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Interview   

Regarde Les Hommes Tomber conte les conséquences de sa première chute


Regarde Les Hommes Tomber

Regarde Les Hommes Tomber a confirmé, avec son deuxième album Exile sorti chez Les Acteurs De L’Ombre le 19 septembre dernier, tout le bien qu’on pensait de lui. Proposant avec finesse un entremêlement d’atmosphères sombres et gorgées de colère, le combo nantais a sorti un grand disque, véritable fresque narrative dont nous vous parlions en détail récemment dans ces colonnes.

Le 10 novembre dernier, Jean-Jérôme (aka J.J.S.), le guitariste et fondateur de Regarde Les Hommes Tomber, était notre invité dans l’émission Anarchy X pour nous parler d’Exile mais aussi, plus globalement, de l’état d’esprit du groupe. C’est ainsi qu’il évoque et insiste particulièrement sur le souci de cohérence qui le motive lui et ses collègues, autant dans la musique que le visuel et les thématiques. Des thématiques recherchées qui constituent en elles-mêmes tout le concept du groupe. Bref, dans Regarde Les Hommes Tomber, rien ne semble laissé au hasard. Pas même le choix du nouveau chanteur, Thomas, venu remplacer Ulrich (Otargos), ce dernier ayant quitté le navire à la fin de l’année dernière.

Regarde Les Hommes Tomber 2015

« On ne veut vraiment pas faire de surplace au niveau musical. On veut vraiment apporter quelque chose de nouveau à chaque nouvelle composition et chaque nouvel album. »

Radio Metal : Vous en êtes à votre deuxième album mais dès votre premier opus vous avez réussi à marquer les esprits. Comment expliquer ça ?

J.J.S. (guitare) : Je pense qu’il y a un facteur chance assez important. Dès notre premier concert, il y avait Gérald des Acteurs De L’Ombre, le label sur lequel on est signé, qui était présent. Des amis à lui avaient déjà parlé de nous et lui avait proposé de venir à ce concert. Et ça lui a tout de suite plu, donc il a décidé dans la foulée de nous signer. Ainsi dès notre premier concert on avait déjà un label. Gérald, c’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience dans la scène, qui a un très bon réseau, qui communique bien, et du coup, il a fait le nécessaire pour nous mettre rapidement en avant, et la musique a plu. Honnêtement, ça nous a surpris de toucher les gens aussi rapidement, on ne s’attendait pas à ça. Car, à la base, le premier album, je l’ai composé chez moi dans mon coin et je n’avais pas forcément le déclic de faire un groupe, ça s’est fait comme ça. Et en très peu de temps on s’est retrouvé signé sur un label, avec un album composé, sorti et qui a rapidement buzzé. Je pense qu’on a été au bon endroit au bon moment, on a eu pas mal de chance et la musique a plu. On a aussi commencé à pas mal tourner. Kongfuzi s’est rapidement intéressé à nous, notre musique l’a particulièrement touché. Du coup, ils nous ont rapidement pris sous leurs ailes, ce qui nous a permis de trouver rapidement pas mal de concerts. Ce sont donc plusieurs facteurs qui sont arrivés en même temps qui ont fait qu’on a été mis en avant assez rapidement, bien qu’on était un jeune groupe. Tant mieux ! On ne va pas s’en plaindre en tout cas.

Il y a eu un changement entre le premier et le second album : le départ de votre chanteur Ulrich, qui est chez Otargos. C’était justement ça le souci ? Un problème de conflit avec Otargos ou bien il y avait autre chose derrière ce départ ?

Bon, je vous passe les détails mais déjà, c’est vrai qu’Otargos, c’est un groupe majeur de la scène black française, donc ça fait pas mal de temps qu’ils sont là, ils faisaient pas mal de dates et avaient un album qui sortait en même temps que notre premier album. Donc oui, il y avait un conflit d’agenda. Et puis, Ulrich, depuis quelques années, avait une démarche d’éloignement de la scène black metal française, donc quand on a commencé à composer le deuxième album, on a commencé à s’orienter vers quelque chose d’un peu plus black, et du coup les nouvelles compos ne lui plaisaient pas trop. Il a préféré se retirer du projet parce que l’orientation musicale lui plaisait de moins en moins.

Qu’est-ce que tu voulais dire par « je vous passe les détails » ?

