
Radio Metal : Bonsoir Patrick, comment as-tu ressenti ce concert ?
Patrick Rondat : Un bel accueil et une belle ambiance… C’est systématique à Lyon, j’ai de la chance ! Le public est chaleureux, ce qui n’est pas forcément évident dans les grandes villes.
Comment s’est organisée la tournée avec Satan Jokers ?Cela s’est fait assez vite et naturellement : je connaissais un peu Renaud Hantson, parce qu’il m’avait invité sur l’album de Furious Zoo en 91. J’étais également en lien avec Pascal Mulot de Satan Jokers. Alors que je sortais mon coffret des 20 ans, Satan Jokers sortait son nouvel album. Nous nous connaissions déjà, c’était l’occasion idéale. Nos styles musicaux sont à la fois proches et différents, ce qui donne une affiche cohérente mais diversifiée.
Que peux-tu nous dire sur ton nouvel album ?Oui, je suis en train de travailler dessus, j’ai commencé le travail de composition. Ca avance bien. Composer un album instrumental est un exercice délicat : tu as vite fait de tomber dans la démonstration stérile de plans de guitare, l’album pour guitaristes. Plus tu as fait d’albums, plus tu as dit de choses. Il faut se renouveler sans perdre ce que les auditeurs apprécient chez toi. Et bien sûr, il faut aussi te satisfaire à titre personnel. Pour toutes ces raisons, je préfère prendre mon temps.
Il n’y a donc pas de date de prévue pour cet album?Non, je ne me mets pas ce genre de pression. Je n’annoncerai la date lorsque les morceaux seront achevés et qu’il ne restera que l’étape de la production à franchir. L’enregistrement, la distribution, ce sont des choses planifiables. Mais la compo ça vient quand ça vient. J’ai un emploi du temps chargé, je vais essayer de finir deux ou trois titres avant les fêtes, mais ce n’est pas évident. Je ne m’impose pas un rythme de composition.

Oui, cela fait un moment que j’y pense. Jusqu’ici je n’avais pas été satisfait des relevés, on a donc tout fait refaire. Je suis très satisfait du travail de Franck Graziano, ses relevés sont bons et très proches de ce que j’ai fait. C’est un songbook : l’objectif est donc que les rythmiques que soient parfaitement retranscrites avant tout. En ce qui concerne les soli, il s’agit la plupart du temps d’improvisation, donc je ne me rappelle pas de tout. On fait notre maximum de ce côté pour que la retranscription soit la plus fidèle possible au niveau des notes, des placements et des positions. Il y aura avec ce songbook un système de playback pour que l’on puisse jouer par dessus. Quant au choix des titres, j’ai essayé de choisir des morceaux attendus par le public.
Personnellement, qu’est ce que cela te fait que beaucoup de jeunes guitaristes français s’entraînent en jouant tes plans de gratte ?Ca fait énormément plaisir ! Que des personnes aie réussi à faire carrière notamment en s’entraînant sur mes plans ou mes albums, savoir que j’ai apporté ma petite pierre à l’univers de la guitare en France, que j’ai permis à des gens de découvrir l’instrument, que j’ai donné envie à des guitaristes de faire de la musique leur métier, ça me touche énormément.

