S’il y a bien quelque chose dont les gens ont eu besoin durant ces deux dernières années, c’est d’évasion. A l’ère des confinements et des restrictions en tout genre, l’art joue un rôle essentiel pour voguer librement avec l’esprit. Et quoi de mieux qu’un Rhapsody Of Fire pour nous emporter dans des contrées imaginaires, théâtre d’histoires fantastiques et de paysages grandioses, où la « gloire » et l’« héroïsme » sont des notions célébrées sans le moindre second degré ? Après un The Eighth Mountain qui ouvrait une nouvelle ère, avec le nouveau chanteur Giacomo Voli et une nouvelle saga, voilà le groupe redevenu cent pour cent italien avec l’arrivée toute fraîche du batteur Paolo Marchesich de retour avec Glory For Salvation, le second volet de l’histoire du Nephilim’s Empire.
C’est pour évoquer ce nouveau chapitre, forcément conçu dans des circonstances particulières, que nous avons échangé avec le claviériste et désormais principal compositeur Alex Statopoli. Non sans en profiter également pour revenir dix ans en arrière, à l’époque de la sortie de From Chaos To Eternity qui marquait un tournant dans la carrière de Rhapsody Of Fire, lorsque tout a basculé pour le duo qu’Alex formait avec Luca Turilli.
« Pour certaines personnes, ça peut paraître puéril, mais en réalité, les groupes comme nous ou Manowar utilisons ces titres parce que nous croyons vraiment en ce genre de mots et dans leur pouvoir. »
Radio Metal : Tout d’abord, The Eighth Mountain était non seulement le début d’une nouvelle saga mais aussi le premier vrai album de Rhapsody Of Fire avec Giacomo Voli en tant que chanteur. Comment ce nouveau chapitre a-t-il été accueilli par les fans ?
Alex Staropoli (claviers) : C’était effectivement officiellement notre premier album studio avec Giacomo et le tout début de notre aventure ensemble, donc c’était absolument incroyable. Globalement, les retours des fans étaient très bons, surtout parce que nous avons décidé de jouer The Eighth Mountain en live en intégralité et ça a été incroyablement bien reçu. C’était fantastique et même inattendu parce que, normalement, un groupe ne joue pas un album en entier quand celui-ci vient de sortir. Mais nous avons décidé de le faire et nous avons été stupéfiés. Les retours étaient incroyables et nous étions très contents.
Un an après la sortie de The Eighth Mountain, le monde a été frappé par une pandémie. Comment le groupe a-t-il vécu ça, surtout dans la mesure où l’Italie a été l’un des pays européens les plus impactés au début ?
Ça nous a durement impactés en tant que groupe live. Même si nous n’avions plus que quatre concerts à faire, nous avons dû arrêter. Le dernier concert s’est tenu à Zagreb. Il nous restait encore Milan, Paris, Munich et la Suisse, donc nous avions les plus gros concerts à la fin de la tournée et nous avons dû les annuler et rentrer chez nous. En fait, mon plan après la tournée était déjà de rentrer à la maison et de commencer à travailler sur Glory For Salvation. J’ai tendance à programmer ma vie autour du groupe, je suis obligé. J’ai un énorme calendrier où je note tout. Je dois tout planifier, car autrement, je procrastinerais et sortirais un album tous les quatre ans. Je n’ai pas envie de faire ça, alors je me motive pour continuer à travailler. C’est pourquoi j’ai déjà commencé à composer de nouvelles chansons pour le prochain album, car si tu ne commences pas tôt, tu te retrouves sous pression pour faire une tonne de choses durant les derniers mois. J’ai déjà fait ça et je n’ai plus envie de le faire. Voilà pourquoi j’aime m’organiser et commencer tôt. Ça ne veut pas dire pour autant que j’écris des chansons comme si j’étais à l’usine. J’utilise toujours mes connaissances et ma sensibilité de musicien pour écrire la meilleure musique que je peux pour moi, le groupe et nos fans. Tout ça pour dire que la pandémie n’a pas changé mes plans. Ça fait plus de quatre ans que je vis au Royaume-Uni. Donc oui, nous avons également été impactés, mais pas autant que d’autres pays. J’ai utilisé ce temps pour travailler. L’Italie a effectivement été durement touchée. Heureusement, en 2020, durant l’été, j’ai pu retourner en Italie pour enregistrer Giacomo, les chœurs et tout. Il y a eu une ouverture cet été-là, j’ai eu de la chance, car je suis parvenu à enregistrer tout le chant, y compris les chœurs, et les instruments. Donc en gros, la production s’est passée sans encombre, malgré les problèmes partout dans le monde.
Tu as dit vivre au Royaume-Uni maintenant. Etait-ce une décision professionnelle de déménager là-bas ou bien c’était personnel ?
