
Radio Metal : Oomph! est très connu en France, mais on ne vous entend jamais à la radio. Pourrais-tu nous présenter ton groupe?
Dero : Je suis le chanteur de Oomph!, qui a été formé par Flux (guitares et samples), Crap (guitares et claviers) et moi, Dero (voix, paroles, batterie, programmeur et d’autres trucs !). On a commencé dans une orientation très électronique sur notre premier album éponyme qui a été très dominé par le soi-disant « Electronic Body Music » de l’époque. On était influencé par des groupes comme Kraftwerk, Deutshe Amerikanische Freundschaft (DAF), Liaisons Dangereuses, Lassigue Bendthaus, Einstürzende Neubauten, etc.
The Cure et Depeche Mode aussi, bien sûr. D’un autre coté, on aimait beaucoup Mötörhead et AC/DC et d’autres groupes heavy/rock. On a toujours voulu associer ces deux mondes, ces deux côtés qui nous ont beaucoup influencés dans notre jeunesse: un fort intérêt pour la musique électronique glaciale des années 80 et l’approche rugueuse et sale du metal/hard-rock. On a donc logiquement formé un groupe en se disant « on va combiner ces deux mondes ». Mais à cette époque, ces deux sphères étaient vraiment séparées: ceux qui aimaient la musique à base de guitare détestaient tout ce qui avait rapport avec les samples et les claviers, et vice-versa. Donc, c’était vraiment stupide et embarrassant pour nous de voir ça, puisque on aimait ces deux côtés !
Les gens disent souvent que les groupes Allemands sont souvent dans l’ombre de Rammstein… Qu’est-ce que tu ressens par rapport à ça?Bien sûr, Rammstein est le groupe qui a le plus de succès dans cet univers de la musique, ils sont connus par le monde entier. Mais nous étions là cinq ans auparavant. Les Rammstein affirment toujours qu’ils ont étés influencés par nous et que, sans Oomph!, il n’y aurait pas eu de Rammstein. Pour nous c’est un honneur d’être appelés une « grande influence » pour un groupe tel que Rammstein. C’est aussi bien d’avoir des groupes comme Rammstein ou même – ne te moque pas – Tokio Hotel pour vraiment faire respecter la langue Allemande dans d’autres pays. Il y a tellement de jeunes intéressés par la langue Allemande en ce moment grâce à ces groupes. Ça ouvre des portes pour la musique de notre pays, voilà. Mais bien entendu, je ne suis pas à fond sur la musique de Tokio Hotel car je suis trop vieux !
C’est un vrai honneur qu’on nous reconnaisse comme influence, et c’est bien de voir que notre étincelle s’est transformée en énorme feu qui se propage. Le langage est une musique qui comprend tout le monde. Je pense, par ailleurs, que nous avons une approche totalement différente à la musique par rapport à des groupes comme Rammstein, par exemple. Je peux comprendre pourquoi Rammstein a tant de succès et est célèbre partout dans le monde. Mais nous devons être honnêtes, ils diffusent et propagent une image des Allemands qui est très cliché dans ces pays: les gens veulent voir des Allemands comme Rammstein dit que nous sommes. Mais comme nous le savons tous, les Allemands ne sont pas comme ça.
Pour nous c’est très important d’être nous-mêmes sur scène, et non pas des caricatures: nous n’essayons pas de créer un spectacle artificiel comme Siegfried & Roy à Las Vegas, avec beaucoup d’explosions, du feu, et plein d’autres choses qui distraient l’attention des gens. La chose la plus importante: c’est la musique. Il y a beaucoup de groupes, tu vas au concert, et après tout le monde se dit: « c’était un spectacle immense et extraordinaire ». Mais les gens ne parlent pas de musique… Si tu veux comparer ça avec le cinéma, par exemple, je n’aime pas beaucoup les « films popcorn », qui ne parlent que d’effet spéciaux, gros scénario etc. Je préfère les petites vidéos qui mettent en avant l’interprétation des acteurs. C’est plus important d’être authentique sur scène, comme au cinéma. Il y a tellement de films, que quand t’enlèves les effets spéciaux, il ne reste plus rien. C’est parce que personne ne fait vraiment d’interprétation, car il n’y a pas d’histoire. Moi, c’est plus les histoires. C’est important d’avoir quelques chose à dire.
Par exemple, on provoque souvent, on aime beaucoup provoquer. Mais derrière cette provocation il y a toujours un arrière plan de « pourquoi on fait ce genre de provocation ». La provocation toute seule, c’est ennuyeux. Si le public est provoqué, et que y’a rien derrière, c’est vraiment ennuyeux… Et ça, ce n’est pas Oomph!.

(Dero) : « On provoque souvent, on aime beaucoup provoquer. Mais derrière cette provocation il y a toujours un arrière plan de « pourquoi on fait ce genre de provocation ». La provocation toute seule, c’est ennuyeux. Si le public est provoqué, et que y’a rien derrière, c’est vraiment ennuyeux…Et ça, ce n’est pas Oomph!. »
Bien sûr, nous les connaissons. On se rencontre de temps à autres à des festivals, et on se parle. On s’accepte, on ne se bat pas, parce qu’il n’y pas de raison. C’est plutôt des petites conversations. Par exemple, à des cérémonies d’Awards, on croise les mecs de Rammstein de temps en temps, presque chaque année. Ensuite on se parle, on boit des bières, et c’est tout tu sais. Ce n’est pas une grande amitié, parce qu’on n’a pas le temps de devenir amis. On s’accepte et c’est tout.
Tu parlais de « films popcorn ». Depuis le titre « Gekreuzigt » en 1998, vos singles sont régulièrement dans les classements des charts allemands, comme « Augen Auf! », ou « Wach Auf » qui était sur la bande originale de Alien Versus Predator Requiem. Après 10 albums, 1 DVD et 20 ans de devoir, comment vois-tu ta carrière?Eh bien… c’est grâce au développement. En se développant en tant qu’être humain, on essaie de refléter ces développements dans notre musique. Tant qu’il y aura de nouvelles dimensions à explorer, tout passe. Ce serait ennuyeux de se répéter. Il y a toujours de nouvelles dimensions et de nouvelles portes ouvertes à nous, musicalement. Bien sûr, ce n’est pas une voie sans risques… la voie sans risque serait de se répéter d’album en album, parce que si tu sais que les gens aiment ce que tu fais, répète-toi tout simplement, et ils aimeront encore plus!
Tout ça : ce sont des mensonges, parce que tout le monde se développe, dans une certaine direction, et si tu ne reflètes pas ce développement, tu commences à mentir. Malheureusement, dans plusieurs scènes musicales, que ce soit la scène hardcore, la scène gothique, la scène électronique, il y a tellement de gens qui veulent s’éloigner de tout ce qui est à la mode. La soi-disant « tendance » des soi-disant « béotiens ». Donc ils portent d’autres sortes d’habits et écoutent d’autres sortes de musique. Mais ils se comportent de façon réactionnaire en étant tellement conservateur avec leurs style de musique… Il y a tellement de gens qui ne laissent pas leur groupe se développer! L’univers en entier se développe, tout… alors pourquoi pas un groupe aussi? Pour montrer au gens que c’est un risque? C’est toujours un risque. Tu restes honnête avec toi-même quand tu te développes: quand tu montres d’autres visages, quand tu reflètes toutes les formes de tes émotions. Il y a trop de groupes qui n’ont qu’une ou deux émotions: l’agressivité, la colère, la haine. Mais qui est seulement comme ça en réalité? Quelqu’un de stupide, qui n’a qu’un trait de caractère, quelqu’un d’inintéressant…
Comme nous le savons tous, les personnes complexes ont beaucoup plus de traits de caractère. Nous sommes tristes de temps en temps, impuissants, mélancoliques, joyeux et déçus… Les êtres humains sont encore plus complexes dans leurs façon de penser. Si tu veux rester honnête, il faut que tu montres chaque face de ta personnalité. Sinon, tu commences à mentir à travers ta musique. On ne veut pas faire ça. On aime vivre grâce à ce cool passe-temps, donc pourquoi devrait-on mentir? Si je travaillais dans une banque importante ou autre…je commencerais à me mentir, car ce n’est pas moi. Je déteste ces putain de musiciens qui se mettent à mentir à travers leur groupe !
À propos de tes textes… l’amour et la religion sont des thèmes récurrents dans tes paroles. Pourquoi est-ce si important pour toi?Je pense que ce sont les trois fondations principales dans la vie: d’où je viens, où je vais, et qu’est-ce que je fais entre ces deux périodes ! (rires) Mais j’aime l’approche philosophique. Je ne suis pas religion parce qu’il faut croire en quelque chose, au moins en toi-même. Si je ne croyais pas en moi-même, je pourrais arrêter d’être musicien. La foi est importante, bien sûr, mais nous sommes des personnes très critiques de la religion. Pour nous c’est la question qui est beaucoup plus importante que la réponse. Dans presque toutes les religions, c’est le point d’interrogation qui est important; mais ils veulent juste que tu crois qu’ils ont la vérité, toutes les réponses à toutes les questions, tous les problèmes.
Qui le saura? Je ne sais pas… pour moi c’est le point d’interrogation qui est important, donc je me considère comme une personne agnostique. Je ne sais pas ce qui m’attend dans la vie. Je sais seulement que je suis là pour me reproduire, comme n’importe quel autre animal.
C’est un bon passe-temps!Ouais, voilà… Mais les autres choses qu’on met dans nos âmes, nos vies, c’est prendre ces désirs pour des réalités. C’est là que commence la religion. Pour moi l’humanité n’est qu’une petite partie de l’évolution, et personne ne sait si nous sommes aussi importants que nous le pensons. Les dinosaures ont vécu pendant des centaines de millions d’années, et les êtres humains vivent depuis très peu de temps… Donc je ne vois pas pourquoi on serait aussi important que nous le pensons. Nous ne sommes qu’une petite partie, une petite chose au sein de toute une vie, de tout un univers.
