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Interview   

Paul Gilbert donne de la voix à sa guitare


Jouer de la musique est – ou en tout cas, devrait être – une perpétuelle remise en question. Et il ne faut pas croire que parce qu’un musicien est reconnu mondialement pour être l’un des meilleurs sur son instrument, qu’il n’a plus rien a apprendre ou découvrir. Le guitariste de Mr. Big Paul Gilbert, qui donne notamment des cours de guitare via une école en ligne, malgré ses années d’expériences et la reconnaissance qu’il a acquise en tant que guitar hero, n’a définitivement pas fini de faire le tour de son instrument et d’en être émerveillé. C’est ce que montre son nouvel album solo Stone Pushing Uphill Man, constitué majoritairement de reprises, qui provient d’expérimentations où le guitariste cherchait à retrouver via la guitare l’expressivité dont la voix des plus grands chanteurs est capable, au point, avoue-t-il, de lui faire « redécouvrir l’instrument. »

Voilà donc le sujet principal (mais pas unique, puisqu’il y est également question de Mr. Big) de l’entretien qui suit où nous avons essayé de comprendre la motivation derrière cet album et tout ce que cette démarche implique. Et avec ses réponses, Paul Gilbert pourrait bien ouvrir les yeux – ou plutôt les oreilles – de plus d’un guitariste ou même musicien de façon générale…

« Plus j’enseigne, plus je trouve que la plupart des méthodes d’enseignement sont vraiment mauvaises [rires]. »

Radio Metal : Tu as sorti un nouvel album solo intitulé Stone Pushing Uphill Man sur lequel figurent pas moins de huit reprises. Comment en es-tu arrivé à un tel album ? Quelle était ton idée ?

Paul Gilbert (guitare) : Mon idée principale était que je voulais que ça sonne bien. La première chanson que j’ai écrite était « Purple Without All The Red », qui est une chanson de blues plutôt calme et jazzy, et je l’ai beaucoup aimé. Mais je me suis dit : « J’ai besoin de quelque chose de plus puissant », donc j’ai décidé de m’inspirer d’autres morceaux. J’ai essayé « Working For The Weekend », un titre de Loverboy, je me suis vraiment fait plaisir en la jouant, en jouant la ligne de chant et la guitare. J’étais tellement content du résultat que je me suis dit « Je vais en essayer une autre », et j’ai fait « Back In The Saddle ». C’était si amusant que j’ai continué, je me faisais vraiment plaisir. J’ai découvert que si je passe un bon moment, la musique se révèle généralement plutôt bonne. Finalement, vers la fin de l’album, je me suis quand même dit : « Ok, il faudrait que j’écrive deux ou trois morceaux ». C’est là que j’ai composé « Shock Absorber » et ça faisait un moment que je travaillais sur « Stone Pushing Uphill », et évidemment aussi « Purple Without All The Red ». La première chanson que j’ai écrite fut la dernière que j’ai enregistrée sur l’album. Puisque j’avais pas mal de rock, je pouvais enfin ajouter une chanson plus calme, et ça s’insérait correctement.

Qu’est-ce que ça représente pour toi de jouer des reprises ? Est-ce que ça pourrait être considéré comme un bon moyen d’apprendre plus, en tant que musicien et artiste ?

J’ai toujours appris grâce à elles. C’est comme ça que j’ai découvert la musique, en l’écoutant. J’ai des idées de temps en temps dans ma tête, bien sûr, et j’ai écrit beaucoup de chansons. Mais je suis toujours un fan, j’adore les Beatles, Van Halen, Led Zeppelin et toute la musique avec laquelle j’ai grandi, celle des années 1960 et 1970. C’est très drôle de jouer ce genre de chose. Et d’une certaine manière, dans les milieux rock et pop, les gens attendent de vous que vous écriviez vos propres chansons. C’est plutôt unique comme état d’esprit, car dans d’autres styles musicaux, comme la musique classique, personne n’attend d’un grand violoniste qu’il écrive sa propre musique. Ils jouent Bach, Mozart ou Beethoven, ils jouent les classiques, les morceaux que tout le monde connaît. C’est la même chose dans le jazz. Beaucoup de jazzmen se contentent de jouer les standards : « Autumn Leaves », « Take The A Train », « Night In Tunisia ». Je pense que dans le rock et la pop on attend beaucoup plus de toi, que tu joues des titres originaux, et j’aime ça aussi, mais parfois j’aime vraiment faire des reprises. Manifestement c’était le cas sur cet album.

