La discographie de Paradise Lost est pharaonique. Depuis 1988, le groupe emmené par Nick Holmes et Greg Mackintosh a exploré bien des aspects de la musique metal jusqu’à devenir une référence pour nombre de groupes. Que ce soit en débutant dans une sphère death, en expérimentant des sonorités électro-pop obscures sur l’album Host (1999) ou flirtant avec l’industriel sur Symbols Of Life (2002), Paradise Lost fait fi des modes et des attentes de son public : il s’exprime spontanément, que cela l’amène à des évolutions stylistiques radicales ou non. Récemment, The Plague Within (2015) célébrait le retour au son de leurs débuts, sombre et massif. Medusa, le quinzième album des anglais, le premier avec leur nouveau batteur de 22 ans Waltteri Väyrynen, ne s’annonce pas moins violent ni plus lumineux…
Il ne faut pas se perdre dans des considérations philosophiques pour comprendre le titre de l’album, le propos de Nick Holmes est simple : Méduse est le symbole du nihilisme, le fait de ne pas vouloir croiser son regard signifiant le refus de la triste réalité suivante : l’univers n’a aucun sens. Cette impression de désespoir et de misère ne disparaitra pas tout au long de l’écoute, ce dès les premières notes de « Fearless Sky ». La production, nouvelle fois œuvre de Jaime Gomez Arellano (Ghost, Ulver, Cathedral) au studio Orgone, accentue ce qui était amorcé sur The Plague Within. Le son des anglais se rapproche véritablement d’un death old-school sale et rugueux, perdant une partie de son attrait mélodique. Non, Medusa ne se digère pas aisément et il faudra de nombreuses écoutes pour se l’approprier, y compris pour les habitués de longue date du groupe. En outre, la technique de chant développée par Nick Holmes se concentre presque quasi-exclusivement sur le chant extrême (à part certaines plages sur des titres comme « Blood And Chaos », ou sur « Medusa » et « The Longest Winter », seuls titres où le chant clair prend vraiment le pas), comme si ce dernier en était revenu à ses premières heures de pratique, la maîtrise en plus. « Gods Of Ancient », titre vantant la pertinence du paganisme, est justement porté par cette voix death qui confère une grandiloquence certaine aux riffs les plus minimalistes. Le jeu de guitare de Greg Mackintosh continue de construire l’identité de Paradise Lost, que ce soit à travers un jeu ample (« From The Gallows ») ou des mélodies heavy peu flamboyantes mais savamment distillées à l’image de « Blood And Chaos », titre aux consonances NWOBHM, sorte de rayon de soleil éphémère au sein d’une pénombre continue. Par ailleurs, ceux qui s’inquiétaient du départ du batteur Adrian Erlandsson n’ont plus de raisons de l’être. Medusa démontre que le jeune Waltteri Väyrynen a autant d’aisance à soutenir des plages mélodiques telles que le début d’ « Until The Grave » ou des entrées en matière massives à l’instar du jeu de toms sur « The Longest Winter ».
Medusa respecte l’une des traditions les plus prégnantes de la discographie de Paradise Lost : le temps d’adaptation. Le dernier opus des anglais n’est ni accessible et surtout, l’atmosphère qu’il dégage n’a rien d’engageant. Paradise Lost célèbre l’insignifiance de la vie humaine et de ses prétentions à travers plusieurs thématiques, en concluant sur le fait que la valeur de l’humanité sur cette terre n’a de sens que pour elle-même… Toutefois, il y a une alchimie qui fonctionne. Une fois les premières écoutes poussives passées, Medusa dévoile son charme, à commencer par les méandres de « Fearless Sky », véritable morceau de bravoure de plus de huit minutes avec lequel le combo a l’audace de nous plonger dans l’album, ou le refrain déchirant de « The Longest Winter ». On trouve une forme de beauté au sein de la noirceur de la musique et on comprend alors les dires de Nick Holmes lorsqu’il soutient que le groupe n’est pas « négatif ». Il aime seulement réfléchir à des thématiques graves et misérables en les illustrant de la manière la plus adaptée. Puis, il faut l’avouer, une fois les riffs digérés et le propos intégré, Medusa se transforme en véritable machine à headbang, à l’image du riff de pont sur « No Passage For The Dead » qui prend des airs de sludge. Comme le prouve ses deux dernières sorties, Paradise Lost a davantage qu’une culture et une origine death : il a une expertise en la matière.
Medusa est sombre, pesant et ne laisse que quelques bouffées d’oxygène et éclaircies à son auditeur. C’est un album de doom death dans sa plus pure expression, où l’art du riff (on comprend que Nick Holmes compare cet opus à Shades Of God (1992)) côtoie une réflexion sur la vanité de l’être humain. Les anglais sont revenus à la musique de leur jeunesse et on peut l’annoncer sans se tromper : Medusa est effectivement l’album le plus lourd composé par Paradise Lost à ce jour. Surtout, si le groupe aime la musique « misérable », il est celui qui aujourd’hui la façonne avec un savoir-faire et une profondeur certaine.
Clip video de la chanson « Blood & Chaos » :
Lyric video de la chanson « The Longest Winter » :
Album Medusa, sortie le 1er septembre 2017 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici