Ça fait maintenant dix ans et quatre albums que le chanteur Todd La Torre a intégré Queensrÿche. Si l’on met de côté le psychodrame de ces dernières années autour de l’ex-batteur Scott Rockenfield, le groupe poursuit avec régularité et en toute sérénité son entreprise de retour à son style originel. Queensrÿche a beau avoir été l’un des groupes de metal les plus novateurs dans les années 80 et début 90, les temps ont changé et surtout la scène a grandement évolué : difficile d’innover quand pratiquement tout a été fait. Nouvelle ère, nouvelle approche, vieilles méthodes. L’objectif est avant tout de faire de bonnes chansons, avec juste ce qu’il faut de progressif pour entretenir l’intérêt sans tomber dans la surenchère. Et force est de constater qu’avec Digital Noise Alliance, le combo s’en est donné les moyens, se regroupant en Floride accompagné de son producteur Christopher Harris alias Zeuss pour composer à l’ancienne et ressortant les vieux amplis de la grande époque.
A l’approche de quelques anniversaires clés – les quarante ans sur premier EP et ceux du premier album The Warning –, nous discutons de tout ça ci-après avec le chanteur, qui nous parle également des thématiques entourant le titre du disque, cette idée que la technologie ferait désormais partie intégrante de notre ADN en tant qu’êtres humains, pour le meilleur… et surtout pour le pire.
« Où est passée la qualité de composition ? Maintenant, tout n’est fait que de riffs et de cris avec des gens qui jouent à cent à l’heure à la batterie. Ça ne fait pas une bonne chanson. »
Radio Metal : A propos de la période d’isolement due à la pandémie, Michael Wilton a dit que « c’était une période étrange et c’était nul de ne pas savoir si on allait voir la lumière au bout du tunnel, mais ça a engendré certains des éléments créatifs du nouvel album ». Comment êtes-vous parvenus à être créatifs, justement, et à faire des plans à une période aussi désespérée, chaotique et incertaine ? Ne vous êtes-vous pas sentis abattus ou désorientés ?
Todd La Torre (chant) : Je ne me suis pas tellement senti comme ça parce que quand je reviens à la maison après une tournée, je reste chez moi. Je ne sors pas vraiment. J’ai donc l’habitude d’être chez moi et de n’aller nulle part. Les gens qui avaient l’habitude de sortir de chez eux et de faire tous les jours des choses, eux se sentaient probablement piégés. Pas moi. Aussi malheureux que ça pouvait être, c’était une très bonne période pour être créatif, car on ne se rendait pas à un aéroport tous les deux jours, on ne faisait pas de concert, on était chaque jour à la maison et tout ce que j’avais à faire, c’était me lever et créer. C’était parfait pour créer de la musique. C’est ce qui s’est passé avec mon album solo : j’ai toujours voulu faire mon propre projet. Ce que je compose est beaucoup plus heavy que Queensrÿche, donc au lieu d’essayer de forcer à faire rentrer ça dans le moule du groupe, ça avait plus de sens que je fasse mon propre album solo. Il se trouve que les idées que j’avais accumulées pendant des années n’ont finalement jamais été utilisées. L’album solo a été fait uniquement avec de nouvelles chansons que Craig Blackwell et moi avons faites durant la pandémie. Nous avons composé et enregistré ça en quatre mois. C’était l’occasion parfaite pour profiter du temps mort. Globalement, la musique a créé une sorte de bulle qui nous aidait à garder la santé mentale.
Les sessions d’écriture de Digital Noise Alliance ont commencé quand Michael est venu te voir en Floride fin janvier 2021. Vous avez consciemment décidé de ne pas procéder par échanges de mails et de baser le processus sur des riffs, des expérimentations et des improvisations faits sur place. Était-ce justement une réaction à l’année d’isolement qu’on venait de vivre ? Avez-vous ressenti un besoin d’interaction humaine, plus qu’habituellement ?
Oui. Je n’ai vu personne du groupe pendant longtemps, presque un an – je ne sais pas exactement combien de temps. Il a pris l’avion et a passé un peu de temps ici – c’était avant qu’il déménage, car il vit en Floride maintenant. C’était très sympa de sortir de l’isolement, de voir un ami et d’interagir avec lui. Puis notre producteur est venu, nous avons commencé à faire des sessions d’écriture et dès que les vaccins étaient disponibles, tout le monde a décidé de se réunir chez moi et de travailler sur cet album ensemble. Donc effectivement, il n’y avait pas d’échanges d’e-mails, ça a été fait dans une pièce comme au bon vieux temps, quand un groupe prenait ses instruments pour envoyer du riff et jammer tous ensemble. C’est ce que nous avons fait pour cet album. Ça a apporté une dimension supplémentaire au processus qui ne peut être recréé via e-mail ou des outils de vidéoconférence. C’est comme lorsque tu as un rencard avec quelqu’un à distance. Tu vois la personne à l’autre bout, mais ce n’est pas comme si tu te tenais à un mètre d’elle et avais son visage en face du tien. Il y a un côté humain. L’ordinateur peut s’en rapprocher, mais ce n’est quand même pas pareil. En plus, je pouvais avoir ma guitare entre mes mains et leur montrer quelque chose, il n’y avait pas de latence, pas de délais. Si nous faisions une pause pour aller manger, nous parlions durant le déjeuner et une idée pouvait surgir. Lorsque nous revenions, nous disions : « Enregistrons cette idée dont on a parlé. » Il y a beaucoup plus d’avantages à le faire en personne.
Penses-tu que ça vous avait manqué sur les albums précédents ?
On peut dire que oui, ça manquait. Nous avons pu faire des trucs vraiment super avant, rien qu’en procédant par échanges d’e-mails, mais il est clair qu’être dans la même pièce, ça aide. Je pense que nous avons fait du bon boulot avec les autres albums en procédant avec l’autre méthode, et puis il y avait quand même des moments où nous travaillions en personne, mais ça fait gagner beaucoup de temps. Si quelqu’un crée une idée et te l’envoie par e-mail, et que tu dis : « Oh, j’aime bien, mais est-ce que tu peux changer ça ? », le temps que la personne reçoive cet e-mail, puis aille dans son studio, réenregistre l’idée et te la renvoie, ça peut prendre deux semaines, alors que si vous là en personne, ça devient quasi instantané. Ça fait gagner du temps de préproduction aussi, car tout le monde est dans la même pièce et on se met d’accord sur quelque chose, c’est fait. Autrement, ça prend plus de temps. Et puis il y a le simple plaisir d’être ensemble, avec les éclats de rire et toutes les plaisanteries.