Quels étaient tes critères pour choisir les chansons ?

Il suffisait que je les aime. Et puisque je jouais à la fois la ligne de chant et la guitare, c’était plus facile s’il y avait beaucoup de mouvement dans les mélodies. Une chanson telle que « Goodbye Yellow Brick Road » est parfaite pour ça, parce qu’il y a énormément de mouvement dans la mélodie [il chante la mélodie]. Ça varie tellement… En réalité, une de mes chansons préférées des Beatles est la chanson intitulée « Help », mais elle serait très difficile à reprendre parce que la mélodie sur [en chantant] « When I was younger, so much younger than today », cette mélodie n’a pas beaucoup de mouvement. En fait les accords varient beaucoup sous la mélodie, mais la mélodie elle-même ne varie pas vraiment. Ce qui rend cette chanson intéressante ce sont la voix de John Lennon, les paroles, et comment ça se combine avec les accords. Mais ça serait un bien plus grand défi de faire en sorte que ça fonctionne, parce que moi, je n’utilise pas de mots, je n’ai que des notes. Voilà pourquoi je faisais en sorte de choisir des mélodies contenant beaucoup de mouvements.

Tu as dit, à propos de cet album, que tu voulais laisser ta guitare chanter. Est-ce pour cette raison que tu as mis ta propre voix de côté depuis Get Out Of My Yard – à part pour Vibrato qui était à moitié instrumental – pour essayer de faire la partie de chant à la guitare au lieu de la faire avec ta voix ?

Ce qui est drôle c’est que Get Out Of My Yard est à l’exact opposé du nouvel album, Stone Pushing Uphill Man. Sur Get Out Of My Yard j’essayais vraiment de ne jouer aucune mélodie. La raison derrière ça, c’est que lorsque j’étais gamin, il y avait un type de musique qui s’appelait musac. La musac, c’est le genre de truc que tu peux entendre dans les ascenseurs, ou en musique de fond dans les restaurants. Ou si vous allez faire vos courses, vous entendez de la musac en fond sonore. C’est la version instrumentale de chansons pop, généralement jouée par un violon ou une flute ou quelque chose d’autre. C’était horrible, ça gâchait totalement la chanson. Et j’ai toujours pensé que si tu jouais une mélodie de chant avec un autre instrument, ça détruisait la chanson. J’ai cru ça pendant des années ! [Ricane] Mais plus récemment j’ai commencé à faire des expériences là-dessus. Evidemment il y a des guitaristes fantastiques comme Jeff Beck et plus récemment Andy Timmons, ou ce bon vieil album Sergent Pepper des Beatles, sur lequel on retrouve des mélodies à la guitare. Donc j’ai commencé à changer d’idée, peut-être que c’était faisable. Donc je me suis mis à essayer, encore et encore. Et plus j’essayais, plus j’aimais ce que je faisais avec ma guitare. Lorsque j’étais plus jeune je jouais de la guitare comme si c’était un clavecin. Je jouais très vite, presque comme des lignes classiques [chante la ligne], avec très peu de vibrato. Mais avec le chant il y a beaucoup plus d’expressivité : il y a tellement de techniques différentes et ça implique une manière différente d’aborder la guitare. Ça m’a pris du temps d’essayer et de véritablement réussir à faire ça. Avec Get Out Of My Yard je n’ai même pas essayé. C’était un peu « aucune mélodie ! » et maintenant c’est plutôt « uniquement de la mélodie ! »

Puisque tu sembles très attiré par la voix et les parties chantées, pourquoi n’as-tu pas choisi de développer ta propre voix au lieu d’utiliser un instrument ?

Ma voix est très limitée ; j’ai beaucoup chanté donc je connais très bien ma voix. C’est comme d’avoir une guitare mais avec seulement les deux cordes les plus basses. Lorsqu’il y a une note aiguë, ça ne veut pas sortir. J’ai une tessiture vocale très limitée et la plupart des chansons pop et rock vont dans des registres aiguës. J’ai essayé mais c’est physiquement impossible pour moi. Alors qu’avec la guitare, c’était un tel plaisir de faire cet album. Je pouvais reprendre Steven Tyler, je pouvais reprendre Sting, et d’autres artistes qui chantent vraiment dans les aigus. Toutes les notes sont là, sur ma guitare. Je n’ai jamais dû batailler pour obtenir une note. Avec ma voix je n’aurais pas pu reprendre ces chansons à moins de changer la tonalité, et le rendu n’aurait pas été le même. A la guitare, ces limites disparaissent, alors qu’avec ma voix il y a beaucoup de restrictions.

