Il était une fois, dans un coin d’Angleterre dominé par les mines de charbon, les aciéries et les fonderies de fer, un petit garçon appelé Rob. Rob aimait beaucoup la musique et avait une voix exceptionnelle, ce qui lui valut d’être invité à rejoindre le groupe de heavy metal fondé par le petit ami de sa sœur – ce qui était objectivement plus intéressant que d’aller trimer à l’usine. Cinquante ans, une descente aux enfers et un coming-out plus tard, Rob est littéralement devenu le dieu du metal. Et, en bon petit gars du Black Country, il se demande encore un peu pourquoi et comment il en est arrivé là.
S’il n’avait fallu injecter un peu de glamour sur la quatrième de couverture pour appâter le lecteur, le paragraphe ci-dessus aurait pu servir de résumé à Confess – Ma confession, l’autobiographie de Rob Halford, sortie ce mois-ci dans nos contrées. À des années-lumière des traditionnels mémoires de rockstars, qui se concentrent souvent sur les aspects les plus farfelus, choquants et/ou excessifs de la vie à base de sexe, drogue et rock’n’roll en faisant l’impasse sur des choses plus terre à terre, comme la famille et les sentiments, le Metal God livre ici des confessions émouvantes, poignantes – et, disons-le, franchement douloureuses par moments.
Rob Halford est évidemment indissociable de Judas Priest, et les anecdotes sur les débuts du groupe, l’instabilité initiale du line-up, le véritable sens de certaines chansons et la vie en tournée ne manquent pas. Mais si le groupe qui a valu au Metal God son surnom et sa notoriété est forcément omniprésent dans les pages de Confess, il passe presque au second plan par rapport au véritable sujet du livre : la difficulté d’assumer son homosexualité et d’être soi-même lorsque l’on est à la tête de l’un des plus grands groupes de metal au monde.
Halford étant profondément anglais, pas question pour lui de verser dans le pathos et les jérémiades. Le récit de ses années de célibat forcé et de fellations à la sauvette dans des toilettes de stations-services est abrupt, factuel, et d’une franchise qui laisse bien souvent sans voix. Mais derrière la désinvolture toute britannique du témoignage, la solitude et la tristesse pointent de façon très nette. Le contraste entre la vie publique d’Halford, faite de couvertures de magazines et de stades pleins à craquer, et une vie privée à la fois tumultueuse et tragique est tout simplement bouleversant. L’homme a sacrifié son bonheur personnel pour le bien de Judas Priest et de ses frères d’armes et l’a payé au prix fort. Et même si, à près de 70 ans, Rob Halford a fini par trouver la sérénité (et l’amour), on comprend, en lisant entre les lignes, que les drames qui ont émaillé sa vie personnelle ne s’effaceront jamais vraiment.
Mais Confess ne se limite évidemment pas à des réminiscences traumatisantes et à des épisodes scabreux à base de glory holes. En cinquante ans de carrière, Rob Halford a tout vu, tout fait, rencontré tout le monde et vécu plus que sa part d’expériences exceptionnelles – et il nous les fait partager avec délices. De ses premiers pas en tant qu’acteur à son intérim de dernière minute au micro de Black Sabbath, en passant par ses rencontres avec des figures comme Andy Warhol, Jimmy Page ou Madonna, le Metal God nous régale d’anecdotes croustillantes, drôles et touchantes, toujours délivrées avec la réserve et l’humour pince-sans-rire si chers aux Anglais.
Pour un homme devenu une véritable légende de la scène metal, Halford a su rester étonnamment humble. Malgré une vie et une carrière à la limite du romanesque, le petit gars de Walsall a réussi à garder les pieds sur terre et à éviter le syndrome de l’ego surdimensionné qui frappe bon nombre de ses homologues. « Metal God » ? Un surnom qu’il apprécie, mais qu’il a déposé avant tout pour empêcher la commercialisation de merchandising de seconde zone. Son départ « accidentel » de Priest ? Sa faute. La statue à sa gloire qu’il aimerait voir érigée à Walsall après sa mort ? Dans la mesure où ses revendications incluent neige carbonique et lasers, le projet est plus que probablement à prendre au second degré.
Profondément attaché à sa famille de sang, Rob Halford l’est aussi à cette grande famille maintes fois recomposée qu’est Judas Priest, ainsi qu’aux fans qui partagent l’aventure du groupe depuis un demi-siècle. Et même si la tournée prévue pour célébrer cet anniversaire symbolique a forcément été mise à mal par la pandémie de Covid-19, le frontman envisage l’avenir avec enthousiasme et sérénité. Il en faudrait plus pour arrêter un homme à qui la vie n’a rien épargné.
Raccrocher le cuir et les clous ? Pensez-vous ! Le Metal God compte bien porter le flambeau du metal jusqu’à son dernier souffle – pour le plus grand bonheur de la Priest Family.
Livre Confess – Ma Confession, sorti le 10 mars 2021 via Heavy Talent Editions. Disponible à l’achat ici
J’ai fini de lire cette bio et je reste sur ma faim. Je lis toutes les bio musicales (rock & métal), et celle-ci, bien que touchante et sincère, ne m’a pas fait vibrer comme je l’attendais. L’aspect musical n’est pas assez développé.
En plus, il y a beaucoup trop de zones d’ombre et de non-dits sur les rapports entre les membres du groupe. Halford n’évoque jamais en détail les disputes continuelles entre les deux guitaristes, il survole le problème (comme il a si bien l’habitude de le faire dans sa vie, comme il n’aime pas la confrontation).
Pour faire court, dans cette bio, la part belle est surtout dédiée à sa vie cachée d’homosexuel. Le groupe passe au second plan. Et perso, en tant que fan de métal et de Judas Priest, j’ai acheté ce bouquin pour la musique. Les problèmes existentiels d’Halford m’intéressent beaucoup moins.
Du coup, je mettrai un bémol à cette bio. Dans le style, il y a beaucoup mieux.
Torp’
J’en penses pas moins même si j’ai tout de même aimé.
Par exemple aucune mention des problèmes de justice et du décès de Dave Holland… Certes il ne faisait plus partie du groupe mais tout de même, aucune réaction??? Ni même concernant les rumeurs de « playback » batterie lors de la tournée Ram it Down.
Bref beaucoup de sincérité et de franchise dans ce bouquin mais des zones d’ombre non élucidées ! Et j’ai l’impression que Rob aime bien mettre des petits taquets à K.K ^^
Pas faux pour les taquets sur K.K. La complicité entre Rob et Glenn est davantage mise en avant tout au long du bouquin. Par contre, je m’attendais à en savoir plus Ian Hill. Rob n’en parle quasiment pas. On dirait que Rob le considère juste comme un collègue de travail alors que c’était quand même son beau-frère …
Pour le décès de Dave Holland, c’est compliqué pour Rob de mentionner sa mort compte tenu que l’ancien batteur a été condamné à 9 ans de tôle pour viol sur un mineur handicapé. Je pense qu’il a préféré passer sous silence ce sordide épisode et de tirer un trait sur le personnage.
Ce gars mérite tout notre respect et notre admiration. Metal God, sans aucun doute. Un parallèle avec Freddie Mercury peut être fait. En tout cas, c’est la sincérité et la passion pour leur musique qui les réunit. Je les adore… et je suis hétéro !
Jolie chronique ! Sa vie intime est bouleversante…révoltante même des dikats qui nous imposent notre mode de vie…combien la liront en pensant…tafiotte ? Sa vie sexuelle si frustrée est choquante !!!
Sa confession est loin de cette 4eme page de couverture racoleuse !!!