Non (rires)! Ca ne collerait pas avec ce que je fais. Faire un projet parallèle avec un chanteur, pourquoi pas. Mais mon projet doit rester instrumental. Que les gens sachent à quoi s’attendre, je ne veux pas que mes auditeurs aient une mauvaise surprise. De plus, je n’ai pas envie du format type couplet/refrain/couplet/refrain/solo/refrain. Je me sens bien dans cette expression de morceaux longs, à tiroirs, avec des thèmes… Ce n’est pas seulement un avis de guitariste soliste, c’est l’opinion de quelqu’un qui aime la musique instrumentale.
Tu travailles sur beaucoup de projets (Elegy, Consoritum Project, Jean Michel Jarre…). Penses-tu que cela fasse partie de l’activité « professionnelle » du musicien de s’impliquer dans de tels projets, ou bien y vois-tu aussi une autre forme d’expression ?Je crois que j’ai besoin d’aller jouer avec d’autres musiciens, de travailler d’autre choses pour me renouveler. Je n’y arriverai pas si je faisais uniquement de la musique instrumentale. J’ai fait Amphibia juste après avoir travaillé avec Jean Michel Jarre. Idem pour Ephemeral World, qui a été fait après Elegy. Cette alternance me permet de retrouver à la fois une espèce de fraicheur et de nouvelles idées. Ce n’est pas qu’une nécessité professionnelle. C’est aussi une question d’envie de faire de nouveaux projets musicaux. C’est aussi quelque peu dû au hasard des rencontres.
Peux-tu nous revenir sur les débuts de ta coopération avec Jean Michel Jarre ?J’ai l’ai tout d’abord croisé à un concert d’Extreme au Zénith. Je n’y ai pas spécialement fait attention au départ. Le lendemain en discutant de cet épisode avec un ami journaliste, j’ai commencé à cogiter : « il a fait beaucoup d’instrumentaux, certes sans rapport avec ma musique, mais après tout, il était à un concert d’Extreme. Peut-être qu’il aime le metal ! Peut-être qu’il accepterait de se mettre à la guitare rock » !
Le lendemain je suis passé à sa maison de disque, et j’ai laissé un album et un pressbook. Trois semaines plus tard je reçois un message sur mon répondeur : « j’ai écouté l’album, il faut qu’on se voie ».
Ca a changé beaucoup de choses ?Bien sûr ! Cela m’a permis de jouer sur des scènes auxquelles je n’aurais pas pu avoir accès. On a joué au stade de Wembley, dans des salles énormes sur des scènes tout aussi énormes devant parfois des dizaines de milliers de personnes ! Le tout dans des conditions de rêve… Qui plus est, Jean Michel Jarre est un homme intéressant, intelligent, sympa. Ce n’est pas une tête de con : ça compte beaucoup pour moi ! Cette collaboration m’a apporté énormément d’un point de vue musical et d’un point de vue carrière. Il a produit Amphibia et m’a aidé, artistiquement et financièrement pour cet album. C’est quelqu’un de bien.
Aimes-tu la version techno de Vivaldi tribute que tu as jouée avec lui ?Oui ! D’ailleurs c’est amusant, on pourrait croire qu’elle est plus facile parce que plus lente, mais en vérité pas du tout ! Elle est jouée totalement différemment, certaines notes changent. C’est difficile de se débarrasser des automatismes que j’ai développés par rapport à ma version de cette chanson.
Vas-tu accompagner Jean Michel Jarre pour sa tournée de 2010 ?Non, ce n’est pas prévu pour l’instant. C’est probable pour des projets futurs, mais pour l’instant il est sur un projet très orienté synthés, qui n’a pas forcément grand chose à voir avec mon jeu.

Il y en a eu beaucoup : Ritchie Blackmore, Eddie Van Halen, Al Di Meola grâce à qui je me suis mis à l’aller retour. Il est l’un des plus grands responsables de mon jeu, dans son travail sur ses premiers albums solo (Elegant Gypsy, Casino), sur l’album Return To Forever avec Chick Corea ou sur son live acoustique Friday Night in San Francisco avec Mc Laughlin et Paco de Lucia. Il faut être ouvert d’esprit et écouter des choses différentes quand tu joues. C’est ce qui te permet d’éviter de devenir une pâle copie d’une idole. Au début de ma carrière, mon jeu ressemblait énormément à celui d’Al Di Meola. J’ai fini par me dire « attention, danger ! » et à travailler ma personnalité.
A un moment donné faut poser le pinceau et te dire « bon je vais faire mon univers ». Il faut piocher chez les autres ce qui te permet non pas de jouer comme eux, mais de te construire. Chez moi l’influence peut venir de chez Simple Mind, comme chez Steve Vai. Lorsque j’écoute de la musique, je ne me dis plus « wow, comment fait-il ça? ». Si le plan m’intéresse, je le reprends à ma sauce.
As-tu un souvenir marquant d’une expérience qui t’a poussé à te surpasser à la guitare ?Je ne sais pas trop… Aujourd’hui, la technique n’est plus ma motivation principale. Je la travaille en permanence, mais je m’intéresse avant tout à la musicalité. Des guitaristes qui jouent plus vite que moi, il y en a des milliers. Est-ce que je veux passer ma vie entière à essayer d’aller plus vite que le voisin ? La vélocité n’a un intérêt que si tu l’intègres bien dans la musique. Dans Amphibia, il y a des passages où je ne joue quasiment rien. C’est presque le silence et ce n’est d’ailleurs pas si facile à placer. Et j’adore ça ! La technique, ce n’est pas que la vitesse. C’est aussi être capable d’accentuer telle note au bon moment, de nuancer le jeu. Plus globalement, la technique, c’est la maîtrise de l’instrument.
Répéter telle ou telle phrase pour pouvoir gagner 5 points en vitesse pure sur le métronome, qu’est-ce que ça changerait ? Je ne suis pas contre essayer d’impressionner le public en jouant vite. Mais je n’ai pas envie de me réduire à ça. Je ne veux pas que les gens se prennent « juste » une baffe technique. Je veux que cela s’intègre dans une musique qui touche l’auditeur.
Tu as forgé ton style avec la technique de l’aller retour. Quand on écoute ton album de reprises de musique classique ou ton Vivaldi au concert de Pékin, on se rend compte que ton jeu a évolué. As-tu changé ta démarche, tes habitudes, ou bien est-ce un travail sur le son de ton instrument ?Je repense en permanence mon jeu. La technique n’est pas uniquement liée au travail, c’est aussi le fruit d’une réflexion personnelle sur le jeu, la musicalité… Donc ça va de la position de main droite au son en passant par la méthode de travail. Effectivement j’ai travaillé sur d’autres plans, sur d’autres types d’accentuation, etc.
Vas-tu te mettre au sweeping ?Il faudrait… mais non (rires)!