« Ce que j’ai découvert avec les élèves, c’est qu’ils ont surtout besoin d’améliorer leur oreille. C’est ce qui demande le plus de travail, être capable d’écouter. »

Qu’est-ce que ça implique pour un guitariste d’essayer de retrouver l’expressivité dont peut faire preuve une voix ?

Beaucoup d’écoute. J’ai choisi des chansons que j’écoute depuis longtemps. Et j’écoute attentivement les détails, j’essaie de trouver comment je peux les obtenir. C’est toujours difficile à faire. Un exemple serait « Working For The Weekend », les accords ne font que deux notes [chante le refrain] : « Everybody’s working for the weekend », avec une troisième note à la fin. Mais si tu joues ces deux notes comme sur un clavecin [chante la mélodie en imitant un clavecin], c’est horrible. L’émotion a disparu. Comme si c’était chanté par un robot. Il faut trouver une manière de faire glisser les notes. J’ai utilisé quelques cordes différentes et à chaque fois que je jouais, la texture était un peu différente. J’ai passé une journée sur ces deux notes, simplement à explorer ma guitare, à essayer de trouver le meilleur moyen de les jouer. Ça m’a vraiment fait redécouvrir l’instrument ; je n’aurais jamais trouvé ça autrement. Dans une autre situation je me serais juste dit « Oh, deux notes, ce n’est pas intéressant ». Mais quand tu écoutes la manière dont la voix est traitée, c’est beaucoup plus que ça. C’est vraiment une question d’écoute.

Est-ce que tu prends en compte la manière dont respirent les chanteurs ?

Lorsque je travaillais sur la chanson de Sting, lorsque j’ai joué pour la première fois « Murder By Numbers », la chanson de The Police, je jouais simplement de mémoire. Et lorsque j’ai réécouté l’original, je me suis rendu compte que mon phrasé était très différent du sien. Et la différence c’était : il respirait ! Donc j’ai écouté les espaces où il respirait, et je m’arrêtais au même endroit. Ça a vraiment amélioré le rendu. La même chose se produit si tu apprends des parties joués par des cuivres, ou à la clarinette ou tout autre instrument qui fait appel au souffle. C’est génial d’apprendre ça à la guitare. Et c’est difficile, parce que ceux qui jouent du rock ou du heavy metal comme moi, nous sommes généralement habitués à jouer très fort. Et si nous nous arrêtons, la plupart du temps il y aura un larsen ou la guitare fera du bruit. Nous essayons de ne pas nous arrêter parce qu’autrement il y aura ce bruit. Il faut donc que tu changes les réglages de ton ampli de manière à ce que lorsque tu t’arrêtes, il n’y ait pas de [imite un larsen] très moche et que ça ne fasse pas un max de bruit. Ça implique beaucoup d’ajustements.

Penses-tu que la guitare devrait être apprise un peu plus comme on apprend le chant plutôt que de la manière traditionnelle, avec la théorie et tout ça ?

J’ai donné beaucoup de cours ces derniers temps, et plus j’enseigne, plus je trouve que la plupart des méthodes d’enseignement sont vraiment mauvaises [rires]. Les gens mettent l’accent sur le fait de faire des gammes, bien sur les gammes sont utiles, mais ce n’est pas le plus important. La plupart des choses qui sont vraiment importantes sont difficiles à voir. Par exemple, changer le volume d’une note en fonction de la force avec laquelle tu joues. C’est difficile de voir ce genre de chose. C’est facile à entendre, facile à ressentir. Mais ce serait fastidieux de retranscrire ça à l’écrit. C’est vraiment facile d’entendre ce genre de choses. La plupart des étudiants qui débutent sur cet instrument sont avant tout des êtres humains – et en tant qu’êtres humains nous aimons regarder les choses. Ce que j’ai découvert avec les élèves, c’est qu’ils ont surtout besoin d’améliorer leur oreille. C’est ce qui demande le plus de travail, être capable d’écouter : « Oh, je peux entendre que la note est forte ici et faible ici ». Et ensuite tu pourras comprendre comment la jouer. Alors que la plupart des élèves sont plutôt du genre : « Je vais juste jouer les gammes le plus vite possible » et ça ne mène nulle part. Rejoigniez mon école en ligne et je vous aiderais.

