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Interview   

Paradise Lost, Méduse et la jeunesse éternelle


Avec près de trente années de carrière et une discographie pléthorique, Paradise Lost est libre de toutes contraintes liées au métier de musicien. Si ce n’est que dès le début, le groupe anglais cultivait cet état d’esprit : celui de ne pas respecter les courants, de ne pas orienter sa créativité. Entre oeuvres dooms, « gothiques », pop et death : Paradise Lost joue avec les genres.

Revenu en 2015 avec l’acclamé The Plague Within, on pressentait un retour au son de leurs origines, un goût pour la musique violente et néanmoins sensible. Leur nouvel opus, Medusa, durcit le trait. Plus sombre, moins accessible, plus intense. Paradise Lost nous livre un album de death parce qu’il suit simplement son inspiration actuelle et parce que son propos s’y prête. Entretien avec le chanteur Nick Holmes, qui nous prouve que si Paradise Lost ne cultive pas la négativité comme art de vivre, il sait l’illustrer et l’embellir en tant qu’art tout court.

« ‘Beneath Broken Earth’ était un catalyseur, elle nous a amené à croire que nous pourrions faire ça assez naturellement et que nous pouvions encore faire ce que nous faisions lorsque nous étions gamins. »

Radio Metal : Medusa poursuit dans la même direction que The Plague Within mais allant encore plus loin. Ressentiez-vous que vous aviez plus à exprimer et explorer dans ce style death doom ?

Nick Holmes (chant) : Ouais. En fait, c’est le genre de musique avec lequel nous avons commencé. Lorsque nous avons démarré le groupe, c’est ce que nous voulions faire et s’y remettre était assez naturel. Nous n’avions pas l’impression de devoir trop nous forcer pour trouver des chansons vraiment puissantes. Aussi, lorsque nous avons fait le dernier album The Plague Within, la chanson « Beneath Broken Earth » était pas mal dans la veine du nouvel album. Lorsque nous avons composé cette chanson, elle fonctionnait vraiment bien et nous aimions comment elle sonnait en live, du coup nous avons décidé d’en faire plus dans ce type de son. « Beneath Broken Earth » était un catalyseur, elle nous a amené à croire que nous pourrions faire ça assez naturellement et que nous pouvions encore faire ce que nous faisions lorsque nous étions gamins. Donc j’imagine que le dernier album a mené à celui-ci. Comme je l’ai dit, la raison pour laquelle nous avons lancé le groupe était ce type de musique, mais nous avons souvent vagabondé hors du chemin. Je veux dire qu’on parle de trente ans [petits rires], donc il y a de la place pour le changement, c’est une certitude. Mais il n’y a pas de grandes réflexions derrière la direction musicale. Comme je l’ai dit, nous avons naturellement été là-dedans. Je pense que Greg a écouté beaucoup de death metal au cours des cinq dernières années et il est davantage revenu dans cette mentalité. Il faut que tu sois à fond dans quelque chose pour le faire avec conviction, et c’est comme ça que nous nous sentons pour le moment. Nous sommes à fond là-dedans, lorsque nous jouons, j’apprécie à nouveau faire de la musique plus extrême. Donc ouais, je dirais que c’est vraiment un album de doom, mais avec un peu de chance il contient toujours des chansons accrocheuses. Elles requièrent quelques écoutes avant de saisir leur côté accrocheur mais c’est quand même là. Je pense qu’on peut reconnaître que c’est Paradise Lost. Tout va bien !

Tu as dit que Medusa reprend les choses où Shades Of God les avait laissé, tandis que Greg disait que c’est « entre Gothic et Shades Of God ». Mais comment comparerais-tu Medusa à ces deux albums ?

