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Interview   

Obituary : le groove de la mort


La famille historique du death metal de Tampa, en Floride, a de remarquable le fait que chacun de ces groupes se démarquait des autres par une identité propre, alors qu’ils se côtoyaient, vivaient dans le même environnement et allaient tous dans le même studio, le fameux Morrisound. Du côté d’Obituary, les caractéristiques principales étaient son sens du groove hérité du bon vieux rock, sa simplicité et bien sûr la voix encore aujourd’hui inimitable de John Tardy. Trente-quatre ans après Slowly We Rot, le nouvel opus Dying Of Everything suit cette doctrine à la lettre, si ce n’est avec une dynamique accrue, grâce à un sens du contraste accentué et à la mise à profit du passé thrash du guitariste Ken Andrews arrivé dans les rangs du groupe il y a maintenant dix ans.

C’est en pleine tournée américaine, à peine étaient-il arrivés à l’hôtel du jour, que nous avons joint en vidéoconférence les joviaux frères Donald et John Tardy – dont la complicité ne fait aucun doute – pour nous parler de ce onzième album, prêt depuis quasi deux ans. Ainsi, nous discutons des méthodes d’Obituary, de sa philosophie, de son groove légendaire, des live-streams proposés durant la pandémie et de l’époque bénie du début de la scène floridienne, le tout enrichi de quelques anecdotes.

« Parfois, c’est presque un cauchemar, car je ne peux pas m’arrêter de penser à de la musique et à des rythmes, ça me rend dingue ! Mais j’imagine que c’est ça être un compositeur [rires]. »

Radio Metal : Dying Of Everything sort cinq ans après l’album sans titre, mais le fait est qu’il est prêt depuis de nombreux mois. Vous ne vouliez pas sortir l’album avant que la pandémie se stabilise et permette à l’Europe de rouvrir pour à nouveau tourner là-bas. De toute évidence, c’est important pour vous d’associer un album avec une tournée. Est-ce que ça a pu vous poser problème pour ne serait-ce que vous décider à faire un nouvel album ? Avez-vous besoin de ça pour vous motiver ?

Donald Tardy (batterie) : Oh mon Dieu, non ! Nous avions très envie de créer de nouvelles chansons, de faire les meilleurs morceaux que nous pouvions et d’aller en studio pour enregistrer. La question ne se posait pas. Nous n’avions pas besoin de motivation pour ça. C’était juste la prise de conscience que nous étions à la maison, comme tout le monde durant la pandémie, assis dans notre chambre ou sur notre canapé, et nous ne voulions pas sortir un album important alors que nous ne pouvions pas tourner pour le soutenir. C’était donc une décision liée au business plus qu’autre chose.

John Tardy (chant) : C’était assez difficile d’attendre presque deux ans alors que l’album était prêt ! Il était terminé, mixé et prêt à sortir, mais nous ne pouvions rien en faire, c’était pénible.

Donald : Deux ans, c’est long. C’était dur, car nous étions excités par cet album. Nous savions qu’il était bon. Nous sommes super fiers des chansons et de la production, donc l’attente a été atroce.

D’un autre côté, de nombreux groupes ont exprimé une forme de soulagement durant cette période, à ne pas avoir à tourner pendant un moment et à pouvoir profiter de leur vie chez eux, de leur famille, etc. Est-ce aussi quelque chose que vous avez ressenti ?

John : Qui est-ce que ça dérangerait de prendre un congé d’un an et demi ? [Rires] Nous nous sommes posés chez nous à boire ! Non, nous avons fait bon usage de notre temps. Nous avons amélioré notre studio, nous avons écrit et enregistré un album, nous avons fait des live-streams.

Donald : Oui, nous avons appris ce qu’était un live-stream, nous avons acheté des équipements pour en faire, donc en ce sens, c’était une bénédiction. Et comme l’a dit John, c’était sympa d’être à la maison pendant un temps.

John : Et nous avions déjà fait ça auparavant. Avant Frozen In Time, nous avions fait une longue pause sans nous voir. Avant Back From The Dead, nous avions fait une longue pause. Nous ne sommes pas le genre de groupe à sortir un album tous les ans ou tous les deux ans. Nous faisons un album quand nous nous sentons d’en faire un.

Même sans parler de la pandémie, déjà en 2017, Donald, tu avais dit que vous n’étiez « pas pressés de sortir un nouvel album aussi vite que possible ». En êtes-vous à un stade de votre carrière où vous aimez prendre votre temps, si on compare à vos débuts ? Est-ce une question d’âge ?

Donald : Ce n’est certainement pas une question d’âge.

John : Il semblerait qu’il nous faut bien trois, quatre ou cinq ans pour bosser un album, aller aux quatre coins de la planète et faire toutes les tournées en soutien de celui-ci. Ça nous prend du temps, tout simplement. Il nous faut ces quatre ou cinq ans pour faire tout ce que nous avons envie de faire.

« C’est super de savoir que des mecs simples venus de Floride poussent ces jeunes gamins à se dire : ‘Eh, peut-être qu’être basique c’est heavy, et peut-être que rester simple c’est intelligent.’ Si tel est le cas, c’est génial ! »

Donald : Oui, car comme l’a dit John, il faut facilement trois ans pour bien promouvoir un album et tourner dans le monde entier. Ensuite, vous devez rentrer à la maison et il faut encore un an de processus créatif, à se torturer le cerveau, à trouver des idées sympas, à mettre telle chanson de côté et revenir dessus. C’est un processus d’un an avant de pouvoir dire : « On a de nouvelles chansons. » Nous trouvons de nouvelles idées en seulement quelques jours ou mois, mais il faut du temps pour composer. Et pourquoi se presser ? Les albums sont éternels. Nous avons appris très jeunes qu’on n’était pas obligés de se précipiter, car quand c’est le cas, on finit par regretter sa prestation sur l’album pour le restant sa vie. Or avec nos deux derniers albums, en tout cas en ce qui me concerne, je suis enfin fier de mon jeu de batterie. Dans le temps, nous étions jeunes et nous ne savions pas faire autrement. Maintenant, nous avons trente ans de carrière, nous ne sommes pas le genre de groupe à sortir un album tous les ans, plus maintenant. Pour nous, il n’y a aucune raison de faire ça. Nous voulons prendre notre temps et profiter du processus.

