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Chronique Focus   

Paul Gilbert – The Dio Album


Paul Gilbert se lance des défis pour le moins… particuliers. Après être tombé complètement par hasard sur une casquette de baseball marquée « Dio », le guitar-hero se met en tête de réaliser un album hommage reprenant les grands classiques de Ronnie James Dio. Avec la singularité de réinterpréter non seulement les soli et les riffs de grands noms tels que Tony Iommi, Ritchie Blackmore et Vivian Campbell mais surtout les lignes de chant de Dio… à la guitare évidemment. Paul Gilbert est connu pour sa virtuosité et son côté intrépide à l’œuvre avec Racer X et Mr. Big. Honorer un chanteur sans chant est certes intrigant, mais c’est peut-être la formule la plus respectable finalement.

Paul Gilbert s’est chargé de tout, seul, à l’exception des pistes de batterie réalisées par Bill Ray. Le guitariste s’est tué à la tâche en essayant d’isoler les lignes de chant de Ronnie James Dio en utilisant des logiciels à partir de vidéos YouTube lorsque c’était possible afin de les retranscrire à la six-cordes. Force est de constater que les aspects grandiloquents des phrasés de Dio se prêtent favorablement au jeu du lead. L’album s’ouvre par « Neon Knights » qui laisse très vite apparaître l’exactitude des retranscriptions réalisées par Paul Gilbert, notamment concernant le feeling de Tony Iommi. Paul a toute la souplesse nécessaire pour retranscrire l’énergie du titre, y compris l’élégance du solo supporté par les accords en son clair plus marqués que sur l’original. Surtout, le parallèle avec les lignes de chant est bluffant. On reconnaît immédiatement toutes les modulations de Ronnie James Dio à tel point que se remémorer les paroles devient un exercice superflu. « Kill The King », fameux titre de Rainbow interprété par Ritchie Blackmore, se permet un clin d’œil aux versions live en laissant entendre des « Dio » scandés par la foule avant de livrer une exécution clinique – peut-être trop – qui délaisse une forme de lâcher-prise qu’avait la version originale. Le solo est fidèle mais privilégie la netteté plutôt que l’épique. Le riffing de « Stand Up And Shout » renoue très vite avec le respect de l’émotion du titre de référence avec cette fois un monologue de guitare désarmant d’autorité et touchant d’amour pour le jeu de Vivian Campbell.

Cet exercice de The Dio Album a surtout comme principale vertu de ne pas devenir simplement le terrain d’expression technique d’un guitariste renommé. Paul Gilbert vénère les titres présentés et amplifie les caractéristiques principales de son jeu, déjà connu pour donner à la guitare un véritable rôle de frontman. « Country Girl » est l’un des exemples les plus frappants, tant le riffing épuré original de Tony Iommi laisse toute la place à Dio de s’exprimer. Ici, Paul Gilbert remplit tous les espaces vocaux en imitant les intonations à la virgule près. À l’instar de « Kill The King » cependant, l’ensemble paraît presque trop « propret » et mesuré par rapport à l’ampleur du matériel premier. L’impression de « stérilisation » des compositions est présent à des degrés divers. Il est moins évident par exemple sur « Man On The Silver Mountain » et son phrasé blues. Il y a un cachet d’antan inatteignable – certainement imputable au préjugé d’ancienneté – qui oblige l’auditeur à se concentrer sur la manière dont le chant est articulé et rien d’autre. Il faut toutefois rendre justice à la volonté du guitariste de restituer les atmosphères le plus fidèlement possible, à l’image de l’introduction lugubre et venteuse de « Holy Diver ». En réalité, le travail de mimique est moins convaincant sur les titres issus de Rainbow, car les phrasés rock/blues développés n’ont pas le même corps que les originaux. Précisément là où le chant de Dio jouait à la fois le rôle de lead et supportait en outre la profondeur du jeu de Blackmore. Le note par note lors des soli de Gilbert dans ce cadre dévoile une facette académique, fidèle mais peu galvanisante. Les arpèges de « Don’t Talk To Strangers » sont quant à eux plus éloquents et on peut louer l’audace de réinterpréter la délicatesse du chant de Dio à la guitare sur ce titre, ce que Paul Gilbert réalise honorablement.

L’épreuve est singulière mais son originalité fait sa force : plutôt que d’engager pléthore de chanteurs pour tenter d’honorer un timbre intemporel, l’absence de chant est d’autant plus éloquente et respectueuse. Le travail de Paul Gilbert est titanesque et parfois bluffant. Il ne parvient pas toujours à retranscrire l’ampleur d’un matériel original devenu légendaire mais les aficionados de guitare se doivent de prêter attention religieusement à cette vision de la guitare. Les autres pourront se réjouir de retrouver des compositions qui ont jalonné leur existence sous une autre forme. De quoi apprécier l’hommage en soi et donner envie de se replonger dans les classiques une énième fois.

Chanson « Holy Diver » :

Album The Dio Album, sortie le 7 avril 2023 via Mascot Records. Disponible à l’achat ici



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  • Belle chronique d un album jouissif qui donne envie de réécouter Dio sans penser à dénigrer les reprises en pure instrumental .Paul a su combiner parfaitement les riffs guitaristiques et la voix du maitre du métal sans dénaturer l œuvre originelle

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