Pop Evil n’aura pas traîné. Moins de deux ans se sont écoulés depuis la sortie de leur quatrième album Up (2015) avant de les voir revenir avec un album sobrement intitulé Pop Evil justement. Pop Evil n’est d’ailleurs plus tout à fait le même, accueillant pour la première fois en studio la batteuse britannique Hayley Cramer qui vient combler le départ de Josh « Chachi » Marunde l’an dernier. Pas de quoi tergiverser cependant, Pop Evil n’a pas décidé d’être moins accessible. En revanche, le groupe n’est pas aussi prévisible : plus heavy et audacieux dans ses arrangements, Pop Evil parvient à se dégager parfois des idées préconçues que l’on pourrait avoir de ses compositions.
Pop Evil et la pop agressive, c’est du registre du pléonasme ; pléonasme que le groupe a toujours cherché à cultiver. Le titre d’ouverture « Waking Lions » se charge de le rappeler et confirme le tournant plus acéré que Pop Evil prend parfois sur cet album. Le titre et son refrain fédérateur ultra positif, contrastant avec le ton sombre du couplet, n’aura aucun mal à inciter les chœurs lors des prestations live. Pop Evil sait rentrer directement dans le vif du sujet, impossible de lui enlever ça. À ce sujet, la production, d’une netteté exemplaire, laisse une place appréciable aux lignes de basse de Matt DiRito qui profite du jeu plus incisif d’Hayley Cramer. Leigh Kakaty se fait quand à lui l’avatar du chanteur rock FM par excellence. Pop Evil durcit encore le ton avec « Colors Bleed » où le forntman incarne le temps d’une chanson Zack De La Rocha, la rage en moins. Si l’énergie est bel et bien là, on peut s’interroger sur la démarche qui frise la parodie, là où cela n’en est évidemment pas l’intention. On notera toutefois le pont atmosphérique « surprise » qui vient donner du crédit à la dualité revendiqué par le groupe. « Art Of War » persiste dans le registre à la RATM, avec plus de conviction, grâce à des riffs que Tom Morello n’aurait pas renié. Et c’est du côté de Korn et de Stone Sour, faisant usage de gimmicks éculés voire quelque peu caricaturaux, encore une fois, que lorgne le groupe sur « Ex Machina ».
Pop Evil ne ménage pas l’auditeur sur le premier tiers du disque, mais ce que l’on remarque est que le combo a voulu clairement marquer les deux registres annoncés par son patronyme, la couleur « pop » reprenant progressivement le dessus sur le « evil » avec la suite du disque. Et c’est ainsi que les Américains montrent davantage d’aisance, lorsqu’ils s’éloignent des terrains de la fusion énervée, à l’instar du futur hit radio (à passer dans tous les stades) « Be Legendary » qui fédère par son rythme simple et carré et propose un plan de guitare bluesy presque audacieux pour un titre de cette trempe. Une chanson au feeling country-pop comme « God’s Dam » nous renvoie vers Pearl Jam sans sourciller ; trop propre pour être véritablement grunge cependant. Le sucré et entêtant « When We Were Young » se rapproche quand à lui des terres arpentées par Twenty One Pilots et trouvera aisément son public. Mais l’originalité vient surtout d’un titre comme « Nothing But Thieves » à la dynamique construite entre ses couplets aux beats électroniques et son refrain arena rock ensoleillé, le tout se durcissant avec l’apparition d’un riff heavy. Pourtant, même ici, Pop Evil n’est pas exempt d’errances, l’électro/alternatif « A Crime To Remember » peine à décoller, malgré sa mélodicité évidente, et peut remémorer les faux-pas de Papa Roach dans ce même registre (n’est pas Fall Out Boy qui veut). On pourra également reprocher les atours convenus du pop-punk « Birds Of Prey » qui nous fait remémorer l’ère Vans, baggy et lecteur MP3 512 mo pour les plus riches, ainsi que de la ballade nunuche « Rewind » en clôture.
Pop Evil fait partie de ces groupes composés d’excellents musiciens et interprètes, qui ne nécessitent aucun temps d’adaptation pour apprécier leur musique. Les compositions sont variées, portées par un vrai savoir-faire mélodique populaire, mais tendent aussi à parfois trop se reposer sur ce qu’elles font miroiter chez d’autres groupes. Heureusement Pop Evil a une certaine fougue qui lui empêche d’être un album à n’écouter que deux fois dans l’autoradio avant d’aller au travail. On pourrait alors débattre sur les vertus de la musique légère, divertissante, facile d’accès. Là n’est pas le sujet. L’inspiration devrait être présente partout, or l’inconstance est sans doute le premier défaut de cet album, en dépit de toute la symbolique de son titre.
Clip vidéo de la chanson « Colors Bleed » :
Clip vidéo de la chanson « Waking Lions » :
Album Pop Evil, sortie le 16 février 2018 via Entertainment One. Disponible à l’achat ici