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Interview   

Pestilence : neuvième vague


Patrick Mameli est bien dans sa tête et dans son corps, vivant une vie saine alliant la pratique cérébrale de la musique et l’exercice physique, notamment via les arts martiaux. En conséquence, il sait ce qu’il veut et rien ne peut l’arrêter, pas même un grand renouvellement de line-up ou une pandémie. Avec Exitivm il tape du poing sur la table. Musicalement d’abord, avec des chansons techniques, virulentes et qui vont droit au but. Thématiquement ensuite, en dénonçant ce qu’il voit comme des doctrines et la destruction de tout ce qu’il y avait de bien dans le monde.

Dans l’entretien qui suit, il est donc forcément question de ce neuvième opus de Pestilence, des circonstances de sa création et des messages qu’il veut véhiculer, mais aussi du classique Testimony Of The Ancients paru il y a trente ans et que le groupe célèbrera avec une tournée, et plus largement de la psychologie de Patrick Mameli qui, au-delà de Pestilence, cumule les projets, à l’instar du dernier-né Drone-187 avec lequel il s’essaye à la musique électronique.

« Il faut que ce soit ce que je peux faire de mieux, car autrement, si je n’ai plus d’idées, j’arrête. C’est aussi simple que ça. Je n’ai pas envie d’être un de ces groupes qui sortent album après album et ça sonne toujours pareil. »

Radio Metal : Vous venez de faire il y a quelques jours un live-stream. Comment était-ce de jouer dans ces circonstances inhabituelles ?

Patrick Mameli (chant & guitare) : Pour être honnête, je n’ai vraiment pas envie de réitérer l’expérience parce que c’était trop aseptisé pour moi. Il n’y a pas de public, pas d’applaudissements, pas d’interaction avec les gens. Je n’ai pas trouvé ça très intéressant à faire. Enfin, c’est personnel. Si d’autres groupes veulent le faire et disent que c’est la bonne marche à suivre… Avec un peu de chance, la pandémie sera bientôt terminée, donc on pourra revenir à la normale – peu importe ce qu’on appelle « normal » aujourd’hui, c’est dur à définir. C’était la seule manière de proposer un concert, donc nous l’avons fait et nous l’avons proposé gratuitement aux fans. A cet égard, c’était une exception acceptable pour nous afin de rester dans le coup, car nous n’avons pas envie d’être oubliés, d’autant que l’album est sur le point de sortir. C’est très bien qu’il y ait une continuité et que les gens voient le nom de Pestilence apparaître un peu partout, donc c’est une bonne chose. Généralement, les groupes n’aiment pas simplement répéter pour eux-mêmes, ils aiment avoir au moins quelques retours des fans, et les fans peuvent commenter dans la section commentaires et alors on peut voir comment ils réagissent, que ce soit aux nouveaux morceaux ou au reste. D’après ce que j’ai compris, pas mal de gens ont regardé le concert et tout le monde était plutôt positif, mais personnellement, ce n’est pas quelque chose que j’ai envie de faire plus souvent dans un avenir proche.

C’était important pour toi que ce soit un événement gratuit, malgré la perte de revenu due au manque de tournées ?

C’est une décision qui vient entièrement du groupe. Nous ne sommes pas les seuls à être affectés financièrement par cette pandémie, les fans aussi le sont, des gens ont perdu leur boulot, d’autres groupes n’ont pas le droit de jouer et de voyager d’un pays à l’autre, etc. Donc tout le monde a sa petite histoire à raconter. Nous nous sommes dit que nous pouvions proposer ça gratuitement aux fans, car ça leur permettrait d’oublier un instant leurs problèmes et de s’unir en une seule grande communauté ou famille du metal. Toute l’idée derrière ce concert était de faire preuve d’un peu de solidarité avec les gens qui n’ont pas les moyens de mettre de l’argent dans un live-stream.

Depuis la sortie d’Hadeon, le groupe a été complètement renouvelé – à l’exception de toi, évidemment. Tilen Hudrap est parti amicalement à cause de conflits d’emploi du temps, puisqu’il joue avec U.D.O. Son remplaçant Edward Negrea est lui-même parti pour se concentrer sur sa carrière professionnelle. Tandis que le batteur Septimiu Hărşan a mis un terme à sa carrière dans la musique à un niveau professionnel à cause de la situation avec la pandémie. Cependant, il ne me semble pas qu’il y ait eu une annonce pour le départ de Calin Paraschiv. Que s’est-il passé avec lui ?

Après avoir tourné pour Hadeon, j’ai simplement remarqué que, pendant la tournée, nous ne nous entendions pas sur le plan professionnel. En tant que personne, je n’ai aucun problème avec qui que ce soit, je suis quelqu’un de très facile à vivre, mais là il y avait des choses sur le plan professionnel. Laisse-moi reformuler tout ça : j’ai maintenant l’avantage d’avoir un groupe uniquement constitué de musiciens néerlandais. La mentalité est différente et il n’y a pas la barrière de la langue. Je trouvais qu’avoir trois Roumains dans le groupe, c’était un peu trop. Ces gars s’entendaient mieux entre eux et j’avais l’impression d’être seul contre trois, ce qui n’est pas bon pour être créatif musicalement et pour le groupe. Ce n’était pas sain. Je n’ai rien de personnel contre ces gars, mais pour moi c’est une aubaine de pouvoir désormais jouer dans un groupe à cent pour cent néerlandais. Il n’y a quasiment pas d’écart de mentalité. Maintenant, ce n’est qu’une question de personnalité. Les Néerlandais sont des gens qui vont droit au but et quand ils ont un problème, ils en parlent et ensuite c’est fini. Il n’y a pas de drame et j’aime beaucoup ça. Voilà pourquoi je suis content de cette issue.

Quand on repense aux débuts de Pestilence, nous avons toujours eu un groupe de gens internationaux. J’ai l’habitude des changements de line-up, et c’est même quelque chose que j’ai encouragé. Il faut voir ça comme une nouvelle aventure et à chaque fois qu’il y a de nouvelles personnes, la musique bénéficie de différents apports. Avoir différentes personnes implique un résultat musical différent. Je trouve ça assez excitant de voir comment différents batteurs jouent sur ma musique. On peut avoir son préféré, mais… J’ai toujours cherché à trouver la meilleure combinaison de musiciens qui fonctionne à un instant donné. Actuellement, je trouve que cette combinaison est la plus magique que j’ai eue depuis très longtemps, car comme je l’ai dit, il n’y a pas la barrière de la langue, nos mentalités correspondent et il y a une énergie très positive. Nous vivons proches les uns des autres, à une heure ou une heure et demie de route. Nous pouvons répéter, discuter de musique, enregistrer un album, etc. C’est beaucoup plus facile que d’avoir des gens qui doivent constamment prendre l’avion et toute cette absurdité financière.