Les deux. Il y a plusieurs raisons. Le Royaume-Uni est bien mieux pour les affaires que plein d’autres pays, surtout l’Italie. Ici, c’est facile quand on veut créer une ou plusieurs entreprises, ou juste faire des affaires. C’est incroyable. Par exemple, ici j’ai une entreprise dont je me sers pour la musique et la production. Faire quelque chose comme ça en Italie serait impossible. Ce serait un cauchemar. On se retrouve à payer quarante ou cinquante pour cent de taxes, si on a de la chance. Donc ce n’était pas une option pour moi. En plus, l’aide et le soutien que le gouvernement a offerts aux citoyens et aux autoentrepreneurs étaient incroyables. Je vis bien ici, j’aime beaucoup. Je suis géographiquement bien placé, car à partir d’ici, je peux prendre l’avion et aller n’importe où sans escale, y compris à Trieste. Donc ce n’est vraiment pas un souci de se déplacer.
Il y a clairement une part d’évasion dans votre musique : est-ce que faire cet album était une sorte de parenthèse enchantée au milieu de ce contexte qui était tout sauf enchanté ?
En tant que compositeur et producteur, et étant responsable de la production et des enregistrements, j’ai l’expérience du style que nous avons créé, des instruments, des différentes atmosphères. Tu as prononcé le mot « enchanté » et je me sens béni. Je me sens chanceux parce que faire ce type de musique est ce que je fais de mieux. Il y a un lien fort avec la nature, les films, les BO et la musique classique. Tout est une question de ressentir les émotions et de profiter du processus de composition et de production de l’album, car c’est la première étape. Puis, bien sûr, si les fans peuvent l’aimer autant que moi, ressentir les mêmes émotions et être transportés dans ce lieu fantastique et enchanté, c’est super. C’est une manière de s’évader de la réalité et de profiter de quelque chose qui, pour moi, est spécial musicalement. Plein de fans sont venus nous voir depuis le tout début et au fil des années pour nous dire que notre musique les a aidés à traverser des situations difficiles dans la vie. Je pense que c’est assez commun quand ta musique vise à toucher émotionnellement l’auditeur et c’est ce que nous essayons de faire. Donc quand ça arrive, je trouve que c’est fantastique.
« Il y a quelques trucs que j’aurais pu faire mieux, surtout sur le plan personnel avec les anciens membres. J’ai parfois été trop dur et trop direct, car ça fait partie de mon caractère. Certaines personnes sont trop sensibles pour le supporter. Disons que j’aurais parfois pu être plus diplomate. »
D’un autre côté, penses-tu que le contexte a eu la moindre influence émotionnelle sur toi et ta musique ?
Pas vraiment. Plein de gens ont dit qu’ils ne pouvaient pas composer et n’avaient pas la tête à écrire de la musique. Ils se sentaient comme en prison. Mais ça fait vingt ans que je travaille chez moi. La plupart du temps, je m’isole moi-même parce que je travaille tout le temps dans mon studio, donc pour moi, ça n’avait pas vraiment d’importance. J’ai fait ce que j’avais à faire avec exactement le même enthousiasme, la même énergie et la même excitation que d’habitude. La musique m’aide beaucoup à traverser les choses. Quand je travaille, je suis trop concentré pour penser à quoi que ce soit d’autre. Pour ce qui est des influences, je pense qu’en tant que musicien, tout le monde a les siennes. J’ai écouté toutes sortes de musiques toute ma vie, de la pop au rock, du metal au classique et à la musique de film. Tout ce qui me donne la chair de poule et que j’aime est super pour moi. Il y a plein d’éléments, comme je l’ai dit plus tôt, tels que le contact avec la nature. Notre ville d’origine est un endroit merveilleux où naître. La vidéo que nous avons faite pour « Chains Of Destinity » a été filmée à seulement quelques heures de notre ville natale. J’ai donc d’abord vécu dans tous ces endroits, près de la nature. Ça peut sembler simpliste, mais c’est important pour moi, ça me parle et ça se transcrit dans mes compositions en tant que musicien.
Le côté épique de la musique est bien mis en valeur par les gros chœurs, mais comment êtes-vous parvenus à les enregistrer en ces temps où les rassemblements ne sont pas recommandés voire carrément interdits ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, j’ai eu beaucoup de chance quand nous sommes allés enregistrer le chant, les chœurs et tous les instruments. Je suis allé chez Giacomo, il a un studio sympa. On était en juillet-août 2020 et tout était ouvert. Tout allait bien. J’ai pu me rendre en Italie et j’y suis resté deux mois en tout. Concernant les chœurs, ça dépend toujours du talent des chanteurs. Heureusement, nous travaillons désormais à chaque fois avec les mêmes personnes. C’était un joli défi. C’était dur mais c’était aussi amusant parce que nous faisons généralement deux types de chœurs, les chœurs opératiques et les chœurs plus épiques et rock avec plein de chanteurs de rock et de heavy metal. Nous les avons réunis, donc nous avons des chœurs vraiment puissants. Ce que je fais, c’est que j’enregistre plein de prises, avec différentes harmonies, différentes mélodies, différentes parties et à plein d’octaves différentes jusqu’à ce que les chanteurs n’en puissent plus à la fin de la journée. C’est là où nous devons arrêter, mais quand nous travaillons, nous travaillons dur. Je voulais vraiment faire de grands chœurs épiques pour cet album.
