Phil Campbell, malgré la fin de brutale de Motörhead il y a quatre ans, n’est pas près de raccrocher les guitares. Là où son ancien compère batteur Mikkey Dee a sauté d’un mastodonte du rock à l’autre en intégrant les célèbres Scorpions, Campbell lui a fait un choix radicalement opposé, en montant son propre groupe familial ; ce sont en effet ses trois fils qui l’accompagnent – Todd , Tyla et Dane – ainsi que le chanteur Neil Starr. Et force est de constater qu’il s’éclate, comme en témoigne la nouvelle salve de dates en cette fin d’année, dont huit en France à partir du 15 septembre, alors que leur premier album est sorti il y a déjà un an et demi – un second devrait d’ailleurs voir le jour l’an prochain.
Nous avons tout récemment eu l’occasion d’échanger avec le guitariste afin de parler de cette nouvelle vie, moins agitée, à un niveau plus modeste, mais aussi de son rapport à ses fils devenus collègues et de sa responsabilité dans leur éducation, mais aussi, forcément, de rock n’ roll et de la part de Motörhead qui reste en lui.
« On ne ramènera pas Motörhead, les choses changent, il n’y a rien qu’on puisse faire par rapport à ça, et ceci est ce que j’ai décidé de faire. […] Je ne voulais pas me retrouver à jouer le best of d’un autre groupe pour le restant de ma vie. »
Radio Metal : Il y a quatre ans, c’était presque comme si tu recommençais tout avec Phil Campbell & The Bastard Sons. Est-ce que c’était excitant de recommencer de zéro, à devoir refaire tes preuves, à rejouer dans de plus petites salles, etc. ou y avait-il un peu de frustration, ou peut-être les deux ?
Phil Campbell (guitare) : Il n’y a vraiment aucune frustration. Je veux dire que j’apprécie jouer de la musique. Le groupe existait quand Motörhead était encore en activité. Nous avons simplement changé de nom après. Ça s’est passé trois ans avant que Motörhead s’arrête. Mon fils a eu une fête d’anniversaire, et nous voulions de la musique à cette fête. Nous avons fait quelques chansons. Nous avons fait appel à un groupe et ensuite, quelques-uns d’entre nous, moi et ses frères, nous sommes levés avec lui et avons joué quelques chansons. Ça sonnait bien, donc nous avons décidé de faire d’autres concerts, en ne jouant que des reprises, des chansons pour faire la fête. Ensuite Motörhead a pris fin, j’ai eu l’occasion de réfléchir et c’est là que j’ai changé le nom du groupe, et nous avons décidé après quelques mois de prendre ce dernier un peu plus au sérieux et de commencer à écrire nos propres chansons. C’est comme ça que ça s’est passé. Mais ouais, c’est amusant, c’est très excitant de jouer et être sur scène avec ma famille ! Peu de gens ont l’occasion de faire ça. Je me considère très chanceux. C’est bien de jouer dans de plus petites salles. Enfin, nous avons aussi joué dans de grandes salles : nous avons fait des stades avec Guns N’ Roses, de gros concerts avec Slash et sur différents festivals. Donc certains des concerts sont plus petits, mais c’est bien de voir tout le monde danser dans un club quand tu es en train de jouer tes propres nouvelles chansons ! Et je ne me vois pas comme ayant besoin de faire mes preuves. J’ai simplement envie d’avoir un groupe de rock qui déchire. Ce n’est que du fun. J’ai abandonné l’idée de faire mes preuves il y a des années. C’est le moment de s’éclater maintenant. On ne ramènera pas Motörhead, les choses changent, il n’y a rien qu’on puisse faire par rapport à ça, et ceci est ce que j’ai décidé de faire. C’est un bon groupe !
Et tu es désormais ton propre patron…
Oui, mais dans Motörhead, c’était vraiment démocratique. Nous prenions les décisions à trois, et avec le nouveau groupe nous prenons aussi les décisions ensemble, à cinq. Un groupe est un groupe, je pense. Ce n’est pas comme s’il y avait un patron. Je dois essayer d’être juste. Il faut être juste et faire des compromis, parfois, pour les autres, et eux font des compromis pour toi, et ainsi de suite. Donc quatre-vingt-dix pour cent du temps, ça reste un processus démocratique dans ce groupe.
Ton ancien collègue Mikkey Dee a choisi de rejoindre un autre grand et célèbre groupe, Scorpions, tandis que tu as pris le chemin inverse en créant ta propre formation, t’obligeant à remonter les échelons, pour ainsi dire. Est-ce que l’idée de rejoindre un autre groupe bien établi t’a traversé l’esprit ou bien était-il important pour toi d’être reconnu en tant que toi et pas sous l’égide d’un groupe au nom prestigieux ?