C’est une bonne approche, qui ne me fait pas peur; je me sens à l’aise en me considérant sans beaucoup d’importance. Pourquoi est-ce que je serais plus important qu’un serpent, ou un escargot, ou un lapin? Il n’y a pas de raison. Ce ne sont que des pensées humaines « nous sommes les meilleurs, nous sommes les êtres les plus importants ».
Tu as toujours écris tes textes en Anglais et en Allemand, mais tu ne le fais plus depuis GlaubeLiebeTod. C’est par choix ou par circonstances?Je crois que c’était plus accidentel. C’est juste la manière dont ça c’est produit: je me sens plus en sécurité avec ma langue maternelle… Peut-être que mes écrits sont plus intenses dans cette langue là. La plupart de mon expérience en provient, c’est pourquoi je ressens plus les émotions dans ma propre langue. On a l’intention de faire un Best Of en Anglais… on verra ce qui va se passer! J’aime encore beaucoup la langue Anglaise, parce qu’elle est vraiment différente de l’Allemand. L’Allemand est très dur et étrange, alors que l’Anglais est une langue très musicale qui s’écoute avec facilité.
Est-ce que tu veux faire d’autres duos, comme tu as fait avec Nina Hagen sur Fieber?Oui, on en a aussi fait un sur cet album, « Biz zum Schluss », avec Mina Harker, un nouveau groupe de Braunschweig (ND Guillaume : un des groupes faisant la première partie ce soir). On a aussi fait un duo avec Martha Jandowa, Träumst Du, sur GlaubeLiebeTod. Si tu sens que ça colle bien avec un partenaire, alors pourquoi pas? Et s’il y a une chanson qui colle bien, on le fera. Mais pour l’usage de la langue Anglaise qu’on ne veut pas forcer, ça doit se produire tout seul.
Parlons de Monster. Vous avez demandé à vos fans de créer une pochette pour cette album?Oui, je me suis dit, pour le dixième album, que ce serait une bonne idée d’avoir quelque chose de créatif venant des fans. Et on sait que nos fans peuvent être très innovateurs et bizarres !
Perverts aussi ?!(rires) Ouais peut-être… certains d’entre eux ! Le titre Monster est parfait pour faire ça. On a reçu 800 pochettes différentes de nos fans. C’était vraiment extraordinaire de voir ça, tellement de fans créatifs. Il fut vraiment très difficile pour nous d’en choisir une, parce qu’on voulait avoir une deuxième approche par rapport au thème. Si tu intitules ton album Monster, et que tu mets une pochette qui montre un monstre typique, ce serait ennuyeux. Et après tout, on avait cette cool pochette qui met en avant plein de questions… Les gens regardent la pochette et ils se disent « Pourquoi est-ce que le garçon devrait-il être un monstre? », ou « Le garçon est-il un monstre? », « Est-ce qu’il a déjà été tué par le monstre? », ou « Quel est le secret derrière cette scène? ». Tu sais, avec le paysage, le garçon et l’outil… Je pense que c’est ce qui fait Oomph! en fait. Il faut que tu penses plus aux raisons d’avoir plusieurs dimensions derrière un titre. Et il y a tellement d’interprétations entre le titre et les paroles, par exemple. C’est ce qui le rend intéressant.
Bien sûr, beaucoup de nos albums parlent de l’enfance, parce que l’enfance est très importante. C’est la période la plus importante de ta vie, les premières dix années… elles te font, elles forment la personne que tu es en adulte. Tout ce qu’il se passe durant ton enfance est très important, on ne peut pas le démentir. Bien qu’il y ait beaucoup d’adultes qui veulent oublier leur enfance… c’est impossible. Elle restera à jamais. C’est pour ça qu’elle revient avec Oomph! de temps en temps. Tous les monstres à l’intérieur de toi sont formés pendant ton enfance…
C’est une belle image pour conclure. C’est d’ailleurs l’heure de la dernière question, Dero. Et la France? Est-ce que vous viendrez en 2009 pour défendre votre album?!J’espère! On a fait une cool tournée des bars il y a deux ans, et on a effectué près de dix concerts sur les dix dernières années. Souvent à Paris, par exemple. Et on fait aussi de cool festivals en France. On aime beaucoup le public ici, le pays, la scène. Les gens sont vraiment sympas et on espère revenir aussi vite que possible. Il faudrait qu’on en parle avec notre promoteur, et bien sûr qu’on contacte les décideurs en France. Mais on reviendra faire une tournée des bars : ça serait bien cool en tout cas !
Entretien réalisé le 26 novembre 2008
Traduction par Izzy
MySpace Oomph! : myspace.com/oomph
Très bien cette interview! Bravo au groupe Oomph! que j’adore!!