Tu as aussi dit que vous pensez « tout le temps à de nouvelles chansons et écriv[ez] constamment des riffs ». On dirait que c’est une sorte de processus continu et informel…

John : Ça bénéficie à la musique de prendre son temps. Composer, ce n’est pas dur pour nous. Nous ne sommes pas là dans une salle à galérer jour après jour et à nous regarder, genre : « Qu’est-ce qu’on va jouer ? Que dis-tu de ça ? » Nous n’avons pas de mal à écrire des chansons. Quand nous nous sentons de le faire, nous nous réunissons, nous bûchons et nous faisons des chansons. Ensuite, nous prenons du temps pour vraiment apprendre les morceaux et nous entrons dans un processus créatif où nous permettons aux choses de se développer. Mais nous composons presque tous les jours, y compris lors des balances : Trevor [Peres] peut être en train d’accorder sa guitare, il commence à jouer, il trouve une rythmique et il l’enregistre vite fait sur son téléphone. Au fil des années, nous collectons des petits riffs ici et là, et l’album avance.

Donald : Oui, et je fais la même chose. Littéralement, en conduisant mon camion, si j’ai une idée qui me vient en tête, j’attrape mon téléphone portable, j’appuie sur le bouton « enregistrer », je chante le riff et je le sauvegarde. Puis, plus tard, quand le premier riff de guitare de Trevor m’a donné une idée, je peux dire : « Mec, quand tu as écrit ce riff, j’ai pensé à ça dans mon camion. Ecoute. » C’est constant. Parfois, c’est même presque un cauchemar, car je ne peux pas m’arrêter de penser à de la musique et à des rythmes, ça me rend dingue ! Mais j’imagine que c’est ça être un compositeur [rires]. Nous essayons de mettre de côté suffisamment d’idées et de chansons, et de prendre de l’avance. Puis, quand c’est le bon moment, quand tout le cycle est terminé – quelques tournées US, quelques tournées européennes, puis l’Asie, l’Australie, l’Amérique du Sud, etc. –, il faut s’immerger dans le studio, se mettre à écrire et à vraiment bosser, et comme l’a dit John, c’est facile pour nous. Nous nous amusons et c’est très naturel d’écrire de la musique. Ce n’est pas comme si nous galérions et attendions la dernière minute pour nous décider à écrire un album. Nous prenons les choses comme elles viennent.

Vous avez donc enregistré les nouvelles musiques durant la pandémie. Ça donnait l’impression d’être une période très death metal : est-ce que l’atmosphère globale de ces deux années, avec les sentiments de désespoir, d’angoisse et de déclin humain, a été inspirante pour créer ce type de musique ?

C’est dingue, car certains de ces morceaux ont été écrits bien avant que la pandémie n’arrive. Nous étions dans la composition d’une grande partie de ces chansons avant que tout ceci ne se produise. Ce n’est donc pas comme si nous avions été à cent pour cent inspirés par la pandémie pour toutes les chansons. Ça a retardé la sortie de l’album, mais nous étions déjà bien avancés sur les idées de chansons avant tout ça. Et encore une fois, pour en revenir à la batterie, le fait d’avoir un peu plus de temps libre m’a donné des jours en plus en studio, tout seul, rien que pour écouter les chansons, les jouer, essayer de garder la forme, apprendre les nouvelles parties et essayer de rendre les morceaux meilleurs qu’ils ne l’auraient été. Donc, le fait d’avoir quelques semaines ou mois en plus a été bénéfique.

John : Je ne pense pas que la pandémie a eu un gros impact sur la musique ou les paroles en tant que telles. Enfin, ça a plus ou moins influé sur notre décision de baptiser l’album Dying Of Everything. Ça semblait approprié après tout ce que le monde avait traversé. On en apprenait plus sur les pandémies, les virus, les masques et les vaccins qu’on ne le voulait vraiment. C’était accablant pour tout le monde, donc le titre semblait bien aller avec l’atmosphère générale.

« Nous sommes un groupe de death metal, mais nous aimons aussi que ça groove. Nous nous fichons vraiment de savoir à quelle vitesse on peut jouer. Nous voulons vous voir hocher de la tête. »

Même si vous n’avez pas pu tourner pendant un certain temps, vous avez fait plusieurs live-streams. Comment ceux-ci se sont-ils insérés au milieu de la réalisation de l’album ?

Donald : Le processus d’écriture était terminé et l’album était prêt à ce moment-là. Il n’était pas encore mixé et masterisé, mais les enregistrements étaient déjà faits quand nous avons commencé à faire les live-streams, donc ce n’était pas, genre : « Ouah, écrivons quelque chose dans la veine de ces vieux morceaux ! »

John : La musique nous manquait. Nous étions littéralement sur la route avec Black Label Society quand tout a fermé et qu’on nous a dit de rentrer à la maison. Heureusement, nous avons été l’un des premiers groupes à repartir sur la route et à tourner quand les Etats-Unis ont allégé les restrictions, donc c’était bien. Mais nous avons beaucoup aimé le côté technique des live-streams. Nous avons mis tout ça en place nous-mêmes, tout le studio a été aménagé avec des caméras. Nous pouvons être en direct et diffuser dans le monde entier dès que nous le voulons. C’était donc un joli défi technique et c’était sympa d’apprendre à mettre tout en place et de faire en sorte que ce soit prêt à l’emploi. Je ne peux m’empêcher de penser que, quand j’étais adolescent, si Slayer avait dit : « Eh, on a installé des caméras dans notre salle de répétition et on va jouer quelques chansons pour vous. Venez dans notre studio ! », j’aurais été le premier à me poser pour les regarder. Nous nous amusons avec ces trucs et nous sommes prêts à allumer les caméras à tout moment pour partager notre expérience dans notre propre studio.

Et du coup, comment avez-vous vécu les live-streams ?

Pour les deux premiers, nous ne savions pas trop ce que nous faisions, donc nous les avons faits professionnellement dans un autre studio, le ESI, et nous avons décidé de jouer les albums Slowly We Rot et Cause Of Death en entier, et maintenant vous pouvez acheter le DVD. Mais ensuite, nous avons organisé notre propre studio. Parfois les live-streams sont préenregistrés, mais nous, nous étions littéralement en direct. C’est assez drôle de voir clignoter le petit bouton qui indique qu’on diffuse dans le monde entier.

Donald : Oui, c’est stressant quand on sait le nombre de personnes partout dans le monde qui sont dans leur lit ou sur leur canapé chez elles en train de regarder. Même si on est dans son propre studio et que le public n’est pas physiquement dans la pièce avec soi, le fait de s’y préparer et de savoir qu’on est sur le point de jouer pendant que des gens regardent et que c’est enregistré, ça met la pression. Le fait de devoir prendre le temps pour nous assurer que nous connaissions bien les chansons, que nous les jouions bien, que nous étions en forme et que nous étions prêts, là encore, ça a aiguisé mon jeu de batterie. Ça a forcé mon cerveau à rester en alerte.