Sur l’album avec Jarre, comme la distribution allait se faire à l’international, on avait envie de mettre une petite touche française sur la pochette. On s’est dit « tiens, la grenouille c’est une bonne idée !». La pochette d’Amphibia devait donc représenter un carrelage blanc avec une grenouille. On n’a pas pu le faire car Silverchair venait de sortir à peine 3 mois plus tôt un album avec un artwork similaire.
On a néanmoins gardé l’idée de la grenouille. On a fini par peindre une grenouille d’Amérique du sud, stylisée dans un esprit très « logo ». Au final, elle est apparue sur Amphibia. Je l’ai reprise sur l’album suivant, puis j’ai commencé à la mettre sur mes médiators, mes guitares et elle a fini par devenir un symbole.
Tu es un grand fan de football. Lyon t’a accueilli ce soir : c’est la ville des septuples champions de France…Ca, je ne savais pas… (rires)
As-tu un message pour tous les habitants lyonnais, fans de foot ?Pas spécialement, tant mieux pour leurs 7 titres ! Je refuse toute idée de violence entre supporters. Je n’ai pas envie de me faire tabasser parce que je suis fan du PSG. Autrefois, toute cette violence n’existait pas. Il est normal de se satisfaire de gagner. Mais je trouve ça ridicule d’en être arrivés à devoir mobiliser des CRS pour qu’un match puisse ne serait-ce qu’avoir lieu.
D’ailleurs, je ne suis pas tant fan de foot que ça. J’en ai juste beaucoup joué étant enfant. Mais le business, l’argent ont pris une place trop importante.
De plus, Quand j’étais jeune, à l’OL, il n’y avait que des lyonnais. Un match de l’OL contre le PSG était vraiment un match entre lyonnais et parisiens. Aujourd’hui, les joueurs d’un club viennent d’autres villes, d’autres pays. Ce n’est pas très naturel.
Pour toutes ces raisons, je me suis désintéressé du football.
Je l’ai depuis 83 (un perroquet vit environ 50 à 60 ans), c’est une « perroquette » d’ailleurs : une femelle ara chloroptère.
Est-ce qu’elle sait parler ?Elle ne dit que quelques mots. Cette race de perroquets ne parle pas beaucoup. Pour l’anecdote, en 1989, le magazine Hard Rock Rendez-vous souhaitait sortir une compilation avec des photos de tous les artistes présents dessus. Il fallait que l’artiste pose avec un objet ou une personne qui fait partie de sa vie. Je leur ai proposé mon perroquet et il a fini par se retrouver sur la pochette de la compilation !
Entretien réalisé le 10 novembre 2009 à Lyon par Guillaume Ollagnier
Site Internet Patrick Rondat : www.myspace.com/patrickrondat

Oh merd,e il est fier de sa reprise de Vivaldi avec Jarre? Aie aie aie… Tout se barre!
Très bonne interview d’un de mes guitariste préféré. Une petite coquille:c’est Al Di Meola et pas Al Di Meolo! 🙂
C’est bien de rendre hommage à un mec super qui a beaucoup fait pour le metal en France. Merci RM