Pour sa neuvième édition, le Cernunnos Pagan Fest a changé de lieu car auparavant il prenait place dans des salles parisiennes telles que la Machine du Moulin Rouge. Pour renforcer ce côté Pagan et authentique, le festival s’est donc rendu à la Ferme du Buisson, dans la ville de Noisiel, non loin de Paris. Un choix qui a permis d’installer de manière un lieu plus étendu pour les artisans afin d’exposer leurs objets, et d’avoir pour l’occasion deux scènes dans le but d’assurer des concerts de manière permanente.
Au programme de la journée de 14H à 23H des groupes comme Griffon, Fejd, Dalriada, les très attendus Français de Naheulband, et pour clôturer la journée les célèbres TYR. L’ouverture du site se fait dès 13H, pour un début des festivités à 14H, ce qui permettra à tout ceux qui étaient venu en avance, nombreux, de s’abreuver en bière et de se mettre dans l’ambiance. Car on remarque tout de suite que le Cernunnos va au-delà du simple festival de musique metal. En effet, les gens se prennent au jeu du milieu dans lequel on nous accueille. Plusieurs des festivaliers sont ainsi venus habillés comme au Moyen Age ou en mode de jeu de rôle, c’est selon.
Evénement : Cernunnos Pagan Fest
Date : 11 février 2017
Salle : La Ferme Du Buisson
Ville : Noisiel [77]
Que ce soit ceux optant pour le torse nu couvert de tatouages avec des cornes à la ceinture, ou alors ceux plus guerriers, vêtus de cuir et de toiles : vous verrez de toute façon de tout au Cernunnos (comme le quidam vêtu tout simpement d’un jean et d’un t-shirt car oui ça existe aussi !). Et qui dit Pagan dit bière ce qui a pour conséquence plusieurs personnes qui finissent éméchées assez vite. Mais au final on remarque difficilement qui est ivre et qui ne l’est pas car comme vous pouvez l’imaginer, l’ambiance metal y est assez clichée. Attendez-vous donc à entendre beaucoup de « Va faire tout noir ! », « Merci Qui ? », « Apéro ! » et tout un assortiment de phrases pouvant énerver les plus rabat-joie mais qui prouvent cette ambiance bon enfant et festive.
Pour ouvrir le bal, c’est un groupe de metal centré sur la thématique des pirates qui entre en scène. Les Français de Toter Fisch (poisson mort en allemand) se présentent bien entendu habillés en pirates et le public accueille positivement la prestation du groupe. En effet, même si l’attente dans le froid n’a pas été simple, le public se mettra rapidement à danser dans tous les sens au son de la guitare et de l’accordéon. La mise en scène nous met dans l’ambiance avec ces cordes accrochées aux micros, les faux pistolets sans oublier de grands jets de fumées sur la scène. Les musiciens sortent leurs plus belles têtes de guerriers énervés pendant que le chanteur avec son tricorne danse au rythme de la musique tout en buvant du rhum. Même si le thème des pirates n’était pas forcément le plus adapté au festival, il reste une exception dans le line-up du jour et permet de commencer joyeusement cette neuvième édition. 35 minutes et c’est déjà la fin. Nos services doivent d’ailleurs vite quitter la grande scène pour voir à quoi ressemble la petite et surtout dans le but d’assister à la prestation black metal des Bretons de Mohrkvlt.
On remarque vite que cette salle ressemble beaucoup à ce que peut être la Maroquinerie à Paris, avec le même calvaire pour les photographes ayant une faible profondeur de champ devant eux et des lumières brutes peu nuancées. Néanmoins, cela n’enlèvera rien à la prestation des groupes sur cette scène qui, d’ailleurs, aura probablement la meilleure ambiance. Si Mohrkvlt parle régulièrement au public en breton – lequel n’y comprend rien d’où plusieurs blancs entre le public et le groupe – l’ambiance dégagée par le groupe sur scène est très personnelle. Des bougies un peu partout sur scène, un autel avec une statue et de la verdure haute installé : c’est le mysticisme qui règne en ce début d’après-midi. D’autant plus que le chanteur n’est pas un illustre inconnu puisqu’il s’agit de Grégory Moigne qui possède deux doctorats sur l’histoire de la religion et le celtisme. Notre homme anime également à ses heures perdues des conférences sur le metal, liées à ces différents sujets, tout en militant pour la Bretagne. Bref, un homme engagé et cultivé que l’on aura le plaisir de retrouver dans un hall un peu plus tard pour une conférence d’une heure qui s’est tenue au milieu des stands.
Des stands qui sont d’ailleurs assez variés, allant du stand classique de T-Shirt de metal et de CD à la présence des Acteurs de l’Ombre où Toter Fisch signera ses EP, ou encore un stand Naheulbeuk pour soutenir la présence du groupe. Dans ce market les nombreux fans pourront échanger sur l’avenir de la saga et tout ce qui s’est créé autour. Des vendeurs de minéraux, de poupées artisanales, de bijoux et de vêtements pour les prochaines conventions médiévales, beaucoup d’échoppes sont présentes. On regrettera simplement le contexte qui n’était pas très médiéval, situé à l’intérieur d’un gymnase, comme une brocante de ville. Évidemment un stand pour se rassasier était présent, préparé par des personnes qui aiment manger, et cela se voit, lorsque l’on voit les assiettes bien garnies de ripailles qui nous sont servies. Des plats vegan était également servis, ce qui n’est pas très pagan, avouons-le, mais il faut bien plaire à toute la clientèle présente !
« Je pense que vous ne vous attendiez pas à ça ! » nous dit le chanteur de Dordeduh, qui s’avérera être la très plaisante révélation sur la grande scène du festival. Des chevelus à la mise en scène simple, avec la seule présence d’un grand gong auprès du bassiste pour habiller la scène. Une ambiance calme et plaisante qui n’empêchera en rien le groupe de se lâcher parfois, le tout éclairé avec des lumières simples laissant un aspect brumeux. Une mise en scène agréable et qui n’agresse finalement jamais la rétine. Avec à sa disposition des instruments à cordes frappés traditionnelles, le groupe rappelle dans une certaine mesure ce que peut faire Wardruna, l’engagement artistique en moins. Le public, avec étonnement, est un peu dans le même état que lorsque l’on découvre un artiste bien tardivement, se demandant pourquoi une telle merveille n’était pas venue plus tôt nous endormir la nuit.
Dans une toute autre ambiance, l’autre révélation du jour au festival sera le joyeux trio de PerKelt, jouant des musiques traditionnelles tout ce qu’il y a de plus classiques. Rajouter des guitares électriques par dessus et vous obtiendrez du Eluveitie. Avec une flûte, une harpe, des percussions et une guitare acoustique, le groupe joue ici son premier festival metal en carrière. Avec des habits typiques de l’époque médiévale, quelques tatouages et un peu de maquillage, ce qui crée un aspect particulier typé elfes des bois, ils nous présentent un set de 40 minutes sur la petite scène, ce qui a suffi à en convaincre plus d’un. Les festivaliers étant assez bon public, et aimant ce genre d’ambiance celtique et de musique traditionnelle, c’est une réelle ovation que le public réserve au groupe. Ce dernier joue pourtant une musique assez classique, mais avec passion et entrain. La formation semble d’ailleurs être la première surprise de cet accueil.
Mais peut-être que l’ambiance la plus festive aura été celle des Hongrois de Dalriada, et son équipe beaucoup trop chargée sur scène, avec six membres. Une batterie, un clavier en plein milieu, une danseuse qui se charge d’aller chercher l’énergie auprès du public, deux guitaristes et un bassiste. Tout ce petit monde bouge dans tous les sens, incitant aussi le public à faire de même. Les murs de la mort font leur apparition, les pogos s’enflamment de plus en plus et l’audience se met à sauter partout. C’est une toute autre ambiance qui plane dans la petite salle, lorsque les Français de Griffon envoient une musique qui implore de vrais dieux et que le groupe se déclare issu du vrai paganisme noir. Un parti-pris beaucoup plus sombre, mais peut-être plus au goût de ceux ayant une affinité particulière avec le black metal, qui est assez rare sur l’affiche. Le style ne s’alliant pas particulièrement avec cet esprit de fête et de débauche que le festival veut faire passer. Cela étant, la fête n’est pas vraiment dans l’objectif de Griffon, leur visuel étant basé autour d’un maquillage à base de sang, de longs cheveux, et un chanteur posant régulièrement un genou à terre, comme s’il adressait une prière.