John : Quand nous avons fait ça, il y avait des chansons que nous n’avions jamais jouées en concert. Nous ne sommes pas tout le temps là à écouter nos vieux albums, donc c’était un défi de nous remettre sur ces morceaux – Trevor a dû redéchiffrer certaines de ces rythmiques qu’il n’avait pas jouées depuis une éternité ! Une fois que c’était fait, le reste est allé assez vite et c’était amusant de jouer certaines chansons que nous n’avions jamais jouées. De même, autant nous nous rendons dans énormément de pays lors de nos tournées, autant il y a de plus petites villes et de plus petits pays où nous n’irons jamais. Quiconque a internet a la possibilité de nous écouter et de nous voir faire notre truc, donc c’est cool de pouvoir inviter des gens qui, autrement, ne pourraient jamais nous voir. Nous adorons jammer et être en studio, mais plus que tout, je pense que nous sommes un groupe de live. C’est beaucoup mieux de nous voir en concert que d’écouter nos albums. Nous essayons donc de faire passer ça via les live-streams. Ce n’est pas évident, je sais que ce n’est pas un vrai concert, mais c’est ce qui s’en rapproche le plus si vous n’avez jamais l’occasion de nous voir.

Ces trois premiers albums que vous avez joués en intégralité – Slowly We Rot, Cause Of Death et The End Complete – sont encore vénérés par les fans de death metal : qu’est-ce qui a fait la magie de ces albums, selon vous ?

Donald : Le studio Morrisound Recordings, l’année où ils ont été faits, l’âge des membres du groupe à l’époque, l’excitation qui coulait dans nos veines, la détermination d’un nouveau groupe qui fonçait et qui était ultra-passionné. Certains de ces morceaux contiennent cinquante changements et rythmes différents, on pouvait aller à gauche mais ça part à droite sans raison au milieu de la chanson [petits rires]. Je suppose qu’il y a plein d’explications.

« Tommy Aldridge était en train de se préparer à jouer avec Whitesnake dans un énorme festival. Je lui dis : ‘Tommy, je veux que tu saches que tu es la raison pour laquelle notre groupe existe.’ Et il me répond : ‘Ne rejette pas la faute sur moi, gamin’ [rires]. »

John : C’était aussi un monde tellement différent à l’époque. D’énormes changements se sont produits pour nous, que ce soit notre façon de communiquer avec les fans, notre façon d’enregistrer, etc. C’est intéressant de réécouter ces premiers albums. Ce sont des instantanés. Je me plais toujours à dire que c’est comme quand on va chez sa mère et qu’on tombe sur une photo de soi datant du lycée. Quand on voit la chemise et la ceinture qu’on portait, on se dit : « Bordel, qu’est-ce que j’avais dans la tête ? » [Petits rires] Quand on réécoute ces albums, on se dit : « Voilà comment c’était pour nous à l’époque. » On apprend énormément à chaque fois qu’on retourne en studio. A chaque fois qu’on fait un nouvel album, on apprend beaucoup du précédent et ça finit par faire une carrière de trente ans. C’est beaucoup plus facile avec le temps et on est beaucoup plus satisfait du résultat final. A chaque fois que nous terminons un album, nous pensons que c’est le meilleur que nous avons fait. C’est le cas encore cette fois : nous adorons notre nouvel album, nous adorons les chansons et la production.

Comme vous l’avez dit, vous avez fait des sessions live très brutes, détendues, à la bonne franquette, comme si vous invitiez les gens dans votre salle de répétition. C’était aux antipodes de certains groupes qui ont essayé de proposer des live-streams sophistiqués voire à gros budget. L’authenticité est-il le maître mot pour Obituary en toute circonstance ?

Donald : Comme l’a dit John, pour les deux premiers live-streams, ceux de Slowly We Rot et Cause Of Death, nous sommes allés dans un entrepôt, qui est le studio d’une entreprise de sonorisation, nous avions une production à un million de dollars. La table de mixage que nous avons utilisée, la scène, les lumières que nous avons eues, on parle probablement, littéralement, de l’équivalent d’un million de dollars de matériel qui était à notre disposition. Ensuite, nous avons fait le troisième weekend juste dans notre studio, dans le garage du John, et ce stream était celui que les fans ont préféré ! Ils ont dit : « Avec les lumières et les machines à faire de la fumée, c’était marrant, mais quand je vous ai vus en tongs et en short, avec des canettes de bière et des chiens qui se baladaient, j’avais l’impression de faire partie du groupe pendant une heure. » Donc nous nous rendons compte que – en tout cas pour nous – la simplicité et le fait de rester authentique, c’est vraiment ce que les fans aiment, et c’est aussi ce que nous aimons. On peut voir à l’écran que nous nous éclatons. Nous interagissons, nous nous ridiculisons, nous nous moquons les uns des autres, etc. Quiconque n’a jamais l’occasion de voir Obituary en live parce que, comme l’a dit John, vous êtes dans une petite ville Suisse où nous n’irons jamais, au moins il aura l’occasion de retrouver le groupe dans son studio à Tampa, en Floride. Ça me paraît plutôt attrayant pour certaines personnes, si elles sont au courant que le stream est sur le point de commencer – sachant que cette fois, c’était dix dollars pour regarder le groupe répéter le set –, c’est assez tentant, je trouve.

John : Et si la production que nous avions mise en place avait été horrible et que ça avait sonné vraiment mal, nous ne l’aurions jamais fait. Et ce que vous entendez dans les streams, c’est en gros l’équivalent avec un album de ce que nous faisons passer à notre producteur pour le finir ensemble. Nous faisons tout l’enregistrement dans ce studio et ce que vous entendez, c’est nous. Il n’y a littéralement rien sur la guitare de Trevor, rien sur la guitare de Kenny – enfin, lui utilise son Kemper, donc il ajoute un petit peu de delay avec sa pédale. Il y a peut-être juste un petit peu de snap delay sur ma voix, si pouvez l’entendre, et rien sur la basse de Terry [Butler]. DT a un petit peu de reverb sur certains toms. C’est tout. Montez le son et envoyez la sauce ! Ça sonne vraiment heavy comme ça. Quand on a un système de son correct et qu’on passe ça dans ses enceintes, je trouve que ça sonne extraordinairement bien.

Ken Andrews a écrit quelques chansons avec toi, Donald, sur ce nouvel album, alors qu’il avait déjà un peu contribué à l’album précédent. Trevor et toi avez toujours été les principaux compositeurs d’Obituary. Comment Ken s’intègre-t-il au milieu de ce tandem historique ?