Quand tu recherchais un bassiste pour remplacer Tilen, tu as spécifié dans ton annonce : « Pas de jeu au médiator, seulement aux doigts. » Est-ce une question de son ou penses-tu qu’un bassiste qui joue au médiator est forcément limité techniquement ?

Non, c’est juste… Comment bien tourner ça ? Je pense que quand on joue au médiator, on ne ressent pas vraiment son instrument. Je pense aussi que quand on joue aux doigts, le son est différent et ça requiert beaucoup plus d’entraînement pour obtenir un bon son. Je pense que les gens qui utilisent leurs doigts sont globalement de meilleurs bassistes que ceux qui utilisent un médiator. Prends le jazz par exemple : je n’ai jamais vu de bassiste – peut-être un et il s’est fait moquer – jouer de la basse au médiator. Je n’ai pas envie d’attirer un certain type de bassiste dans Pestilence. Si le bassiste n’est capable de jouer qu’au médiator, je sais plus ou moins quel genre de personne il est, et ce n’est pas le genre de personne que je veux dans mon groupe. Ce n’est pas discriminant, parce que je ne parle pas de culture, de couleur de peau ou quoi que ce soit de ce genre. C’est vraiment lié à une certaine technique qu’on utilise quand on joue avec les doigts au lieu d’un médiator.

« J’ai juste envie que chaque personne écoute l’album sans penser à un autre album de Pestilence, qu’elle profite de l’album, car quand on commence à réfléchir à comment ça sonne, ça nous détourne déjà du but de la chanson. »

Comme tu l’as mentionné, Pestilence a connu un gros turnover de musiciens au fil des années. Il n’y a pas deux albums du groupe qui ont été enregistrés par le même line-up. N’est-ce pas épuisant à un moment donné de gérer les allées et venues de musiciens, de devoir faire des recherches, de faire en sorte qu’ils apprennent les chansons, etc. ?

Oui, c’est ce qu’on pourrait croire, mais le niveau technique de la musique que je joue n’est pas le plus difficile mais ce n’est pas non plus le plus facile, donc c’est beaucoup lié à ça. Je me débrouille toujours pour trouver des musiciens qui sont d’un certain standard et niveau, et je n’ai pas besoin de leur expliquer la musique. Ils la connaissent déjà. Si tu veux jouer dans Pestilence, tu dois connaître la musique, ton instrument et ton matériel, et tu dois déjà avoir un certain niveau. Avec la plupart des gars avec qui je travaille, je ne suis pas obligé d’expliquer ce qu’il en est, ils font simplement leur boulot. C’est plus épuisant quand il y a des personnalités trop différentes, des approches différentes et quand ils ont des objectifs différents. Au final, c’est vraiment une question d’honnêteté. Je suis toujours honnête, car je crois en l’honnêteté. Quand on ment… Il faut bien se souvenir de ce qu’on dit et fait. Je suis toujours très direct par rapport à ce que je veux d’un musicien. Il est souvent arrivé au fil du temps qu’un musicien change de mentalité, et quand c’est le cas et qu’il n’a pas de bonne explication à donner, c’est le moment de s’en séparer.

Il y a aussi une chose qui est très importante et qui est souvent négligée : ce n’est pas que les gens ne peuvent pas travailler avec moi ou que je ne peux pas travailler avec les gens, la plupart du temps c’est plus que les gens avec qui je travaille ont leurs propres projets qui sont prioritaires pour eux. Par exemple, Peter Wildoer a Darkane et c’est son groupe principal. Tony Choy avait Atheist et c’était son groupe principal. Dave [Haley] a Psycroptic et c’est son groupe principal. Ce n’est pas que je ne voulais plus de ces gars, c’est qu’ils ont leurs propres projets et au bout d’un moment ils veulent continuer à faire ça. C’est vraiment la raison principale.

Comment parviens-tu encore à trouver des musiciens talentueux pour qu’ils jouent dans Pestilence ?

C’est juste avec les tournées et en regardant les gens disponibles sur internet ou bien où chercher. Par exemple, je trouve des gens sur internet qui connaissent peut-être un bassiste ou alors je regarde dans un magazine de bassistes et je me renseigne sur les bassistes. Quand ils me connaissent ou connaissent mon nom, je n’ai encore vu personne me dire non. Le nom parle de lui-même et nous voulons être aussi professionnels que possible, donc j’attire aussi ce genre de personne. Je ne suis pas obligé de mettre des annonces disant : « Pestilence a besoin d’un bassiste. » Bien sûr, je le fais sur ma page Facebook personnelle, mais ça vient directement de moi.

Concernant le dernier line-up, mon guitariste, Rutger [van Noordenburg], a ouvert pour Pestilence sur la tournée avec Bleeding Gods. Je me suis intéressé à lui et tous les soirs, il était au top, il avait une énergie très positive, il était toujours très énergique sur scène. Je lui ai donc dit : « Si tu ne fais rien avec Bleeding Gods, tu peux rejoindre Pestilence », car je recherchais un guitariste. Rutger connaît pratiquement tout le monde dans la scène, surtout la scène néerlandaise, donc c’était très facile de lui demander à qui nous pourrions faire appel. Il a proposé Michiel [van der Plicht], qui avait quitté God Dethroned. Il jouait juste de la batterie pour Carach Angren, le groupe de typé black metal, donc il a rejoint Pestilence et il adore. Le bassiste vient de Dew-Scented, I Chaos et Creepmime, et j’ai produit le premier album de ce dernier. Je connais ces gars. Tout est lié. C’est un petit groupe de gens aux Pays-Bas qui sont de bons musiciens et qui sont passés par le conservatoire, et tout le monde se connaît. Joost [van der Graaf], mon bassiste, est professeur. Michiel, le batteur, est professeur de batterie. Ils ont tous des liens et ainsi de suite, donc c’était très facile.

Comme je l’ai dit, la pandémie a eu raison de la carrière de Septimiu. Mais qu’en est-il de toi ? Comment as-tu personnellement été affecté par la situation en tant que musicien professionnel ?