[Rires] Ouais bon, après, on n’est pas dans Voici ou Ok Podium ! Le but du jeu ce n’est pas de polémiquer ou quoi. Après, il nous a apporté pas mal de choses au niveau expérience, c’est quelqu’un d’expérimenté. Si le premier album a aussi bien marché, c’est aussi un petit peu grâce à lui et son expérience. Mais bon, il a préféré reprendre son chemin et retravailler pour ses projets. Il n’y a pas de souci avec ça, on respecte sa démarche.

En changeant si tôt de chanteur, n’aviez-vous pas peur d’être un peu déstabilisé ou de perdre une continuité entre les albums ?

Son départ nous a un peu surpris mais après, il faut savoir qu’il n’était pas intervenu sur la composition du premier album, il n’était pas non plus intervenu sur la thématique et il n’est pas non plus intervenu sur l’écriture des textes. Quand il est arrivé, tout était déjà mis en place, quasiment. Sur tout ce qui est thématique et composition, il a vraiment eu un apport mineur. De fait, sur cet aspect-là, son départ ne s’est pas vraiment ressenti parce qu’on avait déjà nos méthodes de composition et de travail. Du coup, la transition avec Thomas, le nouveau chanteur, s’est faite en douceur. Lorsque Thomas est arrivé, pareil, on avait déjà bien avancé sur ce second album et il s’est intégré au processus. Par rapport à Thomas, il faut savoir qu’on avait déjà fait une répétition avec lui avant l’arrivée d’Ulrich. Et du coup, on l’a tout naturellement rappelé dès qu’Ulrich est parti. Thomas, c’est un pote qu’on connaissait déjà bien via son autre groupe War Inside, qui est un groupe nantais. Humainement, ça s’est super bien passé. Il s’est vraiment mis dedans très rapidement. Ça a bien fonctionné. La transition s’est vraiment très bien faite.

C’était un choix évident pour vous, du fait que vous l’aviez déjà auditionné par le passé ? C’était votre premier choix ?

En fait, quand on avait testé Thomas, on était vraiment très contents, et quelques jours après on a été contacté par Ulrich. Du coup, on s’est posé la question, à savoir si on prenait Thomas ou Ulrich. Après, on s’est dit qu’Ulrich avait pas mal d’expérience dans la scène, on s’est dit qu’il allait pouvoir nous apporter son expérience. Voilà pourquoi on a choisi Ulrich. Mais on est vraiment resté en très bon termes avec Thomas, et ça nous a paru très naturel de le rappeler dès qu’Ulrich est parti.

Regarde Les Hommes Tomber

« On tient vraiment à avoir une démarche globale. C’est-à-dire que tout doit être lié. »

Comme tu l’as dit, le premier album, c’est toi qui l’as composé chez toi dans ton coin. Comment ça s’est passé cette fois-ci ? C’était pareil ou bien les autres se sont un peu plus impliqués ?

Après la sortie du premier album, le contexte a pas mal évolué. Pour le premier album, il y a eu quasiment un an voire deux de répétitions où on a commencé à exister en tant que groupe, et après la sortie de l’album, on a enchaîné les concerts. Une fois qu’on a commencé la composition du deuxième album, on était vraiment devenu un collectif, un groupe, contrairement au premier album qui a été composé par une seule personne. Du coup, on a composé cet album de manière collective. J’ai quand même apporté la matière première, les ambiances. Après, tout le reste, on l’a retravaillé ensemble. C’est peut-être ce qui donne aussi cette plus grande profondeur, cette plus grande richesse dans cet album, cette évolution aussi, avec un esprit un petit peu plus black metal. Parce que le batteur et le deuxième guitariste, Antoine, sont beaucoup plus intervenus. Ce sont des mecs qui viennent du black metal, du death, ce qui peut expliquer aussi l’évolution sur Exile. Alors que pour le premier album, j’avais plus des influences lié au post-core, des groupes comme Converge, Amenra, Envy, Neurosis… C’est pour ça que le premier album sonnait un peu plus sludge, un peu plus post-core, et le deuxième album un peu plus black.

C’est donc l’apport des autres qui a donné cette orientation un peu différente…

C’est l’apport des autres et puis c’était aussi une volonté de notre part. On voulait s’orienter vers quelque chose de plus progressif. Les morceaux sur Exile s’étirent plus dans la longueur. On a vraiment beaucoup plus travaillé les ambiances. On voulait vraiment faire évoluer les morceaux. Sur Exile, on a donc des morceaux de sept minutes, huit minutes, le dernier fait onze minutes, et c’est vraiment une volonté de notre part. Déjà, à la base, quand j’ai composé le premier album, je voulais vraiment mettre en avant les atmosphères et les ambiances. Le but du jeu ce n’était pas de sortir les gros riffs metal qui tachent, c’était vraiment de créer une atmosphère, plonger l’auditeur dans un univers. Et on a encore plus travaillé cette direction sur le deuxième album.

Quand on lit certaines interviews de toi et tes collègues, dans la période entre les deux albums, on avait un peu l’impression que tes collègues attendaient après toi, que tu apportes le matériel pour le deuxième album. Est-ce qu’ils ont un peu hésité à s’impliquer d’un point de vue créatif ?

Non mais je pense que, au tout début, quand on a commencé à composer le deuxième album, c’est vrai qu’on était peut-être sur le schéma du premier album. Et les autres membres du groupe – et c’est normal – ont voulu s’impliquer. Et puis moi, j’avais un peu plus de mal à composer dans mon coin, donc on s’est dit qu’on allait tous travailler dessus, qu’on allait tous apporter notre pierre à l’édifice et du coup ça a débloqué pas mal de situations au niveau de la composition. Une fois qu’on s’y est tous mis, tout a roulé naturellement, tout s’est bien imbriqué jusqu’au résultat final qu’on peut entendre maintenant.

Quand on y réfléchit, c’était un peu risqué de changer la dynamique de composition, vu que ça avait bien marché pour le premier album et là, d’un seul coup, vous intégrez plusieurs sources de composition et d’influence. Ça aurait pu très bien ne pas coller…

Le contexte de composition du premier album était vraiment différent, c’était des périodes différentes, des époques différentes, des personnes différentes, mais on a fait vraiment attention à garder une ligne directrice au niveau de l’atmosphère et des ambiances. On ne voulait pas non plus sortir un album qui n’avait rien à voir mais on voulait quand même une évolution. Personnellement, je voulais une grosse évolution mais les gars m’ont un peu tempéré en disant que ça allait être un peu violent [rires]. Et du coup, on a privilégié une évolution en douceur entre les deux albums. Mais quelque part c’était voulu, on ne voulait vraiment pas sortir un album copié collé sur le premier. On a vraiment cherché à faire une évolution, sans non plus perdre tout le monde en route. Et si on sort un troisième album, pareil, on continuera à faire évoluer la musique du groupe. On ne veut vraiment pas faire de surplace au niveau musical. On veut vraiment apporter quelque chose de nouveau à chaque nouvelle composition et chaque nouvel album.

Tu dis « si on sort un troisième album », ça veut dire que tu n’es pas sûr ?

[Rires] On ne sait jamais de quoi l’avenir est fait. Dans l’idéal oui, on voudrait sortir un troisième album. Après, là, le deuxième vient juste de sortir, donc ce n’est pas encore à l’ordre du jour. A l’ordre du jour, c’est de tourner au maximum en France et sortir un peu des frontière de la France, commencer à tourner un petit peu en Europe. Ce sont les objectifs à court et moyen terme qu’on s’est fixé.

Regarde Les Hommes Tomber 2015

« Le but du jeu ce n’est pas de critiquer ou faire l’apologie d’une religion. C’est plus voir les rapports entre les êtres humains et la religion. »

Vous avez un public qui vous attend hors des frontières françaises ?

On avait déjà un peu commencé sur le premier album. Notamment, on avait participé au Roadburn, c’était une grosse expérience et une grosse surprise pour nous d’être invité à cette affiche, car c’est quand même un festival assez culte. Une fois sur place, c’était vraiment incroyable : l’accueil du public, l’accueil de l’organisation, etc. C’était une de nos meilleures expériences. Et du coup, pour Exile, on va essayer d’être un peu plus présent dans les pays du Benelux, la Belgique, les Pays-Bas, et commencer à faire quelques dates en Allemagne et en Angleterre. En tout cas, on y travaille. Là-dessus on est bien aidé par Kongfuzi qui nous soutient dans les recherches de dates. On est assez optimistes là-dessus. Je pense que d’ici la fin de l’année 2016 on aura joué pas mal en dehors des frontières.