Je ne voulais pas jouer les chansons d’autres gens, vraiment. Scorpions, par exemple, c’est un groupe fantastique et ils ont plein de super chansons, mais il reste encore beaucoup de musique en moi. Je trouve que Scorpions est parfait pour Mikkey, il sonne merveilleusement bien avec eux. Mais c’est différent pour les batteurs que pour les guitaristes. Un batteur peut convenir à plus de groupes qu’un guitariste. C’est un rythme, ce n’est pas de la musique à proprement parler. On voit plus souvent des batteurs sauter d’un groupe à l’autre sans problème que des guitaristes réussissant à se faire une place. C’est plus compliqué. Je ne voulais pas me retrouver à jouer le best of d’un autre groupe pour le restant de ma vie. C’est le choix que j’ai fait et j’en suis content. Mais il nous arrive toujours de nous voir avec Mikkey, de temps à autre, deux ou trois fois à l’année. Je suis même monté sur scène avec Scorpions. J’ai joué une chanson avec eux lors d’un festival. Ce n’était qu’une chanson : comme tu dois le savoir, ils jouent « Overkill » tous les soirs pour rendre hommage à Motörhead, et cette fois-ci je les ai rejoints le temps de la chanson. C’était très différent de la version de Motörhead, mais c’était très marrant, c’était super ! Donc nous restons en contact.
Comment est la vie en tournée avec tes fils ? Travailles-tu et te comportes-tu différemment dans un groupe avec eux ? Est-ce que ça change quoi que ce soit en termes de relation ?
C’est pareil, vraiment. C’est assez classique. Rien de dingue. Je pense que l’époque folle du rock n’ roll est finie. Et je pense que tout le monde, quand on atteint un certain âge, doit lever le pied. On ne s’en rend peut-être pas compte, mais ça viendra un jour. On passe une porte sans le réaliser, pour ainsi dire. On se retrouve subitement de l’autre côté de la porte et on réalise qu’on n’est plus aussi jeune qu’avant. Mais ça n’empêche pas de s’amuser. J’ai abandonné l’alcool, donc je suppose que je me couche plus tôt maintenant. Mes fils, eux, veillent plus tard que moi. Je suis content d’aller au lit à l’hôtel et de regarder la télé, et décompresser un petit peu. Si nous venons de faire un bon concert, les garçons prennent quelques bières, rient un coup et partent manger. Nous allons aussi visiter des musées et autre. Donc nous allons probablement visiter des musées sympas quand nous ferons les concerts français qui arrivent bientôt. J’espère voir des œuvres d’art de qualité. Car je collectionne un peu ; je collectionne pas mal de trucs de Fabian Perez. C’est amusant de faire des choses différentes de temps en temps. C’est sympa les musées ! Mais lorsque nous montons sur scène, ils sont comme mes collègues et c’est très bien. Comme ce sont des musiciens vraiment fantastiques, pendant quelques secondes, il peut m’arriver d’oublier… Je me concentre et je me fais plaisir à jouer la musique. Evidemment, je n’oublie jamais que ce sont mes enfants, ce serait stupide.
« Le rock n’ roll doit être rudimentaire, il doit pousser les gens à taper du pied et il doit leur faire du bien. Le principal, c’est d’écrire une bonne chanson. »
As-tu essayé de préserver tes fils de la drogue, de l’alcool, des excès, etc. ?
Ils ne sont pas assez stupides pour tomber là-dedans ! Aucun d’entre eux ne fume de cigarette. Ils ne boivent que quelques bières. Ils savent. Ils se tiennent à distance de la drogue. Ils ont des cerveaux. Ce sont des personnes sensées. Ils sont probablement plus intelligents que je l’étais à leur âge. Ils ont probablement appris de mes erreurs.
Le chanteur Neil Starr est le seul dans le groupe à ne pas faire partie de la famille Campbell. Malgré ça, le considères-tu comme un membre de la famille, d’une certaine façon ?
Oui ! Todd était dans un groupe avec Neil pendant quelques années, à l’aider. Nous connaissons Neil depuis pas mal de temps, environ dix ans. Nous voyageons tous ensemble, donc c’est un peu comme s’il faisait partie de la famille. Il n’y a pas tellement de différence.
Peux-tu nous parler de ton rôle dans l’éducation musicale de tes fils ?
