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Chronique Focus   

Oranssi Pazuzu – Värähtelijä


Oranssi Pazuzu - VärähtelijäCe n’est pas le moindre paradoxe du black metal que d’abriter sous son appellation le conservatisme le plus orthodoxe comme les expérimentations les plus avant-gardistes et les métissages les plus inattendus. Depuis la formation du groupe en 2007, Oranssi Pazuzu s’est brillamment illustré dans la seconde catégorie. Venant tout droit de Tampere, ville qui semble s’imposer en ce moment comme la capitale d’un nouveau psychédélisme s’incarnant sous des formes aussi diverses que le doom psychotrope de leurs amis de Dark Buddha Rising ou le rock folk très hippie d’Hexvessel, les Finlandais mêlent avec de plus en plus d’audace et de maîtrise black metal, space/krautrock et rock progressif. Après un Valonielu remarqué en 2013, ils sortent cette année Värähtelijä, un long album sombre, inclassable et psychédélique à souhait.

Dès le très réussi « Saturaatio », l’auditeur se sent comme aspiré dans une autre dimension : après une ouverture qui monte progressivement en intensité avec la voix râpeuse, étrange – l’album est chanté en finnois – et angoissée de Jun-His, l’un des éléments les plus régulièrement black metal de l’album, une envolée d’orgue Hammond suffit à brouiller tous ses repères et à le propulser dans un trip cosmique en des contrées étranges, à l’image de la pochette de l’album, qui semble bien représenter une sorte de tunnel obscur et poilu (!). Long de pas moins de 69 minutes, ouvrant à toute volée une ou deux portes de la perception au passage, Värähtelijä fait voyager l’auditeur entre riffs parfois hypnotiques, parfois très lourds, black traditionnel (« Havuluu »), passages atmosphériques planants (sur le titre éponyme notamment) et sonorités électroniques bizarres, le tout s’enchaînant presque étonnamment sans accrocs.

En effet, là où parfois l’hybridation peut sembler forcée et tenir plus du gimmick qu’autre chose (l’alliage de blues/gospel et de black metal de Zeal And Ardor par exemple, qui, s’il a le mérite d’exister, tient surtout de l’exercice de style), le mélange des genres chez Oranssi Pazuzu ne semble jamais gratuit, et les Finlandais parviennent à enchaîner des passages pourtant disparates si on les considère isolément avec beaucoup de fluidité. On pense notamment au beat de minimaliste berlinoise de « Valveavaruus » qui vient presque clore l’album, et qui est immédiatement précédé par le retour d’un gros riff de « Saturaatio » : c’est ce type d’effet de boucle et un son volontairement très organique – on entend même le crépitement de flammes à la fin de « Vasemman Kaden Hierarkia » ! – qui assurent la cohérence de l’album. Comme l’explique Ontto, le bassiste du groupe, les musiciens ont spécialement travaillé leur cohésion de groupe, leurs capacités d’improvisation et le naturel de l’enregistrement, souvent live, le tout pour représenter « un voyage abstrait au cœur de sa propre conscience ».

Et c’est bien l’impression que l’on a à l’écoute de l’album : en lieu et place du voyage intergalactique que pourrait suggérer son côté space rock, c’est à un voyage en soi, de l’infiniment grand à l’infiniment petit et vice-versa, qu’invite le groupe, à l’aide de visions diverses et mouvantes formant un sombre kaléidoscope hypnotique. Ceci dit, le risque quand on vise à de tels objectifs est bien évidemment le bad trip, et il faut bien reconnaître que l’ambition et la liberté des Finlandais ont tendance à avoir les défauts de leurs qualités : en 69 minutes d’une musique aussi riche et dense, on frôle parfois l’indigestion. Mais l’effort du quintet mérite amplement un peu de persévérance : ne cédant jamais à la facilité, n’hésitant pas à se mettre à dos à la fois les fans de prog qui pourraient être dérangés par les aspérités et l’obscurité de l’ensemble et les fans de black metal qui pourraient lui reprocher son manque d’orthodoxie, Oranssi Pazuzu ne lésine pas sur les moyens pour proposer une échappée salutaire hors des sentiers battus et des limites de la conscience rationnelle. Une expérience unique dont on aurait bien tort de se priver.

Clip vidéo de la chanson « Lahja » :

Album Värähtelijä, sorti le 26 février 2016 via Svart Records. Disponible à l’achat ici.



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