« Avez-vous peur de la mort ? » voici peut-être une étrange manière de débuter un live report mais que diriez-vous s’il s’agissait de la première phrase prononcée par le chanteur du groupe que vous êtes venus applaudir ?
Une chose est sûre, Daniel Gildenlöw (leader de Pain Of Salvation) sait recevoir ses hôtes. Car oui, ce soir le public est invité directement dans le salon du groupe. Décors et ambiance cent pour cent Seventies créés spécialement pour l’actuelle tournée acoustique du groupe suédois Pain Of Salvation, soutenu par les Islandais d’Árstíðir et la chanteuse néerlandaise Anneke Van Giersbergen (ex-The Gathering). Ensemble, ces trois groupes nous invitent au voyage, un voyage à travers le temps et l’espace ayant pour thème principal la mémoire, les souvenirs et l’expression d’une douce nostalgie face aux années qui défilent. Vous sentez-vous prêts à embarquer ?
Artistes : Pain Of Salvation – Anneke Van Giersbergen – Árstíðir
Date : 17 avril 2013
Salle : Trabendo
Ville : Paris
La scène se passe au Trabendo, nous sommes le 17 avril 2013 pour encore quelques heures et le public parisien a répondu présent à l’appel de cette soirée, la salle affiche presque complet. Il est 19 heures tapantes lorsqu’un bruit de porte se laisse entendre. Quelques pas dans les coulisses et voici qu’arrive sur scène de manière décontractée le chanteur et leader du groupe Pain Of Salvation : Daniel Gildenlöw. Après s’être installé confortablement dans un des vieux fauteuils en cuir du salon, il présente l’origine de ce concept si original et surprenant.
Ainsi débute la narration d’une vie, celle de la grand-mère de sa femme, âgée de 90 ans et atteinte de démence. Petit à petit ses souvenirs s’effacent et seules quelques pièces du puzzle morcelé de sa vie subsistent dans son esprit. Devant faire face, Daniel nous confie ses propres craintes et angoisses concernant la mort et la perte de mémoire, car qui sommes-nous si nous n’avons plus nos souvenirs ? Gardons-nous véritablement notre identité ? C’est sur ces réflexions existentielles que soudain une sonnette retentit et qu’arrivent sur scène les six membres d’Árstíðir. Il est temps d’arrêter les discussions et de laisser place à la musique. Daniel se propose de rester avec le groupe le temps d’une chanson et ensemble ils nous offrent une version particulièrement poignante du titre « Road Salt » issu de l’album du même nom. Nous voici immédiatement imprégnés par l’ambiance, la voix du leader de P.O.S vibre de toute sa sensualité à travers le Trabendo et nous emmène, comme portés par une caresse, dans un autre univers. Le voyage commence.
Une fois ce titre terminé, Árstíðir prend la relève et assure seul la suite du spectacle. Le public fait maintenant face à six artistes de grande qualité, tous à la fois chanteurs et musiciens. Il se dégage de leurs compositions, majoritairement interprétées en islandais, une forme de pureté. Ils ne font preuve d’aucun artifice et pourtant témoignent d’une grande intensité, aussi bien vocale que technique. Des vagues de frissons parcourent l’assemblée qui se voit transportée directement dans les terres sauvages islandaises. Leur musique est comme une brise estivale, pleine de douceur et de légèreté. Au bout de quelques titres, une nouvelle invitée est annoncée, il s’agît de la talentueuse chanteuse Anneke Van Giersbergen. Elle apporte un soupçon supplémentaire de beauté à la performance avec la reprise du titre « Everwake » d’Anathema. Elle n’est pas venue seule mais accompagnée de Gustaf Hielm (guitariste et contrebassiste électrique pour Pain Of Salvation) qui aura choisi d’adopter pour l’occasion un look 100% parisien en portant fièrement le traditionnel béret, qui colle tant à notre image.
Le public est agréablement surpris par ce qu’il voit défiler sous ses yeux et à la fin des quarante-cinq minutes de jeu allouées à Árstíðir, et il s’avoue totalement conquis. A peine quelques minutes plus tard, la scène habitée par ces six musiciens est libérée pour laisser Anneke emménager avec sa guitare. Elle n’a besoin de rien d’autre pour offrir un show intimiste de qualité. Dès le deuxième titre, elle fait revenir la moitié des membres d’Árstíðir pour interpréter en sa compagnie un titre de sa composition, puis une reprise assez minimaliste et touchante du titre « Time After Time » de Cindy Lauper. Son set défile sans accroc. Malgré parfois une légère faiblesse dans la voix due à une toux, elle rayonne sans difficulté de toute sa beauté. Anneke fait preuve d’une véritable proximité avec son public qui le lui rend bien, notamment après l’interprétation du titre « Locked Away » de The Gathering. Elle conclura tout en finesse sur le morceau de U2 « All I Want Is You ». Le public était conquis, le voici totalement envoûté !
