les pensées plus sceptiques, etc. » Et c’est une chose qui est évidente sur ce nouvel album et que l’on peut apercevoir rien qu’avec l’artwork.

Ouais. Lorsque j’ai commencé le groupe, ce type d’idées au sujet desquelles j’écrivais était déjà le même. C’est une chose que je fais depuis de nombreuses années. Cette fois, j’ai créé un système où je pouvais relier toutes mes idées précédentes, je pouvais les connecter à ça. C’est comme si Ømni avait toujours été là pour m’aider à prendre des décisions dans ma vie. Mais le truc, pour moi en tant qu’artiste, et je pense que c’est sans doute vrai pour n’importe quel artiste, donc pour nous les artistes, c’est dur de… Je veux dire que j’ai ma vie et Angra en fait partie. Lorsqu’un fan pense à moi en tant que membre d’Angra, me visualiser dans ce groupe, c’est la seule chose sur laquelle il peut se raccrocher ou buter, mais en fait, j’ai une famille, j’ai des amis, j’ai des rêves, j’ai des choses que j’apprends, j’ai mes passe-temps, j’ai de l’amour, des passions, j’ai mes peurs, j’ai mes limites, et j’ai Angra, n’est-ce pas ? Ce système que je créais, c’était pour donner du sens à ma vie, à toute cette grande roue composée de différents niveaux, différentes préoccupations, mais dès que j’écrivais un album, je mettais tout ça dedans. Donc j’avais besoin d’un système pour rendre ça cohérent, afin non seulement que ça ait du sens pour moi, mais qui devrait aussi toucher autrui, qui permettrait aux gens de s’y identifier, d’avoir de l’empathie avec ce que je décrivais ou sur quoi j’écrivais. Et l’empathie est créée sur la base de sentiments communs, sur ce que les gens ressentent aussi, sans être particulièrement personnels à moi mais qui proviennent de la nature humaine. Donc au départ, je voyais Ømni comme un système où je pouvais faire croiser mes préoccupations personnelles, mes inquiétudes et mes sentiments, en essayant de trouver un lien avec un terrain commun où tout le monde est pareil, et où c’est plus lié à la nature humaine qu’à quelque chose de personnel. Donc, au final, j’ai trouvé cette histoire où je peux connecter les préoccupations, les inquiétudes, etc. de tout le monde.

Afin de peut-être mieux comprendre le concept, comment lies-tu, par exemple, deux chansons comme « Black Widow’s Web » et « Caveman », qui sont thématiquement très différentes ?

Oh oui, tout à fait. Il y a une plus grande histoire qui relie tout ça. Ces chansons sont des chapitres. En l’occurrence, « Caveman », c’est l’éveil de l’esprit conscient. Les humains, lorsqu’ils étaient dans leurs grottes, à commencer à s’interroger sur la réalité, ils abandonnaient la conscience animale pour avoir leur propre conscience ; ils étaient conscients qu’autrui allait mourir, qu’ils allaient probablement eux-mêmes mourir, ils commençaient à se dire qu’ils devaient prendre des décisions, ils commençaient à devenir rationnels. Lorsque les humains ont commencé à devenir rationnels, c’était l’éveil de l’esprit conscient. Le truc, dans « Cavenman », c’est que les gens du futur, lorsqu’ils ont appris comment voyager à travers les dimensions au-delà de l’espace et du temps, ils ont pu se connecter à cet être humain ancien et primitif et murmurer à son esprit pour l’éveiller. Donc l’être humain primitif est éveillé par l’esprit humain évolué, dans une ellipse continuelle infinie, si tu vois ce que je veux dire. Pour que ce soit possible, afin de pouvoir évoluer jusqu’à ce stade, l’une des choses qui doit arriver aux humains est une révolution de la communication, et ceci est d’ores et déjà en train de se produire, c’est le présent. Donc je dirais que « Black Widow’s Web » est le moment présent et « Caveman » connecte le passé au futur de nos comportements humains.

Dans « Black Widow’s Web », on a l’information, on y a accès, on a les réseaux sociaux où on peut s’exposer, et les gens deviennent un peu hystériques avec le fait qu’ils peuvent s’exposer au monde dès qu’ils le veulent. Ils n’ont qu’à attraper leur téléphone portable dans leur poche et ils ont une fenêtre vers n’importe où ailleurs. Avec cette fenêtre entre leurs mains, ils peuvent voir ce qui se passe partout ailleurs et ils peuvent aussi se faire leur propre promotion, ils peuvent s’exposer dans cette fenêtre vers le reste du monde. Les gens deviennent un peu hystériques, ce qui pourrait être l’inconvénient de la situation. Il y a beaucoup de points positifs par rapport à ça parce qu’on apprend énormément, on s’interconnecte davantage, ce qui est une bonne chose, l’information est là à la disposition de toute le monde, et ainsi on fait évoluer notre intelligence, mais quand même, on reste coincé là-dessus. Eh bien, la coïncidence est que c’est la même hystérie qui s’est produite lorsque l’être humain primitif a commencé à penser par lui-même, l’esprit rationnel a été rendu hystérique et on a pensé qu’on serait responsable de notre réalité. Comme lorsqu’on a appris à faire du feu, lorsqu’on a appris comment construire une roue, ça nous a fait croire qu’on était très puissants, et ça mené à une pensée égoïste, qui est très victorieuse et nous a fait prospérer en tant qu’espèce partout sur le globe. Et je pense que c’est la même vanité et le même égoïsme et la même hystérie que l’on vit aujourd’hui via les réseaux sociaux.