La seule chanson sur laquelle tu chantes est la chanson de clôture qui a un côté très gospel. Est-ce que c’était pour contrebalancer le reste de l’album qui tourne essentiellement autour de la guitare ?

Eh bien, je n’ai pas vraiment prévu ça en avance, j’écris simplement des chansons en espérant qu’elles s’articulent correctement ensemble. C’est drôle parce que je n’ai pas été élevé avec la musique gospel, je ne connais pas grand-chose à ce sujet. Mais si je reviens sur mon parcours musical, de temps à autres je retrouve quelque chose qui a une influence gospel. J’aime beaucoup ça parce que c’est à la fois lié au blues et au jazz. Je pense que ça vient en partie du fait que j’écoute des artistes rattachés à ces genres. Par exemple, j’écoutais Nina Simone, qui est une sorte d’artiste blues/jazz. J’écoutais BB King. C’est drôle, il y a un album de BB King où il ne joue pas de guitare, et il se trouve que c’est un album gospel. Il est le chanteur principal mais il ne joue pas du tout de guitare. C’est vraiment intéressant qu’il ait fait ça – un album de BB King, pas de guitare. Donc j’écoutais ça aussi. Et il y en a d’autres comme Todd Rundgren qui a parfois des éléments gospel dans sa musique. Je débute encore dans ce genre musical mais je l’apprécie beaucoup.

Donc tu t’es inspiré des parties de chant pour ton jeu à la guitare, mais est-ce que tu t’es inspiré d’autres instruments ?

Oui, absolument ! J’ai écouté beaucoup de clarinette jazz. Lorsque j’étais adolescent, je n’aurais jamais cru dire ça un jour. Car lorsque j’étais adolescent, j’étais à cent pour cent rock et metal. Mais je pensais à Eddie Van Halen, qui est un de mes plus grands héros, et le père d’Eddie Van Halen était un joueur de clarinette jazz. Je suis sûr qu’en grandissant, Eddie a entendu son père jouer et s’entraîner, et ces sonorités ont atterris dans ses oreilles. Lorsque j’écoute Eddie jouer, j’entends des éléments de jazz dans son phrasé, et même dans son choix de notes. Il joue des choses très sophistiquées. Et je me suis dit que, parfois lorsque tu veux vraiment en apprendre davantage sur le style de quelqu’un, au lieu de les écouter eux-mêmes, il faut écouter ceux qu’ils écoutaient. Donc je me suis dit « je vais tester la clarinette jazz » et j’ai fait quelques recherches et j’ai trouvé Jimmy Hamilton, c’est mon joueur de clarinette préféré à vrai dire. Il n’a fait que deux albums mais je les écoute tout le temps. En réalité j’ai volé une de ses lignes à la fin de « Shock Absorber » [chante la ligne mélodique]. C’est typique de Jimmy Hamilton. Et lorsque j’écoute certains mecs, même si c’est du jazz, la plupart du temps ce qu’ils font c’est du blues, mais c’est plus sophistiqué, ils connaissent leurs notes. C’est très intéressant d’entendre comment un clarinettiste jouera du blues comparé à la manière dont un guitariste jouera du blues. Ils ont des phrasés différents, des notes différentes aussi. C’est vraiment bon.

« C’est toujours une bonne surprise quand la réalité se révèle meilleure que l’imagination. C’est ça qui colle un grand sourire sur mon visage. »

Tu as deux batteurs sur cet album : Mike Portnoy et Kenny Aronoff. Pourquoi deux batteurs et comment as-tu décidé qui jouerait sur quel morceau ?