Mais étant donné que l’on passe d’un extrême à un autre, il est temps d’aller vers nos Français tant attendus de Naheulband. Issu d’une saga bien connu, Le Donjon de Naheulbeuk, dont le succès fut vite au rendez-vous, cet univers est maintenant devenu une référence, notamment dans les conventions « geek ». Depuis ces bandes audios, se sont développés des bandes dessinées, des jeux de rôles, des romans, et également un groupe, le Naheulband, chantant sur la haine des elfes, le travail des nains, et le lourd fardeau d’être un rôliste. Déjà dans la queue menant au festival, le public chantait des morceaux faisant référence au Naheulband, tant et si bien qu’on se serait cru à une convention dédié à l’univers. Alors, après des balances qui ont tout de même amené du monde et fait chanter le public, c’est à 18H40 que commence le concert de la joyeuse bande, avec son troll, sa magicienne, son voleur, bref, toute une guilde !
Et heureusement que le groupe est reconnu par son public, en effet tout le monde connait les paroles par cœur, et que l’on a devant nous une des grandes attractions du festival, car la lumière n’avait rien pour mettre dans l’ambiance et la performance du groupe était un peu bancale. Pour exemple, il est à noter que quelques morceaux ont dû être recommencé et on sentait parfois beaucoup d’improvisation. Mais il y aura tout de même des pluies de confettis, beaucoup d’humour absurde à base de chapeaux en forme de poule, fausses dents et pieds de trolls pour déguisements. Les musiques proposées sont classiques mais tout se joue dans les paroles et l’humour du groupe, dédiant même une chanson à la loi « Et Crom rit ». Assurément un des meilleurs concerts du festival pour son ambiance mais assurément pas pour sa technique et ses couleurs pauvres. Surtout que ce concert s’est quand même déroulé sur la scène principale ! Et c’est d’ailleurs quelque chose que l’on peut retenir du festival en général : l’approximation de la technique. Se déroulant dans un nouveau lieu, il faut trouver un nouveau moyen de propager le son même si la Ferme du Buisson n’est pourtant pas un lieu inconnu aux concerts. Toutefois et durant tout le festival, de nombreux soucis sonores sur la scène principale seront à noter, notamment sur les volumes des voix bien trop souvent en-dessous des instruments, gâchant régulièrement les débuts de sets des groupes.
C’est Baldrs Draumar qui aura surpris son monde sur la petite scène au niveau des lumières, dépassant les limitations techniques de la scène et offrant visuellement un set de grande qualité. Une analyse positive également valable sur le plan musical. Le groupe s’amuse véritablement sur scène et déploie une grande quantité d’énergie, même si certains musiciens restent plus sobres et moins expressifs que leurs compagnons. Une version plus souriante de Griffon en quelques sortes, notamment le chanteur s’amusant souvent avec ses musiciens. On passe alors au concert suivant dans la même salle de Grimner qui, bien qu’assez attendu, ne proposa visuellement que du rouge. Pour autant, le groupe ne décevra pas en partageant une sacrée ambiance. Leurs peaux de bêtes, maquillage de guerres et tablier de forgeron leur sied à merveilles et les font presque ressembler aux festivaliers. Il est d’ailleurs rare de voir un flûtiste aussi énergique et charismatique. Cet imposant forgeron, bourru et barbu n’arrêtera pas un instant de sauter sur la scène avec son pipeau, comme si l’idiot du village venait de trouver un instrument avec lequel il pouvait jouer et faire partie de la bande.