« Ce qui va se passer en 2046 est que les gens seront capables de construire ensemble un futur plus flexible. Je veux dire que la réalité ne sera pas aussi stable et solide qu’on la conçoit aujourd’hui. »

Pouvoir communiquer entre les êtres humains du présent et du futur implique, à priori, que le futur est déjà déterminé, tout comme le passé. Crois-tu que tout est déjà écrit ?

Non, pas du tout. Le présent est une pièce avec de nombreuses portes menant à des options différentes, des alternatives, et le futur est composé de nombreuses pièces représentant de nombreuses alternatives différentes. Il y a certaines alternatives qui sont un peu plus raisonnables, acceptées ou possibles, et d’autres alternatives, des futurs éventuels, qui ne sont quasiment pas possibles, mais ça ne signifie pas que l’on peut prédire ce qui va se passer. Le truc, c’est que l’on apprend que cette vie, ce que l’on voit, ne peut exister que par la matière, avec un corps, et dans une cage, une cage suffocante que l’on appelle l’espace-temps. Mais notre existence transcende ce corps et ces dimensions de l’espace et du temps. Le futur se trouve là, pas dans l’espace et le temps, et pas en tant que matière, ce n’est pas solide, c’est simplement fait d’énergie, et on construit cette réalité à mesure que l’on avance. Ce qui va se passer en 2046 est que les gens seront capables de construire ensemble un futur plus flexible. Je veux dire que la réalité ne sera pas aussi stable et solide qu’on la conçoit aujourd’hui. La réalité nous offrira vraiment de nombreuses autres possibilités, comme on a pu le voir dans des films, car ces films projettent généralement de façon créative ce que serait la quatrième dimension et ce que serait la conscience et la perception collective de dimensions plus élevées.

Pourquoi 2046 ? Finalement, c’est dans pas très longtemps, seulement trente ans. Crois-tu vraiment que des changements de paradigmes aussi importants soient si proches de nous ?

Oui, je pense que c’est pour très bientôt. Ce ne sera pas aussi progressif que ce que l’on croit. Je pense que les vrais changements commencent à s’accélérer à partir d’aujourd’hui. Il y a une prophétie, le Livre de la Révélation, c’est censé avoir commencé le 23 septembre de l’année dernière, en 2017. Dans trente ans, la société va énormément changer. L’économie va changer avec les bitcoins et toute sorte de monnaie virtuelle. On va commencer à casser des souverainetés, à abattre des frontières géographiques, car les gens seront connectés, de nouvelles nations de gens feront leur apparition. Dans différents pays, ils utiliseront certaines de ces monnaies, échangeront des biens, et d’énormes changements géographiques et géopolitiques se produiront à cause de ça. Ceci, c’est pour les dix prochaines années. Ensuite dans dix ans, une énorme révolution énergétique se produira parce que d’autres énergies apparaîtront, et d’autres personnes puissantes émergeront. Les machines, comme les voitures et tout ce qui marche au pétrole, et l’économie autour du pétrole changeront parce que de puissantes personnes essaieront de renverser le monopole du pétrole. Ce sera une énorme révolution. Ceci, c’est pour encore dix ans de plus, donc dans vingt ans. Et après ça, en parallèle de ces vingt années, les gens seront davantage en contact avec la connaissance de la quatrième dimension, et la connaissance de la physique quantique sera plus concrète et moins purement théorique. Ainsi, cet apprentissage accélérera durant ces dix autres années. Dans trente ans, une énorme révolution cognitive au niveau technologique, géographique et philosophique commencera à véritablement changer le monde que nous voyons aujourd’hui.

C’est un peu comme si aujourd’hui nous ne voyions pas l’autre côté mais l’autre côté lui nous voit. On se sent un peu paranoïaques parfois, de nombreuses personnes se sentent paniqués ou déprimées, certaines personnes se suicident, elles ressentent quelque chose de plus grand mais elles ne comprennent pas, d’où l’anxiété, la panique, en raison de cette lumière qui brille mais qu’on ne parvient pas à remarquer de façon consciente. Et ce qu’il va se passer est que nous allons percevoir à un niveau collectif ces yeux, ces autres présences, ces autres manifestations de notre existence, et ce sera inévitable pour de nombreuses personnes. Le monde sera un peu plus divisé. C’est comme aujourd’hui, on appellerait ces gens des fous, des hippies ou des clochards mais bientôt, ce qu’ils disent sera approuvé par la science et de nombreuses religions.

Non seulement Ømni est un « système pour donner une cohérence, des lignes directrices à [t]a pensée créative, » comme tu dis, mais il a aussi la particularité de relier les concepts de vos précédents albums. Comment fait-il ça ?