Les paroles de votre musique, c’est toujours Henoch qui s’en occupe, donc une personne d’extérieure au groupe. Comment cette collaboration s’est mise en place au départ ?

C’est une personne proche du groupe. Sur nos paroles, on a développé une thématique, liée à l’histoire et la mythologie, et on voulait vraiment faire les choses bien. Henoch, c’est une personne diplômée en lettres classiques, qui connait vraiment bien son sujet et qui a une très bonne plume. Donc on s’est dit pourquoi ne pas lui confier la rédaction de nos paroles pour avoir quelque chose de vraiment crédible. Nous, on est surtout des musiciens, on n’est pas des… Enfin, on est nous aussi passionné de littérature et d’histoire mais on n’a pas forcément une super plume, donc on s’est dit qu’on allait confier l’écriture de nos paroles à quelqu’un qui avait vraiment du talent dans ce domaine. C’est donc ainsi qu’on a demandé à Henoch de le faire pour nous, et il s’y est prêté de bonne grâce sur les deux albums.

Tu crois que c’est une relation qui restera durable ?

Concrètement, Henoch est dans l’ombre mais pour certains, c’est le sixième membre de Regarde Les Hommes Tomber. Donc oui, si à l’avenir on sort un troisième album, on continuera à travailler avec lui. Il est indissociable de notre thématique et du groupe.

Comment procède-t-il pour ses textes et quelle est votre relation de travail pour faire coïncider la musique, les textes et vos thématiques ?

Au préalable, nous, on fixe un cadre, une thématique ; on lui dit de quoi on va parler. Ensuite, il va nous demander de lui livrer un morceau fini. C’est-à-dire qu’il n’écrira pas tant que nous n’aurons pas finalisé la composition d’un morceau. Et il va caler les textes sur les morceaux. La thématique, comme je viens de le dire, c’est nous qui la donnons, et en fonction de ça, il va commencer à faire ses recherches et rédiger les textes. Il va fouiller dans des livres liés à la mythologie, il va relire certains textes comme l’Ancien Testament, la Bible, il va aller chercher des détails sur les histoires qu’il évoque, il va faire des recherches sur des livres critiques, etc. Il pousse ses recherches assez loin quand même. Il a une démarche très professionnelle à ce niveau-là, c’est assez impressionnant ! Sur toute la période de composition des textes, on est très régulièrement en contact, plusieurs fois par semaines on se voit physiquement. Il va même aller plus loin en nous proposant des placements des textes sur les morceaux qu’on lui soumet. Après, nous, bien sûr, on réarrange, on réorchestre, on refait les placements. C’est vraiment une collaboration très étroite. Comme je le dis, c’est vraiment le sixième membre du groupe. Lorsqu’on compose, il est là, il est présent, il s’imprègne des morceaux. Quelque part avec ses textes, il créé aussi un peu cette ambiance particulière qu’on retrouve dans notre musique et même dans notre imagerie.

On a vraiment l’impression de continuité entre les deux albums. Tu parlais de continuité musicale mais c’est aussi au niveau des thématiques et de la pochette où on retrouve la tour de Babel au centre qui est cette fois-ci enflammée…

