Personne n’osera attaquer Overkill sur le terrain de la longévité et de la régularité. Cela va faire maintenant presque quarante ans que le groupe de thrash originaire du New Jersey officie, en délivrant des albums tous les deux ou trois ans. Le groupe en est désormais à son dix-neuvième opus avec ce The Wings Of War qui succède à The Grinding Wheel (2017). Au-delà de la longévité, c’est surtout d’une forme de constance qualitative qu’Overkill peut réellement se vanter. La forme actuelle d’Overkill est aussi due à une relative stabilité de line-up, en dépit du départ du batteur Ron Lipnicki qui laisse sa place à Jason Bittner sur ce nouvel album.
Avec The Wings Of War, Overkill ne va pas vraiment surprendre par son audace, évidemment. Le dix-neuvième opus du groupe respecte en grande partie les codes du heavy-thrash qu’il s’efforce de suivre, à savoir une entrée en matière coup de poing via « Last Man Standing » – et sa montée en tension en guise d’intro qui fleure bon l’indus des années 90 –, des lignes de basse ronflantes et un riffing effréné tel « Believe In The Fight », dans lequel le changement rythmique vers la mosh part est proprement redoutable, ou plus appuyé comme sur « Bat Shit Crazy ». Le chant de Bobby « Blitz » Ellsworth n’a pas pris une ride, pour peu qu’on accepte ce timbre aigu si caractéristique, déluré pour incarner la folie sur « Bat Shit Crazy ». Mention spéciale pour l’accalmie malsaine (on pense facilement aux ambiances qu’affectionne King Diamond) en plein cœur de la chanson. Le genre de petite surprise (à l’instar de l’intro mentionnée plus haut) qui, au-delà d’offrir une transition bienvenue pour le solo, apporte un brin de fraîcheur à ce The Wings Of War. On louera en outre le jeu de Jason Bittner qui semble être un choix réfléchi et judicieux. Ce dernier est aussi à l’aise sur des rythmiques cavalières (« Believe In The Fight ») que sur des jeux plus percussifs (« Where Few Dare To Walk »).
Thrash jusqu’à la moelle, The Wings Of War est pourtant plus panaché qu’il n’y paraît. Ainsi, au punk fédérateur « Welcome To The Garden State » (un hommage aux origines du groupe) succède le plus alambiqué et ambiancé « Where Few Dare To Walk ». Un titre instaurant, notamment grâce à la basse de D.D. Verni, une atmosphère lugubre (« The Thing That Should Not Be » de Metallica n’est pas loin…), consolidée par des leads très NWOBHM. Le groupe sait par ailleurs construire des atmosphères progressives sans perdre en intensité, « Distortion » est là pour le rappeler. Et notons sur « Head Of A Pin » l’influence de Black Sabbath puis une accointance avec Judas Priest dans le refrain qui contribuent à varier les plaisirs. L’effort de diversité n’empêche pour autant pas certaines lourdeurs, telles les vocalises de « Where Few Dare To Walk » ou l’abondance de gimmicks qui, par endroits, pollue presque le jeu des guitaristes Dave Linsk et Derek Trailer ; « A Mother’s Prayer », par exemple, tend au kitsch dans ses amorces de solo. Le duo est beaucoup plus probant quand il s’adonne à des breaks et autre riffing tricoté (« Out On The Road-Kill »). « Hole In My Soul » vient conclure l’album et propose l’une des introductions les plus réussies ainsi qu’une formule inaltérable : une tension libérée par un thrash slayerien emblématique des années 80, un cas d’école.
The Wings Of War offre ce que l’on attend lorsqu’on décide d’écouter Overkill, cette science généreuse du riff et cette nervosité à laquelle il est difficile de résister. Certes, une telle approche respectueuse du thrash au sens traditionnel vient avec son lot de redondances et de clichés pouvant faire qu’on sature vite. Le chant de Bobby Ellsworth en est symptomatique : parfois on apprécie ce timbre devenu iconique, parfois on déplore une forme de surjeu. Mais il suffit de tendre l’oreille pour se rendre compte qu’Overkill est loin de n’avoir qu’une seule corde à son arc et sait tirer profit de ses autres affinités pour pimenter sa partition. En ça, The Wings Of War marque sa différence et fait relativiser sur les quelques défauts qu’on lui trouvera.
Lyric vidéo de la chanson « Head Of A Pin » :
Lyric vidéo de la chanson « Last Man Standing » :
Album The Wings Of War, sortie le 22 février 2019 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici