Black metal, space rock, electro, musique minimaliste et rock progressif : la musique d’Oranssi Pazuzu brasse large et n’est à nulle autre pareille. Värähtelijä, en 2016, avait bousculé le petit monde du metal extrême avec ses hurlements possédés, ses envolées cosmiques et ses boucles hypnotiques ; quatre ans plus tard, on n’en attend pas moins de Mestarin Kynsi, le cinquième album des Finlandais, qui sort ce mois-ci chez Nuclear Blast. Toujours aussi singulier, se nourrissant des dernières expérimentations en date des musiciens – le Waste Of Space Orchestra, par exemple, où ils s’étaient ligués avec leurs camarades de Dark Buddha Rising le temps d’une performance live et d’un album –, c’est encore une fois un voyage spectaculaire dans les tréfonds de l’inconscient.
Pour voir plus clair dans ce tourbillon obscur, on a discuté avec Jun-His, vocaliste et guitariste du groupe, qui est revenu sur la genèse et le concept du disque. En éclaircissant sa démarche artistique au passage : « Nous avons essayé de faire en sorte que ça vous aspire, que vous soyez obligé de suivre un chemin et voir ce qui se passe autour de vous. » Parés au décollage ?
« Nous voulons vraiment que les chansons possèdent quelque chose d’inexplicable. »
Radio Metal : L’année dernière, vous avez sorti le projet Waste Of Space Orchestra que vous aviez joué au Roadburn la même année. Comment avez-vous travaillé sur ce projet et comment ce concert unique est-il devenu un véritable album ?
Jun-His (chant & guitare) : Walter [Hoeijmakers] a voulu faire quelque chose de spécial avec le collectif de notre espace de répétition, qui s’appelle le Wastement, où nous et Dark Buddha Rising jouons. Nous y avons réfléchi et en avons parlé avec les gars de Dark Buddha Rising. C’était une bonne opportunité pour créer de toute pièce, avec dix personnes, une prestation à la manière d’un orchestre, ce qui signifie que nous devions tout composer, sans non plus trop nous reposer sur des jams. Il y a eu plein d’expériences avec de super jams au Roadburn Festival par le passé, donc nous voulions proposer autre chose. Nous avons réalisé que ça allait demander beaucoup de travail, mais nous avions tous à ce moment-là de bonnes situations qui nous donnaient du temps pour faire ce genre de projet. Nous nous y sommes attelés et avons passé beaucoup de temps à la salle de répétition. Nous avons travaillé sur le thème, les démos, les chansons et les arrangements qui étaient très importants, car on ne peut pas tout le temps faire jouer dix personnes. Même s’il y a de la flexibilité, il faut avoir des thèmes assez précis et avoir une idée de ce qu’on fait. Quand nous étions sur le point de faire le live, ça commençait à devenir clair que c’était un album. Nous avons donc commencé à regarder les opportunités que nous avions pour l’enregistrer en studio et sortir un album. Nous avons travaillé très dur dessus, voire plus que n’importe quel autre album, donc ça n’aurait pas eu de sens de ne pas en faire un album. C’était quelque chose d’unique et on n’a pas ce genre d’opportunité tous les jours, donc il fallait que ce soit immortalisé sous la forme d’un album.
Après la sortie de Värähtelijä, tu disais que tu avais l’impression que c’était la fin d’un cycle et que tu te retrouvais face à une page blanche. Du coup, comment as-tu abordé le nouvel album Mestarin Kynsi ?
Je pense que l’album Waste Of Space Orchestra a eu une grande influence sur le point de départ de ce nouvel album d’Oranssi Pazuzu. Waste Of Space Orchestra était déjà un gros mur de son, avec dix personnes participant au projet. Nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas faire plus gros, que ce soit avec guitares ou autre chose. Nous voulions prendre une direction où les choses pouvaient évidemment être heavy et puissantes, mais que ça sonne aussi plus tentaculaire et qui laisse plus d’espace dans le tableau sonore global. Nous voulions aussi faire que ça sonne assez psychédélique, sans uniquement utiliser les guitares pour créer, mais en utilisant des synthés et peut-être d’autres choses – ce que nous avons effectivement fait. Nous avons donc commencé à composer ce nouvel album assez vite après Waste Of Space Orchestra, qui était une expérience qui a énormément impacté la direction que nous avons prise ensuite. Nous avons beaucoup appris grâce à ça. On peut le voir comme un point de transition pour le groupe.
Tu as dit que vous vouliez prendre une direction différente des murs de guitares. Et effectivement, l’album sonne plus électronique. A quel point la musique électronique vous a-t-elle inspirés pour composer et structurer les chansons ?
Nous avons toujours aimé la musique électronique, nous avions déjà un peu touché à ça en créant des rythmes hypnotiques. Nous voulions aussi aller dans cette direction en termes de son et nous avons pensé que ce serait cool de structurer l’album comme de la musique électronique. Dans la première partie d’une chanson, par exemple, il y aurait certains motifs ou rythmes qui prendraient ensuite le pas dans la seconde partie de la chanson. C’est un peu comme un effet d’« annonce », pour ainsi dire, qui a lieu dans la première partie, et même si ça change sans crier gare, tout d’un coup, ce n’est pas non plus si soudain que ça, parce qu’un des éléments était déjà là avant. Le meilleur exemple de ce type d’approche serait le troisième morceau de l’album. Voilà certains des éléments que nous voulions emprunter à la musique électronique, c’est-à-dire pas seulement les sons, mais aussi l’approche. C’était inspirant pour cet album.
« Nous pensons toujours d’abord à l’atmosphère, c’est ainsi que nous abordons chaque chanson, concert ou album. »
Ça a beaucoup changé votre manière de travailler par rapport aux précédents albums d’Oranssi Pazuzu ?
Oui. Sur Värähtelijä, nous avons pas mal jammé et créé des parties à partir de rien en passant beaucoup de temps en salle de répétition. Pour cet album, nous avons également passé pas mal de temps en salle de répétition mais nous avions aussi beaucoup de démos et d’idées déjà prêtes chez nous, sur lesquelles nous avons travaillé. Avec ce groupe, nous voulons toujours emmener chaque chanson vers quelque chose de magique et mystérieux. Nous avons jammé sur les parties et même si un riff était déjà là, tout ce qui se met en place autour du riff a nécessité de l’improvisation. Nous faisons ceci jusqu’à ce que nous trouvions le bon truc, et si ce n’est pas le cas, nous jetons tout à la poubelle. Nous voulons vraiment que les chansons possèdent quelque chose d’inexplicable, donc ça nécessite toujours de l’improvisation. Mais pour cet album, notre nouvelle approche a été d’utiliser plein de parties qui étaient déjà composées et notre manière de jammer était différente : nous recherchions seulement des parties, pas des chansons entières.
Tu as déclaré que vous essayez d’entraîner un état de transe chez l’auditeur. Est-ce que vous aussi vous entrez dans un état de transe lorsque vous créez ?
Bien sûr, nous pensons toujours d’abord à l’atmosphère, c’est ainsi que nous abordons chaque chanson, concert ou album. Nous essayons d’obtenir le bon type d’atmosphère, et si nous l’obtenons entre nous, alors avec un peu de chance, si l’atmosphère est suffisamment forte, elle se répandra quand vous écouterez l’album ou quand vous nous écouterez en concert. En ce sens, je pense que chaque album se rapproche beaucoup d’une bande originale, même si ce n’est pas la BO d’un film à proprement parler. L’ambiance doit vous pousser à visualiser ce que vous entendez. Avec les motifs hypnotiques, nous voulons vraiment créer quelque chose qui fera que vous vous perdrez facilement dans le rythme. On sent le groove, mais il y a quelque chose de déglingué dans le rythme. Puis lorsque vous suivez ça, vous pouvez tomber sur des riffs ou des motifs d’accords et vous commencerez à remarquer qu’il y a un tas de trucs qui se passent autour de vous. En particulier sur cet album, vous êtes attirés dans l’ensemble. Nous avons essayé de faire en sorte que ça vous aspire, que vous soyez obligés de suivre un chemin et voir ce qui se passe autour de vous. Ça vous fait voyager à travers différents portails et lieux.
J’ai lu que tu définissais justement la musique psychédélique comme étant « quelque chose qui fait apparaître des images ». Cherches-tu à ce qu’on se sente comme si on était dans un film ou un rêve ?
Je pense que c’est un de nos critères, quoi que nous fassions, nous avons un dessin animé qui se déroule dans nos têtes. C’est aussi pour apporter un éclairage sur des choses que vous n’avez pas encore traitées dans votre esprit, comme des choses obscures ou psychologiques qui sont difficiles. Avec un peu de chance, ça en déclenchera certaines. Pour ma part, quand je joue de la musique, je veux atteindre une catharsis. Nous ne voulons pas seulement faire de la musique sombre, il faut qu’il y ait un côté dramatique, et il faut qu’il y ait aussi une forme de soulagement ; ce n’est pas qu’une seule atmosphère. Je veux que notre musique ait plusieurs niveaux. Si on l’écoute sous différentes humeurs, différents jours, on l’entendra différemment. C’est ce qui est sympa quand on écoute de la musique psychédélique. On ne la comprend pas si on ne l’écoute qu’une seule fois. Il faut l’écouter de multiples fois, dans différents états d’esprit, différentes humeurs, pour l’écouter différemment.
Certaines parties sonnent presque comme du Philip Glass ou Steve Reich. Ce sont des influences conscientes ? Est-ce que le minimalisme vous inspire ?