« Certaines personnes adorent faire étalage de leurs compétences techniques et il y a clairement un public pour ça. Fut un temps où j’adorais ce type de musique très progressive – enfin, ce qui est considéré comme prog aujourd’hui. Maintenant, je n’en écoute plus, parce que ça m’ennuie. »
Michael a dit que, quand il est venu te voir, il ne se doutait pas du tout que tu avais aussi invité le producteur Zeuss à venir du Massachussetts. Pourquoi avoir décidé d’inviter votre producteur à venir aussi tôt dans le processus ? Qu’attendais-tu de lui à ce stade ?
Tout d’abord, quand nous travaillons sur des idées, il est celui qui bosse sur l’ordinateur afin que nous puissions nous concentrer sur notre instrument. Il est assis derrière la console et enregistre tout. C’était d’emblée un premier avantage. L’autre avantage était que, pendant que nous construisions des parties, ça avait du sens qu’il soit présent parce qu’au final, c’est lui qui écoutera les morceaux que nous créons. Il peut être là : « Oh, je n’aime pas cette transition. Je pense qu’il faut que ce soit placé ici. » Donc le fait qu’il soit là dès le début, encore une fois, ça fait gagner du temps durant la préproduction, où nous décortiquons tout pour nous concentrer sur les arrangements et les changements de tonalité. En étant là dès le début, il a pu nous donner plein d’idées auxquelles nous n’aurions pas pensé, comme avec l’utilisation d’un synthétiseur et de certains sons que nous avons pu tout de suite tester. Ensuite, ça nous inspirait une direction à prendre avec la chanson très tôt dans le processus. Mais rien que l’avoir pour contrôler l’ordinateur nous a fait gagner énormément de temps, car il enregistre, il crée une nouvelle playlist, quand nous avons fini avec une chanson, il crée une nouvelle session, il importe le tout et ensuite, boum, nous sommes prêts à y aller. Contrairement à si nous devions nous occuper de ça nous-mêmes et devions arrêter ce que nous sommes en train de faire pour bidouiller l’ordinateur. C’était un peu un ingénieur pendant le processus de composition afin de l’enregistrer, mais il avait tout de suite de super idées. Il a beaucoup contribué.
Dirais-tu qu’un producteur a un point de vue particulier qu’un groupe ne peut avoir ?
Oui, parce que quand tu es l’artiste qui crée la musique, que tu as une idée en tête et que tu la montres, tu es « marié à la démo », comme on dit. Alors que ce gars n’a aucun sentiment attaché à la chanson ou la musique. Donc si quelque chose ne sonne pas bien, il dira simplement : « C’est horrible. Le changement de tonalité ne fonctionne pas. Il faut que ça aille là. Essaye ça. » Il a un autre point de vue parce qu’il intervient en tant que personne extérieure. De même, on lui accorde un certain niveau d’autorité. Il peut arriver que la moitié du groupe veuille que ce soit fait d’une certaine façon et l’autre moitié que ce soit fait d’une autre façon. A ce moment-là, nous lui donnons le marteau du juge pour dire : « D’accord, en tant que producteur, en faveur de quel côté vas-tu trancher ? Car certains d’entre nous n’aiment pas et d’autres aiment. » Peut-être demandera-t-il : « Eh bien, quelle partie vous n’aimez pas ? » Et nous dirons : « On n’aime pas cette partie. » « D’accord. Alors que vous, vous l’aimez. » Alors peut-être qu’il trouvera une solution en procédant à un changement qui contentera les deux partis. Il joue donc un rôle très important.
Penses-tu que les groupes qui s’autoproduisent passent à côté de quelque chose ?
Oui. Enfin, pas tout le temps. Ça dépend. Ecoute, tout est subjectif. Ce que Nicolas aime, peut-être que le gars d’à côté n’aime pas. Il y a des choses que j’aime. J’ai autoproduit mon album solo avec Craig, nous l’avons fait nous-mêmes. Je n’ai pas embauché Zeuss pour être le producteur. Je ne veux pas qu’il me dise comment faire ma musique. C’est précisément pour ça que j’ai fait ma musique à ma façon, peu importe ce que qui que ce soit peut en dire, car il pourrait dire : « Je crois que tu n’aurais pas dû faire ça ici. » J’aurais rétorqué : « Eh bien, je veux le faire ici. » Qui peut dire que j’ai tort ? Un producteur, c’est bien, parce qu’il arrive avec un point de vue extérieur, sans sentiment attaché à la musique, c’est donc un bon médiateur. Et puis il n’obtient pas toujours ce qu’il veut. Il y a des fois où il dit : « Il n’y a pas moyen ! » Et nous répliquons : « Mec, t’es fou. Il faut que ça reste. » Parfois il n’obtient pas la décision qu’il voulait. C’est notre musique. Au final, nous décidons, mais nous accordons au producteur une certaine autorité pour prendre une décision quand nous ne pouvons pas la prendre nous-mêmes. Je pense que de nombreux groupes pourraient bénéficier d’un producteur pour deux ou trois trucs. En premier lieu, il y a le fait que dans le metal, il y a beaucoup d’exagération. Tout le monde joue un million de notes à la batterie et à la guitare, il y a trop de mots, les arrangements sont horribles, ça manque de bonnes chansons. Où est passée la qualité de composition ? Maintenant, tout n’est fait que de riffs et de cris avec des gens qui jouent à cent à l’heure à la batterie. Ça ne fait pas une bonne chanson. Je pense que les groupes pourraient vraiment profiter d’un producteur qui leur dit d’épurer un peu les choses, de les simplifier, car autrement, toutes les chansons commencent à sonner pareil.