A propos de chant, on dirait que Giacomo dévoile encore plus sa personnalité vocale sur Glory For Salvation. Penses-tu qu’il ait été conforté par la bonne réception de The Eighth Mountain et encouragé à être davantage lui-même et montrer plus ses diverses facettes ? As-tu toi-même, personnellement, ressenti un changement positif en lui après la sortie de The Eighth Mountain ?
Oui, absolument. Giacomo est un gars très sensible, donc dans son cas, ça a beaucoup aidé. En général, les chanteurs sont des personnes très sensibles, donc quand ils se sentent appréciés, ils ont tendance à être très contents. C’est un genre de boost émotionnel pour eux et je le comprends très bien. Quand nous avons sorti Legendary Years avec tous ces réenregistrements, j’ai déclaré que je voyais en Giacomo un chanteur fantastique, mais qu’il pouvait beaucoup s’améliorer. Il m’a donné raison. A chaque album que nous faisons, de The Eighth Mountain à Glory For Salvation, il y a des améliorations dans tous les domaines, dans la manière dont il s’exprime, dans son aisance à développer son chant, dans son anglais, etc. C’est vrai que nous travaillons très dur. En tant que producteur, j’aime travailler avec les chanteurs. J’aime enregistrer les chanteurs, j’ai toujours aimé ça, c’est un beau défi pour moi. Pour Giacomo, c’est aussi un défi de faire mieux à chaque fois. Donc nous sommes sur la même longueur d’onde, nous aimons faire mieux à chaque fois et il y a toujours une marge d’amélioration, donc ça me donne de la force pour faire mieux la prochaine fois.
Le batteur Manu Lotter a quitté le groupe en juin l’an dernier. Il semblerait que ce soit un départ amical. Il a dit avoir réalisé que Rhapsody Of Fire n’était pas pour lui, mentionnant que « différents points de vue, différents objectifs et différentes attitudes ont fait qu’il était difficile pour [lui] de rester dans le groupe ». Quelles étaient ces divergences ? Ne les aviez-vous pas vues au moment où il a rejoint le groupe en 2016 ?
Je ne peux pas répondre à la place de Manu bien sûr, mais je sais qu’il n’était pas heureux et je pense que c’est plus lié à son point de vue personnel sur la vie de musicien. Il n’était plus heureux à un moment donné avec son précédent groupe et c’est aussi ce qui s’est passé avec notre groupe. Donc je ne sais pas à qui est la faute ; je crois que ce n’est la faute de personne. C’est juste que, parfois, les choses ne fonctionnent pas. C’est sûr qu’il était agacé par le fait qu’il y avait deux groupes différents nommés Rhapsody et qu’il y avait une compétition entre les deux. Certaines choses peuvent parfois être énervantes pour certaines personnes, donc à un moment donné, il a décidé de quitter le groupe. Je pense que c’est pour le mieux, car de toute façon, il voulait développer son business, il est dans le graphisme. Je pense aussi qu’il enseigne la batterie et que c’est ce qu’il veut faire. Peut-être qu’il ne veut pas être un musicien de tournée et qu’il veut être professeur et développer ses affaires. Je trouve que ça a du sens, parce qu’on ne sait jamais ce qui peut se passer avec un groupe. Je connaissais déjà Paolo Marchesich, notre nouveau batteur, et c’était l’un des meilleurs candidats. A l’époque, j’avais choisi Manu un peu par hasard, j’aurais aussi pu choisir Paolo. Mais à un moment donné, j’ai décidé d’opter pour un batteur allemand et de poursuivre la tradition. Maintenant, je suis très content de Paolo. C’est un mec sympa. Il vient de la même ville, donc en dehors de Giacomo, nous venons tous de Trieste. Paolo a aussi joué auparavant avec Alessandro Sala et Roby De Micheli dans d’autres groupes. Ils se connaissent, ils sont amis et ils jouent aussi ensemble. Nous n’aurions pas pu trouver meilleure option que d’avoir un batteur issu de la même ville que nous ! Nous avons hâte de retrouver la scène avec ce line-up tout neuf.
