Papa Roach fait partie de ces groupes controversés, essentiellement par sa qualité de groupe dit « commercial ». Le mot est lâché. « Commercial », qualificatif décrédibilisant, pour beaucoup antonyme d’intégrité, qui plus est injure suprême dans les sphères de l’underground. Comme si produire une musique aux mélodies évidentes, aux rythmes entraînants et plaisant à une majorité était intrinsèquement signe de mauvais goût.
Mais Papa Roach, lui s’en fout. Le groupe continue son petit bonhomme de chemin en faisant bien ce qu’il a envie. En un peu plus de dix ans, la bande de cafards est passée d’un neo metal qui ne manquait pas de tubes à un Hard US à tendance glam grâce à un Metamorphosis plein de qualités. Le combo pense même déjà à son futur comme nous l’apprend le guitariste et fondateur du groupe Jerry Horton (aucun lien de parenté avec l’éléphant qui croit qu’une poussière lui parle) : « Il est possible que nous ajoutions un peu plus d’éléments électroniques. Nous allons nous concentrer sur l’aspect groovy et essayer de mélanger un peu tout ça ». Le pire dans tout ça, c’est que malgré cette perpétuelle métamorphose, le groupe ne cesse de gagner du terrain dans l’appréciation du public. Comme ceux qui n’étaient pas forcément convaincu par leur neo metal mais qui ont été charmés par leur récent virage artistique, tout autant que par leurs prestations scéniques remarquables.
Il était d’ailleurs temps qu’une de ces dernières soit immortalisée sur disque. C’est chose faite, en partie, avec le dernier rejeton Time For Annihilation, hybride studio/live.
Jerry Horton nous en dit justement un peu plus sur ce sujet comme sur bien d’autres.
Radio Metal : Papa Roach vient de sortir Time For Annihilation, un album composé pour moitié de nouveaux titres, le reste correspondant à des chansons live. Cependant, j’ai entendu dire que vous aviez à l’origine prévu un album live complet. Pourquoi le disque est-il finalement sorti dans cette configuration ?
Jerry Horton (guitare) : Nous voulions sortir un album live depuis un petit moment, mais nous savions aussi que le public attendait de nouvelles chansons. Au début, nous avions décidé de n’écrire qu’une ou deux nouvelles chansons, puis nous avons pensé : « Autant en faire cinq et sortir un EP ». C’est de là que tout est parti : nous ne voulions pas seulement sortir un album live, nous voulions aussi offrir au public de la nouveauté.
Vous n’aviez pas suffisamment de chansons pour sortir un nouvel album studio ?
Nous ne voulions pas prendre le temps nécessaire pour écrire un album complet. Nous voulions faire ça rapidement mais nous voulions aussi proposer cinq chansons aussi bonnes que possible.
Était-il vraiment nécessaire de sortir un nouveau produit à l’heure actuelle ? Pourquoi ne pas avoir attendu un peu pour pouvoir sortir un album studio complet ?
Notre contrat avec Interscope et Universal s’est terminé et nous pensions que le moment était idéal pour sortir un album live. À la base, c’était ce que nous étions censés faire. L’idée des nouvelles chansons est venue après : nous nous sommes dit que nous ferions aussi bien de proposer quelque chose de nouveau. Nous ne voulions investir ni l’argent ni le temps nécessaire à la conception d’un album complet.
Le groupe a une excellente réputation sur scène. Penses-tu que seul un demi-album live rende justice à vos performances ? Surtout dans la mesure où il s’agit d’un premier album live…
Je pense effectivement que cet album leur rend justice. Nous voulions donner à nos fans la possibilité de vivre cette expérience, ou au moins une partie, sur CD. En ce qui concerne le nouveau matériel, au cours de notre carrière, nous n’avons jamais joué l’intégralité d’un album sur scène. Nous nous contentions de sélectionner quelques chansons et de les mélanger à d’autres. C’est la première fois que nous pourrons interpréter toutes les nouvelles chansons au cours d’un set. Nous faisons ça depuis maintenant trois semaines et nous avons reçu des commentaires très positifs de la part de tout le monde. Les gens nous disent qu’ils adorent le nouveau matériel et qu’il vient très bien en complément du reste des titres.
À l’exception d’un DVD, cet album est la première sortie live du groupe. Penses-tu que ce dernier soit au sommet de son art aujourd’hui ?
Je ne pense pas. Je pense qu’il reste encore un vaste territoire musical inexploré. Nous sommes toujours en train de changer, de travailler à ce que nous allons faire ensuite, et de ce point de vue, nous ne sommes jamais satisfaits. Nous travaillons en permanence sur quelque chose de nouveau et essayons d’apporter du neuf.