« C’est très difficile pour n’importe quel groupe de faire de la musique qui ne sonne pas comme quelque chose qui a déjà été fait. Personnellement, je ne fais rien qui n’ait jamais été fait avant. C’est très dur d’être novateur aujourd’hui quand on a l’impression que tout a été fait. »
Vous vous êtes retrouvés à utiliser la collection de vieux Marshalls de Michael. Il y a les amplis avec lesquels il avait enregistré Rage For Order, Operation: Mindcrime et Empire, chaque chanson ayant été jouée sur différents amplis et différentes guitares renvoyant à cette époque. Comment avez-vous eu l’idée de faire ça et quel était votre objectif ?
L’idée est venue de Zeuss. En gros, il a dit : « Je n’ai pas envie d’utiliser le Kemper. Je veux utiliser seulement des vieux amplis pour tout. » Donc Michael a ramené tous ces vieux amplificateurs et Zeuss a adoré quand il les a vus et a entendu les sons qui en sortaient. Je pense que ça a donné à l’album un son de guitare un peu vintage. Tout aujourd’hui est tellement brillant et précis. Je trouve que le fait d’avoir ces vieux amplis était une idée vraiment cool pour revisiter ces vieux sons et les chansons en ont vraiment bénéficié. Ça a apporté une certaine chaleur. Ce que nous avons décidé est que, suivant comment la chanson sonnait ou le feeling qu’elle nous procurait, nous expérimenterions avec ces différents amplificateurs. Toutes les chansons n’ont pas le même son de guitare rythmique. Chacune d’entre elles est jouée sur un ampli ou une combinaison d’amplis différents. Du coup, on n’entend pas le même son sur chaque chanson. Il a fallu que nous notions quels amplis ont été utilisés sur quelles chansons [petits rires]. Par exemple, il a peut-être joué « Behind The Walls » en commençant avec l’ampli d’Operation: Mindcrime, puis il est peut-être passé sur l’ampli de The Warning parce qu’il aimait la façon dont le riff sonnait comme ça. C’était cool. J’ai trouvé ça génial qu’il ait encore tous ces amplis de l’époque.
Certains de ces amplis appartenant à l’histoire de Queensrÿche n’avaient pas été allumés depuis des années. Comment c’était de les allumer après toutes ces années ?
Je ne sais pas quand était la dernière fois qu’il les avait allumés. C’est une question à laquelle Michael devra répondre, mais il y a toujours certains marquages au feutre près des potards, pour certains réglages qu’il avait utilisés quand The Warning avait été enregistré. Il a aussi amené la pédale de flanger qui avait été utilisée sur « The Lady Wore Black », elle avait encore tous les petits réglages qu’il avait utilisés à l’époque de l’EP. C’était vraiment cool de voir tous ces vieux trucs être encore utilisés !
Penses-tu qu’avec Digital Noise Alliance, vous faites le lien entre le passé, le présent et le futur ? Est-ce même ainsi que vous concevez la musique de Queensrÿche aujourd’hui ?
Je pense, oui. Je pense qu’on obtient un peu de tout dans cet album. C’est une combinaison de l’histoire du groupe. Il y a des choses qui sonnent comme du Queensrÿche vintage ou comme provenant de The Warning ou de Rage For Order, puis il y a une jolie ballade qui sonne comme quelque chose qui aurait pu figurer sur Empire ou Promised Land, et ensuite il y a d’autres choses plus modernes, qui sonnent comme le Queensrÿche d’aujourd’hui. Je trouve qu’il y a une belle diversité. Ça comprend un peu tout ce qu’avaient les meilleurs albums de Queensrÿche. Je trouve que c’est une bonne représentation.
Il est clair que la ballade « Forest » fait fortement écho au passé : est-ce un peu le nouveau « Silent Lucidity » ?
Il y a probablement des similarités, mais nous n’avons pas dit : « Ecrivons un autre ‘Silent Lucidity’. » C’est juste que Michael avait ce petit truc acoustique tout simple. C’était l’une des dernières chansons sur lesquelles nous avons travaillé et c’est devenu une très jolie ballade, très simple, spacieuse, mature. Elle est très simple, mais très efficace. C’est l’une de mes chansons préférées dans l’album. J’ai voulu chanter dessus plus en falsetto, de manière très légère et aérienne sur les couplets, et avoir une harmonie vraiment intéressante durant les couplets, presque à la Pink Floyd ou Alice In Chains. Je trouve que c’était un joli changement pour aborder cette chanson. Je l’ai chantée exactement comme je l’ai voulu, c’est-à-dire de façon très légère et éthérée.
D’un autre côté, on a un morceau comme « Tormentum », qui est un régal progressif, presque comme une chanson de Dream Theater. Vous vous êtes fait plaisir sur celle-ci…
C’était juste un truc marrant. Nous avions différents morceaux et nous pensions que ça pourrait être intéressant de les assembler. Le chant dessus était presque comme un duo, avec deux types de caractères dans la voix, un peu comme un question-réponse. La première phrase est claire, la seconde est sale, etc. C’était un peu mon approche. Ensuite, on a de super duos de guitare, avec des solos harmonisés. C’est une chanson intéressante ! Peut-être que ça sonne comme Dream Theater à cause de certains changements, mais je pense qu’eux sont connus surtout pour leur maîtrise technique et le fait qu’ils jouent beaucoup de notes, avec plein de changements, de longues parties sans chant, etc. Ce n’est pas du tout ce que nous faisons, selon moi. Je pense que nous sommes progressifs dans le sens où nous pensons parfois les chansons de façon peu orthodoxe plutôt qu’en se disant : « Oh, essayons de faire quelque chose avec une signature rythmique de fou. »
« On peut dévier et avoir des trucs un peu prog, mais les meilleures chansons, celles qui résistent à l’épreuve du temps, sont celles qui ont une bonne accroche et qui peuvent être chantées. »
Tu trouves que c’est un peu vain ?