« Les meilleurs héros qu’on a sont les gens qui font le bien sans même vouloir qu’on se souvienne d’eux pour ça, car ils estiment avoir fait ce qu’il fallait faire. Je trouve ça poétique et fascinant. »
Tu as mentionné que Manu était agacé par la compétition entre les deux Rhapsody. Es-tu toi-même agacé par ça ?
La compétition ne m’agace pas parce qu’il y en a partout. Nous avons notre propre position sur le marché. Nous avons nos fans. Donc ça va, je suis content avec ça. C’est plus la confusion et ce truc avec le nom Rhapsody. Quand Luca [Turilli] et moi nous sommes séparés, nous avons décidé que je pouvais garder le nom Rhapsody Of Fire et c’est ce que j’ai fait. J’utilise ce nom depuis dix ans.
A propos de la composition, tu as déclaré que « sachant que [tu as] un groupe capable d’exprimer cette musique sur scène, ça [te] donne une base solide pour composer avec assurance ». Mais ça n’a pas toujours été le cas ? Es-tu plus confiant maintenant ?
Oui. Il y a deux facteurs. Tout d’abord, le groupe est composé d’amis, nous nous entendons tous bien. Les musiciens aiment beaucoup jouer sur scène, ils peuvent être très techniques si besoin et nous avons un fantastique chanteur. Tout le monde est super. Ceci, évidemment, te donne un gros boost quand arrive le moment d’écrire des chansons. Je dois dire que j’ai toujours été confiant, mais c’était différent dans le passé parce que je travaillais toujours avec Luca Turilli et nous partagions tout. Evidemment, nous avons toujours eu de super musiciens dans le groupe. C’est juste que maintenant, comme je suis la personne principale à être responsable de la composition – même si j’écris des choses avec Roberto De Micheli aussi – et de tant de choses, la perspective est différente. L’autre facteur très important, c’est le mix. Sebastien « Seeb » Levermann a fait un boulot fantastique sur chaque album qu’il a mixé, mais pour Glory For Salvation, il a vraiment mis la barre plus haut. La puissance, l’énergie, la clarté et la définition que nous avons sur Glory For Salvation sont fantastiques, c’est unique. Ça aussi, ça aide beaucoup pour un compositeur. Quand tu écris une chanson et que tu sais que tu auras ce type de mix qui fait aussi bien sonner ta chanson, ça te donne un enthousiasme et une volonté de composer des chansons, car tu sais qu’elles vont sonner super bien. Il y a donc deux facteurs importants : le groupe et le mix.
Tu as aussi déclaré essayer de « composer de la musique qui collera autant que possible à l’histoire, mais [tu] ne veux pas trop le faire. [Tu ne] veux pas faire à cent pour cent un concept album. [Tu] veux quelque chose qui [t’]offre plus de liberté musicale, et c’est pour cette raison que les paroles viennent à la fin. » Est-ce que ça veut dire que l’histoire et la saga sont toujours secondaires par rapport à la musique pour toi ?
Je ne dirais pas que c’est secondaire, c’est juste ainsi que se déroule le processus. Je n’ai jamais composé la moindre partie ou chanson où les paroles sont venues en premier. Mais je comprends que ça puisse se passer ainsi pour certains styles. Je ne pense pas que ça arrive souvent dans le metal. C’est plus commun dans la pop et le rock parce qu’on veut écrire quelque chose qui, d’abord, n’est pas très rapide ni très brutal. Donc dans ce cas, je peux comprendre qu’on puisse écrire en premier des paroles ou peut-être des paroles et des mélodies en même temps. Mais vu la musique que nous faisons et la vitesse à laquelle nous jouons, pour moi, en tant que musicien, c’est important de connaître et d’avoir d’abord le morceau. Evidemment, Rhapsody Of Fire a un son très particulier avec des chansons et un style très spécifiques. Donc au final, dans tous les cas, tout va bien se marier. C’est la raison pour laquelle je commence avec la musique et ensuite je laisse Giacomo écrire les textes. C’est ça le processus, mais à la fin de la production, quand on a le mix et que l’album est prêt, on réalise que tout se combine parfaitement. Je suis confiant et très content de ça.
Glory For Salvation est le second chapitre de la saga Nephilim’s Empire. Le titre de l’album en soi est intéressant : peux-tu nous parler du lien que vous faites entre la gloire et le salut ? D’ailleurs, que mettez-vous derrière l’idée de la gloire ?
