« C’est une époque dangereuse qui requiert des chansons dangereuses », voilà comment Tom Morello résume la philosophie de Prophets Of Rage. Nouveau groupe ou simple extension de Rage Against The Machine, peu importe, il s’agit là surtout d’un retour à la fusion rap/rock qui a fait sa gloire et sa renommée, destinée à secouer autant les corps que les opinions. Car pour Morello le monde est dans un état d’urgence sociale, politique et environnementale. Pas question de rester les bras croisés, il faut agir et faire sa part pour changer le monde.
Né dans l’effroi d’une présidentielle Américaine comme aucune autre, les trois ex-Rage Against The Machine et Audioslave, remontés comme des pendules, ont trouvé une alchimie auprès deux de leurs héros rappeur, Chuck D de Public Enemy et B-Real de Cypress Hill, complété par DJ Lord aux platines. Une équipe de choc qu’on a déjà vu retourner les scènes du Download France et surtout du Hellfest qui semble l’avoir particulièrement marqué, et qui est bien partie pour durer, à en croire l’enthousiasme du guitariste. Celui-ci nous parle donc de cette alchimie, sa mission et le premier album sans titre qui s’apprête à voir le jour.
« Les riffs de ‘Sabbath Bloody Sabbath’ ou celui de ‘The Ocean’ de Led Zeppelin, je trouve que selon les standards de certains groupes de thrash et de death metal, ils sont bien plus heavy ! […] C’est juste la profondeur et le poids du groove qui rend quelque chose heavy. »
Ça fait dix ans que tu n’as pas fait d’album avec Tim et Brad. Est-ce que ça t’avais manqué d’être créatif avec ces gars ?
Ouais, en fait, Prophets Of Rage a commencé à répéter il y a environ un an, donc bien que nous soyons restés en contact, ceci est la première fois en une décennie que nous avons écrit des chansons ensemble et répété et c’était un sacré bonheur de jouer de la musique avec la géniale section rythmique de Rage Against The Machine et Audioslave. Depuis le premier jour, lorsque nous étions pour la toute première fois tous les trois ensemble en répétition en 1991 – et j’ai même joué avec Brad avant ça, nous avons jammé, genre, en 1990 -, nous avons une manière particulière de jouer ensemble, où le groupe paraît énorme et c’est tellement heavy. Taylor Hawkins des Foo Fighters me l’a décrit ainsi : « Brad joue un petit peu à l’arrière du temps, Tim joue sur le temps et Tom joue un petit peu en avant du temps, ce qui signifie que lorsqu’ils ne font qu’un, ça sonne énorme ! » Et peut-être que c’est ou ce n’est pas tout à fait juste scientifiquement mais il y a une alchimie musicale très spéciale que tous les trois nous avons, si bien que c’est vraiment un plaisir et un honneur de jouer avec ces mecs dans Prophets Of Rage.
Tous les trois, vous vous connaissez très bien, mais à quel point était-ce inspirant de travailler également avec B-Real, Chuck D et DJ Lord ?
Chuck D et B-Real, leurs groupes, Public Enemy et Cypress Hill, étaient les deux principales influences hip hop pour Rage Against The Machine, et ça fait longtemps que nous sommes amis. D’ailleurs, B-Real apparaît dans le clip de « Killing In The Name » qui est sorti en 1992. Public Enemy était le tout premier groupe à avoir emmené Rage Against The Machine en tournée aux Etats-Unis. Donc nous avons une relation de longue date avec ces gars. Nous ne sommes pas seulement des amis mais nous les admirons et les respectons énormément, c’est donc un grand honneur de partager la scène avec eux. Depuis mai 2016, nous avons joué devant un million de gens. Là, nous étions en tournée européenne, qui était incroyable, nous avons détruit les salles les unes après les autres. Il faut que je te le dise, les deux publics les plus dingues de toute cette tournée, sans mentir, c’était en France ! C’était au Download français et au Hellfest. C’était des publics incroyables et nous étions vraiment reconnaissants d’avoir été reçu partout en Europe mais particulièrement par les fans français. Et avec B-real, Chuck D et DJ Lord, nous avons découvert que nous avions vraiment une super alchimie lorsque nous tournions aux Etats-Unis l’été précédent, et nous voulions emmener cette alchimie en studio et faire l’album de Prophets Of Rage sans titre qui sortira en septembre.