Certaines personnes adorent faire étalage de leurs compétences techniques et il y a clairement un public pour ça. Fut un temps où j’adorais ce type de musique très progressive – enfin, ce qui est considéré comme prog aujourd’hui. Maintenant, je n’en écoute plus, parce que ça m’ennuie. Tout sonne comme si c’était tout le temps un tas de solos et ça me manque parfois d’entendre une bonne chanson que je peux chanter. Mes chansons préférées sont celles dont je peux fredonner les solos de guitare, et pas celles dont les solos sont des arpèges, du sweeping et un million de notes. Enfin, il y a beaucoup d’avantages à ça et j’apprécie et respecte leur talent, mais en tant qu’auditeur, ce n’est plus tellement quelque chose qui m’intéresse.
Queensrÿche est connu pour avoir été un groupe très novateur. Maintenant, en quarante ans, la scène metal a beaucoup évolué et on dirait que tout a été fait, ou en tout cas que ça devient de plus en plus difficile d’être novateur comme Queensrÿche l’a été dans les années 80 et début 90. Malgré ça et le fait que vos derniers albums donnaient dans le Queensrÿche typique en termes de style, penses-tu que vous parvenez toujours à être un groupe novateur ou laissez-vous désormais ça aux plus jeunes groupes ?
C’est une bonne question. Je ne sais pas si j’entends beaucoup d’innovations. Comme tu l’as dit, c’est très difficile pour n’importe quel groupe de faire de la musique qui ne sonne pas comme quelque chose qui a déjà été fait. Korn sonnait vraiment unique. Pantera sonnait vraiment unique. Queensrÿche sonnait unique. Pink Floyd, Yes, Rush… Il y en a quelques-uns. Après ça, maintenant, on dirait qu’on est tous inspirés par nos artistes préférés ; on ne cache pas nos influences et on peut les entendre dans notre jeu. C’est donc très dur de faire quelque chose de totalement neuf. Personnellement, je ne fais rien qui n’ait jamais été fait avant. C’est très dur d’être novateur aujourd’hui quand on a l’impression que tout a été fait. Tout le monde utilise un orchestre et fait des trucs symphoniques, tout le monde a fait tous les différents effets sonores possibles. Donc pour ma part, tout se résume à de bonnes chansons. Ecoute les Beatles : ils étaient très expérimentaux, mais si tu écoutes une chanson comme « Imagine », il n’y en a pas du tout. Ce n’est pas un truc de dingue. C’est très simple et mélodique, et la mélodie fait mouche à tous les coups. Ensuite, si tu commences à écrire à propos d’un sujet intéressant, tu peux apporter un peu de profondeur. Mais je pense qu’au final, moins c’est mieux et que ce qui compte, c’est de bien composer.
On peut dévier et avoir des trucs un peu prog, mais les meilleures chansons, celles qui résistent à l’épreuve du temps, sont celles qui ont une bonne accroche et qui peuvent être chantées. Comme Phil Collins, ça fait : [chante l’intro de batterie et la ligne de chant principale de « In The Air Tonight »]. Tout le monde connaît ce roulement de batterie, ce n’est pas : [Chante un roulement super rapide]. Ce n’est pas un truc complexe. Ou le solo de guitare de « Another Brick In The Wall » ou « Comfortably Numb » de Pink Floyd, c’est mémorisable et ça peut être chanté. « My Guitar Gently Weeps » des Beatles, très simple, mais il y a des couches. On n’a pas besoin de forcer pour rentrer dedans. C’est pourquoi j’aime Rush : on peut avoir une chanson complexe comme « Tom Sawyer » ou « Subdivisions », mais on n’a pas l’impression qu’il y a un million de changements. C’est très fluide. Alors que plein de groupes de prog aujourd’hui sont là : [chante une longue partie instrumentale, rythmiquement très complexe, dans la veine de Dream Theater]. T’es là : « Putain, mais c’était quoi ce truc ? » C’est exagéré ! C’est comme du math rock. C’est trop à mémoriser, l’oreille moyenne ne peut pas traiter ça. C’est de la musique d’intello.
La batterie a été enregistrée en Floride dans un manoir ayant appartenu à la légende du catch Hulk Hogan. Pourquoi aller dans un tel lieu pour ça ?
Un ami à moi possède cette maison. Les plafonds y sont extraordinaires. Nous y avons fait quelques sessions d’écriture, car elle fait plus cinq mille mètres carrés et il y a tout l’espace qu’on veut pour que tout le monde puisse être créatif. Et quand Zeuss a vu la pièce et le plafond, il a dit : « Bon sang, j’adorerais enregistrer la batterie ici, si c’est possible » et ça l’était. Donc nous avons enregistré la batterie là-bas. C’est une maison incroyable. De très hauts plafonds avec un design architectural intéressant et des poutres, c’était parfait pour enregistrer la batterie.
As-tu déjà rencontré Hulk Hogan ?
Je l’ai rencontré une fois quand j’étais adolescent, car je vis un peu dans le même coin et je l’ai vu sortir, je crois que c’était dans un restaurant, mais autrement, je n’ai jamais engagé le dialogue avec lui.
« Les gens veulent montrer à quel point leur vie est super, alors que c’est souvent n’importe quoi. C’est que de l’apparence. Les gens se soucient tellement de la façon dont les autres les perçoivent qu’au final rien n’est réel. […] C’est comme les influenceurs : c’est le truc le plus débile dont j’ai jamais entendu parler. »
Michael a dit qu’une « bonne partie des chansons expose [votre] point de vue sur les troubles qui secouent actuellement le monde, surtout aux Etats-Unis ». Etant un groupe qui a toujours cherché à écrire des textes intelligents et des observations sur le monde, j’imagine que ces deux dernières années vous ont donné plus de matière que vous ne pouviez en traiter…
Oui, nous sommes comme des reporters : nous observons et rapportons. Il se passait tellement de choses entre cet idiot de président qu’on avait et tous les troubles civils ici, et maintenant il y a une guerre en Europe. Les gens qui meurent, qui perdent des êtres chers, l’isolement, « quand notre affaire va pouvoir rouvrir ? », personne qui ne gagne d’argent, les gens qui souffrent… Il y a beaucoup d’obscurité, plein de de tragédies à propos desquelles écrire et parler. Ce n’est pas un album qui se veut déprimant, mais il y a clairement des thématiques sombres là-dedans et le contexte a contribué aux idées à aborder.