Eh bien, je n’étais pas sûr de qui jouerait sur cet album. J’ai pensé à Mike parce que j’avais déjà travaillé avec lui auparavant et nous avons fait beaucoup de choses en concert ensemble, mais jamais d’enregistrement. Je savais qu’il s’amuserait avec des morceaux simples. Mike peut jouer des choses très compliquées, bien sûr. Mais nous avons à peu près le même âge et je sais qu’il a grandi principalement avec la même musique que celle avec laquelle j’ai grandi, et je savais qu’il était fan des Beatles. Je crois que beaucoup de batteurs, lorsqu’ils entendent « Why Don’t We Do It On The Road » par les Beatles, ils se disent : « C’est vraiment trop simple… » Mais je savais que Mike comprendrait et qu’il aimerait cette chanson. Il a donc super bien joué là-dessus. Et « Working For The Weekend », là encore, c’est un rythme très simple, mais je savais que Mike, de part sa génération, comprendrait vraiment pourquoi j’aime cette chanson et qu’il ferait du bon boulot avec. Mike était souvent sur la route, donc il n’avait le temps de jouer que quelques morceaux, j’ai donc embauché Kenny Aronoff, qui est un batteur fantastique dans tous les styles. Il a joué avec beaucoup de musiciens différents. Et c’était très utile, parce que je lui ai fait jouer plein de styles différents : tout, d’Aerosmith à The Police, en passant par les chansons plus pop d’Eric Carmen, des styles de batteries vraiment différents et il a tout joué parfaitement.

Sur un autre sujet, tu as été le premier à quitter Mr. Big en 1997, avant que le groupe ne se sépare. Et maintenant tu es de retour avec le groupe depuis 2009 et un deuxième album, intitulé …The Stories We Could Tell, va bientôt sortir. Comment ça se passe avec le groupe ? Qu’est-ce qui rend les choses meilleures maintenant par rapport au moment où tu as quitté Mr. Big ?

J’estime qu’on peut faire des pauses dans un groupe. Lorsque le groupe s’est formé, la première fois, nous voulions vraiment asseoir le combo, donc nous ne faisions quasiment aucun projet en dehors ; c’était Mr. Big et c’est tout. C’est un peu comme si tu mangeais la même nourriture tous les jours. Tous les jours un steak avec des pommes de terre, c’est génial, c’est délicieux mais après huit ans tu es là : « Je veux manger quelque chose d’autre ! » [Ricane] Nous avons plus de variété dans nos vies, nous faisons d’autres choses. Du coup, on apprécie vraiment quand on retourne jouer avec Mr. Big, ça reste frais. Nous nous connaissons mieux. Nous sommes tous des personnes peu communes, à notre manière, mais nous le savons. Nous nous entendons super bien maintenant ; on passe vraiment un bon moment ensemble.

Avec ton travail autour des parties chantées, avec ta voix mais aussi ta guitare, est-ce que tu dirais que tu as une meilleure interaction avec Eric Martin au sein de Mr. Big ?

Ouais, peut-être, certainement même. Je respecte tous les chanteurs qui partent sur la route en tournée. C’est très stressant pour eux, en tout cas ça l’était pour moi, parce que tu dépends totalement de ton corps. Lorsque tu fais de la guitare, tes doigts sont toujours là. Je n’ai jamais eu de problèmes avec mes mains, je dois juste faire attention à ce que mes cornes soient bien faites mais tu peux toujours mettre des cordes à tirant plus faible. Mais lorsque tu chantes, si tu attrapes un peu froid, que tu es légèrement malade, que tu bois trop de bière ou que tu es fatigué, le lendemain, quand tu te lèves, tu n’as plus de voix. C’est comme si tu te levais et que ta guitare avait disparue. C’est vraiment effrayant. Je respecte Eric et tous les chanteurs qui partent en tournée. Avoir à chanter tous les soirs, c’est énormément de pression. Eric est incroyable ; il a vraiment fait du bon boulot sur le dernier album. Il a un super timbre de voix et un très bon sens musical. J’ai beaucoup aimé travailler avec lui et l’écouter.

Je voulais plutôt parler d’interaction musicale et du fait que tes lignes de guitares s’articulent peut-être mieux entre la rythmique et le chant…

Oh, voyons voir… Je pense que jouer les parties chantées à la guitare m’a surtout appris à écouter autrement. Et c’est très important ; je trouve que beaucoup de musiciens au début pensent avant tout à leur technique. En tant que guitariste tu penses surtout à tes doigts : « Que font mes doigts ? » Et tu regardes ton manche : « où sont les frettes ? » C’est très visuel. Mais je pense que plus j’apprends et plus je joue, plus j’approfondis la manière dont j’écoute et j’entends ces choses. Cet album m’a beaucoup aidé sur ce point et je trouve que j’écoute beaucoup mieux maintenant qu’avant. C’est toujours positif.

