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Interview   

Dans les profondeurs de Soilwork


David Andersson serait-il un compositeur compulsif ? Après avoir sorti l’album Verkligheten avec Soilwork l’an dernier dont il est responsable d’une grosse moitié des compositions, puis enchaîné sur Aeromantic de The Night Flight Orchestra en début d’année, le voilà revenant avec Soilwork et l’EP A Whisp Of The Atlantic dont il a pris les rênes – musiques et textes – et qui comprend les trois singles de la Feverish Trinity sorti au compte-gouttes depuis un an. Et on apprend maintenant qu’il prépare déjà un nouvel album de The Night Flight Orchestra et que le studio est déjà calé en janvier pour Soilwork…

Force est de reconnaître que le guitariste ne manque pas d’inspiration, comme le prouve le morceau de bravoure du nouvel EP : une chanson à tiroirs de seize minutes où jazz et black metal en viennent à se croiser. David Andersson trouve Soilwork sous-estimé, alors il a voulu taper du poing sur la table. Nous en discutons ci-après avoir lui, rentrant également dans les thématiques et questions qu’il pose par le biais de cette musique.

« Tu connais les concerts en salle ou les festivals d’été, où les gens sont entassés et partagent toutes sortes de fluides corporels, de crachats, de bières… C’est le cauchemar d’un épidémiologiste ! Je pense qu’on a une longue période de transition devant nous pour revenir à ça, si c’est ne serait-ce que possible. »

Radio Metal : La dernière fois qu’on s’est parlé, c’était en début février cette année quand les choses étaient encore plus ou moins normales. Du coup, comment as-tu vécu ces huit derniers mois plutôt étranges ?

David Andersson (guitare) : Oui, ça a été une année vraiment étrange ! Nous sommes partis en tournée avec The Night Flight Orchestra fin février. Nous avons pu jouer onze concerts en Europe et ensuite les frontières ont commencé à se fermer, donc nous avons dû rentrer à la maison plus tôt que prévu, et ensuite je suis moi-même tombé malade du coronavirus pendant presque trois semaines. Je suis aussi médecin, donc j’ai été occupé à travailler dans des hôpitaux depuis. Nous n’avons pas pu faire de concert, mais nous nous sommes tenus occupés à enregistrer, composer et sortir des choses avec Soilwork et The Night Flight Orchestra. Nous nous sommes bien amusés à être créatifs et nous réunir pour enregistrer. Je suppose que nous allons devoir continuer à faire ça jusqu’à… Enfin, on ne sait jamais. Ça pourrait prendre encore pas mal de temps avant qu’on puisse revenir à la normale, si tant est qu’on le puisse un jour. Sur le plan personnel, je n’en ai pas trop souffert vu que je gagne ma vie en tant que médecin et que j’ai deux groupes pour lesquels je peux écrire des chanson, et que nous pouvons toujours nous réunir, enregistrer, sortir des choses et faire des vidéos. Ça avait l’air de bien se passer pendant l’été, mais là c’est un peu déprimant de voir que ça semble empirer à nouveau. C’est comme ça. Avec un peu chance, quelque chose de bon en ressortira.

Tu n’as l’air quand même pas très optimiste par rapport à un retour à la normale de l’industrie musicale…

On n’a aucune réponse pour l’instant, mais quand décide-t-on que ce sera le bon moment pour laisser huit cents personnes dans une minuscule salle boire de la bière, se tousser dessus et suer les uns contre les autres ? Ce n’est pas quelque chose qu’on change du jour au lendemain, le fait de passer du confinement et de la distanciation sociale à des bains de foule pleine de sueur [rires]. Je sais que tu connais les concerts en salle ou les festivals d’été, où les gens sont entassés et partagent toutes sortes de fluides corporels, de crachats, de bières… C’est le cauchemar d’un épidémiologiste ! Je pense qu’on a une longue période de transition devant nous pour revenir à ça, si c’est ne serait-ce que possible, car il pourrait y avoir une autre pandémie déjà en route. Peut-être qu’il va falloir s’habituer à consommer les choses autrement, ce qui est triste, et peut-être qu’il faudra changer toute l’infrastructure de rémunération des artistes sur les services de streaming et ce genre de chose si les gens veulent de la nouvelle musique. C’est une question très intéressante et je suppose qu’il va falloir attendre et voir comment ça se passe.