Donald : C’est dur à croire, mais Ken est le dernier arrivé dans le groupe et pourtant ça fait maintenant dix ans qu’il en fait partie ! C’est incroyable. Nous l’avons dit hier soir, John était là : « Pas possible ! » Ken est super motivé. C’est vraiment un mec cool. Il vient du thrash. Quand nous avions vingt ans, il avait le même âge et il vivait à Orlando, à cent kilomètres de chez nous, et il écoutait du thrash. Evidemment, tout le monde sait qu’à ce moment-là nous aimions Celtic Frost et Venom, et que nous venions de nous mettre au death metal. Donc le fait que Ken amène son style avec de nouvelles chansons, ça donne une saveur un peu différente à ces nouveaux albums. Nous l’avons invité à y prendre part car nous n’avons pas peur d’avoir des morceaux un peu différents. Crois-le ou non, Ken a écrit deux morceaux pour l’album précédent ; on n’en retrouve qu’un dans l’album, car l’autre est sorti dans le cadre des disques flexi de Decibel. Il en a écrit deux nouveaux avec moi sur celui-ci, et John était là pour nous dire : « Cette rythmique est un peu trop joyeuse. Vous devez la rendre plus heavy. Vous devez la faire sonner un peu plus comme Obituary. » Ken et moi avons donc bien planché dessus et fait des allers-retours sur la chanson pour qu’elle soit aussi bonne que possible.

« Rien de ce que nous faisons n’est vraiment sérieux. On l’apprend assez vite quand on traîne avec nous. »

John : C’était un défi unique pour nous deux. Comme l’a dit Donald, le background de Ken est un peu plus dans le thrash, donc parfois il nous propose une rythmique et, effectivement, je trouve que c’est un peu trop joyeux. Mais Ken est bien pour ça, il accepte n’importe quelle idée, il n’est pas là : « Mec, c’est la rythmique que j’ai écrite et il faut que ça reste comme ça. » Ça ne le dérange pas de travailler avec nous et de changer un peu des choses. C’est super quand on entend le résultat, quand on voit comment ça a commencé et quelle forme ça a prise au final. C’est toujours intéressant de voir comment les chansons évoluent, changent et deviennent ce qu’elles deviennent. Mais ses deux chansons sont incroyables. Il se trouve que l’une d’entre elles est le morceau éponyme.

Donald : Et ça crée un contraste avec les chansons que Trevor et moi avons écrites, car c’est du pur Obituary, elles sont tellement lourdes et typiques. C’est ce groove mid-tempo qu’Obituary a toujours eu, et c’est ce que les fans réclament et attendent. Quand tu arrives aux chansons de Ken, t’es là : « Ouah, la façon dont ça démarre, ça change » et ensuite ça sonne assez différent, mais ça reste une bonne chanson. Et évidemment, le chant de John apporte le côté Obituary. Je trouve que nous avons une bonne alchimie maintenant en tant que groupe, avec Ken qui écrit certaines chansons avec nous.

Vous avez effectivement plus de chansons rapides sur Dyring Of Everything par rapport aux albums passés, ce qui crée une jolie diversité et un contraste avec les morceaux plus mid-tempo. Est-ce ça vient toujours de l’influence de Ken ?

John : Non. La toute première chanson de l’album possède certaines des parties de double pédale les plus rapides que DT a jamais faites pour nous, mais le rythme est venu comme ça et la chanson a naturellement pris cette direction. Que ça ralentisse ou que ça accélère, nous permettons aux chansons de prendre leur propre forme et de prendre vie. Nous faisons avec. Si c’est ce que nous ressentons tous, alors c’est ce que le morceau devient à la fin.

Obituary a toujours été très porté sur le groove et la simplicité. Vous êtes restés fidèles à cette approche, même avec des morceaux plus rapides comme « The Wrong Time ». Le metal extrême, et plus particulièrement le death metal, a progressivement évolué dans une forme de surenchère, en allant plus vite, en étant plus technique, etc. Comment vous sentez-vous dans l’évolution de cette scène ?

Donald : Tout d’abord, nous ne regardons pas trop autour de nous ce que les autres font quand nous composons. Nous restons fidèles à ce qui nous plaît et à ce que nous aimerions entendre dans une chanson. C’est notre approche de la musique. Peu importe le nombre de groupes qui font de la double pédale technique, rapide, à cent à l’heure, des blast beats, dix changements dans une partie, etc. Nous ne pensons pas trop à ça. Nous maintenons le cap avec ce qu’est Obituary. Nous faisons juste des chansons que nous aimerions entendre, jouer et voir représenter notre groupe. D’un autre côté, il y a plein de nouvelles formations aujourd’hui dont les membres ont la vingtaine et qui sonnent plus proches d’Obituary que d’autres groupes techniques, et c’est vraiment cool. C’est super de savoir que des mecs simples venus de Floride poussent ces jeunes gamins à se dire : « Eh, peut-être qu’être basique c’est heavy, et peut-être que rester simple c’est intelligent. » Si tel est le cas, c’est génial !

D’où vient ce sens du groove dans Obituary ? Est-ce lié au fait que tu sois à la fois batteur et compositeur principal ?

Oui, ça a toujours été comme ça. John, Trevor et moi avons grandi avec de la musique groovy. C’était Lynyrd Skynyrd, Molly Hatchet, Charlie Daniels, Ted Nugent et Led Zeppelin. Ce n’était pas toujours rapide et heavy. Donc le groove vient des chansons que nous écoutions étant gamins et de leurs parties de batteries. Pour moi, c’était d’abord John Bonham, et ensuite, bien sûr, c’était Vinny Appice sur tous les albums de Ronnie James Dio. Mikkey Dee est également un mec qui m’a énormément appris avec les albums de King Diamond quand j’étais un jeune batteur – au point que j’étais très nerveux quand j’ai pu le rencontrer ! Bref, c’est de là que vient le groove. Nous sommes un groupe de death metal, mais nous aimons aussi que ça groove. Nous nous fichons vraiment de savoir à quelle vitesse on peut jouer. Nous voulons vous voir hocher de la tête. Nous voulons que les gens le ressentent.

John : C’est comme si, il y a longtemps, quand nous avons commencé le groupe, nous nous étions mis en mode : ok, être rapide c’est marrant, être lent c’est marrant, mais c’est vraiment tout ce qu’il y a entre les deux et tous ces rythmes typiques que nous faisons qui rendent les morceaux cool. Ensuite, si tu écoutes un morceau comme « War », ça ne fait aucun doute que, de temps en temps, d’album en album, de chanson en chanson, les influences hardcore à la Agnostic Front et Hatebreed se retrouvent mêlées à notre musique. C’est toujours marrant quand on tombe là-dessus ; les morceaux comme « War » sont super amusants.