Tim nous a dit en septembre de l’année dernière que vous alliez « faire au moins un autre EP très, très bientôt. » Au final, cet EP est devenu un album. Comment cet album a-t-il vu le jour ?
Donc nous avons fini la tournée US en octobre 2016 et nous étions surexcités à l’idée de continuer le groupe… Tout d’abord, nous avons créé le groupe parce qu’on était dans un moment d’urgence politique aux Etats-Unis, et ensuite nous avons trouvé que nous adorions jouer ensemble, nous jouions super bien ensemble, et nous voulions voir comment ce serait d’écrire des chansons. Donc nous avons été dans une pièce et avons dit : « D’accord, voyons voir si on peut écrire des chansons ensemble ! » Nous avons écrit environ dix chansons durant les deux premières semaines ! Le premier jour, nous avons écrit deux chansons, le jour suivant, nous avons écrit deux autres chansons, et nous avons simplement suivi notre muse musicale et tout le monde était ouvert aux idées des autres, à essayer de rendre les chansons aussi bonnes que possible. C’était donc un processus très collaboratif, ouvert et amusant. C’est venu vraiment très naturellement. Ce n’était pas un processus où nous avons trop réfléchi. Et ensuite nous sommes allés en studio avec Brendan O’Brien, le producteur qui a produit Evil Empire, The Battle Of Los Angeles, certains de mes albums préférés que nous avons fait, ainsi que certains de mes albums préférés d’autres groupes, comme Bruce Springsteen, Red Hot Chili Peppers, etc. Brendan O’Brien est un producteur phénoménal parce que tu sais que si tu as de bonnes chansons, il en fera un album génial. Donc nous étions en studio pendant un mois à faire cet album et nous nous sentons chanceux d’avoir à nouveau travaillé avec lui et très fiers de cet album. Nous voulions faire un album qui pouvait rivaliser avec les meilleurs albums de Rage, les meilleurs albums de Cypress et les meilleurs albums de Public Enemy. Il n’y a pas eu de nouvel album de Rage Against The Machine depuis 1999, donc ça fait un bout de temps. Et tu sais, cet album représente là où nous en sommes aujourd’hui. Nous voulions faire un album qui soit vraiment hard, un album qui soit vraiment heavy, un album qui soit profondément funky et un album qui soit révélateur de notre époque, en 2017. Nous voulons être la bande son de la résistance.
Il y a une grande créativité guitaristique sur cet album. Est-ce que ça t’avais manqué d’avoir un exutoire comme celui-ci pour faire ressortir ce genre de jeu ?
Il est clair que cet album était vraiment amusant, il donnait le sentiment d’être vraiment ouvert, libre et créatif, autant avec les riffs que les solos de guitare. Je suis un peu sorti de ma zone de confort. Normalement, j’utilise la même guitare et le même ampli que j’utilisais à la fin des années 80, mais là j’ai utilisé quelques autres amplis, j’ai utilisé quelques pédales d’effet qui ne font pas vraiment partie de… J’ai un panel très réduit d’effets, genre quatre pédales que j’utilise depuis vingt-cinq ans, et j’ai emprunté quelques autres pédales qui trainaient dans le studio, pour simplement les brancher et voir ce que ça faisait, en essayant de faire un peu de musique avec. Je me suis vraiment accordé une liberté d’exploration. Je suis très fier du jeu de guitare sur cet album et les solos de guitare sont parmi les plus dingues de toute ma carrière !
« Certains artistes ne parlent pas franchement parce qu’ils ont peur d’aliéner leurs bases de fans ou de ne pas passer à la radio, et nous, nous n’en avons jamais rien eu à foutre de tout ça ! »
Il y a énormément de groove dans ces chansons, et tu as toujours été un guitariste avec beaucoup de groove. D’où te vient ce groove ?
[Rires] Je ne sais pas ! Je veux dire que le groove est assurément un processus collaboratif. Je joue comme je joue parce que je joue avec Tim et Brad ! C’est ce que nous faisons ressortir les uns chez les autres. La toute première fois que Brad et moi avons joué ensemble, ça donnait le sentiment d’une alchimie du groove magique, et Timmy a le son de basse le plus terrifiant de tout le rock n’ roll ! [Rires] C’est donc une combinaison assez puissante. Pour ce qui est d’où ça vient, je ne pourrais pas le dire. Je suis un grand fan de musique heavy mais la musique heavy que j’aime est la musique de Led Zeppelin, la musique de Black Sabbath et Deep Purple, et lorsque tu écoutes ces riffs, ce n’est pas totalement dévastateur, de la distorsion hyper saturée, de la double grosse caisse… Les riffs de « Sabbath Bloody Sabbath » ou celui de « The Ocean » de Led Zeppelin, je trouve que selon les standards de certains groupes de thrash et de death metal, ils sont bien plus heavy ! Même lorsque ce sont des riffs joués avec des micros simple bobinage. C’est juste la profondeur et le poids du groove qui rend quelque chose heavy, selon moi.
Prophets Of Rage a été formé dans le contexte de la présidentielle américaine et vous avez continué après que Trump ait été élu. Quelle importance ça avait pour vous d’avoir un groupe de musique protestataire pour vous exprimer à un tel moment ?
Ouais, tu sais, c’est une époque dangereuse qui requiert des chansons dangereuses. Nous ne pouvions pas nous contenter de nous asseoir et tweeter ou envoyer des messages sur Instagram à propos de ce qui se passe dans le monde. Nous croyons fermement que le monde ne changera pas tout seul. Ça dépend de toi. Ça dépend de chacun de nous, il faut se mettre debout où qu’on vive et quoi qu’on fasse et combattre le pouvoir. Et en tant que musiciens, c’est notre boulot et notre responsabilité de brandir nos convictions et notre vocation. Je n’ai pas vraiment choisi d’être guitariste, ça m’a choisi, et donc je suis coincé à être guitariste, donc maintenant il est temps d’essayer avec mes frères de musique de trouver un moyen de changer les choses dans le monde. Aux Etats-Unis, il y a vraiment un état d’urgence et il y a beaucoup de choses au sujet desquelles écrire, il y a beaucoup à jouer. Comme je l’ai dit : nous ne pouvions pas rester assis sur la ligne de touche de l’histoire et laisser ces choses se produire sans que nous ayons notre mot à dire. De la France à la Pologne à Buenos Aires à Chicago, nous faisons des jams très puissant. Nous allons jouer et faire passer un message percutant et je pense que c’est important que, pas seulement un groupe de rock, pas seulement notre groupe de rock, mais que tout le monde parle franchement où qu’ils vivent et où qu’ils travaillent, et ne restent pas silencieux, parce qu’avec la menace sur l’environnement… Je veux dire que, littéralement, le monde est en jeu aujourd’hui. Tu sais, les problèmes économiques persistants, le racisme et ce genre de problèmes ne partiront pas tout seuls, ça nécessitera que nous combattions collectivement contre l’intolérance et l’injustice. Nous en parlons dans notre musique mais c’est important d’agir également. Rien que l’autre jour, nous avons visité un centre de réfugiés à Amsterdam avec des réfugiés en provenance de Syrie, d’Iran, d’Erythrée, d’Ouganda, etc. Ces gens sont accueillis là-bas, nous avons jammé avec eux, il y a des musiciens très talentueux là-bas, et donc il est important pour nous non pas uniquement d’écrire des chansons sur la justice sociale et les droits humains mais aussi d’essayer de participer.