Le titre « Time For Annihilation » sonne un peu comme une déclaration. L’album sort en outre seulement un an après Metamorphosis. Est-il important pour vous d’affirmer au public que le groupe est vivant, se porte bien et est parti pour durer ?
Oui, ça en fait partie. En fait, le titre a été suggéré par un de nos amis. Jacoby (chant) a demandé sur Twitter comment nous devrions titrer l’album et quelqu’un a proposé cette solution. Cette phrase est tirée de l’une de nos chansons, « Crash ». C’est aussi ce qu’on dit avant chaque concert : on forme un cercle et quand on rompt le cercle, on dit : « Time for annihilation ». Nous pensions que le titre était parfait pour un album live en raison de cette tradition avant de monter sur scène. Nous sommes là pour annihiler !
Dès janvier, le groupe a commencé à poster des mises à jour régulières concernant le nouveau disque. Penses-tu qu’il soit important de rester en contact avec les fans et de donner des nouvelles régulièrement sur les activités du groupe ?
Oui, je pense que c’est important. Nous vivons à une époque où le mystère n’est pas aussi important que le contact avec les fans. Aujourd’hui, il y a tellement de médias et tellement de sources de divertissement que les « réserves » potentielles de fans sont très minces. Nous pensons qu’il est très important de conserver notre relation avec nos fans et de les informer sur ce qui se passe. Si on ne le fait pas, ils vont penser qu’on les a oubliés et ce n’est pas du tout notre objectif.
Quand on écoute les titres live du Time For Annihilation, on peut entendre beaucoup de femmes dans le public. Quel est votre secret ?
(rires) Au fil des années, certains des titres sortis en singles ont fait mouche auprès de ces dames pour une raison ou une autre. Je pense que c’est une très bonne chose. Aucun des membres du groupe n’aime jeter un œil vers la foule et n’y voir que des mecs. C’est bien pour la mixité de la fosse et je pense que c’est une excellente chose pour les hommes présents aux concerts. L’atmosphère est plus festive. Si la foule n’est composée que d’hommes, l’agressivité monte très vite. C’est excellent pour l’atmosphère générale.
L’ancien label de Papa Roach, Geffen Records, a sorti un album best of cet été. Toutefois, le groupe a insisté sur le fait que les fans ne devraient pas l’acheter en raison du fait que cet opus était publié sans le consentement du groupe et que vous n’alliez pas gagner d’argent grâce à cela. Comment est-ce possible ?
Nous ne sommes pas allés jusqu’à dire que nous n’allions pas gagner d’argent avec cet album. Le problème était que nous avions enregistré un nouvel album, que nous avions une date de sortie prévue et qu’Universal a décidé de sortir un autre album de son côté sans que nous soyons d’accord ni même au courant. Le label a tiré parti du travail que nous réalisions à ce moment-là sans se fatiguer. Tout ce qu’il y avait à faire, c’était rassembler quelques titres sur un CD et sortir le tout. Le but était de faire quelques dollars supplémentaires sur le dos de Papa Roach. Le problème, c’est que cela a créé pas mal de confusion parmi nos fans. On leur promettait un nouvel album, un nouveau best of de Papa Roach. Ils ne savaient pas d’où venait cet album. Le best of d’Universal ne contenait rien de nouveau, uniquement des chansons que la plupart de nos fans possédaient déjà. Nous nous sommes sentis un peu trahis mais nous n’avons pas été exactement stupéfaits. C’est quelque chose que font tous les grands labels, si tu vois ce que je veux dire. Il faut s’y attendre, mais nous n’avions pas pensé qu’ils le feraient. Malheureusement, ils l’ont fait…
J’ai lu quelque part que le groupe ne possède plus les droits de ses chansons, même si celles-ci peuvent toujours être jouées sur scène. C’est vrai ?
Quand on est sous contrat avec un gros label, c’est le label qui détient les droits des chansons. C’est comme ça. Même quand nous étions au milieu de l’enregistrement, elles appartenaient au label. Tu peux prendre n’importe quel artiste – même Lady Gaga – son label détient ses chansons. Au cours des prochaines années, nous allons essayer de les récupérer, de les racheter à la maison de disques.
N’est-ce pas un peu frustrant pour un artiste de savoir qu’on ne possède même pas les droits sur ses propres créations ?
Oui, mais il faut faire des compromis. Mais tout ça, c’est le côté business de la chose, et je ne pense pas que les gens veuillent ou doivent connaître le côté business.
Vous êtes à présent signés chez Eleven Seven Music, un petit label. Vous sentez-vous plus à l’aise avec ce genre de petite structure ?
Je me sens effectivement plus à l’aise. Nous nous sentons beaucoup mieux chez Eleven Seven. Ils sont plus petits mais ils mettent leurs ressources à notre disposition à 100 %. Universal, de son côté, ne nous accordait que 10 % de ses ressources. Eleven Seven est un label rock et ils ont une véritable passion pour nos chansons et pour le groupe. Ils veulent nous voir réussir. C’est génial.
