S’il a pu être dompté avec le temps et qu’il n’est plus aussi incontrôlable qu’il a pu l’être à ses grandes heures, le rock, quand il est joué avec authenticité, reste le style musical sauvage par excellence, celui qui fait ressortir la part animale en nous. Et ces racines sauvages, ce retour en grâce comme ils l’appellent, Scott Holiday et Jay Buchanan de Rival Sons sont allés les chercher directement là où elles sont : dans les bois.
Le résultat est Feral Roots, un album à la fois instinctif et intellectuel, parce que pour eux, les deux vont de pair. A la fois rock et soul également, puisque telles sont les deux faces d’une même pièce, et l’on comprend rapidement comment Scott et Jay incarnent chacun une de ces faces et à quel point le succès artistique du groupe repose sur ce duo de choc.
Ce sont donc les deux compères que nous avons joints par téléphone pour nous parler de cette nature sauvage originelle, de l’album en général, mais aussi de la scène rock et de ses tendances, alors qu’une nouvelle ère s’ouvre pour eux grâce à leur signature chez Atlantic.
« Nous faisons des choses telles que partir camper, aller dans les bois, gravir des montagnes, car nous sommes à la recherche d’un retour en grâce, nous cherchons cette part de nous-mêmes qui vit encore dans la nature, peu importe à quel point nous nous trouvons domestiqués. »
En juillet 2017, Scott, tu as déclaré que ça faisait déjà trop longtemps que vous vous reposiez sur Hollow Bones, car tu avais déjà des idées et l’esprit ailleurs. Au final son successeur ne sort qu’un an et demi plus tard. Ce n’est d’ailleurs pas rare aujourd’hui de voir des artistes prendre trois, quatre, cinq ans et même plus entre deux albums, alors que dans les années 70, des groupes tels que Kiss sortaient parfois deux albums par an ! Comment expliquer cette baisse de productivité ?
Jay Buchanan (chant) : Eh bien, je ne crois pas que ce serait dur de faire deux albums de Kiss par an ! [Rires]
Scott Holiday (guitare) : Ouais, ils devraient essayer de… Nan, on ne va pas rentrer dans ce débat. Restons-en là [rires].
Jay : Tout dépend de l’équipe que tu as et ton business model. Quand on tourne autant que nous, il faut un peu de temps afin de revenir dans l’état d’esprit créatif. Et puis il y a l’argent : ça requiert de l’argent d’aller en studio et faire un album, et couvrir les frais de production et tout.
Scott : Ceci dit, la raison pour laquelle on voit ça dans le milieu populaire est parce que c’est une méchante machine, et elle cherche à essorer tout ce qu’elle peut dans chaque artiste, jusqu’à la dernière goutte, jusqu’à l’écœurement comme ce n’est pas croyable. Si on regarde le monde de la pop, ils essorent tellement ces conneries qu’on finit par ne peut plus pouvoir les encadrer. Mais c’est ce qu’ils font, ils veulent presser chaque gramme d’un album pop, afin de le travailler pendant deux ans, en récupérer chaque centime, et ensuite commencer à faire plus d’argent sur le suivant et essorer tout ce qu’ils peuvent dans celui-ci, alors que dans les années 70, il y avait des gens qui étaient extrêmement créatifs et il n’y avait pas tant de structures pour exploiter ces artistes à mort. Leur façon de gagner de l’argent était d’aller faire un album, une tournée, un album, une tournée… C’est comme ça que nous gagnons notre argent, nous avons eu ce genre de planning : sortir un album une année, un autre album une année, et notre lancée a été un peu brisée parce que nous sommes partis en tournée pendant treize mois avec Black Sabbath et nous n’avions pas le droit d’effectuer de tournée en tête d’affiche pendant ce temps, donc nous sommes restés sur le même album, et puis nous avons fait quelques dates en tête d’affiche, et ensuite nous nous sommes immédiatement remis à faire un autre album. Voilà pourquoi ça a pris autant de temps. Il y a d’autres groupes de rock qui ont connu la même chose. Une fois qu’on a fait le tour du monde, puis une deuxième fois, un an et demi s’est écoulé. On essaye d’aller à la rencontre des fans partout dans le monde. En fait, nous avons commencé à travailler sur cet album il y a un petit moment, donc nous avons pris plus de temps pour composer et nous avons immédiatement été créatifs. Il n’y a pas eu tellement de temps mort. Nous étions vraiment occupés sur la route, et à la seconde où nous n’étions plus en tournée, nous avons profité de la brèche pour écrire le nouvel album.