Ce n’est pas un grand secret que ça nous a tous affectés et qu’on ne peut rien attendre du gouvernement. Quand il y a une pandémie ou une crise, peu importe le pays, la première chose qu’ils arrêtent, c’est la culture, la musique, les concerts et ce genre de chose. Nous n’avons donc reçu aucune aide financière de notre gouvernement, ce qui me fait dire qu’ils se fichent un peu des musiciens, de l’art, de la culture, des musées, des peintres, etc. Tous ces gens travaillent très dur dans leur domaine et ils sont mis à la marge comme s’ils n’étaient rien. Personnellement, je ne suis pas du genre à beaucoup sortir, je ne vais pas souvent voir des concerts et je ne voyage pas beaucoup. Ma journée, principalement, c’est : je me réveille, je prends mon café et ensuite je vais à la salle de sport, ou alors j’y vais plus tard, puis je me pose dans mon petit studio et je fais de la musique. Donc quand ils me mettent en confinement, je m’en fiche, parce que de toute façon, je fais de la musique tous les jours, c’est mon boulot. Je compose des démos pour de grosses boîtes, et je peux toujours le faire, quand un nouveau plugin sort. Quand un nouveau VST sort, je crée des morceaux ambients pour ces gens.

« Je regarde autour de moi dans la réalité où on vit aujourd’hui, ça paraît déjà être de la science-fiction ! Je vois tous ces extraterrestres et ces zombies qui déambulent [rires]. »

Je peux continuer à faire ça, mais je ne peux pas faire ma passion et mon boulot, c’est-à-dire Pestilence, et avoir un des revenus réguliers, car faire ces démos ne rapporte pas énormément. Heureusement, ma fiancée a un boulot stable et nous vivons grâce à ses revenus, ce qui est terrible pour moi. Etant l’homme de la maison, je veux subvenir à nos besoins ; quand ça allait bien, je pouvais le faire, mais maintenant ce n’est plus possible. Je suis quelqu’un de très critique. Il faut que je fasse attention à moi et à ce que je ne sois pas trop négatif par rapport à la situation, car ça pourrait me faire déprimer. Heureusement, les salles de sport sont de nouveau ouvertes, donc je peux y aller et évacuer mon agressivité. C’est vraiment la seule façon que j’ai de gérer ces conneries.

Exitivm a été plus ou moins composé en plein milieu de ce grand renouvellement de line-up, qui s’est ensuite stabilisé pour les enregistrements. Est-ce que cette période d’instabilité a eu le moindre impact sur toi et le processus de composition ou bien es-tu imperturbable à cet égard ?

J’ai toujours de la suite dans les idées et j’ai une grande force de volonté, et je suis en plutôt bonne santé, je mange sainement. J’ai un bon équilibre mental et physique, donc je ne laisse pas quelque chose comme ça me démoraliser. Je suis mon plan. J’ai créé les chansons comme je les ai toujours créées. Maintenant, avec cette technologie, ça devient plus facile de faire des pré-enregistrements à la maison. J’ai tout fait à la maison, les synthés y compris. Tout a été déjà préprogrammé et pré-produit, donc c’était très facile de donner des exemples et des lignes directrices aux gars pour leur montrer comment j’aimerais que les chansons soient jouées. Encore une fois, je ne prends que des musiciens capables de faire le boulot comme il faut et de jouer les morceaux de Pestilence comme ils doivent être joués, donc quand j’ai donné ces exemples aux gars, je n’avais pas vraiment peur et je n’étais pas inquiet que ce soit différent des autres albums que j’ai faits par le passé.

L’album a été enregistré au studio Pitchnote Productions sur une période de deux mois entre juin et août 2020, donc en pleine pandémie et à une période de restrictions sanitaires, surtout pour ce qui est des voyages. Penses-tu que le fait d’avoir un line-up entièrement néerlandais a facilité les choses aussi de ce point de vue ?

Absolument, car je ne suis pas obligé de faire venir les gens en avion. Mon guitariste, Rutger, joue aussi dans un autre groupe qui s’appelle Shinigami, et le gars qui joue avec lui dans ce groupe est aussi guitariste, il s’appelle Jory [Hogeveen]. Il connaissait Jory suite à ce groupe, mais aussi par les productions qu’il a réalisées. Je me suis dit que j’allais essayer son home studio. J’y suis allé et je lui ai fait écouter deux ou trois morceaux, mes démos et mes idées. Il s’est senti honoré, mais je lui dis de ne pas se sentir comme ça. Je voulais avoir une approche amicale : « Tu peux me dire tout ce que tu veux. » Ce qui est bien, c’est que je n’étais pas obligé de constamment regarder l’horloge parce que nous louions un studio ailleurs, que le temps c’est de l’argent, que peut-être à six ou sept heures le gars dirait qu’il rentrait chez lui et que le reste de la soirée, nous serions baisés, nous ne pourrions rien faire. Quand nous avons commencé à enregistrer, nous sommes juste allés chez ce gars et c’était très confortable, nous nous amusions et nous parlions de musique et d’autres sujets. Tous les gars dans le groupe et Jory, nous ressentons la même chose à propos de la pandémie. Je n’ai pas besoin de me faire tester pour aller là-bas. Notre mentalité est que nous n’avons pas peur d’une grippe ou de quoi que ce soit. Donc nous nous réunissons et nous faisons quelque chose, et nous ne sommes pas tombés malades. Nous ne sommes même pas tombés malades en ayant été en République tchèque, car nous y sommes allés faire un concert et il ne s’est rien passé.

Donc je prenais ma voiture pour aller chez ce gars, ça prenait une heure, et après ça, je revenais chez moi, je me détendais avec ma copine, je promenais le chien et je faisais mes trucs. Nous travaillions tôt le matin jusqu’à tard le soir, et nous arrêtions dès que nous pensions ne plus avoir d’idées, donc chacun rentrait chez soi. Trois ou quatre jours pouvaient passer entre les sessions. Ce n’est pas comme si nous étions au studio pendant deux semaines et qu’il fallait que nous fassions quelque chose. Nous pouvions étaler le processus. De même, Agonia Records m’a mis aucune pression parce qu’ils savent le genre de projet que je peux faire. Ils me font entièrement confiance et je leur fais entièrement confiance. J’ai vu ce qu’ils font de mon produit. Donc tout va bien. C’était très facile d’enregistrer cet album. Comme je l’ai dit, pas de drame, tout était très détendu.

