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Tribune   

On a joué sur le dernier festival au monde


Par Antoine Lamothe, batteur et compositeur principal du groupe rock montréalais Deadly Apples.

En se dirigeant vers notre loge à l’arrière-scène du Hell & Heaven Fest au Mexique, j’étais envahi par un sentiment d’euphorie. Je venais tout juste de vivre une expérience surréelle en jouant sur la scène principale en milieu d’après-midi avec mon groupe Deadly Apples devant une foule massive de festivaliers en délire. Nos spectacles sont habituellement très intenses et les fans mexicains sont toujours énergiques, mais cette fois c’était différent. En plein milieu de l’explosion du coronavirus à travers la planète, il s’agissait du dernier événement majeur à ne pas être annulé. Le dernier festival au monde.

Après plusieurs années consacrées à ma carrière dans l’industrie du cinéma, j’ai pris la décision il y a quelques années de renouer avec la musique en tant qu’artiste avec mon complice Alex, chanteur et parolier de Deadly Apples. Nous avons eu le privilège de nous produire aux quatre coins de la planète pendant les trois dernières années, incluant une tournée américaine de deux mois dans les arénas avec Rob Zombie et Marilyn Manson, une escapade japonaise avec Korn, une tournée sud-américaine avec Deftones, ainsi que plusieurs scènes principales d’événements majeurs tels que le Knotfest de Slipknot et le Vans Warped Tour.

Pendant cette période, nous avons réussi à bâtir une solide base de fans au Mexique en jouant sur plusieurs festivals, de même que des premières parties en salles avec Deftones et Front 242. Notre plus grand concert dans ce pays a été le Hell & Heaven Fest 2018, où nous avons partagé la scène principale avec Ozzy Osbourne devant une foule de 80 000 festivaliers. Lorsque nous avons reçu l’invitation pour nous produire à nouveau lors de cet événement en 2020, nous avons sauté sur l’occasion sans hésiter. L’attitude de laisser-aller au Mexique peut parfois causer des maux de tête au niveau logistique lorsque nous y jouons, mais cela fait également partie de son charme et crée chaque fois une aventure imprévisible.

Le jeudi 12 mars 2020, nous nous sommes rassemblés près de Montréal afin de répéter et d’être à proximité de l’aéroport pour notre vol tôt le lendemain matin. Pendant la semaine précédente, les nouvelles se multipliaient quant à la propagation mondiale de Covid-19 et aux annulations persistantes d’événements. Pendant notre pratique, le gouvernement provincial a banni tous les rassemblements de plus de 250 personnes. Nous étions inquiets d’une annulation du festival, mais le promoteur nous a rassurés quant à sa tenue. Après des discussions avec mon médecin et des recherches concernant le nombre de cas infectés au Mexique, très bas compte tenu de la population, nous avons décidé d’aller de l’avant. Pendant que nous étions à bord de l’avion, le gouvernement canadien a demandé à tous les résidents de demeurer au pays ou de rentrer immédiatement, puis d’effectuer une quarantaine de 14 jours. C’était surréel.

Lors de notre arrivée à Mexico, nous avons vite remarqué que tout le monde vivait encore normalement, un contraste frappant à la crise qui s’intensifiait chez nous. Le seul changement perceptible était la quantité de groupes qui avaient annulé leur participation au festival : Megadeth, Cypress Hill, Sum 41, King Diamond, Death Angel, Black Flag et plusieurs autres. En lisant les nouvelles, nous avons rapidement compris que tous les autres événements dans le monde avaient été annulés et que celui-ci était le dernier qui tenait toujours. Je crois que l’ensemble des festivaliers et des artistes présents reconnaissaient ce contexte unique. Nous étions les derniers sur la planète à pouvoir vivre un tel moment avant longtemps.

Nous sommes montés sur scène devant un océan de fans mexicains hystériques qui nous ont accueillis comme des héros. Nous avons débuté notre spectacle avec la chanson « Infection », qui prend maintenant une tout autre signification. L’ambiance était indescriptible; il y avait de l’électricité dans l’air. Alors que la plupart des groupes se tenaient à l’écart de la foule, les interactions intenses avec les fans faisaient partie de notre prestation et rien au monde n’allait changer ceci. Alex est descendu jusqu’à la barricade et a fait du body surfing à plusieurs reprises. Grâce à son câble de micro de 200 pieds, il a traversé toute la section VIP à l’avant-scène jusqu’à la barricade de l’admission générale près de la régie de son, puis il s’est lancé dans la foule de cette section. Ses vêtements ont été pratiquement arrachés alors que des fans se faisaient écraser dans les mosh pits. Le chaos absolu. Une célébration artistique viscérale alors que le monde tel que nous le connaissions touchait vraisemblablement à sa fin.

A cause des annulations, le promoteur nous a demandé de jouer à nouveau le lendemain dans la même case-horaire, ce qui est plutôt inhabituel. Nous avons donc pu répéter l’expérience une deuxième fois et cela a été encore plus intense. C’était comme vivre le jour de la marmotte en version fin du monde. La veille de notre retour, le gouvernement canadien a annoncé la fermeture de la frontière. Bien que nous ayons commencé à avoir des doutes quant à la possibilité de revenir, tout s’est finalement bien déroulé. Les demandes d’entrevues de médias canadiens et mexicains se sont multipliées. La majorité des gens sur les médias sociaux ont salué notre audace d’avoir rocké jusqu’à la toute fin, mais d’autres nous ont critiqués comme étant imprudents. Ultimement, nous avons tous respecté la quarantaine afin de protéger les autres et aucun de nous n’a attrapé le virus.

Depuis notre retour le 17 mars 2020, la situation s’est dramatiquement aggravée à plusieurs niveaux. Dans la dernière année, tous nos spectacles sont tombés à l’eau ou ont été reportés, incluant une tournée européenne qui devait comprendre plusieurs festivals majeurs dont le Hellfest. Nous avons profité de ce temps pour terminer un nouvel album, Distress, avec l’aide du réalisateur Michael Beinhorn (Soundgarden) pour la préproduction. Cette année en a été une d’introspection et de changement qui nous a permis de grandir tant au niveau personnel qu’en tant que groupe. Peu importe ce que le futur nous réserve en ces temps apocalyptiques, j’ai un sentiment de satisfaction puisque nous avons eu la chance de jouer sur ce qui est présentement… le dernier festival au monde.

Facebook officiel de Deadly Apples : www.facebook.com/deadlyapples



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