A propos du nouvel album, Feral Roots, vous vous êtes installés tous les deux dans une vieille cabane au fin fond des bois du Tennessee afin de composer pendant toute une semaine. Comment était votre expérience à travailler dans ces bois ?
Jay : Je pense que ça a en partie donné le ton pour Scott et moi, car nous voulions nous retirer de nos habitations habituelles, de nos familles et de nos responsabilités, pour juste nous concentrer sur la composition, et discuter de l’album que nous voulions faire. C’était la toute première semaine seulement pour composer et réfléchir ensemble. Tellement plus s’est passé après ça. Cet environnement, avec ce lac, dans les bois du Tennessee, ça a façonné une grande partie de l’esprit et de la narration de ce que nous avons fini par rechercher, pour la première phase de la composition de cet album. Ça a servi d’inspiration, rien que pour ce premier lot de chansons, et dans celui-ci, on retrouve une chanson telle que « Do Your Worst ». Toutes les chansons n’ont pas été composées lors de cette première semaine. Seulement quelques-unes, ainsi que des structures qui ont été définies. Et je pense que la nature très « retour aux sources » de l’album est révélatrice quant à cette première étape de la composition de cet album.
Scott : Il y avait aussi beaucoup d’intellectualisation. Nous avons beaucoup parlé de l’album et de ce que nous recherchions. Ça a donné l’humeur et le ton pour l’inspiration, par rapport à ce que nous voulions écrire et où nous voulions aller au-delà de cette semaine.
Jay : Ouais, philosophiquement, il s’agissait de discuter de l’esprit qu’aurait l’album.
On dirait que faire un album de rock n’ roll est plus intellectuel qu’on pourrait le croire.
Scott : Je pense que quiconque écoute l’album en retirera probablement un peu plus que ça. Ce n’est clairement pas un Back In Black ; aucune attaque à l’encontre de Back In Black, j’adore cet album. Ceci dit, ce n’est pas un album de Kiss, et ce n’est pas un Back In Black, et ce n’est pas aussi direct, il y a un peu plus là-dedans. Donc ouais, je pense que c’est un petit peu plus intellectuel. Il prend un chemin particulier.
Jay : Quand tu dis que c’est « plus intellectuel qu’on pourrait le croire », tout dépend de qui est « on ». Si on a tendance à regarder les choses sous un angle philosophique et intellectuel, alors ça sera comme ça. Et si on n’a pas tendance à regarder les choses sous un angle philosophique, alors ça ne sera pas intellectuel ou très réfléchi.
Cette première semaine, pourquoi ne pas l’avoir faite avec tout le groupe ? Pensez-vous avoir une connexion artistique spéciale quand vous êtes juste tous les deux ?
Oui, Scott et moi faisons la grande majorité de la composition pour toutes les musiques de Rival Sons, et ça fonctionne. Plus il y a de chefs en cuisine, plus il faut écouter de gens. Scott et moi sommes capables de très bien communiquer, et ça n’a aucun sens d’impliquer plus de gens, et c’est un processus qui fonctionne parfaitement quand nous ne sommes que tous les deux.
Scott : Oui, et je ne crois pas que ça nous ressemble, quand quelqu’un dit « hey, vous êtes spéciaux ? », de répondre « oui, super spéciaux ! » Je pense qu’il est plus facile et plus convenable pour nous de dire comment nous aimons travailler et faire de l’art ensemble, et que nous avons le sentiment que ça marche. Ceci dit, tu peux dire que c’est spécial ! [Rires]
« La nature te parle si tu l’écoutes. Si tu écoutes les voix, c’est la même chose que si tu avais une conversation avec quelqu’un d’autre. Tout dépend à quel point tu es prêt à écouter l’autre personne, ça déterminera la qualité de la conversation. »
J’imagine que le titre de l’album fait en partie référence à cette semaine dans les bois, et dans les chansons « Back In The Woods » et « Feral Roots », vous assimilez grosso modo la nature à votre maison. Comment décririez-vous votre lien à la nature ?