De bien des façons. Tout d’abord, je crois qu’Ømni est une vraie matrice qui relie notre intuition, nos inspirations, et je crois que j’ai toujours été connecté à cette chose que j’appelle Ømni. A l’époque d’Holy Land, j’ai eu ce rêve où je parlais à un extra-terrestre, c’était comme une voix. Nous sommes partis dans un voyage. Moi et Kiko, tout le groupe faisait partie de ce voyage. Lorsque je me suis réveillé, c’était tellement réel pour moi que j’ai pensé que les gars s’en souviendraient. C’était tellement réel pour moi que je pensais que c’était vraiment quelque chose qui nous était arrivé, que nous nous en souviendrions tous et que nous serions tous liés à ce gars extra-terrestre dénommé Z.I.TO.. C’est l’une des origines de la chanson « Z.I.T.O. ». Maintenant, je me suis mis d’accord avec mon psychologue pour dire que cet extra-terrestre n’était qu’un rêve mais je pense qu’en réalité, c’était Ømni qui me connectait déjà à cette dimension où il n’y a ni espace ni temps. Il y a un endroit où je vais souvent dans ma tête, où l’espace et le temps n’existent pas, tu ne vois qu’une projection de ton esprit et celui d’autres gens. C’est comme un rêve éveillé ou même lorsque tu rêves vraiment la nuit. Je crois que les gens sont là, tout comme moi, mais pas physiquement, juste en tant que projection, et nous sommes à la frontière de cette dimension, et nous pouvons être là mais pas de la même manière que nous existons ici à ce moment précis. Nous sommes juste là. Et parfois, quand on atteint cet endroit, on a toujours l’impression d’être là mais nous ne faisons que ressentir notre existence, et nous recevons cette existence dans notre tête, mais notre tête reste là. Donc ces projections de ce que tu es dans cette dimension d’énergie pure sont converties en souvenirs, mais ce n’est pas ta vraie expérience, car tes souvenirs ont besoin d’un sens pour exister, donc ce que tu vis de l’autre côté est traduit [pour avoir un sens]. C’est donc très dur de décrire ce que tu es ou ce que tu vis de l’autre côté. Et c’est le genre de choses que cet extra-terrestre a commencé à m’expliquer.

« A l’époque d’Holy Land, j’ai eu ce rêve où je parlais à un extra-terrestre, c’était comme une voix. […] Maintenant, je me suis mis d’accord avec mon psychologue pour dire que cet extra-terrestre n’était qu’un rêve mais je pense qu’en réalité, c’était Ømni qui me connectait déjà à cette dimension où il n’y a ni espace ni temps. »

Evidemment, c’est un peu schizophrène et parfois même un peu dément. Mais j’ai beaucoup de chance d’être un artiste et pouvoir écrire des chansons là-dessus. Parfois je crois aux choses que j’écris, parfois je me dis que ce n’est que mon imagination, mais je sais que ceci, quoi que ce soit, a toujours été la source. Donc le fait de relier ces albums est quelque chose que je commence à faire maintenant, pas seulement avec cet album Ømni, je vais continuer à relier toute l’histoire. Comme, par exemple, l’histoire dont je t’ai parlé au sujet de « Z.I.T.O. ». Mais aussi l’histoire sur « Carolina IV ». C’était un navire, avant la découverte de l’Amérique et du Brésil, comme de nombreux autres navires qui ont vogué dans le but de trouver cette terre – ou l’inde, car nombre d’entre eux partaient pour ça – sans jamais la trouver, et ils ne sont jamais revenus à cause d’énormes courants marins auxquels ils se trouvaient confrontés, donc ils se noyaient en mer. Mais c’est aussi une analogie avec une journée où nous, le groupe Angra, avons pris le bus pour aller à une session photo ici au Brésil et ça n’a pas abouti. Nous étions censés rouler en bus jusqu’en haut d’une montagne. C’est une montagne qu’au Brésil on appelle la cime des nuages, car quand tu vas en haut de cette montagne, tu vois les nuages en-dessous de toi et tu peux prendre des photos au-dessus des nuages. J’avais eu cette idée exceptionnelle de faire un shooting photo pour Holy Land là-bas à la cime des nuages ici au Brésil. Ça ne s’est jamais fait parce que le bus s’est retrouvé coincé dans la boue, ensuite il est tombé en panne, plein de choses se sont produites, et nous y sommes arrivés tellement tard qu’il n’y avait plus de nuage. Tout est parti de travers. Ce bus s’appelait Carolina IV. Voilà pourquoi j’ai apporté une chanson qui parle d’un navire qui essaie de trouver l’Amérique mais n’y parvient pas.