Comme je le fais toujours remarquer, j’écris la musique et j’en suis responsable. Ensuite, quand la musique est faite, c’est à Roberto De Micheli et à Giacomo d’écrire les textes. Je leur donne une entière liberté pour écrire les paroles et trouver les titres. Evidemment, les titres sont importants pour moi, donc j’ai toujours mon mot à dire. Glory For Salvation est vraiment lié à la saga, à ce que représente le second chapitre de cette nouvelle saga de Rhapsody Of Fire. A ce stade de l’histoire, le héros ouvre les yeux et comprend qu’il devra se battre de toutes ses forces et avec tout son pouvoir pour atteindre ses objectifs. Il n’y a pas de véritable lien avec notre vie quotidienne ou notre société, mais nous avons une métaphore pour pousser les gens à davantage croire en eux, pour leur faire réaliser que chacun d’entre nous a droit à une seconde chance, comme le héros dans notre saga. Pour obtenir ça, il faut travailler dur. C’est le message principal derrière le titre Glory For Salvation. Mais par rapport au terme de « gloire » en particulier, j’imagine toujours des photographies épiques, comme des sommets montagneux, ou des moments cruciaux, extrêmes et épiques. Pour certaines personnes, ça peut paraître puéril, mais en réalité, les groupes comme nous ou Manowar utilisons ces titres parce que nous croyons vraiment en ce genre de mots et dans leur pouvoir. Et bien sûr, tout dépend du contexte. Ça sonne fantastique. C’est éloquent et ça se marie bien avec la musique dans un sens fantastique.
« Le fait que nous soyons italiens, évidemment, ça fait partie de la fierté, car nous avons créé le groupe, or créer un groupe de heavy metal en Italie n’est pas facile. »
Quel serait le moment de ta carrière que tu qualifierais de glorieux ?
Quand nous avons pris l’avion pour Londres et que nous avons travaillé Sir Christopher Lee. C’était assurément un moment glorieux. C’était incroyable ! C’était extraordinaire de rencontrer une personne comme ça, pas seulement parce qu’il était célèbre et avait fait énormément de films, y compris le Seigneur Des Anneaux, mais aussi parce qu’il était très ouvert. Nous avons beaucoup parlé et à un moment donné, il a voulu chanter. Il nous a demandé de le faire chanter et de faire une chanson ensemble. C’était son idée. Donc nous avons fait « The Magic Of The Wizard’s Dream », le duo qu’il a fait avec Fabio [Lione]. C’était fantastique que ce grand monsieur propose des idées pour que ça se concrétise. C’était une superbe expérience de travailler avec lui et Susannah York, on pouvait voir un autre niveau de professionnalisme.
La biographie promo explique que « le héros est conscient de ses erreurs, et veut les réparer pour se racheter et se battre pour ce qui est juste ». La dernière fois, nous avions parlé du fait qu’une part de l’histoire peut se rapporter à ta propre vie et à ton propre parcours. Du coup, quelles ont été tes erreurs que tu aimerais réparer pour te racheter ?
Cette histoire, la saga Nephilim’s Empire, a été conçue par Roby De Micheli qui me l’a proposée. Il avait travaillé dessus pendant quelques années. Après avoir discuté, j’ai décidé de le suivre là-dessus parce que c’était important pour moi d’avoir à nouveau une saga et une histoire qui accompagnent la musique. De façon très modeste, je dois dire que tout ce que j’ai fait dans ma vie, je ne l’ai peut-être pas fait avec l’esprit parfaitement clair, mais au moins j’ai décidé de la direction à prendre, sans trop réfléchir. Et presque tout ce que j’ai fait était ce que je voulais faire. J’ai atteint tous les objectifs que je m’étais fixés. Il y a quelques trucs que j’aurais pu faire mieux, surtout sur le plan personnel avec les anciens membres. J’ai parfois été trop dur et trop direct, car ça fait partie de mon caractère. Certaines personnes sont trop sensibles pour le supporter. Disons que j’aurais parfois pu être plus diplomate. Mais autrement, je voulais vraiment écrire de la musique et être dans un groupe, et j’ai toujours fait ce qui me paraissait le mieux pour moi, pour le groupe et pour la musique. Heureusement, je peux dire que sur le plan musical, il n’y a rien que je qualifierais d’erreur.
Penses-tu que l’on puisse transposer l’histoire du héros et son introspection à l’auditeur ? Penses-tu que le but de ces histoires fantastiques n’est pas simplement d’apporter l’évasion mais de nous faire réfléchir sur nous-mêmes ?
Oui. Ce n’est pas le but premier, mais c’est ce qui en ressort et quand c’est lié à de la musique, l’effet peut être encore plus fort. J’évoquais l’idée d’avoir une seconde chance dans la vie. Si tu en parles, c’est bien, mais si tu reçois ce message au travers d’une musique, avec l’aide de cette dernière, ça peut probablement te toucher plus profondément. C’est très intéressant. Si un message positif en ressort, c’est super.
Le premier single de l’album était la chanson « I’ll Be Your Hero », qui est sorti sous la forme d’un EP en juin. Quelle est ta définition d’un héros ?