Il faut savoir qu’on tient vraiment à avoir une démarche globale. C’est-à-dire que tout doit être lié. L’image doit être liée à la musique qui doit être liée aux paroles… On tient vraiment à proposer quelque chose de cohérent et de global. C’est pour ça qu’il y a cette continuité entre le premier album et le deuxième. La thématique du deuxième album est dans la continuité du premier album. Concrètement, on raconte une histoire. Nos textes vont tourner autour de quatre grandes thématiques qu’on aborde sous l’angle de la mythologie mais aussi de la sociologie. Il faut savoir que tous les cinq, on est athées, on n’est pas croyants, on n’est pas là pour faire l’apologie du Catholicisme ou du Satanisme. On observe et on est aussi pas mal passionné par la sociologie. Et dans les thématiques qu’on développe, on essaie de montrer comment les Hommes peuvent être manipulés par les religions, on essaie de montrer cette notion de quête de l’absolu qui parfois mène à l’autodestruction, on a aussi une troisième thématique qu’on développe plus autour de la lutte pour les pouvoirs, et on a une dernière thématique qui va plutôt s’orienter sur le comportement humain lié au fait que l’être humain cherche parfois à se faire un peu plus grand que Dieu, un comportement qui peut aussi parfois pousser à l’autodestruction. Ce sont des thématiques qu’on va retrouver sur les deux albums. Le premier album, on l’a plutôt centré sur l’opposition entre l’homme et le divin, et c’est pour ça qu’on a mis en avant sur la pochette la tour de Babel, parce que c’est une bonne illustration de cette lutte. Sur le deuxième album, on a plutôt mis en avant la notion de punition divine. En gros, sur le premier album, l’humanité s’est autodétruite et sur le deuxième, elle a été chassée du royaume de Dieu et se cherche un nouveau guide. Après s’être adonné à l’adoration de Dieu, ils vont plutôt se tourner vers des divinités inférieures comme Lucifer et là on va montrer qu’encore une fois l’humanité va se faire manipuler par Lucifer qui va les retourner contre Dieu. Après, tout ça, ce sont des allégories de choses qu’on peut voir à notre époque. On travaille surtout sur les comportements humains. Ce qui est intéressant, c’est que ce qui est raconté dans la mythologie, la Bible, l’Ancien Testament, montre l’autodestruction perpétuelle de l’humanité.

Regarde Les Hommes Tomber - Exile

« Quand on a travaillé sur la pochette du deuxième album où on voit cette file d’exilés, on ne savait pas que quelques mois après, on verrait des images à la télé de réfugiés […]. On s’est dit que finalement on avait vu juste. »

Pourquoi le choix de la Bible ?

On voulait aborder la rédaction de nos textes sous la forme d’un récit et on voulait aussi illustrer l’histoire qu’on raconte. Comme je disais tout à l’heure, nos thématiques vont tourner autour de la lutte du pouvoir, de l’autodestruction, de l’exile, et les histoires qui ont attrait à Babel, à Sodome et Gomorrhe, à Abel et Cain, etc. illustrent parfaitement ça. Et on voulait ancrer notre musique dans une mythologie. Quelque part, on voulait aussi faire voyager l’auditeur et, plutôt que de raconter des histoires de notre époque, on s’est dit que ce serait plus intéressant de partir sur ce petit côté mythologique. Ça permet aussi de faire voyager l’imaginaire et ça colle parfaitement aux ambiances que je voulais créer au niveau musical. Comme je disais, tout ça s’inscrit dans une démarche globale liée à la musique, l’image et les textes.

Il y a un reproche qui est souvent fait aux groupes de metal qui utilisent les thématiques religieuses, c’est le fait qu’ils se focalisent beaucoup sur la religion chrétienne, sur la Bible, etc. Ça ne vous intéresse pas d’aller un peu piocher ailleurs, et en l’occurrence l’Islam qui est aujourd’hui au centre des débats ? Piocher également dans le Coran ne vous a pas intéressé ?

On ne s’est pas posé la question, en tout cas pour l’instant. Après, on est né dans un pays qui est davantage bercé par une culture judéo-chrétienne et, du coup, naturellement on s’est orienté vers ce type de textes. Même si on ne le reconnaît pas forcément, la morale judéo-chrétienne est ancrée en nous, dans notre éducation. Ça fait partie de la culture du pays dans lequel on vit. Après, comme je le disais plus tôt, on s’intéresse beaucoup à la sociologie et à la manière dont la religion agit sur les comportements humains, donc pourquoi pas plus tard aller plus loin et parler de religions un peu plus orientales. Et encore une fois, le but du jeu ce n’est pas de critiquer ou faire l’apologie d’une religion. C’est plus voir les rapports entre les êtres humains et la religion.

Et justement, c’est quelque chose que l’on peut retrouver dans toutes les religions, qui toutes apportent leurs arguments…

Oui, après, comme tu dis, il n’y a pas de barrière. La religion, c’est quelque chose d’universel et d’ancré dans l’humanité. Vu qu’on aborde ces thématiques, oui, pourquoi se mettre des barrières et pourquoi pas aborder plus tard d’autres religions.