L’album s’intitule Digital Noise Alliance, qui est un titre intelligent, fait de trois mots ayant chacun un sens spécifique et qui, ensemble, forment l’acronyme DNA, en référence au brin d’ADN sur la pochette. As-tu l’impression que la numérisation de la vie est progressivement en train d’intégrer notre ADN en tant qu’espèce ?
Oui. C’est ainsi que nous avons évolué en tant que société, en tant que peuple. Presque tout le monde est sur Facebook. Je ne connais pas les statistiques actuelles, mais une personne sur quatre sur Terre avait un compte Facebook. Enfin, nous sommes en train de faire une interview en ce moment même au téléphone, tu es en Europe et je suis ici. Les gens ont des rendez-vous en ligne avec le médecin. La politique est influencée et déterminée par internet. Donc tout est numérique. Qu’on le veuille ou non, on est tous esclaves des satellites dans le ciel. On ne lit plus des cartes, on utilise son GPS. Les diabétiques vérifient leur taux d’insuline via une application sur leur téléphone. Tout ce qu’on fait est ancré dans cette ère du numérique. Ce qui nous amène à la partie « Noise » du titre : il y a beaucoup de bruit. Il faut choisir parmi un million de groupes sur YouTube avec toutes les vignettes. Il y a un million de publicités. Fais ci, fais ça, achètes ci, n’achète pas ça. Quand ils sont à table pour dîner, les gens regardent leur téléphone, ils n’interagissent pas en tant que famille. Les gens marchent dans la rue collés sur leur téléphone, ils ne lèvent pas la tête et ne regardent pas devant eux. Les gens rencontrent d’autres gens sur internet avant de se rencontrer en personne et ils ont une bonne dynamique, puis ils se rencontrent en personne et ils ne savent pas comment se parler. Les gens sont plus à l’aise derrière un clavier qu’en face à face.
La partie « Alliance » est qu’on en fait tous partie, qu’on le veuille ou non. On a tous une alliance avec la technologie. On l’utilise tous. La question, c’est comment on l’utilise ? Ça englobe donc un peu la façon dont on a évolué et les questions : comment est-ce que ça modèle la biologie ? Comment ça peut nous modeler psychologiquement ? Comment la psychologie peut changer l’ADN d’un être humain pour qu’il soit prédisposé à la dépression ? Beaucoup de choses ont changé à cause de la technologie et celle-ci a avancé à un rythme exorbitant et exponentiel durant les cinquante dernières années. Donc, peux-tu imaginer à quoi ça va ressembler dans cinquante ans ou quand je serai mort et enterré ? Dans cent ans, à quoi ça va ressembler ? Dans mille ans, à quoi ça va ressembler ? Les gens vont-ils communiquer avec leur cerveau, sans avoir à parler ? Les langues vont-elles mourir parce qu’on n’aura plus besoin de parler ? Qui sait ?
A propos de la partie « Noise », penses-tu que le numérique et internet sont responsables du fait que les gens sont parfois désorientés aujourd’hui ?
Oui. Il y a d’ailleurs une chanson dans l’album qui s’appelle « Hold On », ça ne parle pas exactement d’être désorienté, quoique ça pourrait, mais il s’agit d’observer un peu toutes les conneries qui se passent. Genre : « Regardez comme je suis musclé ! Mon corps est super grâce à ces suppléments alimentaires. Vous mangez la mauvaise nourriture. » Je veux dire que les gens veulent montrer à quel point leur vie est super, alors que c’est souvent n’importe quoi. C’est que de l’apparence. Les gens se soucient tellement de la façon dont les autres les perçoivent qu’au final rien n’est réel. C’est un peu ce dont parle la chanson « Hold On » : la patience. Tout le monde a vite fait de juger. Tout le monde a vite fait de sortir les choses de leur contexte et de réagir. Ils ne diraient pas la moitié de ce qu’ils disent sur internet s’ils étaient en face de toi. Et c’est généralement super négatif. Si je dis quelque chose en interview et que ça fait la une, ils sont là : « Oh, pour qui se prend ce loser ? C’est un poseur. Il chante les chansons de quelqu’un d’autre. Qu’il aille se faire foutre. » Et je suis là : d’abord, tu n’as même pas lu ce que j’ai dit dans son contexte. Les gens jugent rapidement, mais oui, il y a de la désorientation et plein de fausses informations. Les gens ne jurent que par le régime cétogène. C’est la pire chose que vous pourriez faire à votre corps. Ce régime a été inventé pour les gens souffrant d’épilepsie sous supervision médicale. Il y a tellement de stupidités sur internet.
L’époque où les réseaux sociaux n’existaient pas et où les choses étaient plus simples me manque. Si je n’étais pas dans ce groupe ou si je ne devais pas promouvoir quelque chose, je ne serais pas sur Facebook et je n’aurais pas Twitter. Je n’ai pas Instagram. Je ne veux pas d’Instagram. Je n’en ai rien à foutre d’Instagram. Je me fiche de tout ça. C’est juste le seul moyen que j’ai pour nouer des liens avec les gens qui me soutiennent et partager avec eux ce que je fais. En dehors de ça, de ma mère et de quelques amis, tout ceci ne m’intéresse pas. Je trouve que ça peut être aussi bénéfique que nocif. Cette époque que l’on vit est très différente de la façon dont j’ai grandi.
