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Interview   

Paradise Lost : le paradis confiné


Paradise Lost fait partie des groupes qui ont sorti leur nouvel album au pire moment, soit en mai 2020, alors que le monde du divertissement live est à l’arrêt, que la plupart des pays sont encore en confinement ou commencent à peine à en sortir et que l’avenir est incertain. Pourtant, avec sa direction musicale plus ouverte et éclectique, le groupe remettant des éléments gothiques plus affirmés dans sa recette par rapport au jusqu’au-boutiste Medusa (2017), Obsidian marque les esprits. Après tout, n’était-ce pas la bande-son idéale à la mélancolie et au désespoir qui frappaient le monde ?

Dans l’impossibilité de présenter son album sur scène face à son public, le groupe d’Halifax décide de marcher dans les pas de nombre de leurs pairs en proposant le 5 novembre 2020 un live stream au Mill Nightclub dans le Yorkshire. Une prestation sans public, avec un groupe qui ne cherche pas à faire semblant, mais plutôt à proposer une version plus « brute » de sa musique, faisant ressortir la vulnérabilité inhérente aux circonstances. A l’occasion de la sortie de cette prestation sur disque, intitulé At The Mill, nous avons échangé avec le chanteur Nick Holmes qui nous parle de l’expérience de ce « concert » singulier et de la période que l’on traverse, mais aussi revient sur Obsidian et évoque les trente ans de l’album Gothic.

« Il est parfois arrivé que sa manière de faire une chanson n’ait aucun sens à mes yeux, jusqu’à ce que je l’écoute vraiment. […] Comme j’ai grandi en tant que fan de musique, les meilleurs albums sont toujours ceux que je ne saisissais pas à la première écoute. »

Radio Metal : Ça fait un an que votre dernier album, Obsidian, est sorti. Quel bilan en tires-tu ?

Nick Holmes (chant) : C’est étrange dans le sens où nous ne l’avons même pas promu en dehors des interviews. Nous n’avons fait aucun concert pour cet album, c’est le côté le plus étrange. A cause de ça, on n’a pas l’impression que ça fait longtemps qu’il est sorti. En temps normal, nous aurions probablement fait environ douze semaines de tournée voire plus que ça. Nous n’aurons pas le sentiment d’en avoir fini avec cet album tant que nous ne l’aurons pas joué en live, donc il reste relativement frais dans nos esprits ainsi que dans l’esprit du public parce qu’évidemment, eux non plus ne l’ont pas encore vu en live. Nous avons joué quelques morceaux pour le live stream Live At The Mill, mais il a vraiment besoin d’être joué devant un vrai public. En dehors de ça, nous sommes très contents de l’album et des retours. Il a été super bien reçu ; le jouer en live est la seule chose qui nous manque.

Vous êtes revenus avec un album plus éclectique et orienté gothique après Medusa, qui lui était très brut, doom et extrême. Tu es d’ailleurs celui qui a encouragé Greg à faire des choses plus gothiques : penses-tu que vous soyez allés trop loin dans l’obscurité et le désespoir avec Medusa ?

Il y a effectivement peut-être plus de variété dans les styles des chansons du dernier album. Medusa n’avait pas autant de dimensions que cet album en a, mais l’album avant Medusa, The Plague Within, était lui-même un petit peu plus varié. J’avais bien aimé la diversité de The Plague Within, par rapport à Medusa qui était un peu plus unidimensionnel et heavy. Et là nous sommes revenus à un peu plus de variété avec celui-ci. De mon point de vue, je ne pense pas que nous en ayons particulièrement discuté, mais c’est toujours sympa pour un chanteur de s’essayer à différents styles. Le style underground ne me dérange pas, mais c’est bien quand ça change et qu’il y a des variations d’une chanson à l’autre. Quand on intègre du chant plus calme dans une chanson plus heavy, quand le chant heavy arrive, ça sonne toujours beaucoup plus heavy et puissant. Le chant death metal n’offre pas beaucoup de dimensions : on peut faire un cri aigü ou un cri grave, et entre les deux, il n’y a pas grand-chose. Quand on ajoute une voix claire, ça change vraiment l’atmosphère et le feeling de la chanson J’ai toujours aimé entendre qu’il y avait différentes voix chez les groupes qui me plaisaient. Il est clair que nous avons incorporé un peu de ça dans ce nouvel album.