Nous avons beaucoup appris sur la composition depuis que nous avons fait ces deux albums. Tu sais, nous avons fait pleins d’albums dans plein de styles différents. Ces albums sont assez bruts mais Shades Of God est un album très orienté riff et Medusa est lui-même orienté riff, et je pense que c’est ce que les deux ont en commun. En revanche la production sur cet album est bien meilleure que celle de ces albums. Le son de guitare est plus gros maintenant que sur ces albums. C’est probablement l’album le plus heavy que nous ayons jamais fait ! En fait, tout le monde à tendance à déclarer ça [au sujet de leur nouvel album] mais je pense que quand les gens l’entendront, ils vont probablement me donner raison.

As-tu une nostalgie particulière pour le début des années 90 et ces albums que vous avez fait à cette époque ?

Ouais, mais j’imagine que la musique que tu écoutes étant gamin est la musique que tu vas probablement garder avec toi toute ta vie. Donc de quatorze à vingt ans, c’est une partie significative de la vie de n’importe qui, je pense. Nous avons du recul maintenant, nous avons presque cinquante ans, donc nous pouvons regarder en arrière et penser aux meilleurs moments de notre vie, et je suppose que les premiers jours du death metal font partie de ces meilleurs moments. Lorsque nous avons lancé le groupe, nous étions des gamins et tout, c’était une époque fantastique à vivre ! Donc ouais, ça ne s’en ira jamais, tu peux toujours te repasser tes tendres souvenirs de cette époque.

Est-ce que ça te rajeunit de travailler, trente ans plus tard, sur ce type de musique à nouveau ?

Je pense que, de toute façon, rien que le fait de faire ça professionnellement te permet de te sentir plus jeune. Être un musicien est un jeu humain, pour ainsi dire. Donc rien que le fait de pouvoir encore le faire quand on est un peu plus vieux… Ça permet de rester jeune de cœur ! Il se peut que le corps se flétrisse mais le cerveau est toujours très jeune [rires]. C’est juste que je ne suis plus aussi prétentieux [rires]. Je veux dire que si tu ne peux pas être prétentieux quand tu es adolescent, qu’est-ce que tu peux être ? Avant de vraiment connaître des choses, tout ce que tu as, c’est cette attitude prétentieuse. Autrement, je ne suis peut-être pas si différent de quand j’étais jeune, vraiment. Je ne suis juste plus aussi bruyant [petits rires].

Est-ce que composer un album dans le style de vos premiers albums n’était pas aussi une façon de corriger certaines erreurs que vous avez pu faire à l’époque, que ce soit dans la composition ou la production ?

Non. En fait, chaque album est une référence quant à comment nous sonnions et où nous en étions à l’époque. Chaque album est ce qu’il est, je ne changerais aucun des albums. Lorsque j’écoute les choses, je me dis : « Eh bien, c’était comme ça à l’époque et on en était content. » Donc c’est tout. Je n’ai pas vraiment de souhait de changer quoi que ce soit. Tout conduit un peu à la chose suivante.

Paradise Lost est un groupe qui a toujours été de l’avant, mais avec Medusa, vous êtes clairement en train de tendre vers vos premiers albums, plus encore que ne l’avait fait The Plague Within. As-tu toujours le sentiment d’aller de l’avant avec Medusa ? Comment est-ce que cet album représente le Paradise Lost de 2017 et pas celui de 1991 ?

C’est un peu une question difficile à répondre parce que ce sont les mêmes mecs qui font la musique. Peu importe de quelle année c’est, c’est ce qui nous représente. Tu es seulement aussi bon que ton dernier album. Nous sommes convaincus de ça. Donc ce qui s’est produit dans le passé n’a pas d’importance, c’est maintenant qui est important, je dirais. Évidemment, nous avons beaucoup d’œuvres à notre actif, mais nous regardons dans le passé uniquement parce que les gens nous poussent à regarder dans le passé [petits rires] en posant des questions sur notre discographie, mais nous n’y pensons pas tellement. Nous nous contentons d’aller de l’avant. Mais bien sûr, quand tu as une telle quantité d’œuvres, on va te comparer à celles-ci. Mais c’est mieux ça que d’être comparé à d’autres groupes ! Donc j’imagine que ça va. Mais nous avons complètement, à cent pour cent, le sentiment d’avancer avec cet album. Ca faisait longtemps que nous n’avions pas fait ce genre de choses. Nous n’avons jamais été à fond dans quelque chose comme ça depuis ces premiers albums, et c’était il y a un bail. Encore une fois, on parle de trente ans ! Environ vingt-sept ans. Donc ouais, bien sûr que ça donne le sentiment de quelque chose de complètement frais.