Ensuite, dans mon imaginaire, j’ai commencé à penser aux mondes parallèles ; comment un concept tout simple comme le fait d’échouer dans quelque chose se lie à d’autres moments où d’autres gens échouent dans autre chose. Donc tous ces concepts très abstraits… Un concept, ce n’est pas quelque chose de matériel. Être heureux, l’échec ou la réussite, ce ne sont que des idées que l’on a dans notre tête pour comprendre des situations. Donc j’ai commencé à me représenter moi-même en train de parler à ces extra-terrestres dans mes rêves comme s’ils m’aidaient à comprendre ce concept, et ils me disaient que l’énergie créée lors d’une situation se connectait à d’autres situations. Voilà comment on voyage à travers le temps. Et notre échec lors de notre périple avec le bus nous connecte à ces navires qui ont échoué à voguer à travers le monde en quête de quelque chose. Tous ces concepts abstraits – être heureux, l’échec, la réussite – que l’on peut à peu près comprendre dans notre tête existent aux frontières de notre conscience. Donc lorsque l’on quitte la conscience via la méditation ou la créativité, on va plus loin que notre dimension normale, et on commence à exister à un endroit – une dimension sans espace-temps – où seules les idées, les concepts, les abstractions et l’énergie existent, car c’est par ce biais que l’énergie est projetées dans nos cerveaux. Donc en m’expliquant ceci, j’ai commencé à me poser des questions et à écrire pour en comprendre davantage car j’étais très confus. Ce n’était pas facile pour moi de comprendre ces concepts.

A la fois, sur Holy Land, on m’a parlé de Lucifer, voilà pourquoi j’ai écrit la chanson « Lullaby For Lucifer ». Car les concepts dans nos têtes sont confrontés à des stéréotypes. Tu as ta propre définition en toi pour des mots abstraits tels que « justice », « bien », « mauvais », « mal », « amour », « haine »… Les gens ont leurs propres images et idées abstraites qui rencontrent des stéréotypes. Donc Lucifer est aussi un stéréotype mais c’est un très vieux concept qui entoure notre compréhension depuis nos ancêtres primitifs. Car d’un côté, il y a l’idée des choses qui nous effraient, de ce qui est mal et du danger en général, on est dans une caverne ou on traîne dans les bois complètement vulnérable. On ne comprend pas encore comment faire du feu, mais aussi on n’a pas de dent pointue, on n’a pas de longs ongles, on n’a pas de protection sur notre peau, donc on est très vulnérable. Donc la peur a toujours été ancrée dans notre cerveau. L’idée d’affronter cette peur en nous et qu’on ne peut vraiment comprendre, c’est là de façon intuitif et instinctif, parfois tard le soir dans le noir ou quand on est seuls. Cette peur, qui est vraiment exclusive à notre corps matériel, notre vie matérielle, est aussi un concept, et quand on franchit la frontière vers l’autre côté, on comprend qu’il y a une dimension où la peur n’existe pas du tout. Au départ, on imagine qu’on peut aller plus loin dans la méditation et trouver une existence encore plus loin au-delà de ces frontières.

Voilà comment Ømni est relié. Ømni est relié par le fait que j’ai essayé de parler de tout ça via la musique, mais maintenant, j’ai trouvé un mot pour tout représenter. Car c’est seulement maintenant qu’on m’a montré ce mot, et c’est un mot où le « Ø » représente zéro, le « M » représente le nombre trois, le « N » représente le nombre deux et le « I » représente le nombre I. On a donc ces quatre nombres qui représentent tout ce qui existe : la dualité, la Sainte Trinité, l’ambivalence entre le rien et le tout, la façon dont les choses s’étendent et puis rétrécissent, la progression naturelle de la vie… C’est seulement maintenant qu’on m’a appris ce mot, donc voilà pourquoi je n’ai pu expliquer tout ceci que maintenant. Et ce n’est que maintenant que je peux dire que ceci est relié à tout ce qui s’est produit avant.

« Je suis inspiré par des forces venant d’autres dimensions, je le crois, mais je le concrétise avec l’aide de mes collègues, évidemment, surtout parce que parfois je suis trop créatif et mes amis, mes partenaires dans le groupe, en bavent pour faire de tout ça quelque chose de compréhensible pour les gens. »

Donc tu penses que ton inspiration artistique provient de cet extra-terrestre ou, tout du moins, cet autre monde ? Car ça rejoint ce que d’autres artistes ont pu nous dire, comme Anneke Van Giersbergen, par exemple. Elle a dit qu’elle ne s’attribuerait « jamais les mérites d’une bonne chanson » parce que ça vient d’en-dehors d’elle et elle ne fait que la recevoir.

Ouais. Bon, je pense que j’ai du mérite parce que tout ce que je reçois, je prends beaucoup de temps pour le convertir en quelque chose que les fans comprendront. J’ai besoin de tout traduire en metal, dans quelque chose que je fais, dans ce que j’étudie, dans ce à quoi je m’entraîne… Toutes ces choses doivent être traduites dans ma connaissance, dans mes compétences. Et je reçois aussi l’aide de mes partenaires, donc je ne fais rien tout seul. C’est un travail d’équipe. Je suis inspiré par des forces venant d’autres dimensions, je le crois, mais je le concrétise avec l’aide de mes collègues, évidemment, surtout parce que parfois je suis trop créatif et mes amis, mes partenaires dans le groupe, en bavent pour faire de tout ça quelque chose de compréhensible pour les gens. Donc ce à quoi je pense, ce ne sont pas de vrais extra-terrestres, mais juste un endroit auquel on peut accéder via l’imagination et la méditation. C’est une dimension où on existe tous mais sans en avoir conscience. Mais je pense que cette notion est de plus en plus présente dans la vie des gens. De plus en plus de personnes ont connaissance de ce qu’on peut appeler une réalité augmentée. Les gens avaient cette image de la réalité comme étant quelque chose de stable, comme nous en parlions plus tôt, mais maintenant, ils ont davantage conscience que l’on existe au-delà de l’espace et du temps, et que l’on a besoin, comme je l’ai dit, de la méditation, de l’imagination ou même parfois de drogues pour vivre l’existence au-delà. Mais le truc, c’est que toutes ces expériences sont converties dans des choses qui peuvent vraiment rentrer dans notre cerveau. Ce ne sont donc pas de vrais ressentis. Ils ne sont pas réels. On doit donc se murer dans le silence car la seule vérité que notre cerveau peut ressentir, c’est le silence infini et absolu. Voilà pourquoi nous avons une chanson qui s’appelle « Silence Inside » et « Infinite Nothing ».