Il y Billy Sheehan chez Mr. Big, qui est l’un des rares bassistes capable de suivre ce que peut faire un virtuose de la guitare. Sur le plan musical, quelle est ta relation avec lui ?

On s’amuse beaucoup. Billy est un très bon improvisateur aussi. En fait, c’est en quelque sorte son truc principal. Il a appris à jouer en faisant des concerts et en ayant à être spontané sur le moment. Une des choses que j’adore faire durant les concerts de Mr. Big, si on en a l’occasion, c’est d’échanger et d’avoir une sorte de conversation, c’est très intéressant de voir comment il répond à ce que je joue à la guitare et j’adore répondre à ce qu’il fait à la basse. C’est un des musiciens les plus exceptionnels que je connaisse. Evidemment il fait de la basse, mais je pense que n’importe quel musicien essaie d’aller au-delà de son instrument. Ca ne devient plutôt des notes, des rythmes et une dynamique, et ce genre de choses [indépendamment de l’instrument]. C’est juste : « Oh, il se trouve que je joue de la guitare, il se trouve que je joue de la basse… » Mais vraiment, nous ne faisons que jouer avec la musique et les émotions, et Billy est un maître pour ce qui est de ça.

« Quand tu enseignes, le professeur est toujours celui qui apprend le plus de choses. Je suis l’élève qui tire le plus profit de mon école. »

Sur le nouvel album de Mr. Big il y a une chanson intitulée « I Forget To Breathe » qui un côté très Jimi Hendrix avec des riffs à la « Purple Haze ». Est-ce que c’est ton amour pour Jimi Hendrix qui s’exprime dans cette chanson ?

Evidemment ! Pour tout guitariste c’est une obligation d’écouter Hendrix. Mais c’est une bonne obligation. Il y a beaucoup de guitaristes qui sont plus ou moins sortis de l’école Hendrix qui ont été une grosse influence sur moi. L’un d’entre eux est Robin Trower ; j’aime énormément le jeu de Robin Trower. Il me rappelle Hendrix mais en un peu plus raffiné. Tu sais, Hendrix inventait cette manière de jouer ; c’était très expérimental. Robin Trower est un peu plus propre, un peu plus concentré, mais il y a toujours le ressenti. Il y a aussi Frank Morino et Pat Travers. Robin Trower, Frank Morino et Pat Travers sont tous les trois des influences post-Hendrix. Ces quatre guitaristes, ces trois guitaristes post-Hendrix, m’ont énormément influencé.

La maladie de Parkinson a été diagnostiquée chez Pat Torpey. Qu’as-tu pensé lorsque tu as appris ça ? Eric Martin nous a dit que vous aviez envisagé de vous séparer à nouveau…

Durant notre dernière tournée il y a trois ans, Pat se plaignait de sa jambe. « J’essaie de faire ce truc avec mon pied sur la grosse caisse mais je n’y arrive pas ! » et il était très frustré à ce sujet. Nous ne pouvions pas vraiment savoir parce qu’il trouvait toujours une solution : il jouait avec son autre pied et à la fin la batterie était fantastique. Mais il était vraiment contrarié par ça, il était là : « Je ne sais pas ce qu’il se passe ! » Il allait voir des médecins et ils ne pouvaient pas non plus dire ce qu’il se passait. Nous n’avons plus joué ensemble pendant quelques années après ça et lorsque nous avons décidé de nous réunir à nouveau, Pat nous a dit : « ça à vraiment empiré », et nous ne savions pas à quel point ça avait empiré. Nous nous sommes retrouvés et nous nous sommes rendu compte que la maladie avait pris des proportions dramatiques. Heureusement, je pense que cet album l’a beaucoup réconforté ; parce qu’il a contribué et il a joué dessus, parce que nous étions ensemble et parce que ça lui a permit de travailler sur quelque chose. Son humeur au début de l’album était totalement différente de son humeur actuelle. Il est dans un bien meilleur état d’esprit. Avec cette maladie, bien sûr tu peux prendre des médicaments, ça aide peut-être, mais je pense que le plus important c’est le mental. Il va beaucoup mieux maintenant et nous essayons de préserver ça autant que possible.

