Les Nantais de Regarde Les Hommes Tomber avaient marqué les esprits avec leur premier album éponyme sorti en 2013. Soutenu par les Acteurs de l’Ombre, son intensité et son concept particulièrement abouti avaient permis au groupe de tirer son épingle du jeu dans une scène post black metal en pleine expansion. Deux ans plus tard, il revient avec Exile, occasion pour lui de confirmer ces débuts éclatants et d’asseoir sa position dans la scène black française.
La continuité avec le premier opus est évidente : Exile se déploie conceptuellement à la suite de Regarde Les Hommes Tomber. Là où le premier album évoquait la chute des hommes malmenés par Dieu malgré leur dévotion, Exile conte les conséquences de cette chute, la détresse qui en découle ainsi que les prémices d’une prise de conscience et d’une émancipation. Le groupe nous propose donc à nouveau une fresque vaste et ambitieuse, à l’image d’une pochette et d’une imagerie unique créée par Førtifem : empruntant explicitement à la Bible illustrée par Gustave Doré, elle semble montrer leur volonté de toucher à l’atemporalité du mythe, volonté qu’on perçoit aussi dans le style biblique des titres (« Thou Shall Lie Down ») et des paroles qui réfèrent à des motifs aussi immémoriaux que la chute de Sodome, Babylone ou Abel et Caïn.
Le morceau qui ouvre l’album, sobrement intitulé « L’exil », reflète parfaitement ce parti-pris : titre instrumental ample et épique, il place d’entrée de jeu la barre très haut en terme d’intensité. Car en effet, musicalement, la continuité est perceptible aussi, mais à l’image des personnages qu’il peint, le groupe avance : on est immédiatement frappé par une densité et une profondeur qui se maintiennent tout au long de l’album. À ce titre, la production signée Francis Caste (Bukowski, Kickback, Hangman’s Chair… ) sert à la perfection le propos des Nantais. Le nouveau chanteur, Thomas, venu remplacer U.W., apporte une touche un peu plus black. La tonalité globale de l’album, sombre et agressive, va dans ce sens, et le groupe emprunte plus évidemment à un combo comme Wolves In The Throne Room que sur l’album précédent – il suffit d’écouter la fin du corrosif « A Sheep Among The Wolves » pour s’en convaincre. L’influence de Neurosis est toujours aussi présente, notamment au début de « Thou Shall Lie Down », et le groupe mêle black metal, post rock, hardcore et sludge avec toujours plus de conviction. Là où dans Regarde Les Hommes Tomber, ces différents styles cohabitaient, ils se fondent les uns aux autres dans Exile. Ainsi, les atmosphères se succèdent et s’entremêlent, donnant à l’album une grande cohérence et une qualité narrative très forte, au point qu’il est difficile – et sans doute même pas pertinent – d’analyser chaque chanson individuellement. Avec ses morceaux souvent longs qui laissent le temps à des ambiances très évocatrices de s’installer, le groupe propose de véritables tableaux, vastes et apocalyptiques – on pense à ceux de John Martin, son Pandémonium, par exemple – représentant autant une colère explosive qu’un désespoir déchirant. Grâce à deux titres instrumentaux, « L’exil », donc, et « They Came… » qui font office de calme avant la tempête, l’album oscille entre mélancolie et colère, contemplation et révolte, et s’achève sur un « The Incandescent March » impressionnant qui résume à lui seul les qualités de l’album : après un début presque doom, il passe par un black taillé pour les mosh pits et un long passage plus atmosphérique pour s’achever sur un final épique où l’on entend la voix se noyer peu à peu dans une musique dont l’intensité ne faiblit pas.
Avec Exile, Regarde Les Hommes Tomber continue sur sa lancée et parvient à la fois à affiner et à renforcer ce qu’il proposait dans son premier album. Asseyant sa place parmi des groupes comme Cult Of Luna, Amenra et Altar Of Plagues, il ne décevra pas ceux qui l’avaient déjà remarqué, et propose avec ce nouvel opus de vrais arguments pour rallier à sa cause ceux qui ne le connaîtraient pas encore. Gageons qu’ils seront nombreux à suivre les Nantais dans leur Marche.
Ecouter l’album et regarder la lyric vidéo pour le morceau « A Sheep Among The Wolves » :
Quel plaisir cet album, aussi bien au point vu instrumental que dans les textes ! Qualité au rendez-vous !
Bien que n’étant pas un grand amateur de black, je dois reconnaître que cet album est tout bonnement génial. Une preuve supplémentaire que la scène metal française possède de grands talents distillant originalité et production de qualité. Un disque à découvrir absolument !