Certaines chansons dépeignent vraiment musicalement leur thème, comme « Caveman » avec son côté tribal et très primitif. Est-ce que ça signifie que la musique a été spécifiquement composée pour coller à ces thèmes ?

Ouais et dans l’autre sens aussi. En fait, nous avions des esquisses de bouts d’idées, comme des riffs et des mélodies, nous avions des idées de thèmes, pour les histoires que je m’étais construit en tête, et j’ai commencé à les relier. Dans de nombreux cas, une partie était là d’abord et les paroles sont venues après, et dans d’autres cas c’était l’inverse, car j’avais déjà en tête nombre de ces histoires. Je devais donc travailler sur une métrique et les mélodies afin de pouvoir raconter ces histoires avec ces mélodies.

Une chose que l’on peut remarquer est que vous avez poussé encore plus loin le côté progressif mais aussi symphonique d’Angra comme jamais auparavant. Vous vous êtes tout permis d’un point de vue créatif ?

Ouais. Bon, le défi est d’équilibrer les attentes des fans. D’accord, les fans ont certaines attentes vis-à-vis de ce qu’Angra a fait auparavant. D’un autre côté, ils ont besoin qu’on les surprenne. Si tu leur donnes trop de surprises, ils sont déçus ; si tu leur donnes exactement ce qu’ils veulent, ils sont aussi déçus, car tu commences à sonner tout le temps pareil, c’est répétitif. C’est donc toujours un défi de satisfaire les attentes, d’avoir du power metal avec des refrains épiques, avec des parties orchestrales classiques, avec des trucs brésiliens, combiné à des percussions, mais aussi apporter quelque chose de nouveau et de frais. Evidemment, nous avons un nouveau line-up : nous avons une voix qui chante pour nous depuis six ans, ensuite nous avons un très jeune batteur qui n’est pas encore très connu du public et un nouveau guitariste. Donc ça signifie que nous avions besoin d’un nouveau son, nous devions explorer de nouveaux éléments avec notre musique, et c’est ce qui s’est produit. Et la veine progressive est ce qu’il y a de plus naturel pour ce groupe, surtout pour ces jeunes gars dont je t’ai parlé. Ils sont très influencés par la musique progressive et le djent, donc ils apportent ceci à Angra.

Pour l’aspect orchestral, c’est quelque chose que j’aime beaucoup. J’ai aussi développé davantage mes compétences orchestrales, la façon dont je conçois les arrangements, et j’ai aujourd’hui de très bons partenaires. Ronaldo De Oliveira a orchestré de vraies cordes ici au Brésil, et puis j’ai Franscesco Ferrini [de Fleshgod Apocalypse] qui a fait certains arrangements pour nous en collaboration avec Ronaldo. Avec ces deux grands arrangeurs, j’ai pu obtenir d’excellents résultats pour l’album.

Tu as une place encore plus importante au chant sur Ømni que sur Secret Garden. Kiko nous avait dit que c’était un de tes rêves de chanter sur une chanson d’Angra. Je sais que tu as chanté sur un titre bonus en 2006, mais pourquoi est-ce qu’il t’a fallu autant de temps pour te jeter à l’eau et intégrer ton chant comme un élément du groupe ?

J’adore chanter mais parfois ma voix n’est pas très adaptée au power metal et je ne suis pas aussi douée que la plupart des chanteurs de power metal. Donc il y a ce standard et ces attentes de la part du public, et il y a une qualité que nous devons maintenir à un haut niveau. Voilà pourquoi je ne peux pas chanter juste parce que j’aime chanter. Il faut que je livre un bon résultat. Donc la chanson doit coller à ma voix ou il faut que ce soit un concept qui se prête à ce que je le chante à la place du chanteur principal. Il y a de nombreuses choses à prendre en compte. Cette fois, nous avions un très bon album déjà enregistré ; Fabio avait enregistré presque toutes les chansons, sauf les deux ballades, « The Bottom Of My Soul » et « Always More ». Donc je lui ai dit : « Bon, puisqu’on a deux ballades et que les ballades n’est pas truc le plus important dans l’album, que dirais-tu si j’en chantais une ? » « The Bottom Of My Soul » est celle sur laquelle j’ai chanté le chant principal ; car je chante des parties ici et là, ce qui ne remet pas en cause le fait que nous avons un chanteur principal qui fait le boulot et tout. Mais le fait de chanter la partie principale de « The Bottom Of My Soul », c’était aussi parce que c’est une chanson et des paroles très personnelles, et je voulais livrer l’interprétation et le côté personnel de cette chanson comme un document de ma vie.