Il y avait toujours des guitares et des batteries qui traînaient dans ma maison quand ils étaient plus jeunes. Mes garçons ont tous quatre ans d’écart, ils sont tous nés à quatre ans d’intervalle. Donc dès qu’ils devenaient suffisamment âgés pour prendre une guitare… J’avais plein de guitares à la maison. Ils s’y sont tous naturellement intéressés. Donc je leur montrais juste quelques accords à la guitare. En gros, ils se sont éduqués eux-mêmes ; ils sont devenus de très bons musiciens rien qu’en s’entraînant d’eux-mêmes. Je suis sûr aussi qu’ils m’écoutent jouer et ils ont de bonnes influences. Ils achètent de la bonne musique qu’ils ont entendue quand ils étaient jeunes. Il y avait toujours de la musique à la maison. Ils peuvent tous jouer de la guitare ; même le batteur peut jouer de la guitare. Ils peuvent tous jouer de la guitare, de la basse et de la batterie, les trois. Ils pourraient assez facilement s’échanger les instruments s’ils le voulaient, mais cette configuration est celle qu’ils ont dans ce groupe. Tyler, notre bassiste, a un autre groupe à la maison et il y joue de la guitare, c’est un groupe qui s’appelle The People The Poet et c’est très bon.
Tu as déclaré qu’il n’y avait aucune règle quand vous écriviez les chansons de votre premier album, The Age Of Absurdity. Dirais-tu que le rock n’ roll, c’est avant tout une question d’instinct ?
Le rock n’ roll, c’est une attitude. Il ne s’agit pas forcément d’essayer de trouver une forme de maestria. Il s’agit de ce qu’il y a à l’intérieur de nous et de le faire ressortir avec un instrument ou dans une chanson. Ça peut être plein de choses. Le rock n’ roll doit être rudimentaire, il doit pousser les gens à taper du pied et il doit leur faire du bien. Le principal, c’est d’écrire une bonne chanson. Généralement, nous aimons le son d’une bonne chanson de hard rock. Donc, avec la majorité des chansons, nous essayons d’en faire de bonnes chansons de hard rock. Mais c’est aussi épanouissant de savoir qu’on peut ajouter d’autres éléments et qu’on peut partir dans de l’acoustique ou du piano. Il n’y a pas de règle, ce qui est une très bonne chose dans un boulot ! C’est un des grands avantages d’être un musicien professionnel, il n’y a pas de règle, vraiment.
Une chanson comme « Gypsy Kiss » a un feeling qui fait évidemment écho à ton précédent groupe. As-tu le sentiment que l’esprit de Motörhead vit toujours un petit peu en toi et les Bastard Sons, d’une certaine façon ?
Oui, il faut bien ! Car j’écrivais presque tous les riffs avec Motörhead, donc c’est obligé qu’il y ait des similarités. Ça vient de ma façon de jouer et de composer, et une partie sonne forcément un peu semblable. Mais je ne crois pas que l’album que nous avons fait, The Age Of Absurdity, sonne comme un album de Motörhead. Des gens ont dit que selon eux, si. Mais je ne suis pas d’accord. Il y a quelques chansons influencées par Motörhead là-dedans, c’est clair, mais je ne dirais pas que ça sonne comme un album de Motörhead, loin s’en faut. Mais tout le monde a des avis différents. Chacun a le droit d’avoir sa propre opinion. Les gens voient les choses différemment quand ils écoutent une musique, et pas de problème. Et tu sais, nous contribuons tous à la musique du groupe, c’est super. Todd, surtout, a trouvé plein de riffs pour le dernier album. Tout le monde a beaucoup contribué au dernier album, et c’est bien. C’est comme quand on fait la cuisine, quand on cuisine un plat, avec des ingrédients : nous avons cinq ingrédients au lieu de trois, donc nous avons plus de choix. Nous pouvons faire un peu plus avec ça.
Pour finir, as-tu des nouvelles à nous donner au sujet du prochain album de Phil Campbell & The Bastard Sons, qui devrait sortir l’an prochain ?
Pas encore. Nous espérons en effet sortir un album à un moment donné à la fin de l’année, l’an prochain. Nous commencerons à travailler dessus en janvier, je suppose. Nous avons déjà commencé à écrire deux ou trois idées, mais nous en ferons plus l’année prochaine. Mais ouais, nous devrions sortir un album l’année prochaine.
Interview réalisée par téléphone le 31 août 2019 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Dan Sturgess.
Facebook officiel de Phil Campbell & The Bastard Sons : www.facebook.com/PhilCampbellATBS.
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