« L’époque où les réseaux sociaux n’existaient pas et où les choses étaient plus simples me manque. Si je n’étais pas dans ce groupe ou si je ne devais pas promouvoir quelque chose, je ne serais pas sur Facebook et je n’aurais pas Twitter. Je n’ai pas Instagram. Je ne veux pas d’Instagram. Je n’en ai rien à foutre d’Instagram. Je me fiche de tout ça. »
J’imagine que la partie « Alliance » peut aussi être perçue comme Queensrÿche en tant qu’unité et communauté de fans…
Exact. L’une des choses avec lesquelles nous plaisantons, c’est quand nous faisons des interviews et que Michael dit : « Eh bien, c’est dans notre ADN. » C’est la façon dont la conversation commence. Nous disons toujours que « c’est dans notre ADN », « c’est dans notre ADN », alors peut-être que nous jouons avec cette idée ADN et c’est ainsi que l’idée est venue. A l’origine, l’artwork devait montrer le tri-rÿche avec une échelle en forme de brin d’ADN et un gars qui monte dessus, comme si le logo de Queensrÿche était le sommet de l’évolution [rires], mais ça ne se traduisait pas bien sur papier. Avec ce petit bonhomme qui monte cette échelle d’ADN vers ce vaisseau mère, ça faisait trop d’éléments à regarder, ça n’avait pas de sens. Nous avons donc dit : « Peut-être qu’on peut simplement prendre le tri-rÿche et intégrer l’ADN dedans. Peut-être qu’il y a moyen de faire ça de façon stylisée. » C’est ainsi que nous avons eu l’idée de la pochette. Il y a d’ailleurs des petites terminaisons nerveuses qui luisent pour montrer que c’est vivant. C’est comme une entité vivante. J’aime beaucoup l’artwork, il est simple, efficace et vif. Je trouve que ça fonctionne.
Mais est-ce que cette idée d’alliance pourrait symboliser une forme de résistance que vous pourriez incarner contre cette numérisation bruyante de la vie ?
Oui. C’est un concept intéressant. Personnellement, je méprise pas mal de choses que la société a créées avec la technologie, mais j’adhère aussi à la technologie avec les scanners de reçu et les PDF qu’on peut envoyer par e-mail à son comptable ou le fait de pouvoir regarder Master Tour pour voir tout notre itinéraire de tournée. Je peux ajouter des gens à la liste d’invités grâce à cette application. Je peux suivre le nombre de pas que j’ai faits grâce à ma montre connectée. Il y a plein de choses cool, mais je pense que ça fait aussi du mal à la société. Ça pousse les filles à croire qu’elles doivent être belles à dix ans ou à porter des vêtements sexy alors que ce sont des enfants, ce qui est dégoûtant, ou ça fait que des gens se sentent incompétents s’ils ne gagnent une certaine quantité d’argent parce qu’ils voient des vidéos avec plein d’autres gens conduire des voitures chères et vivre dans de grandes maisons. Tout ça, ce sont des conneries. Je vis dans une toute petite maison. Je pourrais vivre dans une grande maison, mais je n’en ai rien à foutre. J’ai une Corvette, mais je n’ai pas payé cher pour l’avoir et j’ai payé cash. Je ne suis pas endetté. Je n’ai aucune dette. Je ne vis pas au-dessus de mes moyens pour essayer d’impressionner mes voisins. Je me fiche royalement de ce qu’ils pensent. Les gens se focalisent tellement sur la gloire et la célébrité de nos jours. C’est comme les influenceurs : c’est le truc le plus débile dont j’ai jamais entendu parler. « T’es quoi ? » « Je suis un influenceur sur Instagram. » « Qu’est-ce que tu influences ? » « Je suis populaire, donc les gens me donnent des produits gratuitement pour poster des photos de ceux-ci. » « Mais pour quoi es-tu connu ? » « Rien. Je suis connu parce que je suis beau. » « Ce n’est pas un talent. Tu as juste eu de la chance. » Voilà ce qui obnubile les gens en Amérique.
Je ne sais pas comment c’est en Europe, mais en tout cas, vous n’avez pas des gens qui croient que la Terre est plate ; aux US, on a vraiment des gens qui le croient. C’est putain de triste, mec. C’est pathétique. Si tu demandais : « Préfèrerais-tu être un rappeur multimillionnaire ou un scientifique nobelisé qui gagne quatre-vingt mille euros par an ? » Ils te répondraient : « Je préfèrerais être un célèbre rappeur pendant un an et gagner dix millions. » Avant, l’éducation était admirée ici ; maintenant, les gens sont idiots comme pas possible ici. Ils peuvent te dire qui sont les Kardashian, mais ils sont incapables de citer un seul juge de la Cour suprême. Encore une fois, ce sont les réseaux sociaux. C’est la popularité, l’argent, la célébrité, TikTok, tous ces trucs stupides qui n’ont aucune importance. Tout ça est lié à cette époque dans laquelle on vit. Les gens se cachent dans leur chambre. Ils ne sortent pas pour être créatifs, jouer à des jeux et faire ce qu’on faisait dans les années 70 quand on était gamins. Je trouve que la technologie a aussi fait plein de super choses pour les jeunes. Par exemple, ils sont super doués avec les ordinateurs, ils inventent des choses, ils créent des outils, ils font plein de trucs cool, mais encore une fois, tout dépend comment les gens utilisent cet outil.
Tu as déclaré qu’« à une époque où les groupes écrivaient sur le sexe, la drogue et le rock n’ roll, Queensrÿche écrivait au sujet de politique, de religion, d’injustice sociale – des sujets qui sont aujourd’hui plus pertinents que jamais ». Penses-tu qu’on puisse faire des parallèles entre le concept d’Operation: Mindcrime, en l’occurrence, et le monde dans lequel on vit, surtout en Amérique avec les collusions entre la politique et la religion, l’état de la société et certains politiques qui poussent à l’insurrection ?
Absolument. On a des sectes, on a des gens qui essayent de dire que l’élection a été volée alors qu’il n’y a aucune preuve, on a les gens de QAnon, on a les gens qui pensent que Donald Trump est toujours le président. Il ne l’est pas ! Les parallèles entre cet album et ce que l’on vit aujourd’hui sont très prégnants. Il y a ce mélange entre l’Eglise et l’Etat, alors qu’il est censé y avoir une séparation, mais les gens disent tout le temps : « Que Dieu bénisse l’Amérique. » Pourquoi dites-vous « Dieu » ? Pourquoi ne peut-on pas simplement dire : « On souhaite le meilleur à nos citoyens américains » ? Pourquoi doit-on dire « Dieu » ? Pourquoi lit-on « In God we trust » sur nos billets ? Pourquoi l’avortement est-il interdit ici ? A cause de la religion ! Et les gens mettent des juges au niveau fédéral pour utiliser leur foi et changer la législation sur la base de leur religion. C’est n’importe quoi ! Ce n’est pas le pays le plus libre. Oui, il y a plein de parallèles entre cet album et notre époque, c’est sûr.