Ce qui est très surprenant chez Papa Roach, c’est l’évolution que le groupe a connue au fil des années : vous avez plus ou moins débuté en tant que groupe de nu metal, puis le son s’est adouci et tombe aujourd’hui davantage dans la catégorie hard rock moderne. Metamorphosis compte même plusieurs titres orientés glam comme « Night Of Love » ou « State Of Emergency ». C’est également le cas de Time For Annihilation, avec le single « Kick In The Teeth ». Qu’est-ce qui vous pousse à repenser l’orientation musicale du groupe si régulièrement ?
Ce n’est pas une chose à laquelle nous réfléchissons vraiment. Nous avons toujours fonctionné comme ça, nous avons toujours changé. À l’époque où nous n’étions pas encore signés, nous étions encore différents. Avec Infest, le monde nous a découverts pour la première fois mais ce n’était pas ce que nous avions toujours fait. C’était seulement le son que nous avions adopté à ce point de notre carrière. Nous avons toujours changé, même si certaines choses sont restées les mêmes. Certains éléments de notre musique sont tels que les gens se disent : « Ça sonne comme du Papa Roach » dès qu’ils l’entendent. On aime garder le groove, et j’imagine que nous avons certains tics lorsque nous écrivons des mélodies et des harmonies. Mais comme je l’ai dit, en dix-sept ans de carrière, nous avons constamment changé.
Peut-on dire que cette diversité de genres dans la carrière de Papa Roach est le fruit des goûts musicaux variés des différents membres du groupe ?
Je pense… Oui, je crois qu’on peut dire ça. On a pas mal de goûts musicaux en commun, on a aimé souvent les mêmes choses, mais il est vrai que nos goûts propres à chacun définissent notre contribution au groupe. Je pense que cette diversité contribue effectivement au changement.
N’avez-vous pas peur troubler les fans en changeant de style musical ? Ou voyez-vous ça comme une qualité qui permet de renouveler leur intérêt ?
Nous voyons ça comme un point fort. Nous aurions l’impression de nous moquer des fans si nous faisions la même chose album après album. Il y a évidemment des gens qui veulent entendre une chose et une seule, mais c’est un risque que nous devons prendre. Ceux qui n’apprécient que l’aspect rap-rock de Papa Roach seront sans doute déçus. Mais en tant qu’artistes, nous ne pouvons pas nous contenter de faire tout le temps la même chose. Ça finit par devenir fade et vous devenez une sorte de parodie de vous-mêmes. De notre point de vue, le changement est une bonne chose. Le changement est la seule constante dans ce monde. Ce ne serait pas faire une faveur faite à nos fans, ni à nous-mêmes, si nous faisions toujours la même chose.
Certaines personnes pensent que changer l’orientation musicale d’un groupe permet de suivre la mode. Que réponds-tu à cela ?
Je ne pense pas que nous ayons jamais vraiment suivi la mode. Nous avons commencé avec un genre à la mode, mais le disque qui a suivi Infest ne l’était plus. À l’époque, la tendance, c’était le garage rock, et après ça, l’emo. Nous n’avons jamais fait partie de ces deux scènes. Il peut y avoir certaines influences au moment de l’enregistrement mais elles ne suivent jamais la mode.
Papa Roach a souvent été victime de commentaires négatifs mais, treize ans après son premier album, le groupe est toujours là. Penses-tu que la popularité d’un groupe puisse être mesurée par rapport au nombre de ses détracteurs ?
Dans une certaine mesure, je pense. Nous n’avons jamais été les chouchous des médias. Nous nous sommes contentés de faire notre truc dans notre coin, en nous concentrant sur les fans. Nous avons simplement essayé d’écrire les meilleures chansons possibles.
Peut-on voir les cinq titres de Time For Annihilation comme un indice quant à la teneur du prochain album ?
C’était un peu l’idée. Il est possible que nous ajoutions un peu plus d’éléments électroniques. Nous allons nous concentrer sur l’aspect groovy et essayer de mélanger un peu tout ça.
À la fin de Time For Annihilation, Jacoby fait passer un message aux fans, les exhortant à lutter contre la faim et le problème des sans-abri et à faire des dons à WhyHunger. Pourquoi le groupe a-t-il choisi cette organisation ? Est-ce un combat qui concerne particulièrement Jacoby ou des personnes proches du groupe ?