Jay : C’est une vaste question. Avec Feral Roots, le morceau éponyme et le titre de l’album, il est moins question de cette première semaine dans les bois que de la narration du retour en grâce, après s’être éloigné de sa nature première. Ça fonctionne à un niveau qui… On vit une époque très technologique, et on a ce côté sauvage en nous, en tant que personnes. De la même façon que tu peux prendre un chien domestiqué, quand il regarde les bois à travers la fenêtre, il voit encore une part de lui-même dans ces bois. C’est pareil avec nous en tant que personnes, et pas seulement Scott et moi, mais les gens en général. C’est pour ça que nous faisons des choses telles que partir camper, aller dans les bois, gravir des montagnes, car nous sommes à la recherche d’un retour en grâce, nous cherchons cette part de nous-mêmes qui vit encore dans la nature, peu importe à quel point nous nous trouvons domestiqués. Cet album, globalement et en tant que recueil, sa narration est celle du désir ardent de ce retour en grâce. On peut voir ça comme étant révélateur quant à l’illustration de Martin Wittfooth et des longues discussions que nous avons eues avec lui pendant qu’il concevait cette peinture qui orne la pochette de l’album. C’est bien plus un retour en grâce dans les bois qui vivent en nous.
Dans « Feral Roots », tu chantes : « Il y a des arbres qui appellent mon nom. Avec le vent, ils apportent une chanson. » Allez-vous dans la nature non seulement pour vous ressourcer mais aussi y puiser de l’inspiration ?
Je pense que c’est une inspiration pour la vie en général. La nature te parle si tu l’écoutes. Si tu écoutes les voix, c’est la même chose que si tu avais une conversation avec quelqu’un d’autre. Tout dépend à quel point tu es prêt à écouter l’autre personne, ça déterminera la qualité de la conversation. Tu obtiendras ce que tu recherches ; tu obtiendras ce que tu es prêt à entendre. Mais si tu te soucies trop de ce que tu dis, tu passeras beaucoup de temps à réfléchir à tes propres pensées plutôt qu’à ce que l’autre personne te dit. Quand tu vas passer des heures dans les bois, si tu y vas pour écouter et te ressourcer, tu as plus de chances de trouver ça. Mais si tu y vas avec tes écouteurs, en écoutant de la musique, tu ne vas pas entendre les bois. Tu seras la même personne à l’extérieur des bois que dedans.
Le rock n’ roll est un style de musique qui a toujours été considéré comme étant sauvage et indomptable. Penses-tu que le fait de jouer et faire du rock n’ roll, ça revient à puiser dans la part sauvage en nous ?
Oui, complètement.
Scott : Assurément. Je crois que c’est là qu’on trouve ce qu’il y a de mieux. C’est comme chez n’importe quel artiste, si on creuse profondément et qu’on entre dans la part la plus pure de soi-même, on sera capable de créer un art pur.
Jay : Absolument. On travaille vraiment pour transcender ce qui est terre-à-terre, et atteindre cette magie, et si on est suffisamment chanceux, ça nous attrapera et nous tirera quelque part.
Donc, malgré cette première étape intellectuelle dont vous parliez plus tôt, j’imagine que le reste repose complètement sur l’instinct.
Ces choses ne s’excluent pas mutuellement. Elles sont en fait une seule et même chose. Il s’agit d’essayer de vivre au sein de nos compulsions et d’essayer de demeurer dans notre propre authenticité. Je ne les vois pas comme étant séparées. Notre boulot est d’être nous-mêmes, de créer et vivre dans notre création, et vivre une vie créative. C’est tout la même chose, il n’y a pas de séparation.
Scott : Je comprends pourquoi tu tirerais cette conclusion, mais je suis d’accord avec Jay. Nous essayons de raconter une histoire, et les deux côtés de l’histoire sont importants. Nous disons aussi que l’idée du « sauvage » est celle d’atteindre un réel stade de retour en grâce, et nous intellectualisons ce stade. Voilà ce qui se passe dans l’album. Non seulement les deux ne s’excluent pas mutuellement, mais en plus ils travaillent magnifiquement en tandem.