On peut aussi penser à la mythologie grecque ou romaine, et on semble en être pas très loin parfois dans votre musique. On peut penser à Prométhée, par exemple, qui est un mythe qui parait coller à vos thèmes…

On n’y a pas encore pensé. Les civilisations grecque et romaine, sont des civilisations contemporaines aux textes sur lesquels on s’appuie aujourd’hui, donc il peut y avoir une passerelle. Après, il y a beaucoup de mythologies, beaucoup de sources d’inspirations. C’est comme avec les religions, il n’y a pas de barrières. Si pour le troisième album on veut mettre en place une thématique qui renvoie à l’histoire de Prométhée ou telle ou telle divinité, pourquoi pas. Là encore, rien n’est fixé. Ça dépendra des directions des thématiques qu’on souhaitera aborder.

Dans vos thématiques, vous parlez de l’humanité mais vous en parlez de manière plutôt négative, vous êtes pessimistes. C’est ta vision de l’humanité ? On est voués à échouer ?

C’est vrai que le nom du groupe, nos images et textes sont assez, comme tu dis, pessimistes et sombres. Ça donne une vision assez sombre de l’humanité. Après, l’histoire de l’humanité ne nous fait pas forcément mentir [petits rires]. Il suffit d’observer le cycle des civilisations. Après, on peut voir les choses sous un autre angle. Nous, on a choisi cet angle pessimiste mais si on regarde les choses sous un autre angle, on remarque que la chute de certaines civilisations a amené à la création d’une nouvelle civilisation. L’humanité fonctionne par cycles. Une civilisation atteint son apogée, puis s’autodétruit et sur les ruines de cette civilisation, une nouvelle civilisation renaît. Certains auront une image pessimiste, comme nous, d’autres auront une image beaucoup plus optimiste, se disant que les choses évoluent. Après, moi, sur un plan personnel, je ne suis pas forcément quelqu’un de pessimiste dans la vie, sinon je n’aurais pas monté un groupe, je n’aurais pas fait autant d’efforts pour le faire avancer. On est tous plutôt optimistes mais ça nous paraissait important de travailler et mettre en avant cet aspect dans la musique. Après, libre à nous, dans des projets parallèles ou à l’avenir de travailler un peu plus sur la rédemption, mais ça c’est à suivre, on verra plus tard [rires].

Regarde Les Hommes Tomber live

« Pour nous, l’artwork, l’image, c’est ultra important. C’est quasiment aussi important que la musique. »

C’est vrai que les temps actuels ne sont pas tellement à l’optimisme. Est-ce que ça vous nourris et vous inspire dans votre musique ?

Forcément, aujourd’hui, on vit une époque assez sombre. Il suffit d’allumer la télé pour voir des trucs assez tristes, ce n’est pas forcément optimiste. Quand on a travaillé sur la pochette du deuxième album où on voit cette file d’exilés, on ne savait pas que quelques mois après, on verrait des images à la télé de réfugiés, de gens qui fuient la guerre dans leur pays. Du coup, notre album est sorti en parallèle de ces événements qu’on voyait à la télé, et on s’est dit que finalement on avait vu juste, notre vision pessimiste des choses est confirmé par les événements actuels. Comme tu le dis, ça ne pousse pas à l’optimisme, malheureusement.

Comment s’articule avec tout ça votre collaboration avec Fortifem pour votre identité visuelle qui est assez forte et assure la cohérence entre les deux albums ?

Ca faisait pas mal de temps qu’on suivait leur travail. Donc c’est naturellement qu’on les a contactés pour l’artwork du premier album. Pour le premier album, on avait déjà une petite idée de ce qu’on voulait, donc on leur a soumis notre idée. On leur a proposé des éléments à mettre sur la pochette, comme la tour de Babel, qui était une volonté de notre part et on leur a demandé de s’inspirer de l’œuvre de Gustave Doré qui a illustré la Bible. Ils ont pris divers éléments qui viennent de différentes gravures de Gustave Doré qu’ils ont assemblé pour donner la pochette du premier album, et suite à ça, ils ont tout redessiné. Ça nous a beaucoup plu et vu qu’on a une démarche de cohérence, c’est naturellement qu’on les a recontactés pour le deuxième album. Là, plutôt que de s’inspirer de gravures de Gustave Doré, on s’est plutôt orienté sur un peintre anglais qui s’appelle John Martin qui, pareil, a illustré la Bible. On a là aussi repris quelques éléments de ses tableaux que Fortifem a assemblé et retravaillé, donc après ils ont apporté leur patte et des détails. Et encore une fois, ça a donné une belle pochette. On est vraiment content. On voulait vraiment marquer cette continuité entre le premier et le deuxième album, et c’est pour ça que sur le deuxième on voit à nouveau cette tour de Babel, sauf qu’on remarque bien que la situation a évoluée. La tour de Babel est en flamme, l’humanité subie la colère de Dieu, elle est obligée de quitter les lieux et c’est pour ça qu’on voit cette file d’exilés.