« Le style que je faisais sur [Shades Of God] n’était pas très agréable à chanter, c’était assez dur à faire, c’était un genre d’entre-deux entre le growl et le chant clair, c’était une sonorité bizarre. Je me souvenais toujours que je détestais faire ça. […] Ça m’a dégoûté du chant death pendant un bon moment, pour être honnête [petits rires]. »

Vous avez une nouvelle fois travaillé avec Jaime Gomez Arellano au Studio Orgone. Qu’est-ce qu’il y a de si spécial dans votre collaboration ?

Nous étions contents du dernier album, vraiment ! Il a tout simplement une très bonne attitude par rapport à l’enregistrement. Il a une approche très moderne mais il aime entendre la musique comme elle était enregistrée dans les années 70 et 80 avant que tout le monde ne commence à abuser de Pro-Tools, à ajouter des samples, etc. Il aime que chaque groupe de rock sonne comme un groupe live, et cet album est très live, je trouve. Le kit de batterie, il n’y a pas de sample, pas de découpe, c’est juste enregistré tel que tu l’entends. Nous avons arrêté tous les triggers et ce genre de merde… Je veux dire que nous avons fait tout ça, et c’est tout simplement ennuyeux à entendre maintenant, je trouve. Donc nous voulions revenir aux bases avec une solide production rock, et Gomez est très bon dans ce domaine, donc il était naturel de revenir vers lui. Il a un nouveau studio à la campagne, où nous avons enregistré. Je crois que nous avons passé trois semaines à enregistrer l’album, donc nous avons enregistré très rapidement. En fait, il a même été composé assez rapidement, nous l’avons fait en environ sept mois, ce qui est très rapide pour nous.

Vous avez recruté un jeune batteur, en la personne de Waltteri Väyrynen. Est-ce que sa jeunesse a apporté de la fraicheur au groupe ?

Je pense que dès que quelque chose change, ça altère la dynamique et ça rend les choses plus fraiches, ouais. Lorsqu’Adrian a rejoint le groupe, c’était pareil. C’est du sang frais. Mais son âge est sans rapport, vraiment, parce qu’il ne paraît pas aussi jeune qu’il ne l’est. Il est très mature pour son âge, il ne ressemble pas à un gamin [petits rires]. Mais évidemment, il est bien plus jeune que nous. Il a un bon sens de l’humour, et il joue comme un démon ! [Rires] Donc c’est le principal.

Tu t’es remis au chant death sur The Plague Within mais aussi avec Bloodbath, et avec Bloodbath, il n’y avait rien d’autre que tu puisses faire que chanter du death metal. Du coup, comment ton expérience à tourner avec Bloodbath a aidé à refaçonner ta voix jusqu’à ce nouvel album ?

Je pense que ça m’a un peu poussé à m’intéresser au death metal. En fait, il a fallu que cette musique m’intéresse à nouveau pour vouloir le faire. Mais Bloodbath est vraiment un genre de groupe hommage aux vieux groupes que nous aimions étant gosses. Donc ça m’a poussé à réécouter ça et m’intéresser à d’autres groupes plus récents. En fait, je ne veux pas le faire si je ne suis pas à fond dans la musique. Donc c’est important de s’y intéresser. Donc ouais, ça m’a remis dedans et donc cet intérêt s’est transféré vers Paradise Lost, je suppose. J’ai naturellement glissé vers cette pratique du chant parce que ça m’a plu après Bloodbath. Donc ouais, ça a été bénéfique, je pense, en ce sens.