En tant que médecin, quel est ton sentiment sur la gestion du coronavirus par la Suède, qui est très différente de celle de la plupart des autres pays européens ?

Oui, mais nous sommes encore très loin d’avoir les réponses définitives sur ce qui était bien ou ce qui ne l’était pas. Ca n’a pas mal trop mal marché en Suède, mais c’est aussi à cause de notre culture. On n’a pas de beaucoup de foyers multigénérationnels et on est des gens assez distants à la base. Je ne sais pas si ça aurait été mieux pour nous si on avait eu plus une approche façon confinement. Comme je l’ai dit, on est encore en plein dedans, donc je ne sais vraiment pas. Je suis humble. Même si je suis moi-même médecin, je n’ai pas la moindre idée de ce qui serait la bonne chose à faire. On dirait qu’en Europe, aucun pays n’a vraiment réussi à gérer la situation. On verra à la fin quelle était la bonne approche. Au moins, maintenant, quand on se retrouvera confrontés à une autre pandémie, j’espère qu’on aura plus de réponses à apporter pour la gérer.

Depuis le dernier album sorti en janvier 2019, Soilwork a régulièrement sorti trois singles et maintenant un EP. La dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous as dit croire que « de nos jours, il est important de rester présent sur internet. Les gens semblent avoir la mémoire courte aujourd’hui. C’est bien de rappeler aux gens qu’on existe toujours, qu’on est toujours actif. » Avez-vous déjà constaté un effet de cette approche ?

Oui. Les choses que nous avons sorties semblent avoir été assez bien reçues, il semblerait que nous générons pas mal de vues sur YouTube et d’écoutes sur les services de streaming. Les gens ont l’air d’apprécier. Nous avons de bonnes critiques. Donc ça a l’air de marcher. C’est un peu dur de vraiment savoir parce qu’on n’a rien pour comparer, mais maintenant que nous n’avons plus la possibilité de jouer en concert, c’est la seule chose que nous puissions faire. Personnellement, en tant que compositeur et parolier, je trouve ça très amusant, et je suis très reconnaissant que nous soyons en position de pouvoir continuer à créer et sortir des choses. Avec un peu de chance, les gens apprécient le fait que nous continuons à faire des choses et à les divertir.

« A titre personnel, je ne pense plus à la musique en termes de genre. Je pense à la musique simplement en termes de musique. Il y a la bonne musique et il y a la mauvaise musique [petits rires]. »

La grosse nouveauté de ce nouvel EP est la chanson épique éponyme de seize minutes, « A Whisp Of The Atlantic », qui démarre le disque. C’est une première pour Soilwork. Apparemment, c’était un rêve que tu avais depuis quelques années, mais comment l’idée de faire un tel morceau est-elle venue ?

J’ai toujours adoré la musique progressive – j’adore toutes sortes de musiques, mais l’une de mes chansons préférées quand je grandissais était « Supper’s Ready » de Genesis, le gros morceau épique présent sur l’album Foxtrot. J’ai tellement écouté ce morceau, il est fantastique ! J’aime beaucoup également tout l’album Close To The Edge de Yes. J’ai écrit quelques longs morceaux épiques pour The Night Flight Orchestra aussi et j’ai toujours voulu le faire pour Soilwork, car je trouve que Soilwork, en tant que groupe, est un petit peu sous-estimé. Je pense que plein de gens ont une vision très spécifique de ce qu’est Soilwork. Aujourd’hui, avec le nouveau line-up et toute l’atmosphère au sein du groupe, nous nous éclatons et tout le monde a vraiment envie d’essayer de nouvelles choses. C’était le moment parfait pour faire une telle chanson. Pour ma part, à titre personnel, je ne pense plus à la musique en termes de genre. Je pense à la musique simplement en termes de musique. Il y a la bonne musique et il y a la mauvaise musique [petits rires]. J’ai des goûts musicaux très variés, j’écoute toutes sortes de choses et c’était vraiment amusant d’essayer de composer une chanson où nous pouvions mettre un tas d’influences étranges, tout en essayant de créer un tout cohérent, faire que ça s’enchaîne bien d’un bout à l’autre. Avec un peu de chance, les gens l’aimeront, parce que je ne pense pas que ce soit… Il y a des passages accrocheurs et des trucs bien hard et metal là-dedans. J’aime croire, dans un monde idéal, que les gens l’apprécieront, que ça les transportera quelque part et que ça créera dans leur tête des images qui n’y étaient pas avant [petits rires].