Dans un monde fantastique, on sait tous qu’un héros est quelqu’un qui est toujours prêt à sacrifier sa vie et tout ce qu’il a pour le bien d’autres gens. Dans notre société aujourd’hui, il y a des héros qui font des choses sans chercher la moindre reconnaissance. Ils font ça sans éprouver le besoin de le dire à qui que ce soit. Je pense que ce sont les meilleurs héros qu’on a, c’est-à-dire les gens qui font le bien sans même vouloir qu’on se souvienne d’eux pour ça, car ils estiment avoir fait ce qu’il fallait faire. Je trouve ça poétique et fascinant. Si je fais quelque chose d’héroïque, je ne veux pas de médaille ou quoi, je sais juste que j’ai fait ce que j’avais à faire et je passe à autre chose.
Qui est ton plus grand héros, personnellement, dans la vie ?
Je n’ai pas de héros proprement dit. Christopher Lee était notre héros à l’époque. Le rencontrer a eu un impact très important, pertinent et émotionnel sur nous. Il était notre héros, surtout quand il a fait ces superbes narrations et quelques discours face caméra. Nous lui avons donné des choses à dire, mais il improvisait tout le temps. Au final, on pouvait voir qu’il ne faisait pas que répéter des mots, il y croyait. Quand nous l’avons rencontré et qu’il a écouté la musique que nous faisions, il nous connaissait personnellement, il nous décrivait nous, notre musique et le projet sur lequel nous travaillions ensemble vraiment comme quelque chose dans lequel il était totalement impliqué. On ne peut rêver mieux, voilà pourquoi il était notre héros. On pouvait voir qu’il s’intéressait et s’impliquait sincèrement dans ce que nous faisions. C’est du pur professionnalisme.
« C’est fantastique pour un jeune musicien de croire tellement en soi et en sa musique qu’il est convaincu qu’il fera quelque chose et vendra des exemplaires de sa musique partout dans le monde – et c’est ce que nous avons fait. »
Le grand morceau épique de l’album s’intitule « Abyss Of Pain – Part II ». Comment, à partir d’une intro de cinquante secondes – « Abyss Of Pain » – sur The Eighth Mountain, vous êtes-vous retrouvés avec une chanson homérique de près de onze minutes sur Glory For Salvation ?
Tout le monde trouve ça très étrange et curieux parce qu’à partir d’une petite graine, on peut faire pousser un arbre incroyable. C’était une idée de Giacomo de reprendre le titre, à cause de l’histoire et de la manière dont nous voulions la dépeindre. J’ai dit : « Oui, vas-y. Fais comme tu veux. » Nous avons donc créé ce titre pour la chanson. En fait, je me suis beaucoup amusé à faire cette chanson. Ce n’est pas obligatoire de toujours faire une longue chanson et je n’étais pas sûr qu’il fallait que nous en fassions une. C’est juste qu’à un moment donné, quelque chose s’est passé. Nous avons remarqué que ce serait peut-être sympa de rallonger un peu cette chanson pour créer et développer quelque chose de plus cinématique. J’ai donc recréé l’atmosphère d’« Abyss Of Pain » avec des chœurs et plein de vrais instruments. Ce n’est pas une très longue chanson, mais elle est pleine de vrais instruments et il y a une belle atmosphère, surtout dans l’intro et l’outro.
On retrouve quelques phrases en italien dans certaines chansons. C’est évidemment votre langue maternelle, mais vous la mélangez avec l’anglais. Quel objectif servent ces deux langues, respectivement, dans ces chansons ?
Tout d’abord, ça sonne bien. Tous les chanteurs aiment faire ça. Fabio aimait le faire, Giacomo aime le faire. Je pense que c’est important pour un Italien. En gros, nous employons toujours l’anglais, mais à certains moments, nous aimons avoir quelques phrases en italien et en latin. Le latin et l’italien ont des similarités, donc ça sonne un peu exotique et intéressant, surtout quand on veut dire quelque chose ayant un sens plus profond. Ça sonne très intéressant quand on utilise l’italien ou le latin. Ce truc avec les langues, ce n’est pas nouveau. Nous l’avons déjà fait par le passé sur de nombreuses chansons et nous continuons à le faire. Nous avons fait la ballade « Magic Signs » en italien et en espagnol. La ballade sur The Eighth Mountain était également en français. C’est un joli défi et un beau cadeau pour les fans. Giacomo aime se donner comme défi de chanter en différentes langues. D’ailleurs, toutes les paroles sont écrites exprès dans ces langues, ce ne sont pas juste des traductions. Il faut vraiment créer quelque chose en phase avec l’histoire, mais il faut aussi que ce soit tout neuf. Ça implique beaucoup de travail, mais nous adorons faire ça, surtout en italien.
