Beaucoup se rappellent encore de l’électrochoc qu’était le premier album de Rage Against The Machine en 1992. Que ce soit à travers le son, les paroles et le style précurseur, mélange audacieux de riffs hargneux et du rap de Zack De La Rocha, Rage Against The Machine a simplement composé l’un des albums essentiels de ces vingt-cinq dernières années. Outre la musique, il y avait une véritable volonté de diffuser un message et de réveiller les consciences, quitte à choquer à l’instar de l’artwork démontrant l’immolation de Thích Quảng Đức survenue le 11 juin 1963, protestation contre le traitement des bouddhistes par le gouvernement Diệm. Prophets Of Rage n’est pas d’une autre trempe. Les musiciens de Rage Against The Machine assistés de Chuck D de Public Enemy et B-Real de Cypress Hill ont toujours ce besoin d’agir. Prophets Of Rage est né d’un sentiment d’urgence ressenti pendant l’élection américaine. Arpentant les festivals, la formation est devenue un véritable phénomène live, comme si le public retrouvait une fougue et une ferveur qui semblait avoir disparu des planches. Après un premier EP intitulé The Party’s Over (2016), la sortie d’un premier album éponyme ne surprend personne. En revanche il compte bien bousculer tout le monde.
Selon les dires du guitariste Tom Morello, il faut « des chansons dangereuses pour une époque dangereuse ». Le dessein qui motive Prophets Of Rage est assez simple : pas question de livrer une musique hors-contexte sans signification. Ainsi le groupe veut se charger des piqûres de rappel sans endosser un rôle moralisateur. Toutefois, l’inquiétude quant au contenu musical peut se légitimer. Malgré la pertinence des titres de Rage Against The Machine, le style pourrait paraître dépassé. D’emblée, Prophets Of Rage balaie les doutes. Certes le groupe a de nombreuses réminiscences de Rage Against The Machine, évidemment. L’expérience des musiciens se fait toutefois sentir, surtout via le jeu de guitare de Tom Morello qui nous livre sa prestation la plus audacieuse. Les premiers arrangements stridents à la whammy de « Radical Eyes », sans compter son solo halluciné (un parmi tant d’autres qui jalonnent l’opus), rappellent immédiatement que le jeu du guitariste est unique dans le paysage du rock actuel. Il parvient même à nous faire sourire en faisant glousser sa guitare comme un gallinacé (!) sur « Strength In Numbers ». Prophets Of Rage fait d’ailleurs preuve d’une certaine variété, que ce soit à travers les riffs groovy classiques tels que « Hail To The Chief », le thème mélodique entrainant d’ « Unfuck The World » ou le funky et enjoué « Legalize Me ». Funky également sur « Take Me Higher » pour ensuite ajouter un soupçon de psychédélisme. Prophets Of Rage créé avant tout à l’envie, au plaisir, et prouve ainsi qu’il n’est pas qu’un groupe de reprises des célèbres formations de ses membres. Le duo de Chuck D et B-Real n’a peut-être pas l’agressivité d’un Zack De La Rocha justement, toutefois les deux rappeurs parviennent à faire fonctionner leurs registres de voix différents sans problème, sans abuser du gimmick « questions-réponses ». Prophets Of Rage s’est attelé sur l’équilibre des compositions pour utiliser au mieux le talent de ses deux frontmans. De fait, l’impression de « groupe » est d’autant plus forte, tant on parvient à sentir la même hargne chez les deux rappeurs.
De la hargne, Prophets Of Rage n’en manque pas. Surtout, il y a une expérience de l’explicite qui permet d’éviter de tourner autour du pot et d’abuser des métaphores. Que ce se soit contre le racisme dans « Unfuck The World » et son « fuck racists » ou contre le gouvernement et les politiciens, à travers « Living On The 110 » et son refrain invoquant l’hypocrisie de la démocratie, Prophets Of Rage prône le refus catégorique de toutes les formes de violence et de haine sans retenue avec pour seul remède l’union et l’action collective. Évidemment le message est vieux, connu. Il n’est pas pour autant obsolète, peut-être même crucial et le répéter ne se fait jamais au détriment de la cause qu’il défend, pour faire taire les mauvaises langues. Impossible de rester de marbre face à un titre comme « Strength In Numbers » et son refrain qui va crescendo, rappelant le « Bullet In Your Head » de Rage Against The Machine. Prophets Of Rage a un contenu à délivrer et surtout, l’arsenal nécessaire pour le faire.
En quelques sortes, Prophets Of Rage reprend là où Rage Against The Machine nous avait laissé, fort d’une plus grande expérience de ses membres qui amène une plus grande variété. Surtout, si Prophets Of Rage a su choisir son moment, ne supportant pas de rester impassible et donnant plus de force encore au propos, l’album parvient à canaliser la colère pour transmettre une énergie positive galvanisante avant même le message militant. C’est en cela que réside la grande réussite de Prophets Of Rage. Là où la fête est finie pour les uns, elle ne fait vraiment que commencer pour les autres.
Clip vidéo de la chanson « Radical Eyes » réalisé par D.J. Sing :
Clip vidéo de la chanson « Living On The 110 » :
Clip vidéo de la chanson « Unfuck The World » réalisé par Michael Moore :
Album Prophets Of Rare, sortie le 15 septembre 2017 via Caroline. Disponible à l’achat ici
Finalement,trés moyen cet album. A quand un retour d’Urban Dance Squad ? Réécoutez Persona Non Grata 😉
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Franchement, je m’attendais à un recyclage de Rage Against The Machine mais j’ai été très étonné par les musiques disponibles ! A écouter avec hargne et RAGE !
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Ouais. Pas trop portée sur le détail des morceaux cette chronique.
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