« On est tous ensemble sur cette planète ! Traitez les autres comme vous aimeriez qu’on vous traite. Soyez gentils et prenez une bonne bière fraîche ! »

Donald : Nous avons tourné avec Agnostic Front et nous avons fait des concerts avec Sick Of It All, puis avec Madball… C’était il y a vingt-cinq ans. Nous adorions le style du hardcore new-yorkais, nous en étions fans. Nous avons écrit la chanson « Redefine » sur World Demise en 1994 et elle est complètement imprégnée d’Agnostic Front et de Sick Of It All. Ce n’est pas comme si j’avais fait exprès, c’est juste que nous ressentions les mêmes ondes que ces mecs. Nous avons toujours eu ça, et là c’était il y a vingt-neuf ans. Ça fait un petit moment que nous sommes dans le groove et ça renvoie à ce que nous écoutions quand nous étions gosses, à ce que nous écoutions avant que le death metal n’entre dans nos vies, et c’était le rock sudiste, le heavy metal et tous les bons trucs que des connaissances écoutaient.

C’est quoi l’histoire avec Mikkey Dee ?

Il jouait pour Motörhead, je crois, et quand je suis allé le voir, j’ai dit : « Salut Mikkey, je suis John et voilà mon frère Donald » [rires]. C’est dire comme j’étais nerveux ! Je me suis littéralement présenté avec le nom de mon frère. C’était assez gênant. Un autre moment gênant avec l’une de mes idoles, c’était quand Tommy Aldridge était en train de se préparer à jouer avec Whitesnake dans un énorme festival. Il était assis derrière sur l’estrade de sa batterie, il travaillait son jeu et s’échauffait. J’ai dit à John : « Mec, c’est Tommy Aldridge ! »

John : Oui, il est vraiment fan de Tommy Aldrige et je lui ai dit : « Tu dois aller le saluer. Il faut qu’il sache à quel point tu l’adores. » Enfin, il suffit de voir le kit de batterie de Donald, il est fait pour ressembler à celui de Tommy Aldridge, donc il fallait qu’il sache à quel point il était une influence.

Donald : Donc je lui ai chaleureusement serré la main. Puis John s’apprêtait à faire de même et Tommy s’est avancé pour le prendre dans ses bras, sauf que John tenait une bière pression, donc il l’a renversée en plein sur les genoux de Tommy. Tommy était là : « Oh… » John a dit : « Attends, je vais t’essuyer ça. » Pendant ce temps, je lui dis : « Tommy, je veux que tu saches que tu es la raison pour laquelle notre groupe existe. » Et il me répond : « Ne rejette pas la faute sur moi, gamin » [rires].

Avec ce nouvel album, il est intéressant de constater le grand contraste entre la première chanson, « Barely Alive », qui est très rapide et thrashy, et la dernière, « Be Warned », qui est très lente et doomy…

John : [Rires] Tu sais, ce dernier morceau était drôle. Je me souviens de l’expression de Ken quand il a entendu pour la première fois le rythme [chante le rythme doom très lent]. Il était en train de nous regarder, genre : « Les gars, qu’est-ce que vous allez faire avec ce genre de truc ? » Mais bon sang, quand ça démarre et que cette basse arrive en slide… Ça me donne la chair de poule rien que d’y penser ! C’est tellement ridiculement heavy. Ces mots sont presque sortis de ma bouche la première fois que j’ai entendu ça. Les paroles me sont venues toutes seules. Quelle chanson incroyablement heavy ! « Beware and be warned » [rires].

Donald : Je suis le plus jeune dans le groupe et je vais avoir cinquante-trois ans en janvier, mais plus nous prenons de l’âge… Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi de faire la partie de double pédale la plus rapide que j’ai jamais faite de ma vie sur cette première chanson, et ensuite, comme tu l’as dit, il y a l’un des morceaux les plus heavy et lents que Trevor et moi avons composés, et c’est venu naturellement. Nous avons tout de suite su que ça allait être lent et heavy. Comme John l’a dit, au départ, Ken était là : « Où est-ce que vous comptez aller avec ça ? » Ça fait longtemps que Trevor et moi composons ensemble, et à la minute où j’ai entendu ça, j’ai dit : « Mec, ce sera tellement heavy. Ce sera la chanson la plus heavy qu’on a jamais écrite. » Le résultat est mortel. C’est comme la rencontre entre Alice In Chains et le death metal !

C’était voulu que le premier morceau et le dernier soient aux deux extrémités du spectre musical d’Obituary ?

Ce n’était pas délibéré, nous ne nous sommes pas dit que nous allions faire de la première chanson la plus rapide et de la dernière la plus lente, mais je vais être honnête, quand nous étions plein en train d’écrire ces morceaux, en voyant la magie opérer… Je me souviens quand Trevor et moi passions et repassions sur « Barely Alive », je n’arrêtais pas de me dire : « Il faut que ce soit la première chanson de l’album. » Et puis, quand nous avons écrit « Be Warned », je l’ai su, j’étais là : « Mec, on va laisser ce morceau se finir en un long fade out et il faudra que ce soit la fin de notre album. » C’est ce qui s’est passé. Nous n’avons pas dit : « Faisons le morceau le plus rapide pour ouvrir et le plus lent pour clore », mais c’est ce qui est arrivé. Personnellement, je trouve le résultat fantastique.

« J’ai tout le respect du monde pour quelqu’un comme Taylor Swift qui vient d’avoir dix chansons dans le top 10 du Billboard pendant toute une semaine. C’est incroyable, et ça m’énerve [rires]. »

Quel genre d’avertissement doit-on voir en « Be Warned » ?

John : C’est comme dans Scooby-Doo : « Soyez prévenus ! » [Rires] Rien de ce que nous faisons n’est vraiment sérieux. On l’apprend assez vite quand on traîne avec nous. C’est juste que nos chansons sont heavy, ça ne va pas chercher plus loin, et ça va avec ma voix. Evidemment, ce que je chante doit être quelque chose de grave, de tordu ou de sanglant. C’est dur de chanter à propos de fleurs et de soleils couchants avec ce type de musique. Les paroles sont ce qu’elles sont, mais ce n’est certainement pas fait pour être pris au sérieux, à aucun moment.

Vous avez mentionné tout à l’heure l’album World Demise sorti en 1994. Ce titre, en soi, sonnait comme un constat pessimiste sur le monde. Maintenant, vous revenez avec un album dont le titre suit la même idée, Dying Of Everything…

Les « World Demise » ou « Don’t Care » étaient des photographies sarcastiques de l’état du monde, de l’environnement, etc. Je ne pense pas que notre intention originelle avec World Demise était de mettre en avant nos convictions politiques, nos convictions sur la planète ou nos opinions conservatrices sur je ne sais quoi. C’était amusant quand nous avons fait le clip, nous adorions le plein air, nous vivions en Floride, le meilleur endroit au monde pour la pêche… Mais concernant le nouvel album, tout le monde a vécu une sale période. On a dit à tout le monde de rester chez soi, de se tenir à distance de ses amis, de ne pas rendre visite à sa famille, on devait tous être séparés et parler en vidéoconférence à des gens qui vivaient en bas de la rue, et des centaines de milliers de gens mouraient tous les mois à cause d’un truc invisible qu’ils respiraient. On avait l’impression que tous les jours on nous disait quoi faire et ne pas faire, et de faire attention à ci et à ça. A un moment donné, tu te disais : « Mon Dieu, on va mourir de tout ! Tout nous tue. Autant revivre normalement. » Avec un peu de chance les Budweisers et les hamburgers ne nous tueront pas, et on vivra éternellement [rires].

