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Chronique Focus   

Predatory Void – Seven Keys To The Discomfort Of Being


La Church Of Ra n’en finit pas d’étendre ses ramifications. On doit à ce collectif belge actif depuis une vingtaine d’années des artistes comme Amenra, Wiegedood, Dehn Sora et bien d’autres, et surtout une certaine éthique et une esthétique sobre et sombre immédiatement reconnaissable. Après Absent In Body l’année dernière où Mathieu J. Vandekerckhove et Colin H. Van Eeckhout exploraient des territoires arides et industriels, c’est au tour de Predatory Void, fondé par leur camarade Lennart Bossu, de faire ses débuts. Avec seulement un concert et une poignée de singles derrière lui, le projet sort son premier album, Seven Keys To The Discomfort Of Being, qu’il jouera dans son intégralité lors du prochain Roadburn à la fin du mois. Fondé par Bossu dont certaines des compositions étaient trop éloignées d’Amenra pour être utilisées par le groupe, Predatory Void rassemble cinq musiciens de Gand venant d’horizons aussi divers qu’Aborted ou Cross Bringer, du grindcore comme du black metal. Et si on retrouve dans ce projet des éléments récurrents dans la carrière du guitariste – membre d’Amenra donc, mais aussi d’Oathbreaker et plus récemment du groupe de death metal Living Gate – comme une prédilection à la fois pour le contraste et l’obscurité la plus épaisse, on en découvre aussi de nouveaux, plus lourds et dissonants que jamais.

Aux sept clés du titre de l’album correspondent sept morceaux aux nuances singulières : Seven Keys To The Discomfort Of Being s’ouvre sur une note particulièrement abrasive avec « Grovel », mais on respire – certes brièvement, sans que la tension retombe véritablement, toujours sur ses gardes – lors de ralentissements doom et d’intermèdes désaturés. Tantôt fielleuse, tantôt flottante, noyée de reverb, la voix de Lina R se fait le miroir de ces oscillations entre agressivité oppressante et brefs répits, capable de hurlements à glacer le sang – en ouverture de « *(struggling..) » par exemple – comme de mélopées en voix claire, qui rappellent parfois ce qu’on pouvait entendre chez SubRosa. Au centre de l’album, le délicat « Seeds Of Frustration » remise la violence et fait la part belle à la mélancolie avec ses guitares acoustiques et son chant presque murmuré, avant le véritable déferlement d’agressivité de « The Well Within », empli de distorsion et de blast beat. Mais plus encore que les contrastes, ce qui semble intéresser Predatory Void, c’est de brouiller les frontières : du tremolo picking s’invite dans le sludge écrasant d’« Endless Return To The Kingdom Of Sleep », des mélodies de guitare dépouillées interrompent le très Amenra « Shedding Weathered Skin », et des arpèges se superposent au mur de riffs de « Funerary Vision ». C’est cette cyclothymie, plus encore que les sonorités utilisées, qui fait qu’il est tentant de voir dans ce projet une version death metal d’Oathbreaker (le groupe est aux dernières nouvelles en pause pour une durée indéterminée), la vulnérabilité et la furie de l’inimitable Caro Tanghe en moins.

Bref, Seven Keys To The Discomfort Of Being offre l’inconfort qu’il promet : sept chansons, sept angoisses existentielles – deuil, cataclysmes, anxiété, paralysie du sommeil… – qui se déploient en longs morceaux massifs dont le dynamisme tient en haleine. La sophistication et l’élégance de l’ensemble ont quelque chose de familier, cette touche Church Of Ra moderne et très « post » (post-rock, post-black, post-death ?), grâce à laquelle la dissonance du death metal s’intègre sans accroc au reste. La clarté de la production réalisée par Tim De Gieter, le bassiste du groupe, sert le propos en permettant à toutes les facettes de l’univers de Predatory Void de briller. On respire parfois mal dans cet album noir et oppressant, on a le souffle coupé ou haletant comme Lina R à la fin de « Shedding Weathered Skin », mais l’épreuve a quelque chose de régénérant : la huitième clé de l’album, c’est la catharsis, la traversée du malaise comme moyen de s’en libérer. Fort des expériences passées de ses musiciens, Seven Keys To The Discomfort Of Being résonne d’une maturité et d’une maîtrise qui en font une continuation de leurs efforts précédents plus qu’un nouveau départ.

Chanson « Grovel » :

Clip vidéo de la chanson « Endless Return To The Kingdom Of Sleep » :

Chanson « *(struggling..) » :

Album Seven Keys To The Discomfort Of Being, sortie le 21 avril 2023 via Century Media Records. Disponible à l’achat ici



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