« J’essaye d’éviter autant que possible de m’inspirer soit de films, soit de BO de films, soit d’autres musiques faites par d’autres musiciens, parce que je sais que je suis une éponge et je n’ai pas envie d’utiliser une idée et de me l’approprier alors que ce n’est pas vraiment la mienne. »

Le dossier de presse qualifie Exitivm de « réinvention et confirmation de tout ce que le groupe représente depuis 1986 ». D’après toi, quelle est la place de cet album dans la longue histoire de Pestilence ?

C’est une question un peu absurde, parce que tout ce que j’ai fait par le passé est valide, n’est-ce pas ? Car tout ce que j’ai fait par le passé est une photo dans un album photo. Chaque album représente une époque, et on évolue en tant que musicien, en tant que personne, on vieillit, on a plus de centres d’intérêt ou des centres d’intérêt différents ou des influences musicales ou peu importe. Tout ce que j’ai fait par le passé est une progression constante. Je pense que ceci est ce que je peux faire de mieux. Il faut que ce soit ce que je peux faire de mieux, car autrement, si je n’ai plus d’idées, j’arrête. C’est aussi simple que ça. Je n’ai pas envie d’être un de ces groupes qui sortent album après album et ça sonne toujours pareil. Je crois vraiment que tout ça est une question de talent, car quand on perd son imagination et cette petite étincelle dont on a besoin pour créer quelque chose de nouveau… Je comprends qu’il y a des règles dans le death metal et que si on enfreint ces règles, ce n’est plus considéré comme du death metal, mais entre Hadeon et celui-ci, on voit qu’il y a de nouveau une différence, il n’y a pas deux albums semblables. C’est comme ça que j’entretiens mon intérêt et celui de l’auditeur. Nous n’avons jamais été trop fans de l’image, du fait de porter des clous, du corpse paint et ce genre de chose. Nous n’avons jamais fait ça. Le maquillage, c’est pour les femmes. J’ai cinquante-trois ans, je ne peux pas chanter à propos de zombies et ce genre de choses. Ce n’est tout simplement pas pour moi.

Je te posais cette question aussi parce que j’ai pu voir des gens faire des commentaires à propos de la chanson « Deificvs » en mentionnant un côté à la Spheres, des riffs à la Testimony Of The Ancients avec un peu de Consuming Impulse. Etant un groupe tourné vers l’avenir, qu’est-ce que ça te fait quand les gens comparent tes nouvelles chansons à tes vieux albums ?

C’est à la fois bien et pas bien. C’est bien parce qu’au moins c’est Pestilence et ils ne disent pas que ça sonne comme Morbid Angel, Obituary ou un autre groupe. Mais je dois vraiment dire que tout le monde dans le groupe connaît ma discographie et personne n’a dit que ça sonnait comme Spheres, Consuming ou Testimony. Ce n’est vraiment pas l’impression que ça me donne. Le son est différent, le riffing est différent, mais au moins, ils l’associent à Pestilence. Ça me va. Ça ne me dérange pas et je comprends bien que les gens ont toujours envie de comparer. Il faut toujours qu’ils comparent à autre chose. Ce n’est pas qu’avec la musique, c’est avec à peu près tout : on a besoin de comparer pour déterminer si quelque chose est valide ou pas. J’ai juste envie que chaque personne écoute l’album sans penser à un autre album de Pestilence, qu’elle profite de l’album, car quand on commence à réfléchir à comment ça sonne, ça nous détourne déjà du but de la chanson. Quand on écoute l’album au casque, par exemple, plein de petites choses se passent, et ça peut faire dire : « Ce truc me rappelle Spheres », mais personnellement, je ne vois aucune référence dans le riffing, parce que je connais toutes les chansons de Spheres, donc je ne sais pas d’où vient cette comparaison. D’un autre côté, chacun a le droit d’avoir son propre avis et si vous pensez que ça sonne comme Spheres, alors c’est que ça sonne comme Spheres. C’est votre réalité. Tout le monde a un avis et c’est bien.

L’album a une atmosphère très sci-fi. Je sais que tu mets un point d’honneur à ne pas être influencé par d’autres musiques, mais t’influences-tu d’autres formes d’art, et en particulier des films et de la littérature de science-fiction ?

Je ne lis pas de livre et je ne regarde pas de films de science-fiction. Je ne regarde pas du tout de films, en fait. Je regarde autour de moi dans la réalité où on vit aujourd’hui, ça paraît déjà être de la science-fiction ! Je vois tous ces extraterrestres et ces zombies qui déambulent [rires]. Ce truc d’horreur/science-fiction se déroule sous mes yeux, donc je n’éprouve pas vraiment le besoin de me détourner de la réalité et de regarder quelque chose pour m’inspirer. Encore une fois, ce n’est pas un secret, j’essaye d’éviter autant que possible de m’inspirer soit de films, soit de BO de films, soit d’autres musiques faites par d’autres musiciens, parce que je sais que je suis une éponge et je n’ai pas envie d’utiliser une idée et de me l’approprier alors que ce n’est pas vraiment la mienne. J’essaye d’être aussi valide que possible par moi-même en faisant de la musique originale. Je me souviens dans le temps, je crois que c’était à l’époque de Consuming, tout le monde écoutait du metal, du death metal et toutes sortes de musiques, et je trouve que certains riffings sonnaient comme du Morbid Angel ou du Possessed. Tu peux demander aux gars qui ont été dans le groupe, dès que je dis que ça sonne comme autre chose, je laisse tomber le riff, je ne le fais pas.

« Certaines personnes ont besoin de retrouver une ouverture d’esprit et de ne pas s’enfermer dans cette petite bulle dans laquelle cette doctrine nous force à être, afin de ne pas penser par soi-même et d’avoir juste peur de l’avenir. Avec Pestilence, j’essaye de briser cette règle qui nous est imposée. »

Concernant ces trucs de science-fiction, je ne dirais pas que ça sonne forcément science-fiction. Ce sont juste des accords de huit notes qui ont une sonorité étrange. C’est musical parce que ça colle avec la musique. J’ai des chœurs ; je transpose le riffing et je mets des chœurs dessus, et ensuite ça sonne comme ça. J’ai fait des choses dans cette veine avec Testimony Of The Ancients, mais pas jusqu’à ce point. Je ne voulais pas non plus trop en faire, donc j’ai laissé ça bien dans le mix, au lieu de faire ce que certains groupes de black metal font, avec des chœurs ou je ne sais quel type de son qu’ils mettent bien en avant. Je trouve quand même que ça fonctionne vraiment bien, ça a une utilité et ça sonne étrange. L’album est très agressif et il avait besoin de ce genre de chose, comme des violons, des chœurs et des sortes de sonorités extraterrestres.