Sur l’illustration, on perçoit une chienne qui semble nourrir de son lait la nature abondante qui l’entoure. Or on pouvait déjà voir un chien sur l’illustration de Hollow Bones, utilisée comme une métaphore pour dépeindre le futur de la condition humaine. Le même artiste a fait les deux, mais voyez-vous un lien entre ces deux illustrations et ces chiens, et par conséquent ces albums ?
Jay : Absolument, et la raison est que c’est le même groupe et le même artiste, et nous avons eu de longues discussions avec Martin Wittfooth à propos de l’esprit et la narration de l’album. Nous voulions travailler avec lui parce que nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde, et c’était naturel de revenir vers lui, et de discuter, en lui envoyant les démos des chansons qui allaient plus tard se retrouver sur l’album, en lui parlant de ces choses. Quelle que soit la représentation, je ne peux pas parler à la place de Martin. J’estime beaucoup son esprit et son travail, mais ce serait une question qu’il devrait répondre lui-même, car l’illustration est sa création, et il est tout simplement fantastique. Je supplie vraiment tout le monde d’aller voir sa nouvelle exposition qui a lieu actuellement, il est tellement bon.
Durant le cycle de Hollow Bones, vous avez tourné avec Black Sabbath pour leur tournée The End. Et il se trouve que, même si Feral Roots est un album très varié et dynamique, on peut facilement faire un parallèle entre le riff heavy d’une chanson telle que « Too Bad » et Black Sabbath. Est-ce que cette tournée a pu vous inspirer pour certains des passages les plus heavy de l’album ?
Scott : Je pense que si les gens tirent ces conclusions, pour ma part ce serait involontaire. Ce n’est pas comme si je m’étais posé en disant : « Je vais faire une chanson à la Black Sabbath maintenant. » Même si j’ai pu parfois faire ça pour m’amuser, mais là ce n’était pas le cas.
Jay : Je crois que Sabbath nous a tous influencés.
Scott : Et il ne cessera jamais de le faire.
Jay : Oui, tout du long de l’aventure.
Scott : Je ne pense pas que Sabbath ait été consciemment une source d’influence sur cet album, mais c’est dur de nier qu’un tout petit peu se soit glissé dans notre sang après treize mois où nous passions la plupart de nos soirées à les écouter.
Jay : Nous écoutions tous les soirs des sets complets de Sabbath, et je peux te dire que c’est putain de génial !
« Quand on est au meilleur de soi-même, et quand on sert les autres, on brille plus intensément, […] notre esprit est en harmonie avec notre cœur et nos intentions sont en harmonie avec nos actions. Il s’agit de vouloir atteindre ça face à l’obscurité, face aux actes déplorables, d’agir comme il le faut et d’être le meilleur qu’on puisse être, même quand on n’a pas la force de l’être. »
Scott : C’est intéressant que tu évoques le sujet parce que tous les soirs, nous étions en coulisses, j’étais avec Jay, je grignotais des M&Ms et Jay se mettait à manger des têtes d’oiseau, et j’étais là : « C’est quoi ça Jay ? Pourquoi tu fais ça ? » « Je ne sais pas, Black Sabbath a dû m’influencer ! » Et j’étais là : « Et là, ce sont des têtes de chauve-souris que tu manges aussi ? » Et il était là : « Je ne sais pas, mec, j’ai toujours bien aimé ça ! » Et moi : « D’accord… » [Rires]
Jay : Les M&Ms font monter mon taux de cholestérol ; je dois me rabattre sur les têtes de chauve-souris à la place ! [Rires]
L’album a été enregistré au légendaire RCA Studio de Nashville, ainsi que le non moins historique Muscle Shoals Sound Studio en Alabama. Vous êtes-vous nourris de l’énergie historique de ces lieux ?
Absolument, ouais. Quand on a la chance d’occuper un tel espace que tant de géants ont occupé auparavant, on ne le prend pas à la légère. Ça te pousse vraiment à donner ton maximum, et tu te sens très chanceux de faire partie de cette lignée, et le fait de partager cet espace avec les légendes qui sont passées avant toi, ça te donne envie de rendre vraiment service à l’art.