Comment votre sentiment sur le monde a évolué en vingt-cinq ans ?

Donald : Ça pourrait être une très longue réponse déprimante, et je ne sais pas si nous avons envie de terminer une interview là-dessus [petits rires]. Enfin, voyons les choses en face, la race humaine en est responsable. On doit trouver le moyen de régler les problèmes pour la planète, que ce soit en recyclant les bons déchets ou en faisant ce qu’il faut individuellement. C’est une toute petite planète avec bien trop d’êtres humains dessus. Comme ceci ne va pas changer, on doit changer nos habitudes avec le recyclage, la surconsommation et tout ce qu’on fait excessivement.

John : Et qui aurait imaginé il y a cinq ans que, pour l’amour de Dieu, en 2022 on aurait deux pays en guerre juste aux portes de l’Europe ? Et pour quoi ? Enfin, qu’est-ce qu’ils sont en train de faire ? Mais il ne faut jamais sous-estimer la stupidité de certaines personnes. On est tous ensemble sur cette planète ! Traitez les autres comme vous aimeriez qu’on vous traite. Soyez gentils et prenez une bonne bière fraiche !

Donald : Oui, soyez sympas les uns avec les autres. Un peu de bon sens. Faite votre part. Quand vous avez fini avec une bouteille en plastique, recyclez-la, ne la jetez pas simplement sur le côté de la route par la fenêtre de la voiture. Si chacun remplissait son rôle, on ne serait pas aujourd’hui dans une aussi mauvaise situation. C’est plus facile à dire qu’à faire, on le sait tous, mais quoi qu’il en soit, dans mon pays, je vois bien que mes voisins sont paresseux et que plutôt que de prendre le temps de recycler et de faire ce qu’il faut, ils préfèrent être indélicats, égoïstes et égocentriques. J’aimerais que le monde ne soit pas autant comme ça. J’essaye de faire ma part du boulot et si tout le monde le faisait, nous serions dans une situation un peu meilleure.

Vous avez une chanson intitulée « War », où John tu chantes : « Tu veux partir en guerre, je vais t’emmener en guerre » et tu répètes le mot « guerre » tout du long. Evidemment, la guerre a toujours été une thématique très death metal, mais est-ce que ce mot, qu’on a facilement utilisé, et peut-être avec légèreté, dans le metal, a pris une nouvelle dimension pour vous dernièrement ?

John : Encore une fois, ça a été écrit avant que la guerre ne commence. Mais pas vraiment. Il faut plutôt voir ça comme un film et pas comme une réalité. Il arrive souvent que les gens prennent ce que nous faisons – ou en tout cas nos paroles – au sérieux ou dans un sens littéral, mais dans une grande partie des cas, il faut plutôt le voir comment une fiction. Nous vous emmenons quelque part et amusez-vous avec.

« Il ne faut pas grand-chose pour nous produire. La plupart de ces producteurs n’ont rien à faire, il suffit de tout allumer et c’est parti. Nous n’y allons pas en nous attendant à des miracles. »

Donald : On peut se mettre en colère contre Billy Bob Thornton si on croit vraiment qu’il est Sling Blade, mais c’est un film. C’est comme les films de Tom Cruise, ils sont extraordinaires et c’est de la fiction. C’est fait pour être écouté et imaginer, et ne pas être pris trop littéralement, car c’est une forme d’art. L’art, c’est parfois de la fiction, et certaines des meilleures œuvres sont de la fiction.

John : Mais je vais te dire quelque chose de cool. Nous avons reçu un appel de Tom et Jim Morris des Morrisound Studios où nous avons enregistré nos quatre ou cinq premiers albums. Ils ont un nouveau studio maintenant avec lequel ils travaillent et ils l’ont aménagé pour faire un mix Dolby Atmos complet de notre nouvel album. C’est comme un son surround mais en encore plus dingue, si tu veux. Ils ont littéralement treize enceintes installées en dessous et au-dessus de toi. L’une des premières chansons que nous avons faites était « War ». Nous étions assis là dans la salle de contrôle, avec ces treize enceintes tout autour de nous, c’était incroyable. On a littéralement l’impression d’être au milieu du champ de bataille. On entend des bombes exploser ici, un hélicoptère arriver là, des missiles hurler tout autour de la pièce. C’était vraiment amusant et cool. Ça arrive et c’est nouveau. Pas mal de grandes pop stars s’y sont mises, mais nous sommes l’un des premiers groupes de metal à le faire. C’était amusant de retravailler avec Jim et Tom et d’écouter notre musique… Disons qu’en temps normal, avec deux enceintes, on peut mettre Trevor à gauche et Kenny à droite, mais quand tu passes de ça à treize enceintes placées dans tous les sens, c’est assez dingue.

Donald : La plupart des gens n’ont pas le matériel pour ça, mais c’est pour l’avenir. Avec ce nouvel album, nous sommes très fiers d’être l’un des premiers – si ce n’est le premier – groupes de death metal à proposer un mix Dolby Atmos. Nous sommes super excités par ça.

Vous avez un morceau intitulé « My Will To Live » sur l’album. Pensez-vous que la « volonté de vivre » triomphera au final ?

Oui, bien sûr. Enfin, il y a beaucoup trop de négativité, mais il y a énormément de positif aussi sur cette planète avec de bonnes personnes. Donc, la volonté de vivre et de vivre bien, et de profiter de la vie triomphera, c’est certain, car au final, c’est qu’on veut tous. On veut que nos enfants et les enfants de nos enfants aient cette volonté de vivre et de bien vivre.

A propos de ton approche des paroles et du chant, John, – et ça rejoint ce que tu disais – tu as déclaré que la plupart « n’ont pas de grand message pour faire réfléchir sur la vie. [Tu] essayes de faire des phrases qui restent en tête et qu’avec un peu chance on peut fredonner toute la journée. » J’imagine qu’avec le groove dont on a parlé, c’est ce qui rend vos morceaux si accrocheurs malgré le fait que ce soit une forme extrême de musique. Même si une telle question peut prêter à polémique, vois-tu un lien entre ton approche et celle qu’ils ont dans la pop où les paroles sont pensées avant tout pour être accrocheuses ?