Donc sur le troisième album on verra la tour de Babel en ruine fumantes…

[Rires] On ne sait pas encore ! On commence seulement à y réfléchir mais, oui, s’il y a un troisième album, encore une fois, la pochette sera dans la continuité de ces deux pochettes.

Est-ce que tu as une affinité particulière pour les artistes du XIXème siècle ? Vu que vous vous êtes inspirés de Gustave Doré et John Martin…

Dans notre souci de cohérence, on cherchait des artistes qui avaient illustré l’Apocalypse, l’Ancien Testament, la Bible, etc. C’est donc naturellement qu’on s’est orienté vers ces artistes. Après, ce sont des peintures magnifiques. Pour nous, l’artwork, l’image, c’est ultra important. C’est quasiment aussi important que la musique. On a vraiment passé beaucoup de temps sur ces artworks. Vu que tout ce qu’ont fait Gustave Doré et John Martin, ce sont vraiment de belles gravures et de beaux tableaux qui sont vraiment très évocateurs, qui font aussi beaucoup appel à l’imaginaire, donc c’était vraiment adapté à notre musique.

Ce sont aussi des œuvres presque hors du temps. Est-ce que c’est quelque chose que vous voulez pour votre musique, la sortir du temps ?

Oui, ça rejoint un peu ce que je disais tout à l’heure. Quand on a commencé à rédiger les textes, on ne voulait pas quelque chose qui s’ancre dans notre époque. On voulait quelque chose d’intemporel. Du coup, c’est une très bonne question car on voulait que notre musique et les textes puissent s’adapter à toutes les époques de l’humanité, à toutes les différentes civilisations qu’a connues l’humanité. On voulait donner un côté intemporel à notre musique. Et on se base sur des textes aussi qui sont intemporels. L’Ancien Testament, la Bible, ce sont des textes qui ont traversé les âges – pour certains, ils ont plus de 2000 ans. C’est exactement ce que tu dis : donner un côté intemporel à la musique. Tout à fait.

Par rapport à ce que tu disais sur ta manière de concevoir l’esthétique du groupe comme allant au-delà de la musique, ça peut faire un peu penser à la démarche d’un groupe Amenra, avec qui vous avez joué il n’y a pas très longtemps. Est-ce un groupe qui représente quelque chose pour toi ?

Déjà, c’est un groupe qu’on aime beaucoup. Je pense que ça se ressent, surtout sur le premier album. C’est un groupe qui a eu une bonne influence, en tout cas sur moi. C’est un groupe qui aussi beaucoup travaillé sur ses ambiances, sur l’atmosphère et les images. Donc, en ça, effectivement, il peut y avoir des passerelles entre nos deux groupes. Après, d’un point de vue musical, je pense que sur le deuxième album on s’éloigne musicalement pas mal d’Amenra. Amenra a toujours gardé ses tempos très lourds, très lents. Nous, sur le deuxième album, on prend pas mal nos distances à ce niveau-là, les tempos sont plus accélérés, il y a pas mal de blasts. En tout cas, oui, il ne faut pas se cacher, Amenra est une grosse influence pour nous. Le fait de jouer en première partie pour eux, c’est vraiment un petit accomplissement pour nous parce que c’est un groupe reconnu. Le fait d’être sur la même affiche qu’eux était vraiment important pour nous. C’était une très bonne expérience, et on s’est pris une claque [petits rires] en les regardant.

Interview réalisée par téléphone le 10 novembre 2015 par Nicolas Gricourt et Chloé Perrin.
Retranscription : Nicolas Gricourt.

Page Facebook officielle de Regarde Les Hommes Tomber : www.facebook.com/rlhtband.



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  • Sinon interview plutôt enrichissante , merci.

    [Reply]

  • captitain Sami dit :

    Serait il possible d’avoir un podcast de l’interview? Merci d’avance.

    [Reply]

    Nicolas Gricourt

    Une retranscription de l’interview sera très bientôt publiée !

    Djoni

    elle est publié ?

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