Tu dis que tu ne penses plus en termes de genre, mais Soilwork ne sonne pour autant pas comme The Night Flight Orchestra, par exemple. Donc gardes-tu quand même certains paramètres en tête pour que ça sonne comme Soilwork ?

Vu qu’avec Soilwork nous sous-accordons nos guitares, j’ai des guitares sous-accordées que j’utilise pour Soilwrok et j’ai des guitares en accordage standard que j’utilise pour Night Flight, donc ça dépend de la guitare que je prends pour composer. Si je me pose avec une guitare de Soilwork, j’écris des chansons de Soilwork. Si je me pose avec une guitare en accordage standard, j’écris des chansons de Night Flight. C’est à peu près tout [rires]. Parce que si tu sous-accordes en Si et que tu as un son metal, tu joues différemment et tu as tendance à jouer des choses différentes. Soilwork reste un groupe metal, même si le processus de composition est plus ou le moins le même. Avec Soilwork, il faut qu’il y ait une sorte de riff quelque part. Donc c’est plus centré sur la guitare, alors qu’avec Night Flight, je peux écrire des chansons au clavier ou sur n’importe quel instrument, car tant que tu as une bonne mélodie, tu peux toujours arranger les choses autour.

Tu ne mettrais pas de blast beat dans Night Flight…

Non. Ça ne me dérangerait pas si ça fonctionnait, si ça sonnait naturel, mais je ne pense pas que ce serait le cas. Avec Soilwork, nous essayons de combiner des choses nouvelles et intéressantes, donc nous avons plein de chansons avec du chant clair par-dessus du blast beat et vice versa. Pour moi, les blast beats peuvent être très accrocheurs, mais ça ne cadrerait probablement pas avec Night Flight, mais sait-on jamais !

Qu’est-ce qui te fait penser que Soilwork est sous-estimé ?

Quand je lis des chroniques de nos récents albums… Je veux dire que pour notre dernier album, Verkligheten, nous avons fait de gros efforts pour créer des choses intéressantes et innovantes musicalement parlant, or personne ne les a vraiment remarquées. Dans les chroniques, ils disent toujours : « Björn [Strid] est un super chanteur, ils ont des chansons accrocheuses, etc. » Alors que certains groupes ont cette aura : « Oh, c’est tellement intéressant ! » Je crois que les gens pensent toujours que Soilwork est juste un groupe qui écrit du death metal mélodique et accrocheur. Enfin, j’ai envie que ce soit accrocheur et mélodique, mais je pense que nous sommes plus que ça. Nous avons des arrangements, de la composition et des passages musicaux intéressants. C’est toujours sympa de montrer des aspects de nous auxquels les gens ne s’attendent pas forcément.

« Je trouve que Soilwork, en tant que groupe, est un petit peu sous-estimé. […] Les gens pensent toujours que Soilwork est juste un groupe qui écrit du death metal mélodique et accrocheur. Enfin, j’ai envie que ce soit accrocheur et mélodique, mais je pense que nous sommes plus que ça. »

Avec Soilwork, nous avons beaucoup évolué au fil des dernières années et ce serait sympa si les gens remarquaient les petites choses que nous faisons et qui ne sont pas flagrantes, et que nous essayons de créer des trucs dans le contexte metal qui sont assez nouveaux. Je pense que nous avons fait pas mal de choses sur nos derniers albums qu’aucun autre groupe de metal a fait auparavant – comme avoir un refrain en chant clair sur du blast beat, faire des mélodies pop accrocheuses sur des mesures asymétriques, incorporer diverses influences qu’on n’entend pas habituellement sur un album de metal, etc. Si tu écoutes Verkligheten, on y trouve quelques surprises. J’espère que les gens remarqueront davantage à l’avenir que nous essayons d’être créatifs et expérimentaux, tout en restant accrocheurs et en proposant quelque chose de chantant et de divertissant. C’est ce que j’aime personnellement dans la musique : quand on écoute la musique de façon répétée et qu’on découvre de nouvelles choses qu’on n’avait pas entendues avant, même après l’avoir écoutée dix fois.