Scott : Nous sommes tous de très grands fans de musique et d’histoire musicale, donc le fait d’être au RCA et au Muscle Shoals, c’est le sommet des studios d’enregistrement légendaires, et c’est très inspirant. La façon dont nous fonctionnons tous aujourd’hui, la synergie, l’alchimie entre nous, et comment nous fonctionnons avec le producteur, c’est une situation relativement idéale. Nous avons du mal à le croire et nous ne prenons rien de tout ça pour acquis.
Les studios Muscle Shoals sont connus pour leur spécialisation dans la soul, et il se trouve que, même si l’album a son lot de riffs heavy, c’est aussi probablement, à certains égards, votre album le plus soul, avec les chœurs soul et gospel (dans « Shooting Stars », « All Directions » et « Imperial Joy »). Je sais que la soul représente autant les racines du groupe que le rock n’ roll. Et d’ailleurs, par le passé, Jay, tu nous avais expliqué que tu n’as jamais vraiment été un gars très rock n’ roll et que ce que tu fais « à titre personnel dans ce groupe est basé sur le blues et la musique soul », tandis que Scott est très amoureux du rock n’ roll de l’invasion britannique. Le défi dans ce groupe a-t-il toujours été de trouver un bon équilibre voire une tension entre la soul et le rock n’ roll ?
Jay : Je dépends de Scott pour maintenir le rock dans mon roll. J’ai toujours été un gars très « roll ». Ce qui ne veut pas dire que Scott ne l’est pas. Scott adore le « roll », mais moi je suis exclusivement dans le « roll », et je dépends de Scott pour que le rock reste entièrement légitime. Quelle que soit la partie d’une chanson sur laquelle je travaille, je laisse toujours Scott renforcer le rock là-dedans, et je dépends de lui pour ça.
Scott : Je pense que le mariage des deux – avec toutes mes influences rocks –, du rock n’ roll, du côté heavy ou basé sur les riffs et de la soul, est un mariage naturel, et je pense que ça l’est particulièrement dans notre groupe.
Je ne sais pas si vous êtes religieux, mais qu’est-ce que le gospel représente pour vous ? Qu’est-ce que ce type de chant vous évoque, surtout dans une chanson telle que « Shooting Stars » ?
Jay : Je n’aime pas trop discuter de ma spiritualité. Je pense que, typiquement, ça ressort assez mal dès que je lis d’autres gens en discuter, donc je vais mettre ça de côté. Vous devez vivre votre propre gospel, peu importe ce qui vous va. Ce n’est pas à moi de dire à quiconque ce que mon gospel ou le sien doit être. Dans « Shooting Stars », il s’agit bien plus d’avoir un message positif et de répandre une parole positive. Et à notre époque, dans la culture mondiale en pleine croissance dans laquelle on vit, il est nécessaire de vouloir répandre un message positif et d’optimisme, mais pas aveuglément. C’est juste la volonté de mettre une bonne parole dans l’oreille des gens à la fin de l’album.
Scott : Je pense que c’est un message à la fois merveilleusement simple et profond. C’est très facile à comprendre et assimiler.
Jay : Il n’est pas nécessaire que ce soit spirituel. Le message de cette chanson est que, peu importe ta spiritualité, ta religion ou ta confession, ces paroles auraient pu avoir été écrites pour être comprises d’un enfant de cinq ans. Elles n’ont pas à être rattachées à une quelconque confession spirituelle.
Dans cette chanson, tu chantes notamment : « Nous déambulons dans le monde comme des étoiles filantes à travers le ciel. Fendant l’obscurité, mettant de la lumière plein leurs yeux. » Est-ce que ce pourrait être le sentiment que vous procurent ce groupe et le fait de jouer devant un public ?
Je pense que quand on est au meilleur de soi-même, et quand on sert les autres, on brille plus intensément, et on ressent un certain sentiment et une assurance. Voilà de quoi il est vraiment question. Quand on est au meilleur de soi-même, on est en harmonie avec soi-même ; notre esprit est en harmonie avec notre cœur et nos intentions sont en harmonie avec nos actions. Il s’agit de vouloir atteindre ça face à l’obscurité, face aux actes déplorables, d’agir comme il le faut et d’être le meilleur qu’on puisse être, même quand on n’a pas la force de l’être.