Rhapsody Of Fire est un groupe qui a été beaucoup influencé par la littérature et le cinéma fantastiques, mais dans quelle mesure la culture et l’art italien ont-ils influencé votre musique, vos histoires et votre style ?
J’aime les compositeurs comme Ennio Morricone, la musique baroque et la musique instrumentale. L’Italie, la France, l’Espagne et l’Allemagne sont des pays très compétents en la matière. L’Italie est plus connue pour la pop et des styles différents du heavy metal. Je ne sais pas, peut-être que des gens pourront analyser notre musique et y trouver des influences italiennes. Mais personnellement, je pense que mes influences viennent de la nature, des films, des BO, et c’est toujours lié à de grands paysages et des scènes épiques. C’est plus ça.
Avec Paolo, le groupe redevient à cent pour cent italien. Est-ce une fierté pour toi, d’une certaine façon ?
Eh bien, je suis content. C’est très étrange, car j’avais pris l’habitude d’écrire en anglais car il y avait toujours un gars dans le groupe qui venait d’un autre pays que l’Italie. Maintenant, ça fait bizarre de pouvoir écrire en italien. Je peux écrire des e-mails et des messages au groupe en italien, c’est bizarre mais c’est super. Nous sommes d’abord des musiciens, ce n’est pas le fait que nous soyons italiens qui nous rend plus fiers. Nous sommes fiers parce que nous avons pu créer un groupe à partir de rien et je suis toujours là à le faire vivre et j’adore ça. Le fait que nous soyons italiens, évidemment, ça fait partie de la fierté, car nous avons créé le groupe, or créer un groupe de heavy metal en Italie n’est pas facile. Si tu compares à l’Angleterre ou aux Etats-Unis où il y a énormément de groupes qui ont du succès, en Italie, il n’y en a pas énormément, en tout cas pas dans le heavy metal. Donc je suis content que nous soyons l’un de ces groupes.
Les groupes se soutiennent-ils en Italie ?
Je ne sais pas parce que je ne connais pratiquement personne. Même quand je vivais en Italie, je n’avais aucun contact avec les autres groupes. Evidemment, je connais les groupes qui ont du succès, je connais Lacuna Coil, Eldritch et Vision Divine… Mais en vivant à Trieste, qui est une ville située très loin dans le nord-est de l’Italie, tu es vraiment loin du cœur de la scène metal. En Italie, c’est plus autour de Milan, le centre de l’Italie. Nous avons toujours été un peu à la marge et nous n’avons jamais été en contact avec les autres groupes.
L’enregistrement de Glory For Salvation s’est terminé en septembre 2020, ce qui signifie que l’album sort un an plus tard. Pourquoi avoir attendu tout ce temps ? Etait-ce une question d’attendre le bon moment dans le contexte actuel ?
Pas vraiment. Ça a demandé beaucoup de travail de faire cet album. Je n’ai pas arrêté de travailler dessus pendant tout ce temps. En temps normal, quand on est un groupe sérieux, on livre les masters entre six à neuf mois avant la date de sortie. Donc contractuellement, c’est assez normal, mais je crois que personne ne fait ça. Nous avons livré l’album cinq ou six mois avant, il me semble. Il y a un laps de temps technique nécessaire pour que le label travaille la sortie et s’assure que tout se passe bien. Nous avons aussi pris le temps nécessaire pour le mix. Nous avons vraiment pris notre temps pour accomplir chaque tâche. La sortie était initialement prévue pour le printemps et ensuite nous avons décidé de la repousser à novembre.
« Nous avons dit : ‘Quel genre de musique aimerait-on acheter et écouter ?’ Elle n’existait pas, donc nous l’avons créée. »
Cette année marque les dix ans depuis la sortie de From Chaos To Eternity, qui était le dernier album avec ton partenaire de longue date Luca Turilli. Avec le recul, quel regard portes-tu sur cet album ?
Je dois dire que les albums que nous avons sortis à l’époque étaient tous pertinents. Je fais référence non seulement à From Chaos To Eternity, mais aussi à The Frozen Tears Of Angels. Cet album était vraiment spécial pour moi, ainsi que pour Luca. Nous adorons cet album et nous avons fait de merveilleuses sessions d’écoute dans les bureaux de Nuclear Blast. Nous en étions fiers et très contents. Les trois derniers albums que nous avons faits étaient The Frozen Tears Of Angels, The Cold Embrace Of Fear – qui était un EP de trente-six minutes – et From Chaos To Eternity. Personnellement, j’aime From Chaos To Eternity, mais j’aime encore plus The Frozen Tears Of Angels. Toutes les chansons n’ont pas mes faveurs sur From Chaos To Eternity, mais il y a toujours de super chansons sur chaque album que nous avons fait. Il y a toujours un impact émotionnel et ça a toujours été spécial de travailler avec Luca Turilli. Nous avons toujours eu une vision commune pour faire de notre mieux pour nos fans et notre musique. Peut-être que From Chaos To Eternity n’est pas le meilleur album que nous ayons fait, mais il clôt la seconde saga et c’est pourquoi nous avons décidé de nous séparer à ce moment-là. C’était le meilleur moment pour nous. Je sais que pour certains fans c’était un cauchemar, mais sur le plan personnel, en tant que musiciens, il fallait vraiment que nous nous séparions et fassions quelque chose chacun de notre côté.
La dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous a dit qu’avec Luca vous vous étiez « rencontrés quand il avait seize ans, [toi] dix-huit, [que vous aviez] grandi ensemble, [et que] c’est une histoire totalement différente [par rapport aux autres anciens membres] ». Comment analyses-tu le fait que vous ayez fini par vous éloigner sur le plan créatif à ce moment-là ?
Certaines personnes disent que Luca est parti, mais en réalité, c’est parce que j’ai gardé le nom Rhapsody Of Fire et qu’il a continué sous le nom de Luca Turilli’s Rhapsody. Nous utilisons tous les deux le nom Rhapsody. Sur le plan personnel, comme je l’ai dit, nous avons travaillé ensemble pendant de nombreuses années, nous avons sorti énormément d’albums et à un moment donné, il y a eu des frictions surtout avec Fabio. Ce n’était pas facile de faire avec, mais nous avons continué, nous l’avons fait au bénéfice de la musique et pour nos fans. Nous avons continué et créé deux sagas. Nous n’avons pas arrêté au milieu d’une saga. Nous avons terminé ce que nous avions commencé et à un moment donné, nous avons dit : « A partir de maintenant, c’est mieux pour notre carrière et pour notre santé mentale de nous séparer. » Il n’y avait aucune animosité ou dispute, nous avons juste calmement décidé de nous séparer. Bref, ce n’était pas une décision que nous avons prise du jour au lendemain, nous en avons longuement discuté.
Ce que j’aimerais ajouter, et je ne suis pas sûr de vous avoir dit ça la dernière fois, c’est le fait qu’au tout début, j’ai rencontré Luca, nous avons commencé à parler de musique, mais en même temps, Roby De Micheli était aussi dans les parages parce que c’était un camarade de classe de Luca. Ils étudiaient tous les deux la guitare classique et la guitare électrique. Donc pour la première chanson que nous avons enregistrée, il y avait moi, Turilli, De Micheli et notre ancien batteur Daniele Carbonera. Voilà pourquoi j’ai choisi Roby De Micheli pour le groupe parce qu’il n’était pas étranger au désir de faire ce type de musique. Evidemment, il faut que je sois sincère, je me sens parfois nostalgique. Surtout au début, nous étions très naïfs par rapport à certaines choses, mais nous avions une compréhension et des idées très claires sur ce que nous voulions, et ce que nous voulions nous a apporté le succès. C’est fantastique pour un jeune musicien de croire tellement en soi et en sa musique qu’il est convaincu qu’il fera quelque chose et vendra des exemplaires de sa musique partout dans le monde – et c’est ce que nous avons fait. C’est un bon point de départ pour n’importe quel musicien. Nous avons fait ce que nous aimions et ce que nous voulions faire, comme deux musiciens italiens têtus. Nous voulions juste faire ça et nous faire plaisir. Nous voulions créer de la musique que nous aurions achetée dans n’importe quel disquaire. Donc nous avons dit : « Quel genre de musique aimerait-on acheter et écouter ? » Elle n’existait pas, donc nous l’avons créée. Quand on regarde notre parcours et ce que nous avons fait, c’est remarquable.
Êtes-vous restés en contact ?
Non. Comme je suis à Londres, j’ai zéro contact. Je suis un peu comme un homme des cavernes dans sa grotte. Je suis en contact avec mon frère, ma famille et certains amis, bien sûr, mais j’étais trop occupé à travailler dernièrement, donc non pas encore.
Comment c’était pour toi de t’adapter et de créer une nouvelle dynamique au sein de Rhapsody Of Fire durant ces dix dernières années ?
C’était super et excitant. Il m’a clairement fallu du temps pour m’adapter, surtout quand Giacomo est arrivé dans le groupe il y a déjà cinq ans. Ça a changé mon point de vue, ça m’a encore plus motivé et ça nous a poussés à prendre un nouveau départ et à prendre nos responsabilités.
Interview réalisée par téléphone le 2 novembre 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Emanuele Aliprandi.
Site officiel de Rhapsody Of Fire : www.rhapsodyoffire.com
Acheter l’album Glory For Salvation.
Très bonne interview, un régal à lire (comme souvent sur RM). ??
Stratopoli avance sur le plan musical quand Turilli fait du surplace..dommage pour leur différent qui a conduit à leur séparation