Je me rappelle de la période allant d’A Predator’s Portrait (2001) à Stabbing The Drama (2005), tu n’étais pas encore dans le groupe à ce moment-là, mais la presse semblait quand même très élogieuse, disant que Soilwork repoussait les limites et innovait…

Oui, A Pretator’s Portrait surtout était très expérimental. Je trouve que Stabbing The Drama est un super album, mais je pense que c’est celui qui a modelé en grande partie la vision que les gens ont de Soilwork. Ça reste un album fantastique, mais nous avons fait énormément d’autres choses depuis. C’est plus que nous aimons être un groupe avec lequel personne ne sait à quoi s’attendre. Mais il semblerait que nous ayons gagné plein de nouveaux fans au cours de la dernière décennie. En situation live, nous jouons encore principalement de nouvelles chansons et elles semblent être bien reçues. La raison pour laquelle nous faisons ce groupe, c’est pour essayer de rester pertinents et de faire des choses intéressantes.

Comment a été ton expérience à composer une chanson aussi longue si on compare à une chanson « normale » de Soilwork ? Etait-ce plus difficile parce qu’il y a beaucoup de musique ou bien plus facile parce qu’il y a moins de contraintes ?

Les deux, je suppose ! C’est toujours amusant de ne pas avoir de contrainte, mais à la fois, nous voulons que ça s’enchaîne bien pour que ça sonne naturel, même quand on combine du jazz avec du black metal et autre chose. Donc ça prend plus de temps. Ça revient plus à assembler toutes ces petites parties. C’est un défi mais c’est aussi très amusant. Composer des chansons, c’est l’une de mes activités préférés au monde. Faire un tel morceau c’est une approche différente, mais on peut s’éclater autant à composer une chanson de trois minutes qui est bonne et accrocheuse qu’à composer un morceau de seize minutes parce que tu travailles dessus par intermittence pendant plusieurs mois et que quand tu as enfin le résultat, c’est très satisfaisant. En plus, ça laisse plus d’espace pour développer et expérimenter : on n’a pas à se limiter de quelque façon que ce soit. C’est plus une question de trouver le bon enchaînement entre les parties, comment les combiner, etc.

On peut entendre une trompette très jazzy dans le morceau. On sait que tu t’intéresses au rock progressif, au classic rock et au metal, mais es-tu également un amateur de jazz ?

Absolument ! J’ai d’ailleurs un projet de jazz-fusion qui, j’espère, sortira un jour. J’adore le jazz et la fusion. J’ai grandi en écoutant plein de groupes de fusion comme le Mahavishnu Orchestra, Billy Cobham… J’adore le Miles Davis de la fin des années 60. Pat Metheny est aussi une énorme inspiration. La scène fusion des années 90, avec Tribal Tech et ce genre de chose… Il y a eu une période entre les années 70 et 90 où je n’écoutais que de la fusion et du jazz. Il y a un groupe qui s’appelle Snarky Puppy qui est l’un de mes groupes de fusion préférés actuellement, c’est fantastique. C’était donc aussi super marrant de pouvoir incorporer cette facette que nous avons, ou en tout cas que j’ai.

J’ai d’ailleurs passé beaucoup temps étant plus jeune à jouer de la musique influencée par le jazz. J’ai commencé à jouer de la guitare quand j’avais neuf ans, je suis allé en école de musique et j’ai commencé à jouer dans un big band de jazz dans ma ville quand j’avais environ treize ans, puis j’ai fait des études supérieures en musique et j’ai étudié la guitare classique et jazz. J’ai aussi travaillé en tant que professeur de guitare et de musique et j’ai joué dans toutes sortes de groupes de reprises insolites, en faisant des concerts d’improvisation étranges où j’étais seul avec un bassiste, par exemple… J’ai fait toutes sortes de choses au fil des années. J’ai aussi joué du rock progressif, donc c’est amusant d’enfin pouvoir tout faire ; avec The Night Flight Orchestra et Soilwork, je peux faire à peu près tout ce que je veux faire. Je suis très content d’être dans cette position. C’est sympa d’avoir à la fois des parties jazzy et des blast beats dans la même chanson ! [Petits rires] Quand j’ai écrit cette chanson, j’ai imaginé une trompette là-dedans, donc nous avons simplement invité un ami d’un ami qui était un super trompettiste pour le faire improviser un peu. Ça colle bien à l’atmosphère, c’est un instrument très mélancolique, et ça donne une autre dimension à la chanson.