Il est maintenant temps de faire une pause, de se remettre de ses émotions et de se préparer à l’assaut final, destination : Pain Of Salvation. Un léger réarrangement du salon et Daniel Gildenlöw peut réapparaître. Il continue sa narration là où il l’avait laissée, prenant le temps de nous décrire les éléments du décor. Ce faux musée sorti tout droit des années 70 où le papier peint chargé de motifs est d’époque, où les meubles ont subi l’usure du temps… Tout crée l’illusion de ce retour dans le passé. Aucun détail n’a été laissé au hasard et sous le regard bienveillant de Jimi Hendrix, présent sur un poster géant, la salle tout entière entre progressivement dans une bulle, celle de la jeunesse du chanteur et de son univers. Ce projet acoustique est l’occasion d’un retour à l’essence même de Pain Of Salvation. Durant tout le concert nous parcourrons l’ensemble de la discographie du groupe, à travers les titres les plus récents jusqu’aux plus anciens. Nous voici au fait avec la situation et le spectacle peut commencer. Roger Öjersson (guitare et chœurs), invité spécial de la tournée, vient sur scène s’installer à côté de Daniel et les deux musiciens, guitare en main et micro au bord des lèvres, entonnent alors les premières notes d’un tout nouveau morceau, « Falling Home ». Progressivement, ils sont rejoints par le reste de l’équipe : Daniel Karlsson (claviers), Gustaf Hielm et le plus français des Suédois Léo Margarit (batterie, chœurs). Le groupe est maintenant au grand complet et permet au voyage de se poursuivre.
Ce set est une véritable redécouverte des compositions du groupe, les arrangements effectués sont plein de groove et de feeling. Ils apportent aux morceaux beaucoup de fraîcheur, de sensibilité et presque une nouvelle identité. Les mélodies sont enivrantes, et sur scène les artistes donnent le sentiment de prendre énormément de plaisir à se réinventer. L’inattendu est au rendez-vous et c’est par exemple dans la pénombre que Daniel offrira dans un doux murmure une interprétation magistrale du titre « Ashes ». Le public ne peut décrocher son attention, chaque seconde le captive et il témoigne sa gratitude par de vifs applaudissements. Il se sent en osmose avec le groupe et il veut le faire savoir. Les séquences émotions se succèdent et s’amplifient. Anneke est invitée à revenir sur scène pour un duo les yeux dans les yeux avec Daniel sur le titre « Help Me Make It Through The Night » de Kris Kristofferson. Puis les titres plus traditionnels de P.O.S. reprennent leurs droits quelques instants avant que le groupe ne choisisse de nous servir une reprise particulièrement jazzy d’un monument du heavy metal : l’incontournable « Holy Diver » de Monsieur Ronnie James Dio. Le public est presque sous le choc mais salue volontiers la performance. Il fallait oser, P.O.S. l’a fait.
L’atmosphère continue sur cette nouvelle lancée, les spots viennent inonder la salle des couleurs de l’arc-en-ciel, les instruments s’emballent et Léo Margarit nous gratifie de ses multiples talents de batteur en faisant trembler ses peaux dans un rythme effréné. Seul un titre comme « Disco Queen » pouvait conclure cette parenthèse funky et surtout faire perdre tous ses moyens à l’audience qui se met à s’agiter énergiquement et à reprendre en force chaque parole.
Puis c’est le retour au calme, le retour au thème de la nostalgie, des amours de jeunesse, d’une rencontre avec cet ado tout juste âgé d’une quinzaine d’années et qui venait de composer « Second Love ». S’ensuivra la réapparition d’un passé plus récent avec l‘ incontournable « No Way ». Sa réécriture est assez déstabilisante mais tellement efficace que l’on en redemande. Et alors que les lumières s’éteignent, que le public n’a de cesse d’acclamer la performance du groupe, ils reviennent sur scène nous faire la morale. Nous sommes trop bruyants, les voisins se plaignent, alors, par notre faute, ils se sentent obligés de jouer à nouveau quelques morceaux supplémentaires. Rejoint par le violoniste ainsi que par le violoncelliste d’Árstíðir, Pain Of Salvation commence son rappel par une reprise qui n’aurait pas pu être plus dans le thème des sujets abordés au cours de cette soirée : « Dust In The Wind » de Kansas. Enfin, après un autre morceau, l’ensemble des artistes présents ce soir viennent une nouvelle et dernière fois fouler les planches usées du salon, pour un final empli de magie sur l’interprétation de la chanson « 1979 », extraite du dernier album en date de P.O.S. : « Road Salt II ». La boucle est maintenant bouclée et notre excursion en ces temps éloignés touche à sa fin. C’est ensemble, dans une complicité unique et touchante que ces trois groupes seront parvenus à faire vibrer le public parisien et à l’embarquer dans une aventure humaine et musicale qu’il n’est pas prêt d’oublier.
Setlist de Pain Of Salvation :
Falling Home
Diffidentia
Linoleum
Mrs. Modern Mother Mary
Ashes
Help Me Make It Through The Night (reprise de Kris Kristofferson avec Anneke Van Giersbergen)
To the Shoreline
Holy Diver (reprise de Dio)
Stress
Disco Queen
Second Love
Spitfall
Iter Impius
The Perfect Element
No Way
Rappels :
Dust In The Wind (reprise de Kansas avec Árstíðir)
Chain Sling (avec Árstíðir)
1979 (avec Árstíðir & Anneke Van Giersbergen)
Photos : Julien Perez