Greg nous a dit qu’il trouvait étrange que tu l’aies encouragé à être plus gothique, car des années en arrière, c’était lui qui expérimentait beaucoup et toi qui disais de se calmer, de ne pas trop expérimenter. C’est un peu l’inverse maintenant…

Peut-être que j’ai dit ça effectivement, je ne sais pas ! Je ne me rappelle pas clairement une conversation, mais si c’est ce que Greg dit, il a probablement raison. Nous ne nous posons pas vraiment pour discuter de ce que nous allons faire. Peut-être qu’il est arrivé à un moment que nous disions : « Pourquoi est-ce qu’on n’essaye pas de faire un peu plus de ça ? » Peut-être que nous l’avons dit une fois dans un bar pendant que nous buvions, mais ce n’est pas comme s’il y avait une grosse réunion. Ce sont juste des commentaires que nous faisons sur la base de ce que nous avons fait avant. Chaque album est un plan et ensuite on voit comment on peut le changer sur le suivant, ou ce qu’on peut faire différemment. Il ne s’agit pas d’améliorer les choses. Il s’agit juste de faire des choses peut-être plus intéressantes ou un peu différentes. Nous n’avons jamais fait un album qui nous a particulièrement déçus. Il y a des albums qui sont meilleurs que d’autres, mais c’est aux gens qui écoutent d’en décider.

Pour revenir à ta question, peut-être que je suis plus ouvert à l’expérimentation maintenant, mais Greg et moi avons des goûts similaires. Nous aimons des types de musique similaires. Nous aimons les mêmes groupes gothiques et les mêmes groupes de death metal, et nous aimions les mêmes groupes quand nous étions gamins. Nous n’allons donc expérimenter que jusqu’à un certain point parce que nous n’aimons que certains types de musique. Il y a peut-être plein de groupes que j’aime et que je sais que Greg n’aimera pas, mais je n’ai de toute façon pas envie d’apporter ce genre de chose dans Paradise Lost. Je ne vais pas sortir quoi que ce soit de mon chapeau qu’il n’aurait pas vu ou entendu avant. Si je suggère ou chante quelque chose, il sait probablement où je veux en venir. Encore une fois, le truc concernant Greg et moi, c’est que nous avons les mêmes goûts musicaux, c’est ce qui fait que nous avons tendance à nous accorder sur plein de choses. Mais c’est dur d’écrire des chansons, surtout après autant d’albums. Ce n’est pas facile, c’est un vrai défi, mais c’est un beau défi. On a toujours envie de donner le meilleur de nous-mêmes, à chaque fois. Ce n’est clairement pas quelque chose que lui ou moi avons marre de faire. J’adore écrire des chansons, c’est toujours la meilleure partie du job pour moi.

« C’est assez éprouvant pour les nerfs parce que faire une erreur sur scène, c’est une chose, mais quand tu te foires lors d’un live stream, l’erreur est davantage mise en lumière. […] On ne peut pas rire tous ensemble, tout ce que tu obtiens, c’est le sale regard de quelqu’un d’autre dans le groupe. »

Dirais-tu que vous vous complétez et équilibrez ? Est-ce que c’est ça qui fait que votre duo créatif fonctionne ?

Je pense que c’est lié en grande partie à la manière de faire les choses. Si j’écris une ligne de chant pour aller avec une ligne de guitare, il peut arriver que Greg en écrive une qui soit totalement différente de ce à quoi je m’attendais, mais ça ne veut pas dire que c’est moins bien. Ça veut juste dire que ce n’est pas ce à quoi je m’attendais. J’aime beaucoup ça parce que Greg a son propre style de composition et j’ai moi-même ma manière d’écrire. Il me surprend, il ne fait pas forcément les choses comme je les ferais, et j’aime bien ça. Quand on a une certaine manière de faire les choses et qu’on les fait tout le temps comme ça, c’est là que tout finit par sonner pareil. Il est clair qu’il m’a surpris avec l’emploi de certaines notes et c’est ce que j’aime. Une fois qu’on y est habitué, c’est parfaitement logique. Il est parfois arrivé que sa manière de faire une chanson n’ait aucun sens à mes yeux, jusqu’à ce que je l’écoute vraiment. Et quand j’écoute vraiment, je comprends. C’est comme apprendre à connaître la chanson. Comme j’ai grandi en tant que fan de musique, les meilleurs albums sont toujours ceux que je ne saisissais pas à la première écoute. Après les avoir écoutés trois ou quatre fois, tu te dis : « Oh d’accord, je saisis maintenant ! » et j’adore ça quand je découvre une musique.

Vous sortez désormais Live At The Mill, enregistré au Mill Nightclub sans public le 5 novembre dernier à l’occasion d’un live stream. Dans le dossier de presse, Greg dit que, bien que vous ne soyez jamais satisfaits de rien, vous trouvez le résultat légèrement moins pitoyable. Etiez-vous surpris ?

« Légèrement moins pitoyable » ! [Rires] Le principal avec live stream, c’est que nous avons voulu que ça ressemble visuellement à une session de MTV Unplugged. Nous voulions ce côté détendu qu’ont les sessions de MTV Unplugged. Nous aimons beaucoup ça et nous ne l’avions jamais fait. Pour ce qui est du son, nous voulions que ça sonne comme un incroyablement bon bootleg. Quand nous étions gamins et que nous nous procurions des bootlegs, parfois on tombait sur un qui avait un très bon son et on se demandait comment ils avaient fait pour obtenir un tel son. Nous voulions donc que ça sonne comme un bootleg de très bonne qualité, car nous avons tendance à vraiment peaufiner tout ce que nous faisons et à faire en sorte que ça sonne du mieux possible et le plus clair possible. Nous voulions que ça sonne live et pas trop mixé, pas trop peaufiné, et avec un côté brut. Avec les albums live, on doit souvent gérer le bruit du public. C’est dur d’enregistrer un concert sans bon matériel, mais quand il n’y a personne pour faire du bruit, on peut probablement s’en sortir à moindres frais. Nous avons trouvé que ça sonnait bien, donc nous n’avons pas voulu le trafiquer et nous l’avons laissé tel quel. Il y a quelques vieilles chansons aussi dans le live et elles sonnent comme elles sonnaient à l’époque où nous les avons écrites. Il y avait un côté très nostalgique à entendre ce genre de vieux son.

Comment avez-vous vécu la prestation en elle-même dans des circonstances aussi inhabituelles ?

Nous avons répété quelques jours avant parce que nous avons aussi fait de nouvelles chansons que nous n’avions jamais jouées en groupe avant. Il a fallu beaucoup les répéter. Ensuite, les caméras ont tourné et nous l’avons fait. Je ne dirais pas que j’étais stressé. Il y a une part d’anxiété, mais le mot est trop fort. C’est assez éprouvant pour les nerfs parce que faire une erreur sur scène, c’est une chose, mais quand tu te foires lors d’un live stream, l’erreur est davantage mise en lumière. Sur scène, les gens dans le public riront et tu riras et tout le monde s’en fiche. Alors que si tu fais quelque chose d’incroyablement mauvais lors d’un live stream, tout le monde le remarquera plus. On ne peut pas rire tous ensemble, tout ce que tu obtiens, c’est le sale regard de quelqu’un d’autre dans le groupe. Il s’agissait donc de faire en sorte que tout soit comme il faut. Quand on joue lors d’une émission de télé ou quelque chose comme ça, généralement on ne fait qu’une seule chanson, on ne joue pas pendant une heure et demie. Sans la présence du public, la pression pour être plus précis est presque plus forte. Nous sommes assez perfectionnistes. Quand on joue en live, parfois les choses nous échappent. On ne peut pas toujours avoir le contrôle sur ce qui se passe, donc il y a une part de peur parfois. Je ne dirais pas que c’était amusant. Je préfère faire ça devant un public, c’est clair.

Avais-tu l’impression que vous vous comportiez différemment dans ce genre de contexte par rapport à un concert normal ?

Ça ne donnait pas du tout l’impression d’être un concert parce que ça n’en était pas un, vu qu’il n’y avait pas de public. Il n’y avait pas la même atmosphère qu’à un concert. Je n’avais pas envie de courir sur scène en disant : « Allez ! » Ça n’avait aucun sens pour moi de faire ça. C’était plus comme une répétition filmée. A la différence près que lorsque nous répétons, nous parlons beaucoup plus entre les chansons. J’ai trouvé le concept de parler à un public que je ne vois pas un peu étrange. C’est pourquoi je ne parle pas, car c’était trop bizarre. J’ai vu des groupes faire des live stream en faisant comme s’ils étaient sur scène normalement, ils font comme s’ils faisaient leur concert mais en live stream. J’ai trouvé que ça fonctionnait pour certains groupes et parfois ça ne fonctionnait pas. Nous n’avons pas encore réfléchi à en refaire un, mais si nous le faisons, peut-être que nous envisagerons de le faire comme ça. Vu que pour le moment on ne peut pas faire des concerts, j’imagine que c’est la deuxième meilleure option. Pour l’instant, c’est la solution qui s’offre aux groupes.

« J’ai toujours trouvé les musiques sombres exaltantes. Les musiques joyeuses ne me procurent rien du tout. Au contraire, elles me dépriment. »

Tu as fait un parallèle avec les sessions MTV Unplugged. Votre live n’est pas un unplugged : peut-on s’attendre dans le futur à ce que Paradise Lost fasse un vrai unplugged ou même un album acoustique ?

Je ne pense pas. Nous avons discuté de faire quelque chose dans cet esprit il y a une quinzaine d’années, mais je ne crois pas que ça se fera à ce stade. Nous avons des chansons qui fonctionneraient bien, mais je ne sais pas si nous en avons suffisamment pour faire un truc complet. Je ne pense pas que nous ayons suffisamment de chansons pour faire plus de vingt minutes. Si la chanson ne sonne pas différente et au moins aussi bien que la version originale, je ne vois pas l’intérêt de le faire. Je ne voudrais pas faire de l’acoustique juste pour faire de l’acoustique, ça n’a aucun sens à mes yeux. En plus, entre les tournées, la composition et les enregistrements, travailler sur des versions acoustiques de chansons serait très chronophage. Dans une année normale, nous n’avons pas énormément de temps. D’un autre côté, il y a de nombreuses choses pour lesquelles j’ai dit qu’à mon avis ça n’arriverait pas et c’est finalement arrivé. Donc je ne dirais jamais jamais, mais pour l’instant je n’imagine pas que ça arrivera.

Cet album live couvre pratiquement chaque style qu’a connu le groupe. Passer de « Beneath Broken Earth » à « So Much Is Lost », c’est un sacré grand écart ! Ça apporte une belle diversité au set, mais comment est-ce de passer d’un style à l’autre en tant que musiciens ?

Pour moi, ça va. C’est juste une question de répéter les morceaux. Si tu fais le même set quinze fois, la seizième fois ne sera pas vraiment un problème. Les premières fois c’est toujours dur parce que tu ne sais pas quand tu peux respirer et quand tu ne peux pas respirer, et quand tu peux prendre un verre d’eau. Tu finis par savoir quels sont les moments où tu peux faire une petite pause, mais tu ne le réalises qu’après avoir chanté plusieurs fois. Une fois que tu connais le set, tu sais quand tu peux reprendre un peu ton souffle et te reposer entre voire pendant les chansons, lorsqu’il y a un solo de guitare ou quelque chose comme ça. En dehors de ça, j’imagine que c’est juste une question d’accordage et de son de guitare : est-ce qu’ils ont les bons sons paramétrés et prêts à l’emploi avec les guitares ? De façon générale, tant que nous savons ce qui arrive ensuite et que nous l’avons planifié, ce n’est pas un problème. Nous avons souvent joué une chanson comme « So Much Is Lost » au fil des années. Les gars savent exactement de quels sons ils ont besoin. Certaines chansons, particulièrement celles de l’album Host, nécessiteraient pas mal de travail pour se remettre dessus, mais « So Much Is Lost » est un peu une de nos vieilles chansons à succès. Tant que nous l’avons répété et que nous savons comment ça va sonner, ce n’est pas un souci. Je ne voudrais pas soudainement partir sur une chanson que nous n’avons jamais jouée avant, particulièrement si c’était une chanson de l’album Host. Sans la répéter, ce serait assez effrayant à faire. Mais de façon générale, tant que nous répétons, ça va.

Comment c’est de construire une setlist quand on a une telle diversité de morceaux ?

Ce n’est jamais simple de faire une setlist. Il y a certaines chansons que nous faisons toujours. Il y a cinq ou six chansons qui reviennent très régulièrement. Ensuite, il s’agit d’aller chercher dans le passé des choses que nous n’avons peut-être pas jouées depuis un petit moment. Ça prend toujours un peu de temps avec des allers-retours pour obtenir une setlist. Nous essayons toujours de baser une nouvelle setlist sur le dernier album en date. Quand nous faisons une tournée, celle-ci tourne autour du nouvel album, donc nous faisons probablement au moins quatre chansons du nouvel album, voire peut-être plus que ça. Ensuite, nous mettons d’autres chansons entre les nouvelles. Chaque album est le pivot sur lequel tout le reste se rattache. C’est à peu près comme ça que nous avons travaillé durant les quinze dernières années. Tant que les gens veulent entendre le nouvel album, ça fonctionne bien, mais si tu fais un album que les gens n’aiment pas, t’es mal barré [rires].

Ça fait plus d’un an maintenant qu’on traverse cette pandémie : votre musique dégage de la mélancolie, de la tristesse et du désespoir, penses-tu qu’elle aide les gens à supporter cette période difficile ?

Peut-être que les gens ont plus de temps pour écouter de la musique, mais je ne pense pas que ça a entraîné les gens à s’intéresser plus à ce type de musique. C’est plutôt que les gens ont plus de temps pour faire des choses et peut-être plus de temps libre qu’ils n’en auraient normalement. Sur le plan personnel, de toute façon, j’ai toujours trouvé les musiques sombres exaltantes. Les musiques joyeuses ne me procurent rien du tout. Au contraire, elles me dépriment. J’ai toujours trouvé que les sujets sombres, les jeux vidéo sombres et la musique sombre étaient beaucoup plus excitants et exaltants que tout ce qui est joyeux. J’imagine que ceux qui aiment la musique de Paradise Lost partagent les mêmes goûts, ils aiment probablement des choses similaire à ce que nous aimons. La vie est de toute façon faite de hauts et de bas. Il se passe tout le temps plein de choses vraiment mauvaises, mais ça fait partie de la vie. On ne peut avoir la joie sans la tristesse. Il faut de tout. Je ne crois pas les gens qui sont tout le temps heureux [rires]. Mais je vois vraiment la musique comme un haut, c’est une bonne chose. La musique est une échappatoire. C’est quelque chose qui permet de sortir de la négativité et des mauvaises choses de la vie. Tout ce qui représente une échappatoire et ne blesse personne est bon.

« Je ne considère pas les choses négatives comme étant inspirantes. Au contraire, je n’en retire rien. Je peux être davantage influencé par une ballade dans un marécage ou lors d’une journée enneigée que par le fait de devoir rester à l’intérieur à cause d’un virus. Ça ne m’inspire rien ! Si je me sens frustré ou isolé, je ne trouve pas ça du tout productif. »

Est-ce que cette période a été inspirante pour un groupe comme Paradise Lost ?

Pas pour moi personnellement. Je ne considère pas les choses négatives comme étant inspirantes. Au contraire, je n’en retire rien. Je peux être davantage influencé par une ballade dans un marécage ou lors d’une journée enneigée que par le fait de devoir rester à l’intérieur à cause d’un virus. Ça ne m’inspire rien ! Si je me sens frustré ou isolé, je ne trouve pas ça du tout productif. Je sais que certains groupes trouvent la négativité inspirante, mais ça ne fonctionne pas comme ça pour moi. Il faut que je me sente joyeux pour être inspiré.

Qu’as-tu écouté dernièrement, à titre personnel ? Quelle a été ta musique de pandémie ?

Je n’ai pas écouté grand-chose dernièrement, pour être honnête avec toi. J’ai écouté The Cure, Radiohead et Midlake, mais je ne suis pas du genre à écouter tout le temps de la musique. Il faut vraiment que je sois d’humeur. La musique, pour moi, c’est une question d’endroit et de moment. Il faut que je sois de bonne humeur pour écouter de la musique. Encore une fois, si je suis de mauvaise humeur, je n’ai pas envie d’en écouter. Quand j’étais adolescent, j’en écoutais vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais maintenant c’est très dépendant de mon humeur.

On vit à une époque où les groupes ne peuvent plus se reposer sur les ventes d’albums pour vivre de la musique, donc les tournées sont devenus cruciales, ce qui fait que cette période de pandémie est particulièrement difficile pour eux. Mais qu’en est-il de Paradise Lost ? Parvenez-vous à vous en sortir ?

Les ventes d’albums ne comptent plus vraiment depuis longtemps. Je pense que c’est le revenu lié aux concerts et à la vente de merch qui permet aux groupes de continuer. Tant qu’on peut faire des concerts et vendre du merch, on peut entretenir une carrière. En gros, les ventes d’albums promeuvent les concerts. Tout tourne autour des concerts. Ça a toujours été le cas, mais encore plus maintenant. Malgré tout, pour moi, c’est tout aussi important de faire un très bon album parce qu’alors on fera plus de concerts et on aura plus d’activité. Ca va de pair. Ça commence avec l’album. L’album doit être le meilleur possible. Je ne voudrais pas faire un album merdique et ensuite m’attendre à partir en tournée pendant dix-huit mois, ça ne fonctionnerait pas. Il faut faire le meilleur album que tu es capable de faire et travailler beaucoup plus dur. C’est aussi simple que ça, c’est beaucoup plus dur qu’avant.

Pour l’instant, ça va pour nous. Nous avons beaucoup travaillé au cours des cinq dernières années. Nous avons été très occupés et très actifs sur le plan des concerts. Nous travaillons constamment, tout au long de l’année, donc si la machine se met soudainement à l’arrêt – comme en ce moment –, nous pouvons faire une pause jusqu’à ce que ça reprenne. Si jamais nous sommes encore dans cette situation dans cinq ans, là il faudra peut-être que nous envisagions autre chose ! [Rires] Mais ça a surtout été très difficile pour les gens en coulisse, les membres de l’équipe technique, les gens qui travaillent avec les groupes, les gens des salles et tous ceux qui ont un lien avec cette industrie. Je sais que ça a été une année incroyablement difficile, mais avec un peu de chance, on commence à voir le bout du tunnel. J’espère que dans les six prochains mois, les choses s’amélioreront. Ça a été vraiment une sale période pour beaucoup de gens.

Quelle marque est-ce que cette période laissera sur le monde du divertissement et plus particulièrement la scène metal, selon toi ?

Quand les choses seront redevenues relativement normales, je pense que ça prendra encore un peu de temps pour qu’on retrouve cette normalité partout. Je pense que ça sera plus ou moins pareil jusqu’à ce que le virus disparaisse de lui-même ou que tout le monde soit vacciné. Je pense que le problème persistera pendant encore longtemps. A la fin, quand on sera dans un scénario plus normal, je pense que plus personne ne s’en souciera. C’est comme un contretemps ou un coup dur momentané, mais c’est juste que ça dure un peu plus longtemps que tout le monde le voudrait. Je ne crois pas que ça aura le moindre impact, en dehors de ce que l’on vit en ce moment. Je pense que les gens ont hâte de se remettre à jouer et de revoir des concerts. Je pense que les premières expériences live vont être énormes. Il y a tellement de gens qui ont envie de retrouver les concerts, de se faire plaisir en live, de sortir, etc. que ce sera énorme, mais au bout du compte, ça cessera et tout sera comme si rien ne s’était jamais passé. Nous avons prévu de faire le Bloodstock Festival, qui est – croisons les doigts – encore maintenu au Royaume-Uni. Comme je l’ai dit, ça va encore pendre un peu de temps pour retrouver partout un niveau de normalité. Avec un peu de chance, le virus pourrait progressivement disparaître, sait-on jamais. On verra.

« Je pense que les premières expériences live vont être énormes. Il y a tellement de gens qui ont envie de retrouver les concerts, de se faire plaisir en live, de sortir, etc. que ce sera énorme, mais au bout du compte, ça cessera et tout sera comme si rien ne s’était jamais passé. »

Penses-tu que les live streams continueront après le Covid-19 ?

C’est possible. Peut-être pas si c’est juste pour faire un set comme si on faisait un concert normal. Pour regarder un live stream, je préfèrerais que ce soit un set spécial ou quelque chose qu’on ne verrait pas lors d’un show traditionnel. Le truc que nous avons fait à Plovdiv, par exemple, était spécial parce que nous avions un orchestre. Ça sortait de l’ordinaire et j’aime beaucoup ce genre de chose. S’il y a matière à organiser quelque chose, je ne vois pas pourquoi on arrêterait. Ceci dit, je ne crois pas que ça remplacera un jour un vrai concert. Autant on peut apprécier un live stream, autant ce n’est pas aussi bien qu’un concert.