A l’époque de The Plague Within, Greg nous a dit qu’il a fallu pas mal te convaincre pour refaire du chant death, parce que tu ne voulais pas au départ. Sur The Plague Within il y avait un genre d’équilibre entre le chant clair et le chant death. Mais là, avec Medusa, l’équilibre tends clairement vers le chant death. As-tu trouvé un plaisir à t’exprimer ainsi, que tu ne soupçonnais peut-être pas ?

En fait, la dernière fois où je faisais des voix death, c’était probablement sur l’album Shades Of God, et le style que je faisais sur cet album n’était pas très agréable à chanter, c’était assez dur à faire, c’était un genre d’entre-deux entre le growl et le chant clair, c’était une sonorité bizarre. Je me souvenais toujours que je détestais faire ça. Je ne parle pas de Gothic – les deux premiers albums, c’était plus proche de ce que je fais maintenant – mais juste Shades Of God, qui était un style de chant différent, à mi-chemin entre les deux, et c’était physiquement très difficile, ça m’arrachait vraiment la gorge. La tournée que nous avons fait autour de cet album était vraiment très inconfortable et j’avais plein de problèmes de gorge en chantant dans ce style, donc ça m’a dégoûté du chant death pendant un bon moment, pour être honnête [petits rires]. Mais, enfin, ce n’était pas vraiment du chant death à proprement dit, c’est entre les deux, mais quoi que ce fût, ce n’était pas agréable à faire. Donc c’est un peu la raison pour laquelle j’ai arrêté de faire ça. Ce que je fais maintenant est une autre voix, vraiment, et aussi j’ai trouvé une technique pour le faire. Comme je le fais maintenant, ça va. Du moment que je m’échauffe, c’est bon. Tu sais, il y a clairement une technique pour ce chant, ce n’est pas juste crier. Tu ne pourrais pas chanter tous les soirs à moins d’avoir une technique, autrement tu te tuerais, je pense [petits rires]. Pour ce qui est du fait d’avoir plus de growl sur cet album, si les riffs sont heavy et sombres, alors tu es bien obligé de growler dessus, ils ne sonnent pas comme il faut à moins qu’il y ait du growl dessus. Car nous avons essayé différents chants clairs, différents styles partout sur les chansons et, au final, les growls sonnaient toujours le mieux, ça sonne plus puissant. Donc ce n’est pas que « oh il faut qu’il n’y ait que du growl », c’est juste que ça sonne bien avec les guitares. C’est aussi simple que ça.

Je sais que tu as fait des recherches sur Méduse, et tu as déclaré que tu étais curieux « de trouver un plus grande signification et [tu] réfléchiss[ais] à ce que Méduse représentait en terme de métaphore. » Du coup, quels symboles et significations as-tu trouvé à son égard ? Apparemment tu t’es retrouvé dans ses connotations nihilistes…

Je ne dirais pas que je suis nihiliste. Je suis athée, plutôt. Je crois vraiment en des choses. Je crois qu’il n’y a rien après notre mort, je n’arrive même pas à comprendre le concept de l’au-delà parce que je ne crois pas qu’il puisse y avoir quoi que ce soit après la mort, et je ne peux pas m’imaginer vivre après ma mort sous quelque forme que ce soit. Donc je ne peux même pas imaginer comment quiconque pourrait penser qu’il a quoi que ce soit après. Il est clair qu’il n’y a rien. Donc, malheureusement, je n’arrive pas à comprendre ça. Mais il est certain que pendant que nous sommes sur Terre, je pense qu’il y a plein de choses en lesquelles croire – le vivre ensemble, se soucier de l’autre et survivre, ouais, il y a plein de raisons de vivre -, mais un dieu tout puissant, non ça n’en fait clairement pas partie ou bien des choses que je ne peux pas voir, certainement pas non plus. Mais le seul symbole pour Méduse est la justification pour utiliser le titre, que j’ai trouvé en faisant des recherches, c’est-à-dire ne pas regarder dans les yeux de Méduse revenait à ne pas accepter la laideur du monde. Ça ne va pas plus loin que ça pour moi. C’est tout ce dont j’avais besoin pour avoir une justification pour l’utiliser comme titre d’album, parce que Méduse en tant qu’image iconique n’était pas suffisante, je ne pense pas. Et puis simplement j’adore les métaphores. Même si elles sont dans des images, tu peux tirer différentes significations de quelque chose. En fait, il y énormément de signification derrière le mythe de Méduse, que j’ai très peu exploré, mais encore une fois c’est un titre d’album. C’est aussi un titre auquel je n’aurais jamais pensé. Donc parfois c’est sympa lorsque je suis surpris par les choses que j’entends et tout d’un coup, je me dis que ça pourrait marcher dans Paradise Lost. Mais, tu sais, il n’est pas obligé que tout ait une énorme signification. Parfois rien qu’un petit éclair d’inspiration peut être aussi bien que quelque chose qui a été mûrement réfléchi.

« Pendant que nous sommes sur Terre, je pense qu’il y a plein de choses en lesquelles croire – le vivre ensemble, se soucier de l’autre et survivre, ouais, il y a plein de raisons de vivre -, mais un dieu tout puissant, non ça n’en fait clairement pas partie. »

A propos de l’approche des paroles de Méduse, tu as déclaré que « les hommes ont tendance à détruire tout sur la planète » mais tu as aussi spécifié que tu n’aimes « pas aborder les [paroles] négativement. » Du coup quels messages positifs voulais-tu transmettre avec Medusa, malgré toutes les choses horribles qui se produisent dans le monde ?

Grosso-modo qu’il y a plein de choses horribles qui se produisent dans le monde [petits rires]. Et la majorité des choses horribles sont généralement faites au nom de la religion, elles sont à un moment donné liées à la religion. La musique, ça génère des images et c’est un genre d’échappatoire. Nous adorons les musiques de film parce que ça crée un peu la même chose, et nous essayons de faire de la musique comme étant quelque chose que tu peux écouter et ça te transporte ailleurs. Tu peux imaginer différentes images grâce à elle. Et les paroles sont juste là pour la compléter, elles sont vraiment écrites pour faire ressentir ce que la musique te fait ressentir. Lorsque j’écris j’écoute la musique en même temps. Je n’écris pas les paroles après avoir entendu la musique. Donc toute l’idée est d’emmener ça ailleurs, je suppose, et si c’est quelque part de sombre, eh bien, qu’il en soit ainsi, mais c’est de l’évasion, au final. Et les choses qui sont perçues comme négatives sont généralement les plus fascinantes. Ce qui pousse les gens à faire de mauvaises choses, ce qui pousse de bonnes personnes à devenir mauvaises et toutes ces choses sont toujours vraiment fascinantes. L’esprit humain et son système de croyances sont toujours une source constante de… C’est intéressant ! Je trouve tout simplement les trucs sombres intéressants, bien plus que ce qui est joyeux [petits rires]. La musique sombre, la littérature sombre, les films sombres, etc. nous exaltent, en tout cas je trouve ça exaltant ! Donc c’est positif, n’est-ce pas ? Pour moi c’est une évasion positive. Je veux dire que ça ne change rien au fait que c’est un sujet sombre mais tout dépend ce que tu en retires. En fait, les gens qui aiment les films d’horreur ont tendance à s’intéresser au heavy metal, car le heavy metal parle notoirement de trucs sombres. Donc je ne suis que cet ado qui aimait les films d’horreur [petits rires], et je me suis mis au metal, c’est aussi simple que ça !

Dirais-tu qu’il y a une idée fausse comme quoi Paradise Lost serait un groupe négatif, dépressif et désespéré ?

Probablement mais en fait, nous existons depuis si longtemps et avons fait tant d’interviews vidéo où nous nous marrions et avions un bon esprit que je suis surpris que les gens continuent à dire ça, mais ils le font ! Ouais, nous ne sommes pas du tout misérables. En fait, nous aimons la musique misérable mais en tant qu’individus, nous ne le sommes pas particulièrement [petits rires].

La chanson « No Passage For The Dead » est un genre de critique des religions mondiales, tandis que « Gods Of Ancient » aborde le concept du paganisme ancien. Te sens-tu plus proche du paganisme comparé aux religions mondiales principales ? Quel est ta relation aux croyances païennes ?

Je ne m’en sens pas proche du tout, c’est juste un concept qui a été lancé il y a de nombreuses années et auquel je m’identifie, du fait que ce sont des gens qui vénèrent des choses qu’ils veulent voir et qui sont autour d’eux. Ça a du sens selon moi que les gens vénèrent ce qu’ils peuvent voir, plutôt que de vénérer des choses qu’ils ne peuvent pas voir ou qu’on leur a dit qu’ils devaient vénérer. C’est sympa, tu vois le soleil dans le ciel, tu te dis « eh bien, ça doit surement être la chose la plus puissante qui soit, donc vénérons le. » C’est assez logique. C’est quelque chose d’honnête et ça se base sur le fait de physiquement voir quelque chose. Ce n’est pas une religion manipulée qui a été transmise à des gens faibles pour les manipuler et les pousser à faire du mal ou peu importe. Ces religions qui ont été inventées par les hommes, qui sont basées sur un livre ou quelque chose qui a été traduit des milliers de fois au fil des siècles, c’est uniquement utilisé pour se faire de l’argent sur le dos des gens qui ont une faible estime de soi ou peu importe. Strictement rien de bon ne ressort de ça. Si tu as un système de croyance personnel et que ça rend ta vie meilleure et ça ne blesse personne, alors c’est génial, c’est super, mais souvent ce n’est pas le cas. Souvent ça ne fait que causer des problèmes. Alors que c’est tout à fait honnête lorsque [c’est une croyance] basée sur ce que tu vois. C’est assez innocent, je trouve, et j’aime plutôt ça. Mais d’un point de vue personnel, je ne vénère rien du tout [petits rires]. C’est plus une observation.

« No Passage For The Dead » parle du fait que nombre de religions mondiales visent une vie glorieuse après la mort au lieu de chérir le temps qu’on a sur Terre. Et nous avons été témoins de nombreux actes terroristes au nom de ce principe : penses-tu que le dogme religieux en soit directement responsable ?

Je pense qu’il y a une grosse part de maladie mentale là-dedans. C’est de la maladie mentale enfouie sous la religion. Ce sont des gens mentalement malades qui se servent de la religion comme une couverture pour perpétrer des actes déments. Tout ce qui te pousse à vouloir tuer quelqu’un d’autre est tout simplement de la dévotion ridicule et démente ; de la démence, voilà tout ce que c’est. Ce n’est que des conneries. Ce ne sont que des gens fous qui poussent d’autres gens fous à faire des choses pour eux. Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent, la religion, si tu en as une, devrait être quelque chose de personnel et ce devrait être quelque chose de bon.

L’album s’ouvre sur « Fearless Sky », qui est la chanson de Paradise Lost la plus longue à ce jour. Peux-tu nous en parler ?

Nous n’avions jamais eu l’intention qu’elle soit si longue mais nous n’avons pas arrêté d’ajouter des bouts et elle donnait l’impression qu’il fallait tout laisser. Nous n’avons pas trop réfléchi à la longueur des chansons, nous n’avons pas pensé « il faut que nous fassions une chanson de trois minutes et demi. » Nous nous somme contenté de les faire et les jouer jusqu’à ce que nous ressentions que la chanson devait s’arrêter. La partie de couplet est assez longue et elle revient deux fois mais j’aime comment le chant se déroule joliment dessus, elle ne donne pas l’impression d’être ennuyeuse. C’est tout, c’est vraiment simple. Et depuis le début nous pensions qu’elle ouvrirait l’album. Dès que nous l’avons composé, nous nous sommes dits : « On va ouvrir l’album avec celle-ci ! » Nous n’y avons pas énormément réfléchi ; c’était un peu une évidence pour nous. C’est vraiment une grosse chanson, elle contient tous les aspects d’à peu près tous les albums de Paradise Lost. Il y a tout ce que nous avons jamais fait là-dedans, dans ses huit minutes. Et elle ne semble pas si longue non plus. C’était juste une chanson évidente pour ouvrir, vraiment, donc ça paraissait naturel de l’utiliser pour ça.

« Lorsque tu démarres un groupe tu écris de la musique pour toi-même, et si tu conserves cette mentalité, alors tu auras toujours ce truc que les fans aiment. Quand tu commences à chercher à découvrir ce que les gens veulent entendre de ta part, c’est là que tu commences à perdre de ta force. »

Commencer avec une telle chanson est assez anti-commercial. Est-ce que ça symbolise l’audace de Paradise Lost, d’une certaine façon, d’après toi ?

Tu sais, nous avons arrêté de nous soucier de ça. En fait, nous avons vécu l’époque où tout devait passer sur MTV et, lorsque tu écrivais un album, il devait y avoir un single dedans. Nous avons pris part à ça pendant de nombreuses années et nous en avons eu ras-le-bol. Nous n’avons pas envie de penser à des singles. Nous n’avons pas envie de penser à quelles chansons ils voudront utiliser… Le truc, c’est que le marché des singles n’est plus très important et pour nous, c’est parfait parce que nous voulons juste écrire des albums. Nous avons toujours été un groupe à album. Dès que les gens commencent à parler de singles, nous déconnectons, ça ne nous intéresse pas [petits rires]. Donc, en gros, nous écrivons un album et ensuite les gens peuvent choisir ce qu’ils veulent pour être le single. Mais pour ce qui est du côté commercial, la musique heavy est largement acceptée à ce niveau, tu sais, ce n’est plus comme avant. Il y a des groupes ultra heavy qui vendent plein d’albums ! Donc nous ne pensons pas vraiment à combien de copies nous allons vendre. Ce qui importe est de se faire plaisir soi-même, avant toute chose, et ensuite, avec un peu de chance, les gens aimeront également.

Avez-vous déjà eu des disputes avec les maisons de disque à ce sujet, les singles, etc. ?

Non, parce que les labels peuvent choisir ce qu’ils veulent, car nous ne voulons pas nous en soucier [petits rires], pour être honnête. Je ne veux pas m’impliquer dans ce genre de choses. Nous nous contentons d’écrire les albums et j’aime que ça reste ainsi. Et nous ne nous sommes jamais disputés à propos de ça ou même de la direction musicale avec aucune maison de disque. On ne nous a jamais dit quoi faire. Nous avons toujours fait notre propre truc. Nous n’avons même jamais eu de label qui voulait entendre nos démos ou quoi que ce soit. Nous avons eu beaucoup de chance à cet égard.

Vous avez des albums très différents dans votre discographie. Des albums comme Host et Medusa donneraient presque l’impression d’avoir été fait par deux groupes différents. Qu’est-ce qui lie ces albums très différents, d’après toi ? Quel est le terreau commun ?

Ce sont les mêmes gens qui les jouent [petits rires]. En fait, tu peux un peu te rendre compte que c’est le même groupe, par le style des chansons, le jeu de guitare de Greg… Lorsqu’il joue de la guitare, tu peux tout de suite te rendre compte que c’est Greg. Il a un style caractéristique et il ne sonne comme personne d’autre. Dès que tu l’entends jouer, tu peux dire que c’est lui. Je pense que le jeu de guitare de Greg est le fil conducteur de tous nos albums. C’est la glue derrière tout dans Paradise Lost, le style de Greg.

Penses-tu que vous ayez conservé une homogénéité malgré vos œuvres très différentes ?

Ouais, je le crois. Tout ce que nous avons fait et sorti sont des œuvres convenables. Je ne crois pas que nous ayons un jour sorti un album merdique. Je veux dire que certains albums sont meilleurs que d’autres, c’est certain, mais je ne crois pas que nous ayons sorti des albums nuls à chier, en dehors peut-être du premier [petits rires], mais même là, il a du potentiel, je trouve. Donc non, je peux revenir sur tous nos albums et y réfléchir et il n’y a rien que je changerais, comme je l’ai dit, ils représentent très bien l’époque à laquelle ils ont été faits.