As-tu le sentiment que les gens sont aussi réceptifs à ces messages aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a vingt ans ? Je veux dire que plein d’artistes ont milité contre Trump et pourtant il a été élu. Certains disent même que ça a eu un effet inverse…
Ouais. Bon, ces chansons de Rage Against The Machine ont été écrites durant la présidence de Bill Clinton. Je pense que les mauvais présidents engendrent de la super musique. Nous n’avons jamais eu peur de parler franchement. Certains artistes ne parlent pas franchement parce qu’ils ont peur d’aliéner leurs bases de fans ou de ne pas passer à la radio, et nous, nous n’en avons jamais rien eu à foutre de tout ça ! Et encore aujourd’hui ! Nous allons appeler les choses comme nous les voyons. Et pour ce qui est d’un éventuel retour de bâton et que ça aide Trump, eh bien, si… Dieu nous en garde ! Nous devrions rester silencieux et rester sur la touche pendant qu’il applique son programme néo-fasciste ? Ça n’arrivera pas ! Chaque jour et à chaque concert [je vois des gens qui sont réceptifs à notre message], mais, tu sais, nous jouons aujourd’hui devant soixante-trois-mille personnes ici en Pologne, et ça ne veut pas dire que l’intégralité de ces soixante-trois-mille personnes sortiront de là et rejoindront une organisation environnementale dès que le concert sera terminé. Mais notre premier boulot est de secouer un public, et tu devrais sortir d’un concert de Prophets Of Rage en sueur, couvert de bleus et la voix enrouée. Le message est dans le mosh pit. Notre premier boulot est de foutre le bordel. Et ensuite, il se peut que tu découvres que ce groupe qui vient de te secouer a un message différent des autres groupes qui t’ont secoué par le passé. C’est ce que j’ai constaté au cours de toute l’histoire de ma carrière, que ce soit avec Rage ou Nightwatchman ou Prophets Of Rage : les gens sont parfois attirés par la musique mais ensuite ils sont exposés à un panel d’idées très différentes, et ces idées peuvent résonner et vraiment changer le monde. Chaque jour je rencontre des gens qui disent qu’ils ont été influencés par l’un de nos groupes, et ça peut être un avocat qui aide les sans-abris, ils sont devenus professeurs d’université, ils sont peut-être devenus des anarchistes qui balancent des pavés à une conférence d’Assemblée Générale des Nations Unies… Sans arrêt, des milliers de gens n’ont cessé de dire que notre musique a eu un impact sur eux, de la même façon que la musique a eu un impact sur moi ! La musique a changé mon monde, c’était The Clash et Public Enemy qui ont aidé à façonner ma vision du monde.
« Notre premier boulot est de secouer un public, et tu devrais sortir d’un concert de Prophets Of Rage en sueur, couvert de bleus et la voix enrouée. Le message est dans le mosh pit. Notre premier boulot est de foutre le bordel. »
Mais tu penses vraiment qu’un groupe peut faire la différence et que la musique peut carrément changer la façon dont les gens pensent ?
Est-ce que la musique a jamais changé ta manière de pensé sur quoi que ce soit ? Moi oui ! Ça a certainement été le cas pour moi. La musique a eu un énorme impact sur moi. J’ai grandi en écoutant des chansons de heavy metal qui parlaient de donjons, de dragons et de démons, et alors que j’aimais beaucoup l’agression contenue dans la musique, je trouvais que les paroles étaient assez débiles. J’adorais les groupes mais les paroles ne résonnaient jamais en moi. Mais comme je l’ai dit, j’ai découvert des groupes de punk rock et de hip hop, et plus tard des groupes comme Janes Addiction, Soundgarden et Nirvana qui chantaient à propos du vrai monde, de vrais problèmes, de la vie de vraies personnes, qui ont eu un énorme impact sur moi. Je ne serais certainement pas l’artiste que je suis aujourd’hui avec l’opinion que j’ai maintenant sans la musique. Nous ne sommes qu’un maillon de plus dans la chaîne. Tout le monde de Bob Dylan à System Of A Down prennent position sur leur époque et disent leurs vérités et des millions de personnes à travers l’histoire de la musique occidentale ont été influencées par ça. Donc oui, la musique peut clairement changer le monde.
Ce qui est drôle, c’est que dans le clip vidéo de « Sleep Now In The Fire » en 1999, on pouvait voir un homme tenant une pancarte « Trump President ». Je suppose que ça fait vraiment de vous des prophètes…
[Rires] Littéralement ! N’est-ce pas ironique ? À l’époque c’était une blague mais ensuite la blague est devenue réalité mais c’est resté une blague. À l’époque c’était absolument une blague. Je veux dire qu’une fois qu’il a concouru pour l’investiture, j’ai vraiment imaginé que ça pourrait arriver mais pas en 1999.
Votre premier single tiré de ce premier album s’appelle « Unfuck The World ». Penses-tu que l’état actuel du monde soit réversible ?
Oh, absolument ! Je veux dire que ce sont des problèmes faits par les hommes dont nous parlons, donc ils peuvent être défaits par des hommes et des femmes. De la même façon que fut un temps ça semblait… Par exemple, les problèmes dans le monde avant étaient que les femmes ne pouvaient voter, que le mur de Berlin était en place, que l’apartheid existait, etc. Ce sont des problèmes qui, à un moment dans l’histoire, semblaient inflexibles et impossible à changer, et tous ont changé parce que des gens semblables à tes auditeurs et lecteurs se sont levés à leur époque, là où ils étaient et ont changé les choses.
Vous êtes chez Caroline Records qui fait partie du groupe Universal Music. En fait, certaines personnes voient une contradiction dans le fait de critiquer le système et les gros sous, et être sur une si grosse machine en tant que maison de disque. Qu’en penses-tu ?
Eh bien, ils sont un peu en retard. Je veux dire que Rage Against The Machine a signé chez Sony Music en 1992, donc les arguments sont vieux de vingt-cinq ans [rires]. Si on veut se plaindre de ça, on pourrait commencer avec le premier album de Rage ! Et voilà ce que je dirais : si vous avez entendu le premier album de Rage, c’est parce que Sony Music a aidé à ce que vous puissiez l’entendre, de la Pologne à Paris, si on parle de Rage Against The Machine vingt-cinq ans après le premier album, c’est en partie grâce à la maison de disques sur laquelle nous étions. Nous avons pris une décision très consciente de ne pas vendre des singles à l’arrière d’un fourgon, nous voulions être un gros groupe avec un message important que les gens peuvent entendre partout dans le monde.
Ernie-C de Body Count nous a dit qu’il aurait aimé « qu’il y ait de plus jeunes groupes qui soient davantage pertinents par rapport aux sujets politiques et polémiques sur lesquelles ils devraient s’exprimer. Ils n’ébranlent pas le système. » Es-tu d’accord avec lui ? Ressens-tu aussi un manque de ce genre de groupes aujourd’hui ?
Ça ne m’inquiète pas, je ne me soucie vraiment que de ce que nous faisons, et si d’autres groupes veulent parler ouvertement de leur vérité telle qu’ils la voient et écrire des chansons sur l’état du monde, alors c’est fantastique ! Mais sinon, je m’en fiche complètement. C’est bien plus important à mes yeux que les gens, pas seulement des groupes mais des gens, se lèvent et combattent le pouvoir, des gens comme tes auditeurs, des gens comme ceux qui vivent à Los Angeles d’où je viens. Je ne pense pas que ce soit important que des groupes, des artistes de hip hop ou des musiciens de country se battent, je pense que c’est important que tout le monde se batte et veuille créer une planète plus juste et humaine.
« Je ne pense pas que ce soit important que des groupes, des artistes de hip hop ou des musiciens de country se battent, je pense que c’est important que tout le monde se batte et veuille créer une planète plus juste et humaine. »
Est-ce que Prophets Of Rage aurait existé sans le contexte politique et social actuel aux Etats-Unis et dans le monde ?
C’est très peu probable ! Je veux dire que c’est clairement l’urgence sociale durant la campagne électorale qui a été le carburant qui a lancé Prophets Of Rage. Maintenant nous sommes un groupe et ce n’est que le début. Nous adorons être un groupe et nous allons continuer, comme je l’ai dit, pour être la bande son de la résistance, sans remords et sans se soucier de ce que quiconque pense. Mais sans l’état du monde, je ne pense pas que ce groupe aurait existé. Et dans un futur lointain où la planète est sauvée, tout le monde a suffisamment à manger, tout le monde a un toit, les enfants reçoivent tous une éducation, il n’y a plus de guerre, alors nous commencerons à écrire des chansons d’amour.
Et est-ce que le groupe aurait continué si Trump n’avait pas été élu ?
Ça aurait assurément continué parce que le feeling que nous avions en tournée était très fort, très positif et c’était l’éclate, c’était super de faire partie d’un groupe avec ces gars, et je suis sûr que nous aurions continué. Tu sais, la lutte pour la libération humaine a commencé avant Donald Trump et elle continuera après Donald Trump. Donc il y a toujours des problèmes à commenter et il y a toujours du super rock n’ roll à jouer.