La dernière fois qu’on t’a parlé, Scott, tu t’es posé la question : « Allons-nous atteindre suffisamment de gens pour atteindre ce statut » que des groupes tels que Black Sabbath ont atteint ? Car « c’est difficile de réussir à se retrouver face à autant de gens ». Vous êtes désormais signés chez Atlantic. As-tu le sentiment que c’est un pas important dans cette direction ?
Scott : Nous allons assurément dans la bonne direction, bien sûr. Il y a certains aspects du business qui sont hors d’atteinte sans l’implication des bonnes mains et machines, et je pense que nous sommes désormais avec les bonnes personnes. J’ai le sentiment que nous avons fait le bon album. Je ne suis toujours pas certain que ça va se produire, ce serait trop présomptueux de présupposer que nous allons devenir l’un des plus gros groupes de la planète. Tout ce que nous pouvons faire est de continuer à faire ce que nous faisons, mais j’ai le sentiment que nous avons jusqu’à présent franchi toutes les étapes dans la bonne direction.
« Ce serait trop présomptueux de présupposer que nous allons devenir l’un des plus gros groupes de la planète. Tout ce que nous pouvons faire est de continuer à faire ce que nous faisons, mais j’ai le sentiment que nous avons jusqu’à présent franchi toutes les étapes dans la bonne direction. »
Est-ce qu’il y a plus de pression en étant sur une si grosse machine, en tant que label ? Ont-ils leur mot à dire sur la musique ?
Jay : Non !
Scott : Ils ne disent rien du tout à ce sujet.
Jay : Cette partie n’a pas changé. Nous continuons à mener la barque, complètement, d’un point de vue créatif. Nous avons le dernier mot, et c’est notre contribution qui donne constamment la direction.
Scott : Oui, exactement. Je pense que, dans une certaine mesure, il y a moins de pression, car nous sommes convaincus que nous pourrons accoucher d’un super album, nous nous faisons confiance, c’est notre métier, c’est ce que nous faisons, et avec la bonne équipe, il y a moins de pression quant à la façon dont ils vont traiter cet album, le présenter au monde et le rendre accessible aux gens. Je pense que nous avons moins de pression avec cet album qu’avec tous ceux que nous avons faits jusqu’à présent.
Jay : Je peux comprendre la question que tu poses, et c’est la croyance courante, qu’une fois que tu signes sur une grosse structure, tu devras te soumettre à la machine, qu’ils vont te microgérer artistiquement. Je sais que ça arrive tout le temps, mais nous avons pris beaucoup de précautions pour choisir la structure qui nous conviendra professionnellement, et nous avons la chance de constater que ces décisions s’avèrent très fructueuses pour nous, nous permettant de maintenir très facilement notre intégrité et nos décisions créatives.
Quel est votre sentiment au sujet des années Earache ?
Scott : Je trouve qu’Earache a fait un boulot fantastique, ils ont travaillé dur pour nous. Nous sommes reconnaissants pour toutes les belles choses qu’ils ont faites. Ils savaient eux-mêmes qu’il allait y avoir un plafond à notre relation, parce qu’ils ont une portée limitée. Je pense que nous avons été chez eux probablement plus longtemps que ce à quoi ils s’attendaient, ainsi que nous de même. Ceci étant dit, je trouve qu’ils ont fait du bon boulot et nous étions contents de travailler avec eux.
Jay : Oui, et maintenant, ça a été un vrai plaisir de travailler avec Atlantic, l’équipe se montre très prometteuse. Donc nous attendons avec impatience l’avenir, cette année.
Ça fait désormais dix ans que le groupe existe, et vous avez été l’un des premiers groupes dans cette mouvance revival du rock n’ roll vintage qu’on connaît aujourd’hui. C’est désormais devenu un vrai phénomène et on a pu voir des groupes tels que Greta Van Fleet exploser avant même de sortir leur premier véritable album, et maintenant ils jouent dans certaines des plus grandes salles, comme le Zénith à Paris, ce qui peut paraître surprenant compte tenu de la jeunesse du groupe. Comment percevez-vous et analysez-vous ceci, si on compare leur histoire à celle de Rival Sons qui a sans cesse travaillé pendant dix ans et réalisé six albums afin de progressivement atteindre le même niveau ?
