La France serait-elle en passe de devenir l’autre pays du stoner, après les Etats-Unis ? God Damn, Jumping Jack, Oil Carter, 7 Weeks, Bukowski, Glowsun… Et Red Mourning qui, déjà fort de trois albums, se rajoute à la liste des formations stoner françaises qui tirent leur épingle du jeu. Ce style qui prend ses racines directement dans le blues, lui injectant du gras, du muscle et de la testostérone en abondance. Tout ceci Red Mourning en regorge, mais aussi une bonne pincée de hardcore qui semble les faire tomber dans le bain de la Nouvelle-Orléans mais aussi tendre la main vers New York. Et quoi de plus normal lorsqu’on revendique les influences du Delta – quelques notes de piano par-ci, un peu d’harmonica par là, de grosses guitares slides qui glissent comme les marais du Bayou -, et qu’on emprunte les cris fraternels du NYHC – avec ses chœurs scandés typiques -, que de chanter la dure labeur des esclaves au sens large voire métaphorique ? Comme cette complainte à cappella intitulée « Work Song » qui sert d’interlude couleur sépia au milieu de l’album et qui rappellera peut-être les images chaudes du film O’ Brother.
Ah, c’est sûr, Red Mourning sait soigner ses ambiances ! Comme dans le sudiste façon Lynyrd Skynyrd et bien nommé « Touched By Grace » que l’on imaginerait presque joué sous le cagnard qui tape le front et rend groggy, bien installé dans un rockin’ chair. Mais il n’y a pas que le cagnard qui tape ici car ça racle sec et soulève la poussière sur cette galette : à commencer par la gorge de Hoog qui parfois vomi sa glotte « Phil Anselmo style », les guitares nourries au steak bien charnu et cette basse qui grogne et claque en soutient d’une batterie au jeu très metal, à la double grosse caisse notamment, et même frisant le black metal sur « Candlelight ». Un animal sauvage, ou caractériel disons plutôt, car il sait se faire tendre et joueur avec du groove qui rebondit et des refrains accrocheurs. Et tout compte fait, ils l’ont plutôt bien trouvé leur titre d’album, Where Stone And Water Meet, avec cette musique par moment anguleuse et rocailleuse et par d’autres moments plus ronde et fluide.
Surtout, c’est à se demander comment un groupe bien de chez nous peut à ce point sonner américain. Les quatre gaillards ont en tout cas bien révisé leurs gammes et leurs classiques. C’est certain, Red Mourning ne font pas (encore) une révolution dans le genre musical – tout ce qu’ils proposent a déjà été entendu – mais ce qu’ils ont a présenter, ils le présentent sur un plateau d’argent. Notamment avec cette production travaillée signée Francis Caste, qui avait déjà mis les mains dans le cambouis avec leurs précédentes réalisations mais aussi avec Bukowski, et un melting-pot d’influences maîtrisées qui, en soit, donne sa personnalité à la musique. Dans tous les cas, ce que semble vouloir dire en filigrane ce troisième essai, c’est qu’il faudra certainement compter sur Red Mourning à l’avenir.
Ecouter la chanson « Where Stone And Water Meet » :
Album Where Stone And Water Meet, sorti le 20 avril 2014 chez Bad Reputation.