« Passer de la violence à l’agressivité ». C’est d’une certaine manière la quête d’Overkill pendant plus de quarante années de carrière. La formation culte du New Jersey a très vite cherché à se détacher d’un thrash sans préoccupations autres que de crier sa colère à la face du monde pour une musique toujours puissante mais moins juvénile. Après vingt réalisations, Overkill n’a évidemment plus rien à prouver et ne compte pas renouer avec la fougue d’un Feel The Fire (1985). Au contraire, Scorched cherche à accentuer les évolutions récentes de sa musique en intégrant divers éléments qui l’extraient de sa labellisation thrash trop étriquée. Ce dernier effort est né dans un contexte de pandémie et de nouvelle méthode de travail, moins pressurisée. De quoi entretenir la flamme, celle-là même qui continue de brûler sur l’artwork comme en 1985.
Scorched a été repoussé plusieurs fois en raison du contexte sanitaire. Pour les musiciens, résolument attachés à une manière de procéder « old-school », soit des enregistrements collectifs et un cycle de tournées qui s’ensuit, il a fallu s’armer de patience. Leur dernier opus pourra ainsi profiter d’une série de concerts qui le défend dignement. Cependant, Overkill a dû réaliser l’album et valider les compositions sans jouer ensemble. Une démarche inédite pour le groupe qui a dû – comme tant d’autres – se prêter au jeu d’échange de fichiers et se fier au mix de Colin Richardson. Sur ce plan, Scorched respecte le cahier des charges, à savoir un son typé eighties avec suffisamment de profondeur pour éviter l’intolérance à la poussière et une section rythmique – basse et batterie – punchy et claquante dans la lignée des récentes productions du groupe. Les leads qui ouvrent « Scorched », dramatisés par les cloches, confirment d’emblée les propos des musiciens : l’album est parfois plus proche du heavy que du thrash pur jus. Évidemment, le riffing cavalier est toujours présent mais Overkill ne recule pas devant quelques élans progressifs, à l’instar du développement en seconde partie, avec son lead déstructuré et sa ligne de basse pratiquement livrée à elle-même. L’introduction de « Goin Home » a presque un cachet à la Black Album de Metallica avant que le timbre de Bobby Blitz, reconnaissable entre mille, vienne estampiller le titre. « The Surgeon » reprend pour sa part les codes du thrash à l’ancienne, jusqu’aux coups de charleston qui ouvrent les débats.
L’atout principal de Scorched apparaît lorsque la formation décide de vraiment varier les registres. L’introduction solennelle de « Wicked Place » laisse vite place à un riffing rock – à coups de shuffle et d’articulations quasi blues – qui tranche avec le culte de la vitesse habituel. « Fever » va jusqu’à amplifier cet aspect blues en créant une atmosphère moite et pesante – comme un savoir-faire issu de Louisiane – saupoudrée de percussions. L’occasion d’apprécier le chant clair de Bobby qui multiplie les modulations et de découvrir un son de guitare massif taillé pour l’occasion. « Fever » est indéniablement unique dans la discographie d’Overkill et prouve que la répétition inlassable des mêmes recettes est inenvisageable. Les arrangements de cordes sur « Wicked Place » ou encore les chœurs graves aux connotations religieuses (accentuées par le retour des cloches) de « Twist Of The Wick » abondent en ce sens. Même la conclusion « Bag O Bones » s’illustre par un groove différent, plus facétieux, qui se perçoit aussi dans le phrasé de Bobby qui flirte parfois avec un punk boogie et déluré.
Pour sa vingtième réalisation, Overkill laisse difficilement de marbre. Si tous les éléments quarantenaires de sa musique sont bel et bien présents, les compositions du bassiste D.D Verni refusent les œillères. Elles sont davantage libérées, et l’ancienneté du groupe ne vient pas justifier les répétitions. Overkill n’a pas perdu de sa hargne, ni de son urgence, mais il parvient également à surprendre, ce qui est une prouesse en soi.
Chanson « Wicked Place » :
Chanson « The Surgeon » :
Album Scorched, sortie le 14 avril 2023 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici