Il est toujours surprenant qu’il soit possible de totalement passer à côté de la carrière d’artistes qui existent depuis des décennies. Nous devons bien vous l’avouer, nous n’avions jamais entendu parler de Pat O’ May avant d’assister à son excellente prestation au Nancy On The Rocks. Un show enthousiasmant car nous y voyions des musiciens talentueux, charismatiques et qui véhiculaient un plaisir communicatif à jouer ensemble et sur scène. Pat O’ May, c’est du hard/blues à l’ancienne, avec une grande part d’improvisation et de jams toujours inspirées.
Nous avons souhaité en savoir plus sur lui et par la même occasion, vous présenter ce personnage. Car peut-être que vous aussi étiez passés à côté, ce dont nous doutons bien évidemment, car cela signifierait que vous êtes tout aussi incompétents que nous. Pat O’ May, c’est un bonhomme sympathique qu’il est intéressant d’écouter parler. Dans sa musique, il aime raconter des histoires. Entretien plein d’espoir car, mine de rien, entre ses diverses collaborations (notamment pour l’émission Thalassa) et son projet solo, il arrive à vivre de sa musique. L’espoir est aussi présent dans son regard sur la scène metal, qu’il voit, sur la base de son expérience, mieux acceptée que par le passé.
Radio Metal : Pourrais-tu te présenter et nous dire qui tu es ?
Pat O’May : Je suis une espèce de personnage qui a cinquante ans maintenant…
On peut faire une interview à la manière de Jacques Martin… Alors comment t’appelles-tu ?
Robert Mitchoum.
Et ils sont où tes parents ?
Ils sont morts.
Ah très bien ! Super ! Génial !
Ma mère a malheureusement été tondue à la libération. Cette brave femme était très gentille… Elle n’avait pas son pareil pour faire rire l’Allemand. [Rires] Je suis né à Rouen et suis d’origine irlandaise. J’ai commencé dans les années quatre-vingt avec un groupe de hard rock qui s’appelait Marienthal. J’ai eu la chance de jouer dans des groupes professionnels et de vivres de nombreuses expériences, on tournait vraiment partout mais on se traînait un peu. J’aime mélanger les styles comme le celtique avec le metal, la musique arabe ou encore la musique chinoise. Le mélange des genres me passionne mais c’est quelque chose qui est difficile à imposer dans un groupe. J’ai donc eu envie de faire ça et le seul moyen pour y parvenir était de monter un projet solo. Cela fait maintenant quinze ou seize ans que j’ai débuté cette carrière. Les morceaux que nous avons joués ce soir [Ndlr : interview réalisée au cours du festival Nancy on the Rocks] sont issus de notre sixième et dernier album. Je suis actuellement en train de préparer la sortie du nouvel album qui sera disponible en novembre. Il sera très orienté metal symphonique. Il y aura aussi quelques reprises parce que j’ai envie de faire ça.
Quel genre de reprises ?
Ce seront forcément des reprises de Gary Moore. Je travaille également un medley d’Alan Stivell, c’est le mec qui avec Peter Gabriel et d’autres musiciens sont à l’origine de la world music. Alan Stivell a été le premier à mélanger le rock avec la musique celtique. Cela fait maintenant quinze ans que l’on se connaît. Il m’a invité à fêter avec lui les quarante ans de son Olympia et on s’est éclaté comme des malades. Cette salle est mythique !
Étant donné ton niveau, parviens-tu à vivre de ta musique ?
J’ai la chance d’en vivre, en effet.
Que fais-tu exactement ? Es-tu aussi musicien de session ?
Non, ça je ne sais pas faire.
Vis-tu uniquement de ton projet solo ?
Mon activité principale est le groupe « Pat O’May » mais j’aime aussi faire des collaborations. Cela a d’ailleurs une influence sur l’ouverture que je peux essayer de mettre dans ma musique. Je joue dans les opéras rocks « Anne de Bretagne » et Excalibur. Excalibur est un gros truc contenant un orchestre symphonique et des artistes tels que Martin Barre de Jethro Tull, les mecs de Supertramp, Allan Parson… Il y a vraiment beaucoup de monde alors lorsque l’on te propose ce genre de projet tu acceptes. La personne qui gère ça s’appelle Allan Simon et ce n’est pas quelqu’un qui appelle les gens pour jouer « comme machin » mais plutôt parce qu’ils ont une certaine identité. Tous ces projets-là m’intéressent. Pour résumé je fais essentiellement mon projet solo avec le Pat O’May groupe, je participe à « Anne de Bretagne » et à Excalibur. Par le biais de ce dernier projet, j’ai rencontré Martin Barre de Jethro Tull. Il a monté son propre groupe après que Jethro Tull ait explosé. Aujourd’hui lui et Ian Anderson continuent la musique chacun de leur côté. Martin m’a demandé de le rejoindre dans son groupe et nous sommes en tournée avec lui. J’écris également beaucoup de musique pour Thalassa.
Comment en es-tu arrivé à écrire des bandes son pour Thalassa ?
Ils ont pris un morceau qui était sur le deuxième album solo que j’ai fait et m’ont demandé si j’en avais d’autres du même genre à leur proposer. Je lui ai dit directement que s’ils voulaient je pouvais leur écrire des morceaux sur mesure. Je n’avais jamais fait ça de ma vie. Il a accepté de faire un essai et comme cela a fonctionné on a continué.
En réalité Thalassa est super metal !
Si tu écoutes bien Thalassa maintenant il commence à y avoir des trucs un peu metal.
Connais-tu l’animateur de Thalassa ? Sais-tu si lui-même est fan de Metallica ?
Pernoud ? Non, pas du tout. Je bosse seulement avec l’un des réalisateurs. La ligne éditoriale est dirigée par Pernoud et chaque réalisateur s’occupe du reste de l’émission. Le réalisateur avec lequel je travaille s’appelle Yannick Charles, c’est un fan de jazz mais qui adore aussi Satriani.
On a l’impression qu’il y a de plus en plus de morceaux de metal ou de rock qui sont repris dans les reportages. Muse passe assez souvent, il en a été de même pour Dream Theater. Cela donne l’impression que les personnes qui s’occupent du son dans les reportages ressentent une certaine frustration au manque de rock à la télévision et que par conséquent ils essaient d’en mettre dès qu’une occasion se présente.
Je crois qu’il y a deux phénomènes. Le premier c’est que les mecs qui sont maintenant producteurs ont dans les quarante-cinquante ans et sont donc nés avec cette musique. Ensuite, je trouve que toute la famille du metal a très bien évolué auprès des médias. Je me rappelle dans les années quatre-vingt lorsque tu faisais du hard rock ou du metal, les journalistes te considéraient comme un demeuré de première.
Ce qui est vrai, on est tous des gros c*ns ! [Rires]
Non, pas des gros c*ns, on n’est simplement pas très malins… [Rires] Je trouve que l’image du hard rock a véritablement changé. Aujourd’hui tu peux dire que tu fais du metal sans que l’on te prenne pour un débile mental. Je te jure qu’avec Marienthal dans les années quatre-vingt c’est ce que nous avons vécu et il en est de même pour tous les autres groupes de cette période, c’était terrifiant. Les punks étaient des mecs super intellos et même les skinheads étaient mieux vus par la population que les hardos. C’était incroyable mais maintenant ça a changé. Je pense que le hard rock ne fait plus peur. Le Hellfest en est l’exemple typique, quand tu prends tous les gens qui habitent Clisson, que cela soit les commerçants ou les riverains en général, ils ont tous le sourire. Tu vas au Leclerc et les caissières sont contentes parce que les gens sont simplement gentils !
Récemment nous avons interviewé les Fatals Picards et ils nous disaient qu’à cette époque-là un mec qui était fan de metal se remarquait facilement dans la rue alors qu’aujourd’hui tu vois des enfants de huit ans qui portent des t-shirts de Slipknot.
Oui, je pense que le changement s’est fait ces dix dernières années.
Crois-tu qu’il s’agit d’une certaine banalisation d’un style qui est en train d’entrer dans un moule ou est-ce que le metal reste un genre à part mais que les gens ont simplement fini par assimiler ?
Je ne pense pas que la musique soit entrée dans un moule en revanche le look et tout ce qu’il y a autour est accepté. Force est de constater que depuis trente-cinq ans que je suis dans ce milieu là, je n’ai jamais vu de bastons dans un concert de metal. J’ai vu des bastons dans des concerts de Johnny et ailleurs mais jamais dans le metal.
Les agents de sécurité du Hellfest disent eux-mêmes que les concerts de metal sont probablement les événements les moins violents qui soient alors que ça n’est pas forcément le cas dans les Rockabilly où ça peut se battre facilement sans parler des stades de foot. Un autre exemple récent est le retour que l’on a eu du concert de Justice, soit un groupe de musique électro, où il semblerait que les agents de sécurité aient eût à sortir quelques personnes un peu trop violentes.
Je pense que la violence n’est pas utilisée de la même manière. Dans le metal ce n’est pas de la violence, c’est de l’énergie.
Tu es un guitariste de rock et de metal et tu parviens à vivre de cette activité ce qui est assez rare dans ce milieu ainsi que pourrais-tu conseiller aux personnes qui aimeraient également vivre de leur musique ?
Ne jamais renoncer. Il n’y a pas de recettes, si c’était le cas tout le monde l’appliquerait. Je crois que la seule chose à faire est d’essayer d’aller au bout et de croire en ce que tu fais surtout dans le milieu du metal. Si tu as des gens de soixante ans qui sont devant il ne faut jamais se dire qu’il va peut-être falloir jouer un peu moins fort car n’oublions pas que les mecs qui ont soixante berges aujourd’hui sont nés avec Deep Purple. On va bientôt pouvoir faire les maisons de retraite en jouant du Van Halen [Rires].
Sur scène on sent que tu as un jeu très technique mais bourré de feeling. Quelles sont tes influences au niveau des guitaristes ?
Je ne devrais peut-être pas le dire mais je me fous de la technique ! La guitare est pour moi un outil et la musique un véhicule. Ce que j’essaie de faire, c’est de raconter des histoires. Plus tu as de bagage technique plus cela te permet de t’exprimer et si tu en as besoin tu l’utilises mais la technique pour la technique ne m’intéresse pas. Je suis super admiratif des mecs qui font ça mais ce n’est pas mon propos. En ce qui me concerne, il faut toujours que cela raconte une histoire.
Est-ce l’histoire que tu as en tête qui donne la trame du morceau ?
Sur le morceau que nous avons interprété tout à l’heure où nous racontons l’histoire d’un piper c’est ce qui s’est passé, sur d’autres cela peut démarrer d’un simple riff. L’idée se construit autour et je vois ce que cela m’évoque. Le but reste globalement de proposer un voyage aux gens sans pour autant chercher à être pompeux en intellectualisant les choses. Je ne suis pas un intellectuel, ce qui m’intéresse c’est d’envoyer du jus. La musique doit venir du cœur et des tripes.
En plus d’être guitariste tu chantes et tu as un très bon timbre vocal, as-tu pris des cours ou n’est-ce que du feeling ?
Je suis à cent pour cent autodidacte.
Peux-tu nous dire un mot sur tes musiciens ?
Ce sont juste des tueurs ! C’est un grand privilège de jouer avec des mecs comme ça ! Je fais la proposition musicale puisque c’est mon groupe, je compose tout, je fais les arrangements, je ramène les trucs et eux subliment tout ça. Je ne peux être qu’admiratif. Cette équipe là est en place depuis bientôt cinq ans. Je vois que même dans l’écriture que je fais, j’écris maintenant en fonction des musiciens.
Vu comment ils prennent leur pied sur scène on se dit qu’ils auraient pu très bien composer les morceaux eux-mêmes.
Oui, sur scène ce n’est pas un mec qui vient accompagné, c’est un vrai groupe.
Quand on vous a vu arriver sur scène, on s’est dit qu’un bon groupe, c’est avant tout un groupe qui a des putains de gueules et vous avez des putains de gueules !
[Rires] Et on se marre !
Les premières éditions d’un festival sont toujours difficiles, on se rappelle notamment du Hellfest de 2007 qui était quand même assez catastrophique…Alors que penses-tu pour l’instant de cette première édition du Nancy on the Rocks ?
Pour l’instant j’adore ! Je pense que c’est un festival qui ne demande qu’à grandir et qui va grandir. C’est un bon départ. L’atmosphère que l’on attend de ce type de festival est présente et la qualité est au rendez-vous. En ce qui concerne l’accueil des gens je ne peux pas en parler car je ne sais pas comment cela se passe pour le public. Je pense que c’est un festival qui peut vraiment grossir, on ne peut que le souhaiter car ça serait dans l’intérêt de tout le monde. Quel que soit le style musical, c’est dans l’intérêt de la musique que les festivals et les concerts marchent. Tout ça ce n’est que de la culture, des offres de propositions artistiques et les gens s’y retrouvent ou non.
Interview réalisée le 2 juin 2012 à Nancy, dans le cadre du festival Nancy On The Rocks par Metal’O Phil et Alastor
Introduction : Metal’O Phil
Retranscription : Isa
Site Internet de Pat O’ May : www.patomay.com
Je suis depuis de nombreuses années une grande fan de Pat O’May.
J’adore ses CDs. J’ai enfin un jour eu la chance de le rencontrer, c’est un bonheur !
Du coup est-ce que vous allez diffuser (ou est-ce que vous diffusez) un peu de Pat O’May sur RM pour le faire découvrir à vos auditeurs ? Car c’est un peu aussi ça le but de ce média non ? Il doit bien y avoir peut-être une petite place pour lui…
Si Pat O’may passe par ici et qu’il vend à (TREEEESSSSS) bas cout une de ses LAG je suis preneur 😀 .
Ca fait vraiment plaisir de trouver une interview de Pat O’May sur RadioMetal.
Ce gars à un talent fou, et en plus d’être l’un des mecs les plus sympa du monde c’est un déconneur de première catègorie !! (il suffit de lire l’interview pour s’en douter)
J’adore son touché, excellent guitariste que j’avais découvert grâce à Guitar Part.
Malheureusement trop méconnu, il aurait été anglais ou américain je suis sur que les maisons de disque l’auraient bien mieux mis en avant ! 😉
Sa présentation d’Alan Stivell est un peu spéciale, mais passons. 😉 J’adorerais entendre son medley, en tous cas !
L’homme a fait une reprise de Highway To Hell avec le bagad de Guinguamp… o_O
L’homme est devenu mon dieu en 3 minutes 20 sur Youtube.