Chez nous, à Sacramento, il y a eu une période où beaucoup de gens ont perdu leurs maisons. Jacoby s’est rendu dans un foyer pour sans-abri pour donner un coup de main et servir des repas. Nous en avons parlé et nous nous sommes dit : « Si on pouvait faire quelque chose au niveau national pendant une tournée, ce serait vraiment génial ». Ce foyer de Sacramento s’appelle Loaves And Fishes ; il est affilié à World Hunger Year. World Hunger Year n’est pas une association caritative en elle-même, c’est une organisation liée à de nombreux foyers locaux. Ils sont très bons pour lever des fonds et encourager les dons aux associations caritatives locales. Nous-mêmes, nous avons vendu aux enchères des pass VIP grâce auxquels les gens pouvaient rencontrer le groupe, assister aux balances, visiter le tour bus et découvrir la vie sur la route. Ils ont également eu la possibilité d’assister au concert depuis la scène. C’était une belle expérience : nous avons obtenu beaucoup d’argent, aidé pas mal de monde, et on se sent fiers. Nous remercions tous les fans qui ont participé car avec seulement 33 cents, on peut assurer un repas dans un foyer. Nos fans ont aidé beaucoup de gens et nous apprécions l’effort. Comme tu l’as dit, Jacoby fait passer un message à la fin du disque : les gens n’ont qu’à envoyer un SMS au 90999 pour faire un don de cinq dollars. Ça permettra de préparer quatorze repas dans un foyer.
Papa Roach a joué au Crüe Fest en 2008 en compagnie de Buckcherry et Sixx:A.M. De plus Metamorphosis a été coproduit par James Michael qui a travaillé sur le dernier album de Mötley Crüe et officie également en tant que chanteur principal de Sixx:A.M. Cette tournée a-t-elle joué un rôle dans l’orientation plus glam de certains titres de Metamorphosis ?
Non. Très franchement, je ne sais pas d’où vient ce côté glam. Nous avons terminé cet album avant de participer au Crüe Fest. James Michael nous apporté son aide sur quelques paroles et quelques lignes de chant, mais c’est tout. La musique était déjà écrite. Jacoby avait des problèmes pour résoudre deux ou trois trucs. Il avait besoin d’un peu d’aide.
Les gars de Mötley Crüe sont-ils aussi cinglés que le veut leur réputation ?
Je crois qu’ils se sont un peu calmés. Mais Tommy Lee est toujours aussi dingue ! Il ne s’arrête jamais, il écoute la musique à fond dans sa loge… Mais c’est un type bien, très sympa. Nous étions ravis de tourner avec eux.
As-tu des histoires ou des anecdotes à partager concernant votre expérience avec Mötley Crüe ?
Une des histoires intéressantes, c’est que nous avons demandé à Mick Mars de jouer un solo sur un des titres de Metamorphosis, « Into The Light ». Je lui ai joué la chanson et il était très enthousiaste. Je lui ai dit que c’était un honneur de l’avoir sur le titre, et il a dit : « Ça, je ne sais pas, mais je pense que ça va être cool ! » J’ai grandi en écoutant Mötley Crüe et c’était un peu intimidant pour moi de me retrouver en tournée avec eux. Mais ce sont des gars très cool. Nous avons vraiment passé de bons moments sur cette tournée.
J’ai entendu dire que les gars de Mötley Crüe étaient assez exigeants et demandaient par exemple à avoir soixante-dix serviettes. C’est vrai ?
Je ne sais pas. J’imagine qu’ils sont un peu exigeants… Mais ils font ça depuis longtemps, tu sais. Je ne pense pas qu’ils réclament quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire. Ça dépend du point de vue, je pense.
Entretien réalisé en décembre 2010 par phoner
Myspace Papa Roach: www.myspace.com/paparoach
avant j’aimais bcp papa roach maintenant j’adore avec toutes les nouveautés qu’ils font.J’espère qu’ils ont un grand avenir et surtout dans la durée ^^
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Il y a une chose qui retient mon attention dans cet interview: les (gros) labels auraient les droits sur les chansons des artistes?! C’est aberrent, serait-ce pour garantir la fidélité des groupes ou pour simplement mieux se servir d’eux?
Je m’étonnes, mais combien de trucs comme ça existent sans qu’on le saches? « c’est le côté business de la chose », comme Jerry Horton le dit…
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Bienvenu dans le monde réel.
La musique aussi est un produit.
Les titres live de Time for Annihilation sont une tuerie absolue. Les titres studios sont pas mal non plus. Le groupe est probablement dans le top 10 des groupes live actuels, au coté de Airbourne par exemple. Jacoby, s’il n’y a pas eu d’overdubs sur sa voix, est probablement un des meilleurs chanteurs live que j’ai entendu.
Ils sont peut être controversés mais quand j’entends les merdes que font en Live certains grands groupes (Anselmo totalement aux fraises sur la moitié du live de Down, Ulrich mauvais et Kirk pas gégé sur le dvd du big four…), je me dis que j’ai bien fait de jeter une oreille sur ce cd.
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