Cette année marque les trente ans de l’album Gothic. Avec ce dernier, vous avez commencé à vous éloigner du son doom/death du premier album Lost Paradise, faisant de Gothic un genre d’album de transition, mais aussi un album très important pour Paradise Lost et même pour toute une scène. Comment analyses-tu la transformation créative qu’a opérée le groupe à ce moment-là ?

A l’époque du premier album, nous étions des fans de death metal étroits d’esprit. Nous n’aimions pas grand-chose en dehors de ce genre musical. Quand nous avons découvert la musique gothique, il y avait un vrai côté obscur là-dedans, mais ce n’était pas heavy. C’était différent. Nous aimions cet aspect et ça allait de pair avec la musique que nous faisions. A son tour, le black metal est maintenant devenu très gothique, avec l’imagerie, le côté visuel, etc. La musique gothique va très bien avec le metal, ça se mêle joliment. De même, quoi qu’il en soit, nous avons toujours eu un penchant pour le doom, donc sur ce plan aussi, ça allait bien ensemble. Nous avons juste combiné des éléments de la musique gothique avec des éléments death metal, et l’album Gothic en est le résultat.

Quels sont tes souvenirs de cette époque ?

Nous étions assez naïfs. Nous n’étions que des gamins. On nous disait quoi faire. Je me rappelle les journées passées en studio comme si c’était hier. C’est plein de bons souvenirs. Nous riions et déconnions beaucoup. C’est comme lorsqu’on est adolescent et qu’on retrouve ses amis le weekend pour aller boire un coup. C’est à peu près pareil, sauf que ça se passait dans un studio. Nous faisions encore les idiots et le même genre de chose que lorsqu’on sort un samedi soir. C’était vraiment amusant. Nous ne savions pas vraiment ce qui était bien ou mal, nous nous contentions d’enregistrer et de voir ce que ça allait donner. Keith Appleton, le propriétaire du studio à l’époque, était plus vieux que nous. C’était son boulot. C’était son studio. Mais c’était de la nouvelle musique pour lui, il ne l’avait pratiquement pas entendue avant, mais nous nous entendions tous bien. Nous nous sommes tous bien amusé, c’était un moment agréable.

Qu’est-ce que le mot « gothique » signifiait pour toi en 1991 ?

Ça signifiait la même chose pour moi à l’époque qu’aujourd’hui. Quand je pense au gothique, je pense à l’architecture, à l’obscurité, aux vêtements noirs, à la musique sombre, des guitares qui tintent…

Pour revenir à ce que Greg a dit sur le fait que vous n’êtes jamais satisfaits de rien : malgré tout, y a-t-il un album ou une chanson dont tu es à cent pour cent satisfait dans la carrière de Paradise Lost ?

Je ne peux pas faire un album, puis prendre du recul et me dire : « Je ne l’aime pas. » Je ne pense pas vraiment comme ça. Pour moi, c’est comme essayer de disséquer les chapitres d’un livre. C’est comme un seul grand livre pour moi. Vu que je suis impliqué dedans et que je suis partie prenante de ce livre, je ne peux pas m’en extraire. Je ne peux pas non plus disséquer les chapitres parce que chaque chapitre est nécessaire pour aller au suivant. J’ai réfléchi à ça, parce que les gens demandent souvent quel est notre album préféré et c’est toujours dur à dire, car je pense toujours que c’est comme dire quel est le meilleur chapitre d’un livre. A cet égard, je trouve que c’est difficile de répondre à ça. Rien n’est parfait. Tout dépend ce qu’on appelle la perfection, mais on s’efforce toujours de faire quelque chose de meilleur ou on essaye de faire quelque chose de plus sombre ou de plus heavy. On aspire toujours à ça, mais ça peut aussi être amusant. Ce n’est pas comme si c’était le truc le plus horrible à gérer, ce n’est pas mal de vouloir faire plus.

Interview réalisée par téléphone le 15 juin 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Paradise Lost : www.paradiselost.co.uk

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