John : Purée, je n’en sais rien ! [Rires] C’est drôle quand on trouve un titre cool. Parfois, tu l’entends ou tu le répètes souvent, mais tu n’y penses pas vraiment, personne à ta connaissance ne l’a jamais utilisé comme titre de chanson. Je laisse vraiment la musique dicter ce que je chante. Je ne me suis jamais posé pour écrire des paroles et ensuite aller voir Donald et Trevor en disant : « Eh, écrivons une chanson qui irait avec ça. » C’est horrible de se menotter en essayant de trouver quelque chose – en tout cas, c’est ainsi que mon cerveau fonctionne. Je commence toujours avec la musique. Dès que je l’entends, je commence à la ressentir. Souvent, les paroles commencent à me venir dès la première fois que je l’entends. Je laisse la musique me dicter mes sentiments et les paroles arrivent après. Ceci étant dit, il m’arrive d’écouter de la pop [petits rires]. Je veux dire que j’ai tout le respect du monde pour quelqu’un comme Taylor Swift qui vient d’avoir dix chansons dans le top 10 du Billboard pendant toute une semaine. C’est incroyable, et ça m’énerve [rires]. C’est sacrément cool. Evidemment, il y a quinze stations de radios pop et zéro station de radio death metal. Tout mon respect.

Donald : Bravo à elle. C’est une femme qui en impose. Et si ça permet à Obituary de vendre un album de plus, alors oui, nous attribuons ça à la pop [rires]. #popmusic !

Vous avez autoproduit Dying Of Everything dans vos Redneck Studios comme les quatre précédents albums. Vous avez d’ailleurs utilisé votre temps libre durant la pandémie pour améliorer ce studio : comment concevez-vous le studio idéal pour Obituary ?

John : Le critère numéro un pour nous aujourd’hui, c’est le confort et l’aisance. Ce serait vraiment difficile de nous dire : « Le mois prochain, de telle date à telle date, vous allez travailler de dix heures du matin à cinq heures de l’après-midi. » C’est horrible pour des gens qui sont occupés et qui ont une famille de se forcer à se mettre dans le bon état d’esprit. Nous aimons tous enregistrer à différents moments. Pour être honnête avec toi, je vais généralement au studio vers onze heures du matin quand j’ai envie de chanter. Parfois, je peux chanter deux ou trois phrases et je m’arrête. D’autres fois, je peux chanter deux ou trois chansons et je continue, suivant mon humeur et comment je me sens. C’est un confort sympa quand tout est à ta disposition et que tu peux le faire quand tu veux. C’est très facile.

« Tu peux réunir cinq des meilleurs musiciens au monde dans une pièce, ça ne veut pas dire qu’ils écriront une chanson qui vaut quelque chose, et tu peux prendre trois crétins pas très doués et ils peuvent faire quelque chose de super cool. C’est l’alchimie que nous avons eue tous les trois ensemble dès le début qui a fait notre groupe. »

Donald : Sans même mentionner ce que les groupes font parfois, ils sont là : « Quand on sera prêts avec cet album, on prendra l’avion pour la France avec cet ingénieur car nous aimons bien ce qu’il fait, et on va vivre dans un autre pays pendant un mois pour essayer d’enregistrer un album. » Ça peut marcher pour certaines personnes, mais je ne nous imagine pas faire ça. Le confort est très important pour l’interprétation, car si tu ressens la pression, que tu es au studio et que des gens attendent après toi, et que tu dois avoir fini cette chanson aujourd’hui, tu ne réussiras peut-être pas à obtenir l’interprétation que tu souhaites. Avec notre studio, si je n’y arrive pas, je reviens le lendemain matin ou plus tard le soir même et je réessaye, et il n’y a aucune pression. Pour moi, être à l’aise, content et s’amuser pendant qu’on enregistre son instrument, c’est énorme.

Même si vous vous autoproduisez, on retrouve toujours ce son caractéristique d’Obituary que vous avez façonné dans le temps avec Scott Burns. Y a-t-il des leçons que vous avez apprises du temps du studio Morrisound avec Scott et que vous appliquez encore aujourd’hui ?

John : C’est un peu ce que nous disions : le plus important pour tout ce que nous enregistrons, c’est notre prestation et le fait d’être nous-mêmes contents de ce que nous obtenons. Il ne faut pas grand-chose pour nous produire. La plupart de ces producteurs n’ont rien à faire, il suffit de tout allumer et c’est parti. Nous n’y allons pas en nous attendant à des miracles et à ce qu’ils fassent du reamping avec la guitare de Trevor pour complètement changer le son. Comme je le disais, si vous écoutez certains des live-streams, vous pouvez entendre à quel point ça sonne proche de certains albums, si ce n’est que Joe [Cincotta] fait en sorte que ça sonne vraiment exubérant et magnifique. Ce n’est pas sorcier. C’est juste du heavy metal.

Donald : Je pense que les leçons que nous avons apprises étant jeunes avec Scott Burns et avec Mark Prator au Morrisound, c’est qu’à l’époque nous nous forcions trop. Nous en faisions trop. Nous avions l’ampli de Trevor, sa tête Marshall, sa Stratocaster et sa pédale Rat, mais nous mettions deux, trois, quatre microphones devant l’ampli et ensuite nous essayions de mélanger : « Oh, ce microphone sonne mieux avec celui-ci. » « Non, ce microphone avec un peu moins de celui-là. » Aujourd’hui, nous savons que nous voulons entendre l’ampli de Trevor. Nous mettons un seul microphone dessus. Nous avons appris que rester simple était important et que si on joue de son instrument proprement en interprétant parfaitement, alors c’est facile à mixer. Comme pour cet album, nous avons passé les pistes à Joe Cincotta, notre ingénieur de studio et live, et il est allé dans son Full Force Studio à New York, et quand il a mixé, il était là : « Les gars, vous me facilitez vraiment la vie. Les instruments sonnent super bien et vous avez très bien joué. Ce sera simple. » Il a fait un boulot fantastique. Le son de l’album est mon préféré parmi tous les albums d’Obituary, ça ne fait aucun doute.

Vocalement, John, tu restes l’un des chanteurs de death metal les plus emblématiques et reconnaissables. Comment expliquer, non seulement ta singularité, mais aussi le fait que tu l’aies conservée, que personne ne soit vraiment parvenu à copier ton style ?

John : Je ne peux pas l’expliquer !

Donald : Tu ne peux pas expliquer ça et personne ne le peut, donc n’essaye pas [rires].

John : Ta voix est ta voix. Tu ne peux rien y faire. J’ai appris plein de choses au fil des années, par exemple comment en prendre soin, surtout quand tu tournes beaucoup et tout le toutim. Mais tu peux réunir cinq des meilleurs musiciens au monde dans une pièce, ça ne veut pas dire qu’ils écriront une chanson qui vaut quelque chose, et tu peux prendre trois crétins pas très doués – sans vouloir vexer personne [rires] – et ils peuvent faire quelque chose de super cool. C’est simplement l’alchimie que nous avons eue tous les trois ensemble dès le début qui a fait notre groupe. Nous avons juste la chance que ça se soit passé comme ça pour nous.