On te surnomme le Young Dude [NDT : jeune gars] et lorsqu’on te voit jouer tu as vraiment l’air d’un gamin en train de s’amuser. Est-ce que tu as gardé un esprit juvénile en quelque sorte, dans le bon sens du terme ?

[Ricane] Le rock’n’roll fait cet effet aux gens. Toutes les musiques te donnent de l’énergie. Je ne sais pas, je n’y réfléchis pas vraiment. Lorsque je reviens sur ma propre vie, je me rends compte que j’ai changé depuis l’époque où j’étais encore adolescent ou quand j’étais dans la vingtaine, mais je trouve toujours quelque chose de nouveau à apprécier. Je pense que je serais vraiment déçu si quelqu’un disait qu’on est obligé d’écouter constamment la musique qu’on écoutait lorsqu’on avait quinze ans et qu’on ne pouvait rien jouer d’autre. J’aime vraiment écouter et explorer de nouveaux styles. C’est pour ça que j’aime la clarinette jazz maintenant. Quand j’avais quinze ans, ça ne m’aurait pas intéressé. Quand j’avais quinze ans, j’aurais écouté Van Halen, Judas Priest et Saxon. Et lorsque j’étais dans ma vingtaine, j’écoutais les Beach Boys, les Beatles et Tod Rundgren. Dans ma trentaine j’écoutais les Wild Hearts, les Black Crows et Green Day. Et maintenant j’écoute de la clarinette jazz, BB King et tout un tas de choses différentes. Je pense que tout au long de ma vie je trouverais toujours quelque chose de nouveau à écouter. Je ne sais pas si c’est vraiment lié à l’âge, je suis sûr qu’il y a des adolescents qui adorent écouter du jazz et qu’il y a des personnes dans la quarantaine qui adorent écouter du metal. Ça n’est pas vraiment une question d’âge, c’est plus une question de diversité et de simplement rechercher différentes choses.

Durant tes performances en live, lorsqu’on regarde ton visage pendant que tu joues, on a l’impression que tu es encore sincèrement surpris par ce qui sort de ta guitare. Est-ce le cas ?

Je réfléchissais à ça parce, comme je l’ai dit, quand tu improvises, la plupart du temps tu essaies de jouer ce que tu entends dans ta tête. Et je me suis rendu compte l’autre jour que, lorsque je joue de la guitare, ça rend mieux que ce que j’entends dans ma tête [rires]. Parce que j’ai entrainé ma main à faire de beaux vibratos et plein de choses qui améliorent ce que j’ai en tête. C’est toujours une bonne surprise quand la réalité se révèle meilleure que l’imagination. C’est ça qui colle un grand sourire sur mon visage.

Je suppose que tu vas faire une tournée solo. Qui jouera avec toi sur scène ?

Oh, je ne suis pas sûr. En ce moment j’ai la tournée de Mr. Big prévu pour octobre et novembre. Et après ça… Je viens juste d’avoir mon premier enfant : un fils, il y a environ une semaine. J’ai donc un bébé d’une semaine à la maison maintenant. Je vais peut-être rester à la maison et essayer de lui apprendre à parler anglais et à jouer un peu à la guitare. Je suis aussi très occupé par mes cours de guitare en ligne. J’ai commencé ça il y a environ deux ans et j’ai des élèves du monde entier. Je passe vraiment du bon temps avec ça. En vérité, ça m’aide beaucoup en tant que musicien aussi. Quand tu enseignes, le professeur est toujours celui qui apprend le plus de choses. Je suis l’élève qui tire le plus profit de mon école.

Interview téléphonique réalisée le 1er septembre 2014 par Spaceman.
Retranscription et traduction : Mariane Monin.
Introduction : Spaceman.

Site internet officiel de Paul Gilbert : www.paulgilbert.com

Bonus, Paul Gilbert s’éclate avec une contre basse :

Bonus 2, Paul Gilbert s’éclate avec une mandoline :



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  • Centralscrutiniser dit :

    Très bon article avec une petite mais importante erreur de retranscription. Ce n’est pas Franck Moreno , mais Franck MARINO dont parle Paul. Énorme guitariste de années 70 qui a influencé beaucoup de grand guitaristes actuels.A écouter sans modération l’album « What next »
    Sergio »Metalmaster »

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