Un phénomène se caractérise principalement par l’activité qui l’entoure et qu’il génère. Dans le monde de la musique, l’activité entourant et générée par un artiste « phénomène » s’avère généralement d’ordre médiatique. Preuve en est avec le phénomène (tout aussi éphémère que celui l’ayant précédé) One Direction qui l’été dernier a beaucoup fait parler de lui dans la catégorie « plagiaires de l’année ».

En effet, après avoir été accusés d’avoir plagié les Who sur leur tube « Best Song Ever » (avec ensuite de surréalistes réactions de jeunes fans de One Direction), les 1D ont remis le couvert. Et ce coup-ci, le boys band va au-delà du faux sample/échantillon réinterprété placé en introduction d’un de leur titre. Car pour le coup ce « Midnight Memories » est étrangement inspiré du « Pour Some Sugar On Me » de leur compatriotes anglais de Def Leppard. Et pas qu’un peu. Contrairement à « Best Song Ever », le morceau est cette fois « inspiré » (pour le dire joliment) d’un bout à l’autre de ce classique du hard rock des 80’s.

Constatez vous-mêmes :

Et tout cela pourrait bien se finir au tribunal. Comme le rapporte The Mirror, les avocats de Def Leppard étudient la question, analysent les similitudes avant d’intenter une action en justice pour plagiat et atteinte au droit d’auteur. Chose qu’à l’époque The Who n’avait pas faite. Pete Townsend, guitariste des Who, préférait même voir cela sous un jour plutôt positif (propos rapportés par le site RTL) : “One Direction compte aujourd’hui dans l’industrie de la musique, avec des millions de fans. Je suis heureux de constater qu’ils aient pu être un peu influencés par The Who. Je suis toutefois soulagé de ne pas les voir porter de bleu de travail, avec des DocMartens aux pieds ou une veste faite en Union Jack [ndlr : référence au mouvement Mods dont The Who était le représentant]” et concluait : “Pourquoi ne pas être honoré par ce genre d’hommage ?”

Hommage, sample, plagiat, malheureusement, aujourd’hui la frontière est parfois poreuse quand il s’agit de différencier cela. Pourtant, il parait incontestable que leur titre « Best Song Ever », sorti le 22 juillet dernier sous le label Syco Records, reprend à la note près l’introduction de ce titre culte qu’est « Baba O Rilley » des Who, sans créditer ceux-ci (sans doute un bon critère pour repérer un bon pillage en règle). La presse elle-même s’était alors amusée de ces « ressemblances », comme sur le plateau d’Europe 1, durant la quotidienne de Laurent Ruquier (cf. ci-dessous), notamment parce que, déjà à ce moment-là, ce n’était plus un cas isolé.

Et dire qu’il aura fallu cinq auteurs-compositeurs pour écrire « Best Song Ever » : Wayne Hector, John Ryan, Julian Bunetta, Ed Drewett, Ayoub Oubrari. Et bien sûr, aucun d’eux n’est un membre du groupe (One Direction n’est donc même pas directement responsable) et aucun ne devait connaître ce morceau des Who, évidemment… Pour « Midnight Memories », même chose, cinq compositeurs (dont John Ryan et Julian Bunetta encore), et toujours aucun pour se rendre compte de ce qu’ils faisaient. Si au départ les « samples » paraissaient « innocents », cela a quand même pris de sacrées proportions.

A l’origine, le sample était une forme de création musicale, certes critiquée puisque la base n’était pas 100% originale, mais cette méthode a permis, au fil du temps, d’accoucher d’œuvres d’une réelle qualité (principalement dans les milieux hip-hop et électro où la pratique est la plus répandue). Elle est depuis devenue partie intégrante du paysage musical, n’a plus rien de surprenant, tellement commune qu’on ne l’interroge plus. Ce qui permet de la retrouver à toutes les sauces dans la musique actuelle. Mais toute méthode a ses travers. Ainsi, pour une musique de masse consommée par la masse, à l’instar de toute l’industrie de masse d’ailleurs, celle-ci se doit d’être composée vite, avec des ingrédients simples, parfois recyclés : une base rock (guitare, batterie, basse) pour faire tourner trois boucles simples et vite assimilables, des sonorités électro en vogue (dubstep actuellement), un format radiophonique et voilà votre morceau. De la musique vite produite, vite avalée, vite digérée, et où le sample, utilisé de manière grossière, participe à ce constat général.

Enfin, dans le cas One Direction, le tout est alimenté, en partie, par l’inculture (ou le manque de culture) d’une partie du jeune public. Bercé par ce vide musical qui semble le rassasier, qui galope partout sur les ondes FM comme à la télé, il est encouragé à admettre ceci comme la seule culture existante, au mépris complet d’une culture antérieure, qu’on leur coule dans les oreilles sans leur montrer l’étiquette. Dans le cas de « Best Song Ever », il s’est avéré évident que les jeunes adolescent(e)s fans du boys-band ne connaissaient nullement la carrière de The Who. Ils ont alors secoué le cocotier médiatique (notamment via les réseaux sociaux où ils accusaient The Who de vouloir se faire connaitre en portant plainte contre les 1D pour plagiat), becs et ongles sortis, pour défendre leur groupe favori accusé de plagiat. Ils démontraient alors que, par leur méconnaissance, ils entretenaient malgré eux ce procédé.

Et c’est donc à l’abri de cet écran de fumée auto-alimenté qu’une chanson comme « Midnight Memories » peut être produite. Et servie avec une dose de sucre, s’il vous plaît.