Comme tu l’as mentionné plus tôt, il y a tout juste quelques jours, vous avez joué au Hellfest. Qu’est-ce que ça faisait de jouer du rap à un festival de metal ?
Eh bien, je ne sais pas si tu étais au concert mais putain, les gens ont complètement perdu la boule ! En environ un an et demi, le Hellfest, le festival metal Français, était le public le plus dingue pour lequel nous avons jamais joué avec Prophets Of Rage ! Le numéro un ! Des fauteuils roulants jusqu’à la marée humaine sans fin qui partait totalement en vrille… Genre, avant le concert, je donnais quelques interviews et tout le monde me demandait : « Es-tu nerveux de jouer devant ce public metal ? » J’étais là : « Non ! On va tout déchirer ! » [Rires] « Je ne suis pas le moins du monde nerveux ! » Nous avons de solides racines metal dans Prophets Of Rage et nous n’avons pas peur de [rivaliser] avec n’importe quel groupe au monde.
Penses-tu que le rap et le rock/metal ont plus en commun que les gens le pensent en général ?
Je pense que ça dépend de comment tu joues. Tu pourrais amener un groupe qui joue du death metal norvégien à 182 bpm, si c’est un groupe merdique, les gens ne les aimeront pas. Ou si tu amènes un groupe qui joue juste du hip hop mais il est génial, alors les fans de musique apprécieront. Donc je pense que bien qu’il y ait des similarités, qu’il peut y avoir des chevauchements dans l’agressivité de la musique et ce genre de choses, tout dépend juste de qui le fait. Nous avons joué dans de nombreux festivals metal sur cette tournée et c’était extra. Tout le monde dans ce groupe… Tu ne le sais peut-être pas mais Chuck D a basé le show scénique de Public Enemy sur celui d’Iron Maiden. B-Real est un énorme fan de metal, et il fait le DJ dans le bus ou dans le van et il a une profonde connaissance du metal. DJ Lord, notre DJ, a grandi avec Rage Against The Machine, Soundgarden, Sabbath et Led Zeppelin. Et bien sûr, Tim, Brad et moi avons une grande expérience à jouer de la musique qui envoie assez méchamment.
Pour finir sur une note triste, on a connu de nombreux décès parmi les artistes rock récemment, que ce soit Lemmy, David Bowie, Scott Weiland, Prince ou maintenant Chris Cornell, évidemment, que tu connaissais bien. Comment as-tu réagi à cette série de décès ?
Ouais, c’est très triste. Avec Chris, nous étions collègues de groupe pendant des années et c’était un ami proche, donc ça m’a touché très personnellement. Evidemment, j’étais un grand fan de Lemmy aussi et je suis très triste de sa disparition. Mais Chris nous a été pris bien trop tôt. Nous lui rendons hommage tous les soirs, nous jouons « Like A Stone » et le public chante magnifiquement, certains soirs Serj Tankian la chante avec nous, c’était une belle façon à travers la musique de célébrer sa mémoire et faire le deuil en tant que public de cinquante-mille personnes chaque soir, ça permet de guérir. Je pense que la seule chose à faire est de continuer et donner de super concerts, jouer de la super musique et maintenir sa mémoire en vie en étant bons et y aller tous les jours, faire ce que nous aimons faire, vivre la vie, changer le monde, collaborer avec le monde. Il nous manquera à jamais. Chris Cornell était l’un des plus grands chanteurs, compositeurs et rockeurs de tous les temps ! Il est naturellement irremplaçable mais nous allons faire de notre mieux pour jouer aussi bien que nous le pouvons en son honneur ce soir.
Interview réalisée par téléphone le 30 juin 2017 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Travis Shinn & Nicolas Gricourt (1).
Site officiel de Prophets Of Rage : prophetsofrage.com.
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« Tu pourrais amener un groupe qui joue du death metal norvégien à 182 bpm, si c’est un groupe merdique, les gens ne les aimeront pas. Ou si tu amènes un groupe qui joue juste du hip hop mais il est génial, alors les fans de musique apprécieront. » ? Sa peut être aussi l’inverse !
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