Les deux derniers concerts de la mainstage seront occupés par deux groupes bien chevelus. Fejd, armés de leur mandoline, clavier, guimbarde (et autre moraharpa), vont headbanger pendant 50 minutes, donnant lieu (comme pour beaucoup de groupes dans la soirée) à des nuées de cheveux. Beaucoup d’instruments variés pour rajouter ce côté authentique à la musique. Et les membres du groupe soufflant dans des cornes ne seront pas seuls car, évidemment, le public est équipé en conséquence et on entendra régulièrement des appels de cornes dans la foule. Restant techniques et plus variés que la majorité des groupes dont on a pu écouter la musique durant la journée, Fejd livrera une des meilleures prestations du jour avec des musiciens sympathiques et connaissants leurs instruments sur le bout des doigts. Et ceux malgré la mauvaise balance des voix au début du concert. Ce qui est bien dommage étant donné que les chanteurs s’échangeront régulièrement au fur et à mesure de la setlist.
Pour clôturer la soirée nous avons droit à un groupe venu des îles Féroé, et jouant en tête d’affiche du festival pour le plus grand plaisir d’une foule également composée de nombreux étrangers : Tyr. N’étant pas nécessairement dans un esprit de pure musique Pagan, mais ayant un heavy metal très porté sur le thème, il est toujours plaisant de finir la journée par une valeur sûre. Beaucoup de festivaliers, sans doute trop plein de bon hydromel, enchaîneront les slams et balanceront leurs cornes bien haut dans le ciel ! Tyr fait partie des groupes les plus efficaces du genre et c’est avec entrain qu’ils clôtureront cette édition du festival. Sauf le chanteur à qui il est difficile de décrocher un sourire, le bassiste partagera sa bonne humeur en allant régulièrement vers son ami le guitariste (les deux s’échangeant notamment régulièrement des regards amoureux).
Les lumières bleues restent dans le thème aquatique du groupe et auront participé à merveille à l’ambiance du set du groupe qui aura duré une heure. À la batterie on accueillera une nouvelle fois le batteur de Dalriada offrant des têtes absurdes et légendaires pris dans son jeu mouvementé (le groupe n’ayant toujours pas trouvé de membre attitré pour ce poste). Un concert où c’est l’aspect fédérateur qui dominera et où l’on retiendra ses membres harangueront régulièrement la foule, et offrant plusieurs très bons solos, afin de nous faire sortir du festival avec le sourire. À 23H TYR fini son set et, même malgré l’ovation du public, le groupe ne pourra pas jouer un morceau de plus.
Bilan : un festival à la musique agréable mais où on aurait souhaité des festivaliers moins excessifs, à vouloir chanter plus fort que son voisin ou (littéralement) à comparer la taille de sa corne. Quand bien même simple spectateur de musique pagan, spécialistes de la corne ou alors fans de pagan voulant boire et danser, le public était varié. Tout comme les groupes, entre ceux voulant juste propagé la fête qui, sur le plan de l’état d’esprit, s’opposait aux groupes se disant issus du vrai paganisme noir. Avec du black, du folk et du heavy, tout le monde a pu être servi comme il voulait niveau ambiance, mais on regrettera simplement la trop faible durée de battement entre chaque concert qui obligera pour ceux voulant assister à tous les set à avoir très peu de moment de répit, que ce soit pour s’alimenter ou pour visiter les stands dans le gymnase. Certains concerts commençaient en effet en même temps que la fin d’un autre. Heureusement que les salles étaient quasi mitoyennes et que les groupes ont proposé des concerts variés et de grande qualité.
Cette nouvelle formule marche en tout cas beaucoup mieux que dans une salle parisienne, tout d’abord par la place dédiée ayant augmenté et le cadre qui permet de nous échapper assez drastiquement de la capitale parisienne. Alors quand on peut avoir une bouffée d’air frais (musical) de temps en temps en dehors du périphérique, on se doit de la savourer d’autant plus !
Live reports et photos : Matthis Van Der Meulen.