« Tout le concept d’Ømni est venu à un moment où je me sentais très, très désorienté il y a six ans, et incertain de nombreuses décisions que j’ai prises dans ma vie, y compris pour Angra. […] Quand j’ai atteint le fond de mon âme, j’ai commencé à réécrire ma personnalité, mes croyances, et j’ai commencé à faire une révolution dans ma vie. Cet album, Ømni, en est le résultat. »

De quoi parle-t-elle ?

Tout le concept d’Ømni est venu à un moment où je me sentais très, très désorienté il y a six ans, et incertain de nombreuses décisions que j’ai prises dans ma vie, y compris pour Angra. Edu, notre précédent chanteur chantait très mal. Kiko s’émancipait en tant que guitariste solo et je savais que bientôt il allait probablement partir faire son propre truc ; il était déjà en train de se focaliser sur sa carrière. Je me sentais un peu abandonné. Enfin, pas abandonné mais perdu, car les gens ne semblaient pas aussi intéressés et Edu ne chantait pas très bien, nous avons dû prendre une décision… J’ai commencé à écrire et creuser profondément dans ma créativité. Et quand je commence à creuser dans ma créativité, je vais vraiment très loin dans mon âme, car je crois que la créativité te relie à ton inconscience. Et l’inconscience te relie à des recoins de ton âme que tu ne soupçonnes pas. Donc tu commences à déterrer des morceaux éparpillés qui n’ont pas trop de sens pour toi. Et quand j’ai atteint le fond de mon âme, j’ai commencé à réécrire ma personnalité, mes croyances, et j’ai commencé à faire une révolution dans ma vie. Cet album, Ømni, en est le résultat, et la chanson “The Bottom Of My Soul” est le point de départ.

Au niveau paroles, c’est le stade où j’ai été très bas pour savoir ce que je voulais vraiment comprendre, afin de trouver une solution positive à ma créativité, à ma carrière, à Angra, à des choses que je crois, reliant ma famille, mes amis, les choses que je fais, mes passe-temps, mes temps libres, reliant tous les bouts de ma vie, avec Angra, ma profession et toutes les choses plus sérieuses de ma vie. J’avais besoin de trouver un lien afin d’avoir une continuité, de façon à ce que les différents niveaux de ma vie s’imbriquent de manière plus organique. Donc ceci est la chanson où, encore une fois, je me remémore quand j’étais été au plus bas. Et la chanson « Always More », l’autre ballade, celle que Fabio chante, c’est la conclusion, une conclusion très positive : il y a toujours plus. Si on se pose des questions et essaie de comprendre les choses, on devient fou ! Au final, il faut accepter qu’il y a toujours plus au-delà de notre compréhension. Il ne faut pas se sentir coupable en découvrant que les choses auraient pu être mieux quand elles sont finies, quand elles sont parties… C’est ainsi qu’on peut être serein, conscient et évoluer en paix, naturellement. J’avais donc un message, une idée à faire passer. Voilà donc pourquoi j’ai voulu chanter cette chanson.

Comment t’es-tu intéressé au chant au départ ? T’es-tu senti limité dans ton expression en ne faisant que jouer de la guitare. As-tu ressenti un besoin d’ouvrir ton éventail d’expression ?

Lorsque j’ai commencé à me préparer à être musicien, je voulais écrire des chansons, jouer de la guitare et chanter. J’étais très inspiré par David Gilmour et les gars qui jouent et chantent, comme James Hetfield, Eric Clapton, Jimi Hendrix. J’ai toujours aimé ce truc de jouer et chanter. Donc j’ai commencé à faire des chansons de power metal mais je n’étais pas un chanteur de power metal. Mais j’ai toujours été un compositeur. Je compose toujours des chansons, j’écris des paroles, j’écris des accords avec des mélodies, et c’est ce que j’aime faire. Je ne suis pas un shredder ou un guitariste qui ne s’exprimerait que par sa guitare. Donc je suis le genre de gars qui aime s’exprimer via ses chansons. Et parfois j’ai envie d’en faire mes propres versions. Evidemment, les chanteurs professionnels le font mieux, surtout lorsqu’on commence à arranger des guitares vraiment trépidantes, ce n’est pas facile de faire le boulot à la guitare et au chant. Mais dès que je me sens à l’aise, et que mes partenaires apprécient, je le fais.

Sur la chanson « Black Widow’s Web », il y a deux invitées au chant : Sandy et Alissa White-Gluz qui fait les growls. C’est la première fois que vous avez des growls sur une chanson ; vos fans ne sont donc pas habitués. N’aviez-vous pas peur de les rebuter ?