Tu sais quoi ? Je suis très content pour ces gamins. Je pense que, de toute évidence, ils comblent un besoin dans le marché et par rapport à ce que la culture pop réclame. Je trouve qu’ils rendent service au rock en stimulant un intérêt. Je pense que juste parce qu’ils ont pu y arriver si rapidement… Il n’y a rien de gratuit. Il se trouve qu’ils travaillent très dur, il n’y a pas de raccourcis pour atteindre la grandeur artistique. Ce sont des gamins et ils ne sont pas près d’arrêter. Ce serait fantastique pour eux de continuer à grandir et à être le meilleur qu’ils puissent être. Je ne les regarde pas commencer leur carrière en me disant que ça équivaut à nos dix ans de carrière. Ils sont eux et nous sommes nous, et je ne souhaite que le meilleur à ces gosses.
On assiste également à un grand retour aux années 80. Vu que vos références semblent plutôt être dans les années 60 et 70, que pensez-vous de ce retour à cette esthétique des années 80 ?
Scott : Nos influences sont ancrées dans les années 50, 60, 70, 80, 90 et aujourd’hui.
Jay : Et hier aussi !
Scott : Hier, j’ai entendu une super chanson et il se peut que j’écrive moi-même une chanson en m’en inspirant.
Jay : Je viens d’avoir une super idée !
Scott : Je viens d’en avoir une juste avant toi, faisons une chanson ! Nous avons des influences dans chaque époque. On peut majoritairement entendre des choses des années 60, surtout au début de notre carrière, mais si on écoute les quelques derniers albums, il devient apparent qu’on retrouve bien plus de choses modernes au niveau des guitares. Les gens recommencent à vraiment écouter la guitare ces derniers temps. Donc, si on regarde bien, les derniers albums n’ont pas seulement été influencés par les années 60 et 70. Pour ce qui est de ta question sur les années 80, j’adore absolument les années 80, et je pense que même dans cet album, en ce qui me concerne, on peut entendre de subtiles influences qui se sont immiscées dans un morceau comme « Look Away », qui me faisait ressentir – pendant que j’étais en train de le composer – un côté proche de Tears For Fears, musicalement, dans sa progression. Nous sommes tous d’énormes fans de la musique des années 80. J’adore totalement ce regain de popularité, parce ce que ça avait l’air d’être une époque assez sale, selon ma perception quand je grandissais [petits rires].
Interview réalisée par téléphone le 27 novembre 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription : Julien Morel.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Jimmy Fontaine.
Site officiel de Rival Sons : www.rivalsons.com
Acheter l’album Feral Roots.
Super interview bien que je trouve les questions parfois trop déconnectées les unes des autres. M’enfin les réponses sont passionnantes. merci !
Seul bémol… ce n’est que mon avis : Je trouve que Greta Van Fleet pille Led Zep sans composer de chansons aux nuances suffisamment distinctes du dirigeable. Pour le moment, sait-on jamais ce qu’il en ressortira dans cinq ans de ce jeune groupe. Mais pour l’instant, c’est bien grâce à des Rival Sons d’un bord du vintage et des … Kadavar à l’autre bout peut-être, qui sont là depuis dix ans que GVF a une place. Et puis faut-il craindre que ce ne soit comme dans la pop et que GVF ne se fasse presser à mort ?
Bon, j’dis ça… 1) c’est mon avis, ça fait du bien de le dire. Qu’en dites-vous ? 2) Espérons que GVF trouve SON rock’n roll et nous apporte de grands musiciens à leur tour !
Rock on RM !
[Reply]
Je me demande si le buzz crée autour de GVF concerne moins leurs compos que la polémique tout à fait justifiée liée au mimétisme non-assumé avec Led Zep.
Jamais ô grand jamais ils n’atteindront la dimension artistique du Dirigeable, éventuellement celle d’un ballon de baudruche …
Rival Sons sont bien meilleurs en effet .