Le nom Exitivm signifie « destruction totale » en latin. Il se trouve que, même si ce n’était pas un album conceptuel, Hadeon avait ce thème de la fin de la civilisation à cause de la technologie qui prend le pouvoir. Vois-tu Exitivm comme une continuité et une progression par rapport à Hadeon, autant sur le plan des textes que de la musique ?

On dirait bien. Il a l’air d’y avoir une progression musicale naturelle mais aussi une progression naturelle au niveau des paroles, avec lesquelles j’aborde des sujets que je n’ai pas abordés dans Hadeon mais qui auraient très bien pu l’être. Même si je n’ai pas du tout envie que Pestilence devienne un groupe politisé ou politique, ce qui se passe autour de moi est suffisamment bizarre et effrayant pour y penser sans avoir à le faire de manière politisée. Le truc, comme je l’ai dit, c’est que je n’ai pas envie de chanter à propos de zombies. Je n’ai pas envie de chanter sur la mort de cette façon ou en parlant de sang et de tripes et ce genre de chose. Ma réalité, c’est une réalité où je vois ce qui se passe aujourd’hui, et je trouve que c’est quelque chose qui doit être abordé. Cette musique est parfaitement en phase avec son époque, car Exitivm veut dire destruction totale et je vois que nous sommes dans une phase où la destruction totale a lieu partout : destruction totale de l’unité, destruction totale de l’altruisme, destruction totale de la direction dans laquelle on devrait aller… On prend une autre direction et celle-ci est dictée par des gens qui préparent de mauvais coups.

Cette société technocratique qu’on se crée ou dans laquelle on se laisse entraîner, où on trouve normal de se faire implanter des puces… J’étais en Suède il y a quelques années, nous étions dans un hôtel et j’ai vu un gars payer avec sa main. J’étais là : « Qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? » Il a répondu : « Je suis en train de payer. » Je lui dis : « Où est votre carte bleue ? » Il répond : « Je l’ai juste là, à l’intérieur de ma main. J’ai une puce. » Ça m’a fait dire que pour ces gens en Suède, c’est déjà une normalité. C’est normal maintenant pour les gens – un couple, par exemple – d’aller au restaurant et de ne pas se parler. Chacun est occupé avec sa petite vie et sa propre maison. Le lien entre les gens est en train d’être détruit. C’est de ça que je parle dans Exitivm : ça veut dire la destruction totale de tout ce qu’on a connu dans le passé et qui était bien. Bien sûr, il y avait un tas de mauvais trucs aussi, mais maintenant c’est une échelle globale et on fait comme si c’était la chose la plus normale qui soit dans la vie.

La société est en train de se tuer en ayant peur d’une pandémie. Tout le monde porte son masque et si tu ne portes pas ton maque, les gens te regardent comme si tu étais un lépreux, un fou ou un idiot. Cet endoctrinement constant et ce qu’on voit à la télévision sur le Covid-19 et toutes ces choses, c’est… Je n’ai plus envie d’allumer la télé. Ça fait des années que je n’ai pas regardé de films parce que j’essaye de fuir cette doctrine dans laquelle on est tous. Ce n’est pas une doctrine d’amour, je dirais plutôt que c’est une doctrine de haine. C’est la raison pour laquelle j’écris de la musique et des paroles qui collent à la société moderne dans laquelle on vit. J’ai envie de parler de la situation actuelle, car je pense que c’est important et peut-être que les enfants du futur, quand ils repenseront à cette époque et entendront Exitivm, ils sauront que c’est un reflet fidèle de cette époque. Je trouve que ces mots et ces paroles sont beaucoup plus valides que ce à quoi on est habitués, car les gens doivent se réveiller et comprendre qu’on ne peut pas continuer à faire ce qu’on fait.

Maintenant, je parle de la musique, par exemple : il faut évoluer, il faut devenir un meilleur musicien, etc. Même si tu fais du divertissement, il y a toujours des gens qui vont te juger d’une manière ou d’une autre, par exemple en mettant une note à ton album. Quand les gens notent mon album, certaines de ces personnes ne jouent pas d’un instrument, elles parlent juste de ce qu’elles ressentent. Comment un album sonne pour telle personne ? Si elle trouve que ça sonne comme Spheres et qu’elle n’aime pas Spheres, elle lui donne une mauvaise note. Certaines personnes ont besoin de retrouver une ouverture d’esprit et de ne pas s’enfermer dans cette petit bulle dans laquelle cette doctrine nous force à être, afin ne pas penser par soi-même et d’avoir juste peur de l’avenir. Avec Pestilence, j’essaye de briser cette règle qui nous est imposée.

« Je ne vois pas comment une chanson peut s’améliorer au-delà de trois, quatre ou cinq minutes. Au-delà, on est distrait. »

Exitivm est donc un concept. Dans une des premières annonces sur l’album, tu as demandé : « Êtes-vous prêts pour le retour des anciens avec Exitivm ? », ce qui a tout l’air d’une référence directe à Testimony Of The Ancients. Vois-tu un lien entre les concepts de ces deux albums ?

Non, pas vraiment, parce que Testimony parlait plus de la nature de l’existence humaine et c’était philosophique, même si j’abordais des sujets qui sont toujours pertinents aujourd’hui. Avec les anciens, je fais référence aux pouvoirs extérieurs en place. Quand on remonte l’histoire jusqu’aux anciens pharaons, ils parlaient déjà d’ovnis, d’extraterrestres et de ce genre de chose, et aujourd’hui c’est un sujet brûlant. Il y avait des discussions sur les anciens manuscrits de la mer Morte et sur les Anunnaki. Les anciens, c’est juste une métaphore pour parler de ces forces négatives qui ont toujours été là. Dès qu’elles se frayent un chemin au travers des fréquences, quand une personne est très négative, elles le ressentent et se nourrissent de ces gens. C’est juste une métaphore pour comprendre qu’une action entraîne une réaction.