« Ça fait des années que je n’ai pas parlé à Scott. Je me fiche de ce qu’il trafique. Je ne le respecte plus en tant qu’être humain, et je n’en ai rien à foutre de ce qu’il fait. Il a arrêté de parler au groupe il y a des années. »
Le guitariste Mike Stone est revenu dans le groupe après le départ de Parker Lundgren pour se concentrer sur « d’autres aventures ». Mike a fait partie du groupe de 2003 à 2008 quand il a été évincé par Geoff et Susan Tate. Même si tu n’étais pas là à l’époque, évidemment, as-tu l’impression que lui et le groupe reprennent une relation inachevée ?
C’est sûr. Mike est vraiment un chouette type. Il est drôle. Il est très détendu. Il a beaucoup de talent. Il adore la musique. Il est très créatif. C’était la bonne personne à faire revenir. C’était triste de voir Parker partir, nous l’adorons, nous le respectons, nous lui souhaitons le meilleur, nous sommes toujours amis, mais si quelqu’un devait le remplacer, ça devait être Mike Stone. Je suis content qu’il soit dans le groupe. Je pense que c’était un visage familier pour le public, pour les gens qui soutiennent le groupe, car nombre d’entre eux l’appréciaient. Donc ça s’est bien arrangé.
Parker avait été embauché par les Tate, et ça avait créé des divisions à l’époque au sein du groupe car ce n’était pas la décision des autres membres. Malgré tout, il est resté dans le groupe après le départ de Geoff. D’après ton expérience quand tu es arrivé, Parker était-il pleinement intégré ?
Oui, il faisait pleinement partie du groupe. Je me souviens de Michael me disant qu’il avait appelé Parker pour lui dire : « Eh, ne prends pas de décision hâtive. Reste avec nous, car j’ai rencontré un gars et je pense que c’est le bon. » Donc nous avons fait des répétitions, Parker est venu, je l’ai rencontré et je l’ai adoré. C’était super de le côtoyer. Il n’y avait aucune distance entre lui et le reste du groupe, ou quoi que ce soit. Il est vraiment parvenu à se faire une place au sein du groupe.
Casey a été officialisé en tant que batteur du groupe, remplaçant ainsi Scott Rockenfield qui s’est retiré des tournées début 2017 pour passer du temps avec son jeune fils. Cependant, il a intenté un procès à l’encontre de Michael et Eddie pour renvoi injustifié, parmi d’autres choses, et a même lancé un site web Queensrÿche2021, laissant entendre un retour. On dirait donc bien qu’il voulait rejouer dans le groupe. Tu nous avais longuement parlé de son hiatus et sa non-participation à l’album à l’époque de The Verdict, mais on dirait que les choses ont empiré avec le temps. Que s’est-il passé avec lui ces deux dernières années ?
S’il prétend qu’il a été mis à la porte, il raconte de la merde. Nous lui avons demandé d’enregistrer [The Verdict]. Nous lui avons demandé de venir et il n’est jamais venu. Nous avons dit : « Vas-tu enregistrer ? » Il n’a pas voulu s’engager à enregistrer. Et finalement, nous avons dit : « On doit savoir dans les deux prochaines semaines si tu vas enregistrer. Car autrement, le groupe va devoir faire jouer les parties par un autre batteur. » J’ai l’e-mail. C’est écrit noir sur blanc. Il a dit : « Je comprends que chaque minute compte. Ce n’est pas grave » et en gros, il a donné sa bénédiction pour enregistrer sans lui. Donc lorsqu’il essaye de faire croire que nous ne lui avons pas permis d’enregistrer, il dit des conneries. C’est un mensonge effronté. J’ai moi-même enregistré l’album parce qu’il ne voulait pas le faire.
Ça fait des années que je n’ai pas parlé à Scott. Je me fiche de ce qu’il trafique. Je ne le respecte plus en tant qu’être humain, et je n’en ai rien à foutre de ce qu’il fait. Il a arrêté de parler au groupe il y a des années. Quand Casey est arrivé, il était censé seulement le remplacer pour quelques concerts, puis Scott a pris six mois de congés. Quand l’année suivante est arrivée, j’ai demandé : « Est-ce que Scott va revenir en janvier ? », c’est le management qui nous a informés : « Scott nous a notifié qu’il ne reviendrait pas en janvier. » « D’accord. Eh bien, quand va-t-il revenir ? » « Je ne sais pas. » Il ne nous l’a jamais dit, il passait par le management pour nous parler, donc il a arrêté de communiquer avec nous. Quand les gens me posent des questions sur Scott, littéralement, je ne lui ai pas parlé depuis avant l’enregistrement de The Verdict. C’était la dernière fois que je lui ai parlé et tout le monde pense : « Oh, tu en sais plus. » Je n’en sais pas plus ! Le gars est parti pour être avec son fils pendant un temps et n’est jamais revenu. Il ne s’est jamais adressé aux fans. Il a mis en place un site web à la con. Il écrit en messages énigmatiques. Et honnêtement, plus personne ne s’intéresse à lui. Les fans ont adopté Casey et nous sommes ceux qui sont au travail. Scott ne m’intéresse pas.
Comment Michael et Eddie se sentent maintenant avec ce nouveau conflit avec un membre d’origine, dix ans après le conflit avec Geoff Tate ? Ne sont-ils pas fatigués par tous ces troubles internes ?