Non, je ne crois pas. Je veux dire que nous avons onze chansons sur l’album – onze super chansons – et sur une des chansons, nous prenons un risque en amenant du growl provenant du meilleur artiste metal actuel, selon moi. Alissa White-Gluz est la meilleure diva metal de tous les temps ! Elle est tout en haut de ma liste des performeurs metal, elle est extraordinaire. Et lorsque je l’ai vue en concert, j’ai pensé : « Je veux faire quelque chose avec elle artistiquement. Il faut qu’elle chante sur une de mes chansons, un de mes textes, dans mon groupe, » car j’ai trouvé sa prestation palpitante. Et puis j’ai écrit la chanson sur la veuve noire ; c’est une analogie entre l’araignée et les réseaux sociaux, et le fait que les gens deviennent parfois complètement dépendants de l’image qu’ils projettent sur internet, parfois ils se perdent aussi parce qu’ils ont tellement envie d’avoir des likes, ils en ont besoin, ils veulent être acceptés, et puis ils comment à se comporter d’une manière qui n’est pas naturelle, ils se filment eux-mêmes et s’auto-illustrent constamment sur internet. C’était parfait d’avoir le côté plus agressif de la femme pour représenter le côté fatal de la veuve noire et des réseaux sociaux et d’internet. Ensuite j’ai cette voix angélique de Sandy qui représente le côté plus séduisant, et donc naïf et innocent. J’ai donc fait un personnage des réseaux sociaux, très séduisant, tentant, mais aussi fatal.

Depuis Secret Garden, Fabio Lione a quitté Rhapsody Of Fire. As-tu ressenti plus d’implication de sa part grâce au temps et à l’énergie supplémentaire qu’il avait à consacrer à Angra ?

Oh ouais, c’est certain ! Maintenant je peux dire que nous avons un chanteur principal dans notre groupe. Avant, lorsqu’il partageait son temps entre Angra et Rhapsody Of Fire, c’était toujours très dur de discuter de l’emploi du temps, car ils ne savaient jamais quand ils allaient tourner, quand ils allaient enregistrer ; c’était très dur de planifier. Maintenant qu’il tourne juste avec Luca Turilli, tout est plus clair car on peut prévoir quand il tourne avec Angra, quand il tourne avec Luca. Et il tourne moins avec Luca, ce qui est dommage ; je trouve qu’ils devraient tourner plus souvent avec Rhapsody, ce truc qu’ils ont mis en place, car ils ont une très belle discographie. Mais bref, oui, je peux fièrement dire maintenant que j’ai un chanteur dans notre groupe !

« Si je meurs, par exemple, et que les gars doivent se trouver un autre guitariste, […] ils essaieraient probablement de respecter ce que nous avons fait dans le passé et faire de nouvelles choses pour le futur. Je crois qu’ils s’en sortiraient bien et seraient quand même Angra. »

Lorsque Kiko a rejoint Megadeth, les projecteurs se sont évidemment braqués sur lui et ses travaux passés. As-tu ressenti un intérêt plus grand envers Angra grâce à ça ?

Oui. Enfin, d’un côté, certains fans ont été déçus que Kiko soit parti, mais d’un autre côté, Angra a commencé à être connu de nombreuses autres personnes qui n’entendaient jamais parler d’Angra. Pas seulement des fans de Megadeth mais aussi des fans de Metallica ou de Slayer, genre « qui c’est ce gars ? » Les gens qui sont en contact avec Kiko via Megadeth ont commencé à se renseigner sur d’où venait ce gars et ont remarqué Angra. C’était donc une mauvaise nouvelle à un moment donné pour notre ancien public mais un tout nouveau public était né. Donc au final, je pense que c’était… Bon, c’est dur à dire parce que maintenant avec le nouvel album, je vais probablement pouvoir mieux juger, en comparant l’album précédent, Secret Garden, à Ømni, mais je pense que les gens sont aussi excités par l’album, du simple fait que c’est un bon album, pas parce qu’il y a ou pas Kiko, mais juste parce qu’ils aiment écouter de la bonne musique et qu’ils s’attendent toujours à ce que nous sortions de bons albums.

A l’époque de Secret Garden, Kiko nous avait dit qu’ « Angra est quelque chose déconnecté de » lui et toi. Du coup, qu’est-ce qui définit Angra ? Qu’est-ce qui garantit qu’Angra reste Angra, peu importe qui est dans le groupe ?

Tout d’abord, il y a un concept musical. C’est un groupe de power metal avec des influences progressives, et nous aimons combiner la musique brésilienne et les trucs orchestraux. C’est un court résumé de ce qu’est Angra, au niveau musical. Au niveau des paroles, nous aimons apporter de l’espoir aux gens dans un monde où peu de gens s’attendent à ce que les choses s’améliorent ; la plupart des gens pensent que le monde – que ce soit le fait d’y vivre ou le comportement des gens – va de mal en pis. Nous essayons d’apporter un message positif mais nous aimons également embrouiller les gens, car la solution positive pour que le monde aille mieux implique un changement. Donc j’aime aussi détruire ce que les gens pensent être afin qu’ils puissent commencer à renaître et reconstruire leur propre identité. Donc nous amenons une énergie positive mais quand même en essayant de détruire la réalité telle que les gens la voient.

Mais tu imaginerais le groupe sans toi ?