Quand on est une bonne personne, le bien vient à nous. Quand on ne traîne qu’avec de bonnes personnes, de bonnes choses nous arrivent. Quand on aide des gens, de bonnes choses nous arrivent et d’autres gens vont nous aider. D’un autre côté, quand on est quelqu’un de très négatif, on ne peut que trouver de la négativité. C’est juste une loi de la nature. C’est comme ça. Les anciens sont négatifs et la boule mécanique sur la pochette de l’album, c’est nous, Pestilence et c’est la vie éternelle parce qu’elle est ronde, elle n’a pas de début ou de fin, et nous nous retrouvons entourés de négativité. Je ne fais que parler en métaphore là, on est d’accord ? C’est de la négativité et nous sommes cernés par elle, et nous devons nous extirper de cette situation. Avec un peu de chance, avec le prochain album, je pourrais écrire des paroles un peu plus positives, et on verra ce qui se passera. Tout ça, c’est un reflet de notre époque. Testimony c’était avant, et là c’est maintenant.

La chanson « Morbvs Propagationem » signifie quelque chose comme « propagation de la maladie ». Etait-ce inspiré directement par le Covid-19 ou vois-tu ceci comme un genre de chanson prophétique ?

C’est les deux. Je décris juste ce qui est en train de se passer et « Morbvs Propagationem », c’est une manière de dire : « Me voilà, j’apporte la maladie. Je fais en sorte que tout le monde tombe dans mon piège et tombe malade. C’est ma prérogative. C’est ma volonté. » Quand on voit le clip vidéo, évidemment ça ne parle pas d’un gars qui court après un autre. C’est le bien contre le mal et on doit vaincre ce qui est mauvais. C’est la raison pour laquelle, à la fin, on ne voit pas le gars se faire éclater la tête, parce que nous ne trouvons pas que ce soit très nécessaire. Autant laisser la fin ouverte à quelque chose de nouveau pour l’auditeur et le spectateur, car il y a toujours de l’espoir. C’est quelque chose que je veux offrir aux gens : il y a toujours de l’espoir dans ce genre de situation. Ne vous laissez pas distraire par les doctrines que vous voyez à la télévision et par tous ces faux prophètes qui disent de la merde et vous font peur.

Gardez la tête froide, écoutez votre propre corps, faites de l’exercice, mangez sainement… Je suis un grand partisan de ne plus mettre de la merde dans mon corps comme j’en avais l’habitude quand j’étais plus jeune. Bien sûr, je fais la fête comme tout le monde, mais il y a des choses que je ne fais plus. J’ai l’impression d’être beaucoup plus en phase avec moi-même et plus de gens devraient faire ça. Allez à la salle de sport et faites de l’exercice, et soyez quelqu’un de positif. Je raconte mon histoire. Mais cette chanson a vraiment été écrite avant la pandémie. Ce n’est pas genre : « Je sais qu’une pandémie arrive, écrivons une chanson sur le Covid-19. » Ça ne marche pas comme ça. La plupart du temps, j’ai mes paroles ou des extraits de paroles qui sont faits, et là c’est juste une belle coïncidence que ce soit encore plus pertinent avec la période que l’on vit maintenant.

Toutes les chansons sont en latin : qu’est-ce que cette langue représente pour toi ?

Le latin est, avec peut-être l’hébreu, l’une des langues les plus anciennes. Elles sont plus vieilles que le temps. Je les trouve très puissantes. On peut dire « celui qui apporte la maladie » et ça sonne assez cool, mais si on dit « Morbvs Propagationem », ça sonne encore plus cool. Donc je me suis dit que j’allais utiliser uniquement des titres de chansons en latin. C’est encore une fois une nouveauté, c’est quelque chose de différent. Ce n’est pas la même chose que j’ai faite sur tous les albums. J’ai trouvé que c’était assez original. Je n’ai pas vu d’autres groupes mettre tous ses titres en latin. Donc je me suis dit que j’allais poursuivre sur cette idée et pour le prochain album, j’essayerai de retrouver autre chose d’original.

« Testimony Of The Ancients est l’album avec lequel j’ai réellement créé Pestilence. »

Vous avez fait un shooting photo au même endroit, à Valkenburg, où vous aviez filmé le clip vidéo de « Land Of Tears ». A quel point est-ce symbolique ?

J’ai trouvé cet endroit vraiment magique quand nous avions enregistré notre clip vidéo là-bas. J’avais toujours dans un coin de la tête que je voulais y retourner, peut-être en tant que touriste, mais je me suis dit : « Et pourquoi ne pas y aller pour prendre des photos ? » Le feeling global et l’atmosphère que je ressens là-bas sont en phase avec les couleurs de la pochette de l’album. Ça colle vraiment bien à ce que je veux dire avec l’album, il y a cette atmosphère magique et tout le monde connaît ça par rapport à Pestilence. J’ai donc pensé que ce serait vraiment cool de retourner à cet endroit que les gens associent au clip vidéo de « Land Of Tears » pour y prendre des photos. Tout le monde a adoré, donc je pense que c’était une bonne décision.

Testimony Of The Ancients va justement avoir trente ans en septembre cette année, et vous allez célébrer cet anniversaire avec une tournée qui commence en janvier prochain. Comment comparerais-tu ces deux albums – Testimony Of The Ancients et Exitivm – qui sont sortis à trente ans d’écart ?

J’aime bien Testimony mais je l’écoute de manière très analytique, donc j’entends seulement les erreurs. Par exemple, notre batteur à l’époque, Marco [Foddis], avait du mal avec la piste de click et le fait d’être régulier dessus. Parfois il accélérait puis il ralentissait à nouveau. Pour l’époque, c’était le mieux que nous pouvions faire, mais maintenant, nous sommes beaucoup plus en place. C’est la différence principale, la régularité des chansons. J’entends aussi que nous aurions pu faire mieux avec la production, car à l’époque, ce n’est pas vraiment moi qui faisais la production et l’ingénieur du son, je laissais Scott Burns faire. C’était ce que c’était. En progressant, je me suis de plus en plus chargé du travail de producteur et j’ai pu davantage modeler le son en fonction de ce que j’aime en musique. J’ai beaucoup de mal à écouter ma musique sans être un peu trop analytique. Je suis comme ça, c’est tout.

Je trouve que la production est beaucoup plus professionnelle et propre sur Exitivm. La maîtrise musicale est bien meilleure. Mais je comprends que quand on écoute un album pendant trente ans, on s’habitue au son et tout, et qu’on est à l’aise avec ça. Je trouve quand même qu’Exitivm est un bien meilleur album. Il faudra lui donner du temps pour que les gens retrouvent le même sentiment qu’ils ont avec Testimony Of The Ancients. C’est un album vraiment culte, mais j’espère vraiment qu’Exitivm deviendra tout aussi culte, même si je ne sais pas si on peut retrouver cette époque, quand le death metal prenait de l’ampleur avec les groupes de l’époque, le premier Morbid Angel, Altars Of Madness, le premier Possessed, Seven Churches, le premier Slayer… Cette époque était vraiment magique et spéciale. Maintenant, il y a énormément de groupes et d’albums qui sortent. Ce n’est plus aussi spécial qu’à l’époque, j’imagine. J’ai fait plein d’albums maintenant mais malgré tout, Exitivm est très spécial à mes yeux.