N’avez-vous jamais eu peur de perdre des fans avec ces volte-face musicaux ou penses-tu que c’est justement cet élément de surprise qu’ils apprécient dans Paradise Lost ?

Je pense que les gens aiment effectivement cet élément de surprise mais ce n’est pas une question de… Lorsque tu démarres un groupe tu écris de la musique pour toi-même, et si tu conserves cette mentalité, alors tu auras toujours ce truc que les fans aiment. Quand tu commences à chercher à découvrir ce que les gens veulent entendre de ta part, c’est là que tu commences à perdre de ta force, je pense. C’est ta propre intégrité artistique, c’est ça que les gens aiment, je pense. Donc dès que tu commences à écouter les autres gens, tu commences à la perdre. Voilà pourquoi nous avons toujours joué selon nos propres règles. Prendre des risques, je veux dire… Je pense que passer des claviers aux guitares, c’est pas mal risqué, mais les fans de nos jours sont de toute façon bien plus ouverts d’esprit, je pense, qu’ils ne l’étaient auparavant. Mais ouais, bien sûr, tu veux que les gens aiment ce que tu fais, c’est la nature humaine, mais il faut vraiment que tu l’aimes toi-même en premier lieu. Si toi-même tu doutes des choses, alors les gens vont douter également. Donc tu dois avoir confiance en tes propres trucs d’abord. Et puis tu ne peux pas tout le temps plaire à tout le monde. Il y a toujours des gens qui ne vont pas aimer quelque chose que tu as fait, c’est inhérent à ce que nous faisons. Si tu fais quelque chose en public, il y aura probablement quelqu’un qui n’aimera pas [petits rires]. Quoi qu’il arrive, il faut que tu l’acceptes, tu ne peux pas laisser qui que ce soit t’abattre, et si tu es abattu, alors tu te relèves [petits rires].

A propos du départ d’Adrian Erlandsson du groupe, Greg a dit que « c’est un batteur de carrière ; c’est son boulot principal, être batteur. Tu dois aller là où est le boulot. Et si nous avons du temps pour la composition, lui doit partir faire des concerts. » Est-ce que ça signifie que vous ne vivez pas de votre travail dans Paradise Lost, malgré votre statut et votre carrière ?

Si, nous en vivons ! Nous sommes professionnels depuis environ vingt-sept ans, mais il faut travailler dur pour ça. Et maintenant il faut travailler encore plus dur que jamais. Le business musical a beaucoup changé. Tu ne peux pas juste rester chez toi à attendre que les chèques de royalties arrivent parce que ça ne fonctionne plus comme ça, il faut travailler. Et les concerts, c’est là où est l’argent, et plus tu fais de concerts, plus tu te fais d’argent. C’est pour ça qu’on voit plein de musiciens maintenant qui ont plein de groupes. Comme Greg l’a dit à propos d’Adrian, c’est juste que ses concerts tombaient en même temps que ceux de Paradise Lost, donc il ne pouvait pas faire les deux. C’est souvent arrivé et nous devions prendre un batteur de session, donc ça ne pouvait pas fonctionner éternellement. At The Gates est son premier groupe, donc il allait immédiatement saisir l’occasion de se réunir avec ses anciens amis dans son premier groupe, évidemment, je le comprends totalement. Mais ils sont devenus pas mal occupés en tant que groupe et il s’était aussi remis à faire The Haunted, donc ses plannings se croisaient constamment.

Interview réalisée par téléphone le 22 juin 2017 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Introduction : Thibaud Bétencourt.
Photos : Danny Payne (1, 2 & 4) & Tony Woolliscroft (5).

Site officiel de Paradise Lost : www.paradiselost.co.uk.

Acheter l’album Medusa.



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  • toujours aussi bon de lire nick et l’un des deux ou trois groupes qui ont changé ma vie vivement le premier septembre!

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