Honnêtement, le groupe que nous sommes est à cent pour cent saint, génial, et il n’y aucune dispute. Nous nous entendons comme vous ne le croiriez pas. Nous nous entendons parfaitement bien, il y a zéro problème. Il y avait un problème avec Geoff. D’accord, ça a été réglé. Scott a eu un enfant et il n’est pas revenu. Les gens pensent : « Oh mon Dieu, il y a tellement de drame dans Queensrÿche. » Il n’y a aucun drame dans Queensrÿche. Il y a juste un gars qui ne veut pas faire partie du groupe. Ça n’a rien à voir avec le reste d’entre nous. C’est juste un gars. Ça donne l’impression qu’il y a toujours des problèmes avec nous. Il n’y aucun problème avec nous. Le seul problème, ce sont les gens qui ne veulent pas faire partie du groupe. C’est évident. Il suffit d’écouter les albums quand j’ai intégré le groupe, ça sonne à nouveau comme Queensrÿche. Ce n’est pas juste un gars qui contrôle tout. Quand Scott est parti, a-t-il dit quoi que ce soit aux fans ? Non. Jamais. Il n’a jamais dit un seul mot et tout le monde demande : « Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe ? » « Eh, vas-tu t’adresser aux fans ? » Il n’a jamais rien dit. D’accord, bon, qu’est-ce que ça vous dit ? S’il ne s’adresse pas à vous, c’est si dur à croire qu’il ne s’adresse pas à nous ?
« Chaque rêve musical que j’ai toujours voulu réaliser a été plus ou moins réalisé. Je n’ai aucun regret. J’ai pu me faire un nom quelque part dans le monde du rock ou du heavy metal. Je fais simplement ce que j’aime faire et je suis reconnaissant que les gens m’aient donné une chance. »
Tu as rejoint Queensrÿche en 2012. Ça fait donc dix ans maintenant que tu fais partie de ce groupe. Tu as fait quatre albums depuis. Quel bilan tires-tu de ces dix premières années ?
Ça a été merveilleux ! J’ai pu rencontrer des gens vraiment super. J’ai pu voyager plus. Enfin, j’avais beaucoup voyagé avant, mais là j’ai pu aller dans des endroits extraordinaires. J’ai pu chanter sur certaines des meilleures scènes au monde. En gros, chaque rêve musical que j’ai toujours voulu réaliser a été plus ou moins réalisé. Je n’ai aucun regret. J’ai pu me faire un nom quelque part dans le monde du rock ou du heavy metal. Je fais simplement ce que j’aime faire et je suis reconnaissant que les gens m’aient donné une chance. C’est tout. Je suis un mec normal comme n’importe qui.
Ça fait aussi quarante ans passés que le groupe a été fondé. Quand tu écoutes le groupe qu’ils étaient en 1982 quand ils ont enregistré leur premier EP – tu avais huit ans à l’époque –, as-tu l’impression de faire partie du même groupe ou bien est-ce différent à tes yeux ?
C’est dur de répondre à cette question parce que quand je suis arrivé, j’étais un fan du groupe, mais ensuite, quand tu évolues dans le groupe et que tu développes des amitiés et des relations au sein de celui-ci, tu le vois un peu différemment. Tu ne le vois plus avec des yeux de fan, mais j’ai les deux points de vue, donc quand nous composons, je peux comprendre, du genre : « Hey, vos fans vont adorer ça, car j’ai été ce gars de l’autre côté de la barrière en train de vous regarder sur scène. » Je suis en phase et en lien avec ce que les fans apprécient. Pas que ce ne soit pas leur cas, mais encore une fois, j’ai un regard un petit peu différent.
Comment c’est d’être dans un groupe qui a un héritage presque aussi vieux que toi ?
[Rires] C’est cool ! C’est un honneur de faire partie de ça, mais je ne revendique rien dans la grandeur de ces premiers albums. Je n’ai rien à voir avec la grandeur du groupe. J’en fait juste partie aujourd’hui et j’essaye d’en faire quelque chose de super et de continuer à l’emmener dans la bonne direction avec tous les autres.
Quel a été le premier album ou la première chanson que tu as entendue de Queensrÿche ?
Je crois que c’était « Eye Of A Stranger » de Mindcrime. Puis je suis allé acheter l’album The Warning parce qu’ils n’avaient pas Mindcrime en stock, et c’est devenu mon album préféré. C’était vers 89 que je les ai découverts.
Prévoyez-vous de célébrer cet anniversaire, celui des quarante ans de l’EP l’année prochaine ou celui des quarante ans du premier album The Warning dans un an et demi ?
Non. Nous nous concentrons sur le nouvel album et sa promotion. Nous allons quand même jouer des morceaux plus obscurs tirés de ces vieux albums. Je n’en suis pas totalement sûr, mais je ne pressens pas qu’il y ait ce dont tu parles pour l’EP. Peut-être que nous pourrions acter l’anniversaire durant un concert, en présentant par exemple « Queen Of The Reich » ou un de ces morceaux, mais pour ce qui est de jouer tout un album dans son intégralité, comme une célébration, je ne pense pas que nous le ferons. Nous avons parlé de peut-être faire The Warning en entier, mais les tourneurs… La plupart des gens veulent entendre plus de variété. A mon grand étonnement, les acheteurs n’ont pas manifesté suffisamment d’intérêt pour mettre en place une exclusivité avec cet album. Je sais que c’est quelque chose que Geoff Tate fait. Il joue chaque album en entier quand arrive l’anniversaire. Je ne sais pas ce qu’il va faire après Promised Land… Nous aimons jouer tous les morceaux. Nous couvrons au moins les six premiers albums et ensuite les albums dont j’ai fait partie.
Interview réalisée par téléphone le 14 septembre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Silly Robot Studios (2, 4, 8).
Site officiel de Queensrÿche : www.queensrycheofficial.com
Acheter l’album Digital Noise Alliance.
enorme surprise , mais…. ce nouveau queensryche n est pas bon , il est excellent….fan de la premiere heure ( oui oui….j ai acheté the warning à sa sortie ) ce nouvel album fait , pour moi , parmi de leurs 3 meilleurs à ce jour
Très bien ton interview Nicolas J aurais pose la même question sur Parker car c était assez trouble cette histoire.Ce Todd a sauvé le groupe du chaos il tient la boutique pourtant il est pas un membre original.J ai bien peur que le groupe d origine se reforme pour prendre du cash avec des concerts de grandes ampleurs.Et que cela fait que pour le fric!!