D’un point de vue promotionnel, ce n’est pas forcément une bonne idée de sortir un nouvel album quand un autre album célèbre ses trente ans, alors qu’il mérite qu’on lui prête attention. Il va donc valoir que je fasse une sorte de double tournée. D’abord, je vais tourner pour Testimony et ensuite me focaliser un peu sur Exitivm, parce que pour moi, c’est la continuation de ma carrière personnelle. Je pense que c’est très important que cet album reçoive autant d’attention que possible. Les deux albums se font un peu de l’ombre. C’est un peu le grand frère et le petit frère qui se battent pour avoir l’attention des parents. Les chansons que nous jouons encore de Testimony et celles que nous allons jouer pour la tournée – nous allons jouer tout l’album –, évidemment nous ne pouvons pas les jouer exactement pareil, car je n’ai plus les mêmes musiciens qui jouent à mes côtés. Les gars avec qui je joue maintenant sont bien meilleurs. Donc on peut s’attendre à du haut niveau d’interprétation, et j’espère que les gens vont aimer. A noter que tous les interludes que nous avions dans l’album feront aussi partie du concert. Ça se rapprochera donc quand même de l’album original et ça fera sans doute plaisir aux gens.

Toutes les chansons dans Exitivm sont sous la barre des quatre minutes, tandis que dans Testimony, la plupart dépassent les quatre voire cinq minutes. Est-ce que ça signifie qu’une chose que tu as apprise au fil des années, c’est de travailler avec la concision et de dire plus ou mieux en moins de temps ?

Il y a eu des études à ce sujet : les gens perdent leur intérêt après trois minutes. Il faut que ce soit comme des histoires courtes, autrement les gens dans le public vont peut-être vouloir aller se chercher une bière ou faire autre chose. Quand on a des chansons plus courtes et qu’on arrive à faire passer le message en moins de temps avec la même information, on gagne en énergie. L’auditeur comprend l’histoire qui est racontée en trois minutes. Je pense que c’est le nombre magique : trois minutes, trois minutes vingt ou trente. Je ne vois pas comment une chanson peut s’améliorer au-delà de trois, quatre ou cinq minutes. Au-delà, on est distrait. Certaines personnes aiment bien, mais je n’ai jamais fait de chanson qui dépassait les six minutes. Ce n’est tout simplement pas mon truc, je suppose.

« La discipline et le lien entre l’esprit, le cœur, le corps et l’âme sont très importants pour moi en tant que personne, mais aussi pour ma créativité dans ma musique. »

Avec Pestilence, j’ai ma manière de penser les ingrédients nécessaires à la chanson. Il faut qu’elle ait une introduction, une section centrale, un pont et une fin, et peut-être une partie qui se répète, mais il faut que ça reste simple et il ne faut pas mettre deux cents riffs dans une chanson, autrement les gens ne se souviendront plus du premier riff parce que ça part dans tous les sens et que c’est trop frénétique. C’est quelque chose que j’ai appris et mûri, mais en fait, je suis toujours resté fidèle à mon propre sentiment à cet égard. On voit aujourd’hui plein de groupes très techniques, ils se reposent sur des arpèges et ça va très vite. Je trouve que ça devient ennuyeux quand il y a un million de riffs dans une chanson et qu’on ne sait pas ce qu’il se passe. Ça vaut aussi pour les logos de groupes avec lesquels on n’arrive même pas à lire quel est le groupe. On veut promouvoir sa musique, donc il faut être accessible à un certain groupe de gens. S’ils ne peuvent même pas lire le logo, tu ne peux pas promouvoir ta musique ! Nous mettrons toujours ce que ça dit en caractères normaux.

Testimony Of The Ancients est l’album où, après le départ de Martin van Drunen, non seulement tu as pris le chant, mais tu as aussi orienté le groupe vers une approche plus mélodique et technique, et c’est aussi là que tu as abandonné toutes tes influences pour vraiment te concentrer sur ton propre style. Penses-tu que c’est avec et album que le voyage de Pestilence, tel qu’on le connaît aujourd’hui, a vraiment commencé ?

Testimony c’est là que j’ai arrêté d’écouter d’autres groupes de death metal pour ne pas être influencé. Avec Testimony, on pouvait déjà voir que je me dirigeais vers mon propre style. C’est là que j’ai commencé à me libérer des étiquettes que je m’imposais moi-même et à ne plus écouter la même musique que celle que je voulais jouer, car on a envie d’être original. Le premier album était très thrashy et nous écoutions Sepultura, Infernäl Mäjesty, etc. et ça s’entend dans l’album. Avec Consuming, nous écoutions plus Possessed et Death, et ça s’entend dans l’album, mais avec Testimony, on ne peut plus vraiment dire [quelles étaient nos influences], car nous faisions autre chose. Nous n’aurions jamais pu faire cet album avec Martin dans le groupe, car je voulais être plus technique alors que lui voulait ralentir et composer une forme plus simple de death metal, ce qui n’est pas un souci en soi, c’est tout aussi valide. Plein de gens aiment ce type de musique, donc c’est bien, mais ce n’est pas pour moi. Je n’ai pas envie de gâcher ma carrière en jouant une musique du passé. En tant que musicien, je veux évoluer, en apprendre plus sur la musique, travailler sur ma technique et ce genre de chose, c’est très important pour moi. J’aime étendre mon vocabulaire musical. Plus on connaît de lettres, plus on peut faire de phrases. C’est pareil avec la musique. Quand on en apprend davantage sur un langage, on peut faire des combinaisons différentes et trouver des solutions différentes. Testimony, c’est donc l’album avec lequel j’ai réellement créé Pestilence.

Après ça, Spheres était à part, car Spheres était mon seul moyen de sortir du contrat avec Roadrunner, donc cet album ne compte pas pour moi. C’est quelque chose que je ne referai jamais. Certains fans le trouvent culte ou pensent qu’il est cool, mais à l’époque tout le monde le détestait et la maison de disque nous a laissé tomber, et c’était mon intention. Quand je suis revenu de nombreuses années plus tard avec Resurrection Macabre, nous avons voulu aller dans une direction plus technique et brutale, nous éloigner un petit peu des solos de guitare mélodiques et du côté mélancolique. Je pense que le nom Pestilence est associé à l’agressivité et à la progression. Je ne pense pas qu’après Testomony j’ai refait un seul solo vraiment mélodique.

