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Chronique   

Periphery – Djent Is Not A Genre


« Du temps, du stress, de la souffrance ». C’est en ces termes que Misha Mansoor décrit le processus qui a abouti au cinquième opus canonique de Periphery, sobrement intitulé Periphery V : Djent Is Not A Genre. L’album est un produit des contraintes de la pandémie où le groupe a dû réviser sa méthode d’enregistrement et de composition. Parfois, Misha envisageait de tout abandonner. Si Periphery IV : Hail Stan (2019) avait profité d’un élan de confiance de la part de la formation, Periphery V est son exact opposé. La composition a démarré en automne 2020 et le groupe a décidé de scrupuleusement respecter les règles anti-Covid-19, quitte à multiplier les sessions d’écriture intermédiaires. Periphery V surpasse donc son prédécesseur en temps d’écriture et d’enregistrement et a éprouvé les musiciens. Malgré toutes ces contraintes, Periphery devait respecter sa ligne de conduite : ne pas (trop) revenir sur des territoires déjà explorés. Ce nouvel effort est donc une véritable épreuve de force qui cherche à prouver quelque chose comme son sous-titre l’indique. C’est aussi un jalon dans la carrière de Periphery : la certitude que le groupe a des liens (remontant jusqu’à seize ans en arrière, dans le cas de Misha et Jake Bowen) capables de tenir bon.

On peut toujours se montrer dubitatif lorsque Periphery évoque le fait « de ne pas se répéter », mais il y a suffisamment de variations dans son approche de la musique pour ne pas l’accuser de redites, que ce soit dans les arrangements ou l’intensité des titres. « Wildfire » ouvre le bal immédiatement et franchit un palier en termes d’agressivité. Le groupe propose sa facette la plus virulente et athlétique avec la production en béton armé qui le caractérise. Tout est parfaitement retranscrit jusqu’à la moindre note, du mur de guitares jusqu’aux articulations cristallines. Il y a une recherche de l’intrication qui apparaît immédiatement. La formation prend toujours un malin plaisir à délivrer un riffing haché et massif qui a fait sa notoriété. De quoi désarçonner plus facilement l’auditeur lorsqu’il dérive sur une plage de piano jazz soutenu par un solo de saxophone œuvre du frontman de Shining Jørgen Munkeby. Le titre se termine par des arrangements orchestraux qui perpétuent la tradition amorcée par Periphery III : Select Difficulty (2016). « Atropos » enchaîne par ce sens du groove sophistiqué propre aux trois guitaristes et les accroches mélodiques qui font le bonheur de la voix claire de Spencer Sotelo. À nouveau « Atropos » se conclut par des élans hollywoodiens qui forment le liant de l’opus. « Wax Wings » s’amuse de la souplesse de ses arpèges de guitare qui l’introduisent : un procédé déjà utilisé auparavant par le groupe, qui aime broder autour de mélodies complexes. Ceux qui connaissent sa discographie savent que c’est généralement un prélude aux passages les plus accrocheurs, ce que « Wax Wings » ne dément pas.

Si les méthodes sont inévitablement familières, Periphery V : Djent Is Not A Genre a choisi d’illustrer le dessein de ses géniteurs d’augmenter leurs standards par une recherche constante du progressif. « Wax Wings » se termine par une immense catharsis portée par les leads de guitare et les violons qui ramènent une accalmie. « Everything Is Fine! » repose sur des progressions délurées où les soli désarticulés s’enchaînent pour former un marasme à peine contrôlé. De quoi honorer le fameux mème, tout semble brûler et Periphery ralentit progressivement le tempo pour donner sa propre vision du cataclysme. Il y a en outre des propositions stylistiques singulières, à l’instar de la ballade électronique cheesy « Silhouette » qui prend des allures de revisite des titres pop des années 80 saupoudrées d’EDM contemporaine. « Dying Star » emploie des sonorités de guitare presque inédites en délaissant les distorsions de mammouth pour une approche davantage feutrée. De quoi agencer des mélodies plus douces avec une plus grande fluidité. « Dying Star » se veut peut-être l’un des titres les plus grandiloquents de l’opus, prompt à dégainer les chœurs et les grandes élancées orchestrales pour communier. Un rappel que Misha Mansoor n’a jamais reculé devant les grandes effusions sentimentales. Contraste oblige, « Zagreus » en revient à la parenté Meshuggesque des interprètes et constitue une synthèse aboutie de ce qui a fait le succès du groupe jusqu’alors. « Zagreus » se présente comme l’une des pièces de choix de l’album où les riffs se multiplient et s’imbriquent organiquement jusqu’à éclater lors du refrain aux élans popisants. Periphery n’hésite pas à changer de registre spontanément et recherche ponctuellement la quiétude avant de terminer en fanfare. Les douze minutes de « Dracul Gras » peuvent se percevoir comme une surenchère où toutes les facettes de l’écriture du groupe sont abordées, jusqu’à prendre une dimension cinématographique qui rappelle sporadiquement Gojira à son terme. Pratiquement aussi long, « Thanks Nobuo » joue plutôt la carte des mélodies lumineuses voire franchement pop, avec Spencer Sotelo qui s’égosille dans les aigus avant de clore le disque sur quatre minutes d’ambiance apaisante.

« Djent Is Not A Genre » justement parce que dans le cadre de Periphery, la classification est beaucoup trop réductrice. En l’occurrence, Periphery V s’efforce – peut-être en tirant à l’excès sur la corde – de démontrer tous les visages qu’est capable de prendre son auteur. Pratiquement chaque composition suit une logique progressive. Le groupe sait toujours baliser son propos par des accroches grandeur nature qui évitent la confusion ou la lassitude. De là à dire que le groupe n’explore pas à nouveau les mêmes contrées, non. Il s’engouffre davantage dans les terres et laisse transparaître son exigence qui devient parfois synonyme de complexité, à tort ou à raison. Néanmoins, étant donné la variété de l’arsenal déployé et les prouesses présentées, on peut effectivement accorder à Periphery que simple « groupe de Djent » est une appréhension malaisée.

Album Djent Is Not A Genre, sortie le 10 mars 2023 via 3DOT Recordings. Disponible à l’achat ici



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