« Je crois au scepticisme sain, en la science et une société éclairée et laïque. »

Concernant la thématique d’« A Whisp Of The Atlantic », tu poses la question : « Si vous veniez d’un autre royaume, comme l’Atlantide, comment verriez-vous notre monde ? » Quelle serait ta propre réponse ? Penses-tu qu’un Atlante reconnaîtrait un autre monde en plein naufrage ?

[Rires] Je ne sais pas ! Maintenant que Trump a perdu l’élection, peut-être nous ne coulerons plus aussi vite, mais il y a d’autres facteurs qui contribuent au naufrage. C’est juste une métaphore sympa. J’aime beaucoup l’idée d’avoir quelqu’un de l’Atlantide débarquant ici pour chercher quelque chose et qui se retrouve un peu désorienté par ce qu’il voit. Je suppose qu’on est tous un peu désorientés et qu’on est tous un peu à l’extérieur parfois. Peut-être même qu’on vient nous-mêmes d’un autre royaume : il y a la théorie du multivers, les univers parallèles et ce genre de chose. Mais pour répondre à ta question j’espère que les gens y réfléchiront et peut-être qu’ils élaboreront leur propre théorie ! Il ne s’agit pas de donner des réponses, il s’agit de poser des questions nouvelles et intéressantes.

On retrouve dans l’EP les trois singles que vous avez sortis d’octobre 2019 à mai 2020 et qui forment la Feverish Trinity. Tu as déclaré que « le thème global de ces trois chansons est une tentative de description du mystique, des émotions que notre corps ne sait contenir et les mesures désespérées qu’on prend quand on ressent qu’il existe quelque chose là-dehors qui nous appelle, quelque chose de plus grand que nous, mais on sait que si on pouvait l’atteindre, on ressentirait un sentiment d’appartenance pour la première fois de notre vie ». T’es-tu toi-même déjà jeté à l’eau et as-tu vécu la réponse à ce « et si » ?

Eh bien… Oui. Je suppose. En tout cas, j’ai essayé. Être à la fois musicien et médecin, c’est une vie un peu étrange et c’est facile de s’y perdre, et on a beaucoup de temps pour penser aux différents « et si ». J’essaye de me jeter à l’eau aussi souvent que possible. Je ressens effectivement un sentiment d’appartenance, mais c’est très personnel. Disons que c’est… quelqu’un.

D’un autre côté, n’est-ce pas aussi un appel à céder à nos instincts primaires ?

Oui, tant que ça ne blesse personne d’autre. Je suppose que nous réprimons tous des choses. A la fois, je pense qu’il s’agit plus, pas de céder aux instincts primaires, mais peut-être d’être critique sur la direction que le monde est en train de prendre et d’essayer de se débarrasser des derniers développements qui ont fait régresser le monde ces deux ou trois dernières années, avec cette affreuse dérive droitière qui est apparue partout dans le monde, les gens qui arrêtent de croire en la science et la vérité, qui critiquent les médias grand public et croient aux théories conspirationnistes plutôt que de respecter le fait que nous avons fait un long chemin en tant qu’espèce et que nous devrions évoluer plutôt que régresser. Je ne crois pas aux instincts primaires mais je crois en… Je n’aime pas l’instinct grégaire et tous ces étranges mouvements avec des leaders populistes qui proposent des solutions de facilité. Les gens devraient penser par eux-mêmes et s’interroger avant de commencer à croire des théories conspirationnistes bizarres et ce genre de chose. Je crois au scepticisme sain, en la science et une société éclairée et laïque.

« The Nothingness And The Devil » est une chanson sur le fait que « le vieux concept de dieu patriarcal ne marche plus et que les gens raisonnant avec logique doivent accepter qu’on doit se créer nos propres divinités, si on en a besoin. Autrement, il faudra accepter le fait que nos vies n’ont essentiellement aucun sens, à moins que nous soyons capables de trouver le sens de notre vie et de faire en sorte d’être comblés » – en te citant à nouveau. Quelles sont tes propres divinités ?

Ce sont les miennes ! Chacun doit décider ce en quoi il veut croire et ce en quoi il ne veut pas croire. Je pense que nous devons célébrer l’individu. Toutes les personnes ont le potentiel de devenir plus qu’elles ne sont déjà. Je n’ai pas de véritable dieu en lequel je crois, mais j’ai vraiment des choses en lesquelles je crois, qui sont très personnelles et en lesquelles personne ne m’a dit de croire. Je me suis fait mes croyances moi-même, pour moi-même. Je pense que le monde serait un peu plus paisible si tout le monde en faisait de même. Je crois en ma propre vision du monde, en mes propres rêves et en mes propres attentes que j’ai passé beaucoup de temps à façonner, et peut-être en quelques forces surnaturelles. A la fois, on ne devrait pas trop parler de choses personnelles comme ça. C’est à chacun de décider de partager ou pas, mais je ne vois pas vraiment l’intérêt de s’organiser au travers de croyances communes, à moins qu’elles soient politiques, alors ça peut être une bonne chose. Le surnaturel devrait être personnel.

Tu dis que « le vieux concept de dieu patriarcal ne marche plus », alors comment expliquer que les vieilles religions monothéistes semblent reprendre des forces en ce moment, en particulier auprès de la jeune génération ?

Je sais ! Mais je ne saurais pas te dire. Je ne pense pas que les religions organisées soient l’avenir… C’est un sujet délicat. A partir du moment où on est nés dans une religion et endoctrinés par celle-ci, on ne nous donne jamais vraiment le choix, ce qui est un peu triste. Je pense que chacun devrait pouvoir choisir pour lui-même ce en quoi il veut croire. La religion est aussi une béquille, on peut toujours compter dessus et à la fois, avec ça, on n’est pas obligé de penser par soi-même, ce qui est dommage. On devrait embrasser le fait que nous sommes mortels et profiter à fond du temps qu’on a ici-bas.

« Je suppose que j’essaye encore d’écrire la chanson parfaite ! Quand j’aurai écrit la chanson parfaite, j’arrêterai, mais ce n’est pas encore le cas, donc je continue. »

Plus généralement, en décrivant les thèmes de cet EP, tu as beaucoup parlé des sexes, du fait que ça a en partie été source de conflit partout dans le monde, du fait que ça ne devrait plus être un facteur dans les discours religieux, et tu sembles opposer les déesses de la mort babylonienne au vieux concept de dieu patriarcal. Tu as aussi dit qu’il s’agissait d’embrasser l’élément de l’eau – qui peut être vu comme féminin – par opposition au feu. Derrière ces questions philosophiques, n’est-ce pas un EP féministe au final ?

[Rires] Oui, d’une certaine façon. Je crois fermement à l’égalité des droits. Je pense que le monde serait meilleur si les femmes étaient plus aux responsabilités qu’elles ne le sont. Je pense que, tout comme la musique n’est pas une question de genre, l’humanité n’est pas une question de sexes, d’orientation sexuelle, de race ou d’ethnicité. Je pense que nous devrions évoluer et dépasser ça, et peut-être que nous, les mâles blancs hétérosexuels, devrions nous mettre un peu en retrait pendant un certain temps [petits rires]. Cependant, je ne suis pas militant ou quoi que ce soit de ce genre. Je n’aime pas la musique politique. La musique, ce devrait être des émotions et pas de la politique. Je trouve juste que ça fait un thème visuel sympa pour se concentrer sur autre chose qu’un paquet de gars vieillissants qui essayent d’avoir l’air cool avec leurs guitares [rires].

Tu as écrit toutes les chansons – la musique et les textes – sur cet EP. Tu avais déjà écrit la grande majorité du dernier album. On dirait que tu es progressivement en train de prendre le contrôle de Soilwork ! Comment expliquer que les autres gars ne contribuent pas plus ces derniers temps ? Est-ce parce qu’ils n’arrivent pas à suivre ta créativité ?

Non. Pour le dernier album, Björn et moi avons probablement composé à cinquante-cinquante. Pour cet EP, c’était mon idée depuis le départ, mais ce n’est pas comme si j’avais dit au reste des gars de ne rien écrire. C’est juste qu’ils ne l’ont pas fait ! Je veux dire que Sven [Karlsson] et Sylvain [Coudret] sont tous les deux de super compositeurs aussi, mais pour le dernier album, ils n’ont simplement rien proposé. Ils ont composé de super musiques par le passé ; avec un peu de chance, ils retrouveront l’inspiration et apporteront de nouveaux morceaux pour le prochain album. J’ai donné une de mes guitares à Sven pour qu’il puisse composer [rires]. Ce n’est pas une démarche consciente de ma part d’essayer de prendre le contrôle du groupe, c’est juste que si personne d’autre ne compose, je compose, mais j’espère qu’ils apporteront des choses aussi. Je suppose que tu devrais leur poser la question… Je leur ai posé la question ! Et ils n’ont pas de bonne réponse. Composer, c’est comme un muscle, il faut l’entraîner. Je compose à peu près tous les jours. C’est ce que je fais en rentrant chez moi du boulot, j’ai envie de me détendre, je m’assois, je joue de la guitare et je trouve des trucs ou j’écris des paroles. Cela fait tout simplement partie de mon quotidien, ce qui fait que c’est plus facile. En plus, avec la pandémie, la seule chose qu’on puisse faire, c’est créer. J’essaye toujours de découvrir de nouvelles musiques et de lire des choses pour m’en inspirer. Je suppose que j’essaye encore d’écrire la chanson parfaite ! Quand j’aurai écrit la chanson parfaite, j’arrêterai, mais ce n’est pas encore le cas, donc je continue.

En février cette année, tu nous as dit que vous espériez « peut-être aller en studio en début d’année prochaine pour enregistrer un nouvel album ». Est-ce toujours le plan ?

Oui. Nous avons réservé un studio pour janvier avec Soilwork. Le plan est de sortir quelque chose de nouveau après l’été, si tout se passe comme prévu. J’ai travaillé sur quelques chansons et ça sonne prometteur, mais ça reste secret [rires]. Nous avons aussi été en studio il n’y a pas longtemps avec The Night Flight Orchestra. Nous allons faire une autre session en décembre et nous aurons probablement un nouvel album terminé et prêt à sortir avant l’été avec The Night Fight Orchestra.

L’année dernière, Soilwork et Watain ont tous les deux été cités sur une pétition signée par plus de dix-sept mille personnes demandant à ce que les deux groupes soient bannis de Singapour. La pétition mentionnait « des messages subliminaux dans [vos] chansons [qui] parlent de mort et de suicide ». Au final, vous n’avez pas fait le concert à Singapour à cause d’un petit souci de santé de Björn, mais Watain a lui dû annuler pour des questions d’« ordre public ». Quel est ton sentiment à ce sujet ?

Je ne sais pas quoi dire ! [Rires] Je ne pense pas que nous soyons un groupe très offensant… C’est assez étrange d’être mis dans le même panier que Watain ; ce groupe est un petit peu plus extrême que nous. Personnellement, je n’ai rien contre Satan, donc ça ne me pose pas de problème. Si Singapour veut nous bannir à cause de ça… D’accord [rires]. Non, c’était assez irréel, pour être honnête, mais ça va. Il y a d’autres endroits dans le monde où nous pouvons jouer. C’est la première fois que ça arrive, je ne l’avais pas vu venir, mais à fois c’était un peu drôle.

Interview réalisée par téléphone les 10 novembre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Soilwork : www.soilwork.org

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  • Excellente interview ! Il y a beaucoup de propos qui me parlent là-dedans et qui font du bien à lire en cette période. Cela ne fait que renforcer pour moi le fait que Soilwork est un des groupes les plus intéressants depuis un bon moment

  • BrutalDeathNergal dit :

    Très bonne interview, comme d’hab.
    Quand il dit: « Je crois au scepticisme sain, en la science et une société éclairée et laïque », je m’y retrouve tout à fait dans ses propos. Le monde irait tellement mieux, j’en suis persuadé. Franchement, tout est dit…..

    …..bande de trous du cul! Bref, non, tout n’est pas dit car ajouter un peu d’humour gras à tout ça et LÀ c’est parfait. ?

    Allez bonnes fêtes d’avance les copains et merci à Radio Metal! ??????

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