Exitivm sort une nouvelle fois sur un label différent, ce qui peut surprendre car on avait l’impression à l’époque d’Hadeon que tu avais un bon deal et une bonne relation avec Hammerheart. Comment se fait-il que Pestilence soit passé par autant de labels – quatre – au cours des dix dernières années ?

J’ai appris de mes erreurs en traitant avec Roadrunner et Roadracer. Je ne veux plus avoir de contrat avec une maison de disque de plus de deux albums. Quand vient le moment de changer, je change. Avec certains labels, je change déjà après un album. Ce n’est pas un problème pour moi. Avec Obsideo, j’avais signé chez Candlelight et ils ont fait faillite. Je ne pouvais rien y faire, donc c’était la fin de cette collaboration. Quand j’ai commencé à travailler avec Hammerheart, nous avons ressorti nos quatre premiers albums. Ça a été un grand succès et c’était la base de ma relation avec eux, mais je voulais créer de la nouvelle musique et le deal était : « D’accord, vous pouvez utiliser les quatre albums, mais je veux faire un nouvel album. » J’avais le sentiment qu’ils n’étaient pas tellement intéressés par le nouvel album, mais plus par les quatre anciens albums pour pouvoir vendre des remasters, et ils ont fait du très bon boulot avec ceux-ci.

« Je suis Patrick Mameli et je peux faire ce que je veux [rires]. »

Concernant Agonia Records, ils m’ont contacté et ont été sincèrement intéressés. Ils n’ont jamais parlé de ma discographie passée ou quoi que ce soit. Ils voulaient juste faire un super album et m’ont donné une entière liberté. J’ai une option pour faire un second album et s’ils me traitent bien, je ferai un second album pour eux, et ensuite nous pourrons renégocier. Seul le temps le dira. Tu sais comment se passent les relations humaines, tu sais que les gens changent avec le temps, en particulier quand il y a de l’argent en jeu. Rien n’est acté. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas envie de me marier avec un label et de renoncer pour le reste de ma vie. C’est pourquoi je limite les contrats à un ou deux albums. Je n’ai pas envie de revivre ce que j’ai vécu avec Roadracer. Ça m’a vraiment limité avec ma musique et tout.

En dehors de la musique, tu es aussi dans les arts martiaux. Fais-tu un lien entre ta pratique des arts martiaux et celle de la musique ?

Oui, absolument. Il faut tordre ses sentiments négatifs et aller vers le positif. Faire de l’exercice et même aller à la salle de sport et travailler sur mon corps, je trouve ça thérapeutique. A cet égard, il y a de nombreuses similarités. Il s’agit de rediriger son agressivité vers quelque chose de positif. Plein de gens pensent que quand on aime les arts martiaux ou quand on fait des compétitions d’arts martiaux, on est à la base quelqu’un de très agressif, or la plupart des personnes qui pratiquent ne sont pas du tout agressives. Elles mettent toute leur agressivité dans leur pratique et quand elles ont un combat, elles combattent. En dehors de ça, je trouve que la discipline et le lien entre l’esprit, le cœur, le corps et l’âme sont très importants pour moi en tant que personne, mais aussi pour ma créativité dans ma musique.

Tu as un nouveau projet qui s’appelle Drone-197…

Oui, c’est quelque chose que j’aime beaucoup faire. C’est plus de la musique typée électronique. C’est très étrange et ça reflète aussi la société moderne. Ce n’est pas de la dance music. C’est de la musique électronique, j’aime y inclure toutes sortes de styles. C’est un chouette exutoire pour moi quand je ne travaille pas sur de la musique pour Pestilence, c’est un autre style. L’aspect rythmique est différent et il semblerait que les gens aiment bien aussi. Nous allons sortir un album pour ce projet via mon propre label.

Quels sont ton background et ton histoire avec la musique électronique ?

Je trouve que ça procure un feeling spécial. C’est très froid. C’est très technologique. J’aime la manière dont on peut créer des sons qu’on ne peut pas créer avec une guitare. Quand on a un batteur, un bassiste, un chanteur et deux guitares, par exemple, c’est l’approche metal traditionnelle et j’ai l’impression qu’avec cette musique électronique, je peux tout faire moi-même, faire des mélanges et une production sympa, et faire de la musique que j’aime vraiment sans avoir à discuter de quoi que ce soit. Je ne me rends pas à des festivals techno ou dance, mais je ne me rends pas non plus à des festivals de metal. Le feeling que j’obtiens en faisant de la musique électronique, c’est tout simplement autre chose, et c’est très loin de ce qu’est Pestilence. Donc je ne suis pas non plus influencé par ce type de musique. C’est quelque chose de vraiment cool.

Peux-tu nous donner des nouvelles de Neuromorph ?

Pour ce qui est de Neuromorph, j’aimerais vraiment faire quelque chose avec ça, mais il semblerait que je n’arrive vraiment pas à trouver le temps pour l’instant, car Pestilence est très chronophage pour moi. Quand je fais quelque chose, je veux le faire correctement et comme il faut. J’ai un autre projet qui s’appelle Gestalt et j’ai encore un autre projet qui s’appelle Moordzucht. J’ai plein d’idées et quand ce sera le moment pour moi de ralentir un petit peu avec Pestilence ou quand il ne se passera rien, je commencerai à composer plus pour ces projets et ensuite je sortirai des choses. D’un autre côté, Pestilence est vraiment mon but dans la vie. C’est mon plus gros projet et il sera toujours prioritaire. Je suis déjà en train de travailler sur de la nouvelle musique pour Pestilence. Tu as parlé du côté science-fiction : cet album ira justement un peu plus dans cette direction. Ce sera encore autre chose. C’est un album qui sera à nouveau tourné vers l’avenir parce qu’il sortira de l’ordinaire. Je pense que c’est encore quelque chose de nouveau et c’est assez risqué, mais il faut que je le fasse parce que je suis Patrick Mameli et je peux faire ce que je veux [rires].

Interview réalisée par téléphone le 9 juin 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Marc van Peski.

Site officiel de Pestilence : www.pestilence.nl

Acheter l’album Exitivm.



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