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Chronique Focus   

Oceans Of Slumber – Starlight And Ash


Egrenés depuis mars, les trois premiers singles de ce cinquième album des Américains – qui en sont également, dans le même ordre, les trois premiers morceaux – ont entretenu une impatience teintée d’inquiétude pour certains de leurs fans, en laissant augurer une nouvelle direction beaucoup plus douce voire l’abandon de l’aspect metal de leur musique. Jusque-là, celle-ci séduisait par l’originalité de ses croisements stylistiques, malgré un équilibre encore perfectible. Souvent passionnant et saisissant d’émotion, son mélange inédit de complexité prog, de pesanteur doom, d’agressivité death metal, de sombreur gothique, de rusticité blues et de rondeur soul peinait parfois à les harmoniser, se contentant alors de juxtaposer ces composants en une mosaïque disjointe. Ce sont ces considérations, peut-être partagées par le groupe, qui l’ont apparemment incité à s’interroger sur son identité musicale, jusqu’à aboutir à une formule renouvelée, qui ne convainc que partiellement.

« The Waters Rising » indique les grandes lignes de cette nouvelle formule : le rôle crucial joué par la voix de Cammie Gilbert est désormais assumé au point de lui laisser souvent la place principale, sa teneur soul et bluesy devient parfois la coloration majeure des compositions, l’énergie s’y déploie avec une intensité beaucoup plus calibrée et le lyrisme gothique prend le dessus sur la rugosité death ou la gravité doom. Ces affinités gothiques nourrissent « Hearts Of Stone » qui, à grand renfort d’accords réverbérés puis de riffs saccadés, d’un emphatique jeu rythmique et de vocalises dramatiques, tisse son ambiance ténébreuse. Pour « The Lighthouse », l’inspiration de Cammie Gilbert plonge dans son enfance baignée de religiosité. Entre guitare country et chant gospel, le morceau évoque avec une certaine expressivité cinématographique l’inquiétante atmosphère, fiévreusement superstitieuse, du sud des États-Unis. Malgré un plaisant solo à mi-parcours, l’instrumentation se cantonne ici à de légères touches rock dans un ryhthm and blues à tendance pop assez fade.

Plus dense, réveillant – très parcimonieusement – quelques souvenirs plus métalliques à coups de double pédale, le beau « Red Forest Roads » rassure quelque peu : non, Oceans Of Slumber n’a pas complètement remisé ce qui faisait le sel de son style. Dès le morceau suivant cependant, le sirupeux l’emporte sur le poisseux au fil d’une composition aérienne excessivement douce. Moment le plus faible de l’album, « The Hanging Tree » incarne les tentations mainstream qui traversent l’album et l’inconsistance artistique qui en résulte. Avec des morceaux plutôt courts, le plus long ne dépassant qu’à peine les six minutes, c’en est fini des longs voyages progressifs, des rebondissements émotionnels à la « The Banished Heart » ou « …This Road ». Les audacieuses et dynamiques constructions qui faisaient succéder à de mélancoliques lignes de piano un écrasant passage death-doom et cheminaient à travers maintes variations sensibles ont laissé place à des compositions trop souvent monochromes. En délaissant également les growls et autres aspérités plus extrêmes, la musique des Américains repose moins sur les contrastes et y perd en expressivité.

Assez banal dans sa tranquille édification vers l’explosion finale, l’incantatoire « Salvation » déroule un rock mâtiné de soul qui se durcit à mesure que le chant de Cammie Gilbert est rejoint par des chœurs masculins pour une saisissante communion qui évoque le mysticisme sombre d’un Nick Cave. A l’image de « Star Altar », la seconde partie de l’album retrouve un peu de la richesse antérieure de la musique d’Oceans Of Slumber en renouant avec ses aspects progressif et doom. Au-delà d’être la seule pièce véritablement metal de l’ensemble, cette composition mouvante et émouvante parvient à combiner équitablement le travail instrumental et le travail vocal, le chant épousant de ses subtiles modulations les variations rythmiques. Vibrante déclaration d’amour tourmentée gravée dans une solide matière musicale, « Just A Day » s’ouvre sur une ambiance gothique à la Evanescence, faite de sensibles notes de piano (qui prolongent celles de l’instrumental « The Spring Of ’21’ ») et d’un chant doucement plaintif. Tiré vers les hauteurs par le violon de Carla Kihlstedt (cofondatrice de Sleepytime Gorilla Museum) tout en demeurant lesté de lourds riffs et d’un continuel bourdonnement de basse, l’épanchement sentimental de Cammie Gilbert explose en un surprenant final libératoire aux accents rock moderne.

La reprise de « House Of The Rising Sun », chanson du répertoire folk américain maintes fois réinterprétée, représente à la fois la relative facilité à laquelle cède le groupe et la forte connexion avec la musique traditionnelle du sud des États-Unis qu’il revendique. Si on est loin de la reprise chargée de blast beats de « Nights In White Satin » incluse sur Winter, cette version portée par le chant habité de Cammie Gilbert et le violon virtuose de Carla Kihlstedt illustre dignement le « new southern gothic » qu’entend désormais incarner Oceans Of Slumber. Comme l’illustre le beau « The Shipbuilder’s Son » qui clôt l’album, c’est dans l’association de ses divers aspects (mélodique et heavy, funèbre et exaltant, sobre et dramatique) que cette identité musicale trouve son sens et touche véritablement.

Clip vidéo de la chanson « The Lighthouse » :

Clip vidéo de la chanson « Hearts Of Stone » :

Clip vidéo de la chanson « The Waters Rising » :

Album Deceivers, sortie le 22 juillet 2022 via Century Media Records. Disponible à l’achat ici



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  • Après une première écoute de l’album, j’avoue que je ne m’attendais à un changement de style aussi radical malgré les premières parutions des nouveaux titres. Je ne regrette pas la disparition du l’aspect Death notamment exprimé par la voix growl ici disparue , moins la lourdeur Doom qui pouvait engendrer des monuments comme « No Color, No Light » ou « The Banished Heart » cité dans l’article et sa succession d’actes conduisant à son apothéose mélancolique magistrale. Le contraste entre la pesanteur dramatique du Doom et la voix suave de Cammie est du coup très (trop) atténué au profit d’une aisance d’écoute perdant une réelle profondeur. Adieu aux riffs pachydermiques saturés mais aussi à la voix basse et si propice aux émotions de Cammie qui faisait des merveilles , place à une légèreté mais aussi à une forte réduction des gammes.
    L’album est cependant très bon et mérite sans doute plusieurs écoutes , tout comme les précédents . Le développement progressif et mélodique n’est pas gênant en soi mais j’adhère moins aux rythmes synthétiques popisant un peu trop l’ensemble, à la contruction de titres manquant certainement de relief mais pour autant l’ensemble reste au-dessus de a moyenne.
    Je crains qu’ils perdent plus qu’ils ne gagneront en terme de public mais on peut comprendre une envie de vouloir toucher plus de monde … l’éternel débat .

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