Oui, nous adorons ça ! Ce genre de choses minimalistes peut s’insinuer dans notre musique ; c’est clairement quelque chose que nous avons déjà essayé d’intégrer avant. Cette fois, nous voulions utiliser des éléments qui n’étaient pas forcément aussi heavy. C’est bien plus prononcé sur cet album que sur les précédents.
« Nous n’essayons jamais de faire une musique effrayante en soi. Nous essayons de faire de la musique qui touche à des choses qui vous rendent si anxieux que vous ne pouvez même pas en parler. »
Je ne comprends pas les paroles mais apparemment, cet album est plus narratif et raconte une histoire sur le contrôle de l’esprit. On dirait que c’est moins abstrait que vos précédents albums. Est-ce influencé par Waste Of Space Orchestra qui était assez narratif aussi et mettait en scène des personnages ? Pour ceux qui ne parlent pas finlandais, peux-tu nous en dire plus sur l’histoire ?
Il est clair qu’il y a davantage un thème que dans le dernier album, mais il n’est pas vraiment abordé du point de vue de quelqu’un en particulier. Je crois que l’album le plus thématique que nous ayons eu était Kosmonument – à certains égards, il raconte une histoire. Ce nouvel album parle d’un maître obscur qui arrive et contrôle des nations entières avec sa magie et ses sorts. Ça décrit une sorte de futur dystopique cauchemardesque. On peut faire des parallèles avec les temps modernes, que ce soit l’intelligence artificielle ou la religion, mais ce maître est quand même pensé comme un personnage lovecraftien qui utilise ses capacités de contrôle de l’esprit et ses sorts sur tout le monde. C’est le thème de l’album mais chaque chanson est plus comme un rêve, une vision cauchemardesque d’une nouvelle situation qui en résulte. Ça commence avec l’arrivée du maître et ça finit avec une mort tragique. Au niveau des textes, nous voulons qu’il y ait plusieurs niveaux d’interprétation, donc ce n’est pas pensé comme étant juste l’histoire d’un sorcier, même si on peut l’interpréter aussi comme ça. C’est la vision d’un cauchemar dystopique.
Même si ça traite de choses sombres, on peut avoir l’impression que cet album est très hypnotique, enivrant et moins effrayant que le précédent. Y a-t-il une idée là-derrière, qui est que la musique ou les discours hypnotisants peuvent être une plus grande menace que quelque chose d’ouvertement menaçant ?
Je ne sais pas si nous l’avons pensé comme ça… Mais pourquoi pas ! Nous n’essayons jamais de faire une musique effrayante en soi. Nous essayons de faire de la musique qui touche à des choses qui vous rendent si anxieux que vous ne pouvez même pas en parler. C’est cliché, mais je pense que la musique commence là où les mots finissent. Avec un peu de chance, ça parlera à des gens partout dans le monde. Ensuite, ces gens pourront réaliser qu’ils traversent les mêmes choses que d’autres personnes. Je pense que notre art est fait pour exprimer vos pensées et comment vous assimilez tout ce qui vous entoure et le faites ressortir à travers le filtre de votre esprit. Tous les sentiments que vous pourriez ressentir en écoutant notre musique sont toujours justes. Tout dépend de l’interprétation de chacun et ça m’intéresse toujours d’entendre les interprétations que les gens ont, surtout dans le cas présent parce que nous ne partageons pas la même langue.
J’ai remarqué que vous utilisez beaucoup les voix de manière abstraite, pas seulement pour véhiculer des paroles…
J’essaye d’incarner une variété de « personnages », pour ainsi dire, ou de sons qui seraient éloquents pour une partie spécifique ou une chanson, et de tester les limites, de voir à quel point on peut sonner humain ou inhumain avec ce spectre vocal. Même si les gens hors de Finlande ne comprennent pas les textes, j’espère qu’ils comprendront le type d’émotion qui a motivé telle et telle partie.
Ton collègue Ontto écrit les textes et toi, tu les chantes. Comment travaillez-vous ensemble là-dessus ?
Nous écrivons la musique d’abord et après ça, nous voyons quel pourrait être le thème. Ontto écrit les textes en fonction de ce que la musique raconte déjà, en tout cas dans notre imagination, et ensuite nous balayons les idées ensemble. En général, je lis juste ce qu’il a fait et nous en discutons. Puis j’essaye de trouver une manière de mettre en valeur l’atmosphère de la partie.
« Avec ce groupe, il s’agit d’explorer de nouvelles voies et de nouveaux environnements. A cet égard, je pense que c’est une bonne idée de ne pas savoir exactement ce qu’on fait. »
Vous ne jouez pas très souvent en live. Tu as déclaré que tu trouvais ça bien parce que vous avez besoin d’être un peu mal à l’aise avec la musique pour que ça fonctionne comme il faut quand vous la jouez. Est-ce pareil quand vous composez ? Avez-vous besoin de sortir de votre zone de confort ?
