Ce 14 décembre, le CCO de Villeurbanne accueille du « djent ». Oui, du « djent » dans son plus simple apparat : les chefs de file Periphery, assisté de Veil Of Maya et des petits nouveaux Good Tiger. Le genre de concert où l’on sait très bien ce qui nous attend sans aucune surprise possible : des guitares sept cordes (voire huit), une basse ronflante, de la polyrythmie et ce fameux chant clair/saturé. Le genre de concert qui intrigue tout de même, tant on se demande comment Periphery peut rendre justice à la production pharaonique de son dernier double album, Juggernaut Alpha & Omega. Beaucoup de fans sont présents dont certains arborant des T-Shirts Veil Of Maya.
Le djent est définitivement populaire, quelque soit la qualité de ses représentants. L’indigestion n’est pourtant pas très loin…
Artistes : Periphery – Veil Of Maya – Good Tiger
Date : 14 décembre 2015
Salle : CCO
Ville : Villeurbanne [69]
Good Tiger amorce le concert et personne dans le public ne paraît connâitre ce dernier même si le groupe commence à faire parler de lui à coup de premières parties prestigieuses (Periphery ce soir, August Burns Red bientôt), leur premier album A Head Full Of Moonlight n’ayant qu’à peine un mois d’existence. Le frontman Elliot Coleman (ex-chanteur de Tesseract) occupe la majorité de l’espace scénique et force est de constater qu’il est à l’aise dans son rôle. Peut être même trop : regards langoureux, déhanchés de séducteur et voix à faire pâlir les plus « teenagers » d’entre nous font ainsi partie de sa panoplie. Côté son Good Tiger propose un mélange particulier de djent sans inspiration et de passages pop-rock voire power-rock qui rappelle parfois une formation comme The Intersphere. Certaines mélodies sont très accrocheuses mais le très jeune groupe reçoit un accueil mitigé. Non pas en raison d’une piètre prestation loin de là, plutôt à cause de titres encore trop méconnus. Parfois le groupe irrite, ce qui fera dire à certains que ce dernier sombre dans un mélange « entre Emmure et Cher ». Fusion improbable mais cocasse.
Veil Of Maya était en revanche attendu de pied ferme. Leur dernier album Matriarch (2015) alternait le très intéressant et l’insipide et avait le mérite de proposer des titres taillés pour le live à l’image de « Mikasa ». Le groupe originaire de Chicago démontre immédiatement qu’il a de la bouteille. Le nouveau chanteur Lukas Magyar fait preuve d’une grande maîtrise, à l’instar du reste des musiciens. Problème : le son. Les innombrables tissus sonores employés par les musiciens peinent à émerger et sans une oreille avertie on a parfois l’impression de se retrouver devant un capharnaüm auditif. Outre ce détail, Veil Of Maya joue bien, impressionne à quelques endroits et sait apprivoiser le public. Malheureusement on a l’impression d’assister à un récital générique, une démonstration pédagogique sur « comment jouer du djent en dix leçons ». Les musiciens sont talentueux mais proposent quelque chose qui n’émeut pas et ne captive pas malgré quelques riffs bien sentis. Periphery aura fort à faire.
Ces derniers ont toujours eu quelque chose que les autres groupes du genre n’avaient pas. Un sens de la mélodie plus sophistiqué, des compositions moins classiques et quelques riffs extrêmement accrocheurs, « Alpha » en témoigne. Pour peu que le côté « geek » du groupe et l’imperméabilité de certaines compositions ne rebutent pas, Periphery offre une musique de qualité souvent copiée mais peu égalée, n’en déplaise à certains. Les musiciens en imposent : trois guitares jouant des parties aussi complexes obligent. Trois guitares, c’est aussi une difficulté supplémentaire pour obtenir un son digne de ce nom. En ceci réside le principal écueil du set : les balances n’ont pas rendu justice à la technicité et la précision des compositions.
Le chant de Spencer Sotelo est parfois inaudible malgré le talent de celui-ci. Ni Misha Mansoor, Mark Holcomb ou Jake Bowen ne parviennent à palier la piètre qualité sonore du set. Cela n’empêche pas de se laisser entraîner par des titres phares tels que « Masamune » ou « Ragnarok », mais la frustration est de mise. Alors oui, Periphery domine son set, leur batteur Matt Halpern est tentaculaire, le show lumineux est de bonne facture et le groupe a son public. Simplement, on reste à l’écart, peinant à retrouver l’excitation que l’on a lorsqu’on parcourt les œuvres de Periphery, à l’affût du moindre petit arrangement.
Un concert qui ne laisse pas de grands souvenirs malgré l’affiche alléchante encore une fois œuvre de Sounds Like Hell Productions et une organisation très correcte. Un concert qui, une fois terminé, force à s’interroger sur la pertinence d’un genre saturé. Même Periphery ne s’est pas révélé être un brillant avocat ce soir là. Sympathique certes, mais sympathique pour un groupe de cette trempe n’est pas suffisant. Au final la prestation des trois groupes conjugués créent une impression peu flatteuse : celle d’une musique fastidieuse, redondante, surproduite ; en somme indigeste.
Setlist (sous réserve) :
Muramasa
Ragnarok
Masamune
Psychosphere
The Scourge
Make Total Destroy
Icarus Lives!
The Bad Thing
Alpha
Graveless
Rappels :
Memento
Four Lights
Stranger Things
Live report : Thibaud Bétencourt.