Dans la scène de Tampa de l’époque, vous faisiez tous partie d’un même petit vivier de groupes et vous alliez tous dans le même studio. Pourtant, vous aviez tous une approche différente du death metal : on ne pouvait clairement pas confondre Obituary, Death, Deicide et Morbid Angel. Avez-vous l’impression qu’il y a eu une uniformisation du death metal avec le temps ?

Evidemment, avec n’importe quel style de musique, plus il y a de groupes qui en font, plus ça s’uniformise. C’est pareil avec, disons, la country : on a un tas de musiciens de country et parfois je n’arrive pas à les différencier. Personnellement, la musique que j’aime, c’est généralement les groupes bien reconnaissables. Quand on entend Led Zeppelin, on ne peut pas le confondre avec autre chose, pareil pour Van Halen, car personne d’autre ne sonne comme eux. J’adore ça chez certains groupes, surtout ceux que j’écoute beaucoup. Quand on écoute Slayer, c’est Slayer, ça sonne et ça sonnera toujours comme Slayer, et ça ne sonne comme personne d’autre. Mais plus un genre devient populaire et plus il y a de gens qui en font, plus on obtient de groupes qui ont le même son.

« C’est amusant de faire partie d’un groupe. Seulement, je pense que tout le monde ne devrait pas être signé sur un label. »

Donald : On nous a parfois posé la question durant ces trente dernières années : « Dans le temps, vous étiez tous ensemble à Tampa, Death, Deicide et Obituary, comment se fait-il que vous soyez restés différents ? » Eh bien, tout le monde était très focalisé, très déterminé et très bon dans ce qu’il faisait. Chuck [Schuldiner] n’allait pas changer ce qu’il faisait bien, et nous n’allions pas nous mettre à sonner comme Death, ce n’était pas notre style. Avec Obituary, nous étions bien dans notre peau, nous adorions ce que nous faisions, et nous essayions de perfectionner nos compétences et de rester fidèles à ce en quoi nous croyions. Je pense que c’est vraiment ce qui se passait avec tous les groupes que nous côtoyions à l’époque. Même si nous étions ensemble à Tampa, nous avions quand même notre style, nos convictions et nos techniques qui faisaient que nous sonnions comme nous sonnions. Nous étions différents, c’est ça le truc. Morbid Angel était très différent de Death, et Death était très différent d’Obituary, et c’est parce que nous n’essayions pas de nous copier les uns les autres. Nous n’écoutions pas Chuck en disant : « Bon sang, il est meilleur que nous, jouons quelque chose de technique. » Ça ne nous a jamais affectés de cette manière. Nous restions toujours fidèles à notre truc. Peut-être que c’est parce que nous étions très jeunes, et encore une fois, nous étions très focalisés sur nous-mêmes, nous ne prêtions pas vraiment attention à ce que les autres groupes essayaient de faire.

Est-ce que vous voyiez ce qui se passait en Europe, notamment à un moment donné sur la scène suédoise quand ils ont commencé à ajouter une couche supplémentaire de mélodie sur le death metal ?

Au début, pas tellement.

John : Il faut avoir en tête que c’était un monde très différent, sans internet…

Donald : Et aussi que nous avons commencé très jeunes. Même s’il y avait eu internet, si on parle de l’époque Xecutioner et de ce jeune batteur, quand j’avais dix-huit ans, je me fichais complètement de ce qui se passait en Suède. Je n’avais rien contre un quelconque autre groupe, mais j’étais juste un gamin fou qui adorait sa musique et jouer de sa batterie, et qui se contentait de ce qu’il aimait. Je n’étais pas influencé par d’autres groupes en Europe qui faisaient du death metal ou du metal technique. J’aimais toujours Black Sabbath, AC/DC, Lynyrd Skynyrd et tous ces trucs qui m’ont vraiment donné envie d’être le batteur que je suis devenu, et j’aimais la musique que j’étais en train d’essayer de jouer. Enfin, je suis content pour ces groupes de death metal plus mélodiques, certains sont vraiment cool. Ce n’est juste pas quelque chose qu’Obituary essaiera de faire, mais bravo à eux. Il existe de bons styles de musique, c’est sûr, avec des couches de clavier et parfois ils chantent, parfois ils crient. Ne te méprends pas, il y a des choses horribles là-dedans, mais il y a aussi des groupes horribles qui font du death metal traditionnel. Certains sont super, d’autres sont nuls. C’est amusant de faire partie d’un groupe. Seulement, je pense que tout le monde ne devrait pas être signé sur un label. Je vois déjà les mails des haters arriver [rires].

Dying Of Everything est illustré par une œuvre du peintre polonais Mariusz Lewandowski qui est décédé en 2022. Ça fait probablement de cette pochette sa dernière œuvre. Voyez-vous une symbolique là-derrière, notamment pour un groupe qui s’appelle Obituary ?

Il est clair que ce qui s’est passé, et la façon inattendue dont ça s’est passé, était horrible. Malheureusement, nous n’avons pas eu l’occasion de le rencontrer. J’ai communiqué avec lui sur les idées de l’album, mais seulement par e-mail. C’est très triste que nous n’ayons pas pu le rencontrer en personne et lui expliquer à quel point l’œuvre qu’il nous a faite était magnifique et parfaite. Quand j’ai discuté avec lui, je lui ai juste donné une toute petite suggestion, il l’a prise et a trouvé une brillante idée. Quand il nous a montré l’œuvre finale, je lui ai dit par e-mail que le groupe était épaté et que nous ne pouvions pas être plus fiers de mettre le nom d’Obituary dessus. Donc il savait que nous étions contents de l’artwork, mais c’est triste de ne pas avoir pu le voir en personne, lui serrer la main et devenir ami avec lui, car c’était un brillant artiste. Mon Dieu, certaines de ses œuvres sont incroyables et c’est la raison pour laquelle nous l’avons choisi, car nous n’avions jamais utilisé de peinture à l’huile avant. Nous recherchions quelque chose d’un petit peu différent pour ce nouvel album après trente-trois ans d’existence du groupe. Il nous a apporté une magnifique, extraordinaire et diabolique œuvre d’art. Elle est mortelle et pleine de mystère, et ça colle bien à Dying Of Everything, c’est simplement fantastique.

John : Oui, c’est vraiment triste que nous n’ayons pas pu aller plus loin dans cette relation avec lui, le rencontrer et tout le toutim. Super triste. Mais comme la musique, son art vivra à jamais et les gens penseront toujours à lui.

Interview réalisée par téléphone le 9 novembre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Tim Hubbard.

Site officiel d’Obituary : www.obituary.cc

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