Oui. Comme Kiko qui a quitté le groupe et qui fait toujours partie de la famille. Il est toujours là, c’est un ami, donc nous nous parlons toujours, et évidemment, nous parlons d’Angra, nous parlons du business de la musique et de la scène. Il a aussi beaucoup de poids, d’une certaine façon, dans certaines décisions car il donne son avis sur plein de choses que nous faisons. Je crois que je pourrais quitter le line-up du groupe en tant que musicien et toujours faire partie de la famille, en faisant des arrangements, en écrivant des chansons, en aidant à la production. Je crois qu’Angra serait toujours Angra. Bon, si je meurs, par exemple, et que les gars doivent se trouver un autre guitariste, je pense que le groupe changerait probablement un peu ici et là, mais ça fait si longtemps que je suis dans le groupe que la plupart des gars savent déjà comment je pense. Ils essaieraient probablement de respecter ce que nous avons fait dans le passé et faire de nouvelles choses pour le futur. Je crois qu’ils s’en sortiraient bien et seraient quand même Angra, car Angra a beaucoup changé au fil des années. Holy Land est très différent d’Angels Cry, et il est très différent aussi de Fireworks. Ensuite nous avons eu une séparation au niveau du line-up. Donc Rebirth est extrêmement différent de tout ce qui est sorti avant. Ensuite nous avons surpris les gens avec Temple Of Shadows. Ensuite il y a eu Aqua, Secret Garden… Enfin, tous les albums sonnent très différents les uns des autres mais il y a un lien avec l’histoire, surtout lorsque l’on respecte notre format original, qui est le power metal avec des trucs orchestraux, des refrains épiques, de la musique brésilienne et quelques parties progressives. Si on a ces quatre ou cinq éléments présents, alors ce sera Angra, même lorsqu’on trouve de nouvelles personnes pour raconter à nouveau l’histoire.

D’ailleurs, quelle aurait été ta décision si c’était à toi que Dave Mustaine avait demandé de rejoindre Megadeth ?

C’est très dur à imaginer. Car je ne suis pas le genre de guitariste dont Dave Mustaine aurait besoin. Donc c’est une situation très improbable. Bon, au moment où Kiko a reçu l’offre, j’aurais probablement accepté aussi parce que je n’étais pas très motivé par Angra, et c’est aussi pour cette raison que Kiko est parti. Mais s’il me demandait aujourd’hui, ma réponse serait non. Mais à l’époque, quand on a demandé à Kiko, ma réponse aurait sans doute été oui.

Pourquoi n’étiez-vous pas motivés par Angra à l’époque, alors que vous veniez de sortir Secret Garden ?

Parce que ça fait vingt-sept ans, parfois tu es motivé et parfois pas tellement. C’est comme un mariage. C’est normal. Nous essayions de trouver une solution mais c’était dur. En fait, il se trouve que j’étais en train de retrouver ma motivation grâce à Fabio qui apportait son énergie, son talent, ses compétences au groupe, mais il n’était pas encore tout à fait sûr de ce qu’il allait faire de sa vie. Mais après que Kiko ait rejoint Megadeth, Fabio a pris la décision de faire d’Angra son groupe principal. Ensuite nous avons eu Marcelo ; j’étais aussi très déçu de ne plus avoir Kiko et de devoir trouver un autre guitariste. Mais quand Marcelo a rejoint le groupe et que Fabio a pris sa décision d’être un membre stable du groupe, j’ai regagné confiance en ce projet. Pourquoi ma motivation avait-elle baissée ? C’est quelque chose de naturel. Parfois tu arrêtes de manger des frites parce que c’est mauvais pour ta santé mais ensuite, un beau jour, tu réessaies de manger une frite, et tu te dis : « Oh, mais pourquoi j’ai arrêté ?! » Et maintenant, nous avons un line-up et une équipe bien plus en accord ; nous avons une équipe avec d’autres gens qui nous aident. Maintenant est vraiment le moment pour Angra de passer au niveau supérieur. Cette année, nous allons faire vingt-sept concerts en Europe. Nous allons probablement finir cette année avec quatre-vingt-dix à cent concerts. Les gens commencent vraiment à apprécier ce nouveau line-up, le fait que nous nous soyons renouvelés, rafraîchis. C’est une toute autre histoire. Je suis bien plus motivé maintenant.

En passant : qu’as-tu pensé de Dystopia, le premier album de Megadeth avec Kiko ?

J’aime bien ! Bon, je ne suis pas du tout un fan de Megadeth. Enfin, certaines chansons sont sympas mais je ne suis pas un fan à proprement dit. Donc je ne suis pas la personne parfaite pour juger. Mais j’ai entendu l’album, je l’ai écouté, et je l’aime bien. C’est un bon album de metal. Si on compare avec les albums précédents de Megadeth, je pense que c’est le meilleur album qu’ils ont fait durant ces dix dernières années. Mais malgré tout, je ne suis pas un grand fan de Megadeth.

As-tu d’autres plans pour le futur, peut-être un album solo ?

Ouais, j’ai un projet qui s’appelle le Bittencourt Project. J’ai sorti un DVD que je vends aux gens. Ce n’est pas encore sorti sur YouTube mais ça le sera bientôt. Avec un peu de chance, je recommencerais à travailler sur mon projet parallèle l’année prochaine. Mais ma préoccupation première pour le moment, c’est Angra.

Interview réalisée par téléphone les 9 et 13 février 2018 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Henrique Grandi.

Site officiel d’Angra : www.angra.net.

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