Je pense que c’est une bonne chose en général d’être sur le qui-vive. On peut aussi très bien faire les choses autrement, y compris quand on est très familier avec quelque chose, mais avec ce groupe, il s’agit d’explorer de nouvelles voies et de nouveaux environnements. A cet égard, je pense que c’est une bonne idée de ne pas savoir exactement ce qu’on fait. Peut-être que nous avons une idée de ce que nous essayons de faire mais nous n’y restons pas trop fidèles afin de voir où cette idée peut mener. C’est aussi, en grande partie, une question de mettre son ego de côté et d’essayer humblement de chercher une idée jusqu’à ce que ça décolle. C’est aussi important de garder l’esprit ouvert aux autres personnes du groupe. Tout le monde dans le groupe doit essayer de ne pas tomber amoureux de ses propres idées, de manière à pouvoir échanger des idées avec un autre esprit, car ça conduit toujours à quelque chose d’unique. D’autres gens interpréteront les choses autrement, même si tu les connais bien, ils ont un autre regard et tu peux apprendre d’eux, et y répondre d’une nouvelle manière. Il y a plus de chances que ça mène à quelque chose d’unique et de plus dur à imiter. On apprend aussi du processus en faisant ça.
Tu joues également dans Grave Pleasures, qui est plus direct qu’Oranssi Pazuzu. Les processus créatifs de ces deux groupes sont-ils différents ?
D’une certaine façon, oui. Evidemment, les deux s’influencent mutuellement. Ce qu’il y a de bien avec Grave Pleasures et Oranssi Pazuzu, c’est que ce sont un peu comme les deux faces d’une même pièce. Les deux peuvent être mélangés, à un certain niveau, mais je pense que je sais assez bien si une idée est pour Grave Pleasures ou Oranssi Pazuzu. J’aime travailler par périodes : si je fais Grave Pleasures, je ne fais pas Oranssi Pazuzu en même temps. J’écoute toute sorte de musique et j’adore les structures des chansons pop. Le défi avec ça, c’est d’avoir quelque chose de traditionnel, une structure traditionnelle, en faire sa propre version et le faire rentrer dans le cadre historique de la pop. Il y a une part de la pop qu’on peut interpréter, on peut jouer les mêmes changements d’accords mais à notre façon et construire notre propre son par-dessus. Donc avec Grave Pleasures, c’est un type de composition plus traditionnel mais ça permet quand même de s’exprimer, mais autrement. Il y a des similarités avec Oranssi Pazuzu mais l’expression est un peu différente, donc c’est amusant de travailler sur les deux.
Comme on en a parlé plus tôt, il y a quelque chose très visuel dans votre musique. Avez-vous songé à intégrer davantage de visuels, que ce soit à travers vos clips ou vos prestations scéniques, par exemple ?
Nous l’avons fait pour la première fois avec Waste Of Space Orchestra. Nous avons fait faire des visuels par Kalle-Erik Kosonen pour l’ensemble du projet en même temps que nous composions les chansons. Il est clair que nous allons davantage expérimenter avec Oranssi Pazuzu sur ce plan avec ce prochain album, c’est déjà en cours de réalisation. Parfois nous aimons aussi nous reposer sur les lumières, si le contexte n’est pas propice aux visuels. Nous l’avons beaucoup fait, ça laisse beaucoup de place à l’imagination. Nous avons un ingé lumière, Mikko, qui nous accompagne depuis avant même que nous ayons eu notre propre ingé son. Nous l’avons pris avec nous parce que nous voulions créer une atmosphère. Ça va bien avec la musique et ça permet aussi à l’esprit de vagabonder librement. C’est également ce que nous voulons faire avec les visuels, afin qu’ils ne prennent pas toute la place dans votre esprit. Nous voulons le faire à notre façon, nous aimons le minimalisme.
Ça vaut aussi pour l’illustration de l’album. Elle est assez abstraite et dure à interpréter…
C’est sûr. On peut aussi trouver différents niveaux dans l’illustration. Nous avons travaillé avec une artiste originaire d’Helsinki qui s’appelle Tekla Vàly. C’est une super photographe et l’illustration de l’album est un assemblage de plusieurs photos. Nous lui avons plus ou moins laissé carte blanche pour réaliser une illustration d’album et avoir sa propre interprétation visuelle de l’album pendant qu’elle l’écoutait. Voilà le résultat que nous avons obtenu. Nous aimons beaucoup ses autres trucs, donc c’était sympa de travailler avec elle.
Interview réalisée par téléphone le 27 février 2020 par Chloé Perrin.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Oranssi Pazuzu : oranssipazuzu.site.
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