Rob Zombie a tellement fait parler de lui dans le monde du cinéma et de l’animation ces dernières années qu’il était difficile finalement de se projeter dans un nouveau défi musical de sa part, pourtant très attendu. Mais le musicien-réalisateur-scénariste-producteur (et on en passe) s’attache à présenter une régularité certaine dans le rythme de ses sorties discographiques. Quand il a le temps de s’y pencher, en fait, laissant ses musiciens parfois jusqu’à 7 ou 8 mois sans nouvelles, mais sans pour autant jamais renoncer à la face musicale de son existence qui l’a porté à la connaissance du public. John 5 et les autres le savent, mais quand Zombie revient, il est bourré d’idées nouvelles. A croire qu’il est dans une stimulation réciproque continuelle et que les deux penchants musicaux et cinématographiques de ses activités ne peuvent exister l’un sans l’autre.
Après un Educated Horses plus critiqué qu’à l’accoutumée en 2006, par sa portée expérimentale et ses incursions Glam et acoustiques, Zombie avait eu le temps de consacrer deux films au revival de la célèbre franchise d’horreur des 70’s : Halloween. Et d’engranger des recettes astronomiques, le mettant à l’abri du besoin pendant quelques années. De quoi lui laisser la liberté de se lancer dans un remake d’un film des années 50 (The Blob) ou dans un film d’animation (The Haunted World Of El Superbeasto) basé sur sa propre série de bande-dessinées. Un prétexte suffisant pour abandonner la musique ? C’est mal connaître l’ex-leader de White Zombie, qui a le temps en 2009 de prendre le luxe de se séparer de la mythique maison Geffen pour aller faire un tour du côté de chez Roadrunner, à la recherche d’une vraie caution metal, ou du moins hard rock, que ne lui assure plus l’ancien emblématique label du grunge. Et retrouver ainsi une vibration nouvelle autour de son gore’n’roll teinté d’indus caractéristique dans un propos à nouveau rentre-dedans et un titre à la hauteur du monde parfois complexe du bonhomme : Hellbilly Deluxe 2: Noble Jackals, Penny Dreadfuls And The Systematic Dehumanization Of Cool.
C’est dans ce contexte, et après la sortie du film The Lords Of Salem cette année, qui a beaucoup fait parler de lui outre-Atlantique et conforté la place privilégiée du frontman en tant que réalisateur de films d’horreur à succès, que voit le jour Venomous Rat Regeneration Vendor, le cinquième effort solo d’un Zombie revenu au monde de la musique en 2012 avec une tournée mondiale couronnée de succès en compagnie de Marilyn Manson, à juste titre intitulée « Twins Of Evil Tour » (la tournée des jumeaux de l’enfer). Étrange de voir à quel point les destins de Rob Zombie et Marilyn Manson se croisent et se recroisent au fil du temps. Alors que le Révérend apparaissait comme un fan du travail fait par Rob à l’époque dans White Zombie, aujourd’hui, c’est Rob qui emprunte deux anciens collaborateurs de Manson (et pas des moindres).
Les courbes de leurs carrières respectives se croisent également en divers endroits, connaissent des pics et des creux, se rejoignent parfois. Quand au sortir de l’épopée White Zombie, Rob se lance seul, Manson est à l’apogée de sa carrière, entre Mechanical Animals et Hollywood. Pourtant, l’aventure solo de Rob Zombie se révèle vite fructueuse : avec Hellbilly Deluxe, son premier effort solo sorti en 1998, il vend plus de trois millions d’albums, soit plus qu’il n’a jamais vendu avec White Zombie. Après avoir partagé la scène avec Manson en 2012, il se lance donc dans Venomous Rat Regeneration Vendor avec deux membres caractéristique de Manson, dont le guitariste à l’univers très marqué qui s’est déjà largement émancipé seul et accompagne Zombie depuis 2005 : John 5. L’autre est Ginger Fish, un batteur qui aura également marqué à sa manière la carrière de Manson, pour être resté quinze ans avec lui avant de rejoindre Zombie en 2011.
Pas étonnant donc, d’y retrouver un monde musical proche, sous différents aspects dont évidemment le jeu de guitare et le chant, d’un artiste qu’il fréquente et dont il a récupéré deux de ses meilleurs et plus influents musiciens. Il y a du Mechanical Animals dans la façon dont tourne un « Teenage Nosferatu Pussy » très lourd ou du Hollywood dans la façon de chanter le single « Dead City Radio And The New Gods Of Supertown ». Mais il y a surtout de l’énergie et de la puissance, qui finalement, et paradoxalement, se rapprochent plus de l’album le plus marquant de la carrière solo de Zombie, Hellbilly Deluxe, que le précédent opus dont le titre s’y référait directement. Sans compter un côté heavy et sombre indéniable, qu’on avait pu découvrir avec les trois titres de l’édition étendue du dernier opus Hellbilly Deluxe 2, réalisés avec Joey Jordison (Slipknot) à la batterie en 2010, sorte d’introduction à l’univers de l’album en présence. Le titre « Lucifer Rising » est d’ailleurs issu de cette période, puisque Jordison a à l’époque joué et enregistré les batteries dessus avant que, au final, ce titre soit réenregistré avec Ginger Fish pour ce Venomous Rat Regeneration Vendor. Le propos fait naturellement écho aux Muderdolls et au monde du chanteur Wednesday 13 dans les facettes les plus rock de l’album (« Lucifer Rising » et « Trade In Your Guns For A Coffin ») – mais il est ainsi parce que le hard/punk horrifique de ces formations ont résolument été influencé par l’œuvre de Zombie.
Rob Zombie a conçu cet opus comme un album-concept, tout obsédé qu’il a été à cette période par Tommy ou Quadrophenia, les films fondés sur les opéras rock de The Who dans les années 1970. Mais comme il l’explique lui-même, personne ne saura que c’est un concept-album tant qu’il n’en aura pas fait un film : « J’ai décidé d’écrire cet album avec cela dans l’esprit : que peut-être un jour – cela peut être dans un ou dix ans – je puisse transformer le concept de cet album en film. Cela dit, rien à propos du concept de l’album n’aura de sens auprès de quiconque jusqu’à ce que cela devienne un film. » Zombie évolue toujours dans son monde très personnel et son imaginaire dément, en témoigne cette pochette des plus psychédéliques, ces titres de chansons à rallonge et ce monde incroyablement riche et haut en couleur qu’il fait revivre dans ses paroles, remplies de ses personnages grotesques parfois, sûrement tirés du Monde du Cirque dans lequel il était bercé étant enfant par ses parents qui exerçaient ce métier. Pourtant le rock bien terre à terre n’est jamais loin, et même si l’on vogue parfois jusque chez les sitaristes comme Ravi Shankar (« Theme For A Rat Vendor ») ou des sombres nappes de basses et kicks électro (« Rock And Roll In A Black Hole »), Rob Zombie retourne souvent à des diatribes rock accrocheuses et plus traditionnelles, mais à la patte toujours caractéristique et qui renvoie inévitablement à ses succès passés.
Justement, de rock il est question avec cette énergique reprise de Grand Funk Railroad, « We’re An American Band », qui trouve l’explication de sa présence sur cet album de la volonté de Rob Zombie d’inclure une reprise dans sa discographie. Une chose qu’il n’avait jamais fait dans sa carrière solo mais qu’il avait plusieurs fois réalisé avec White Zombie : « Children Of The Grave » de Black Sabbath ou « God Of Thunder » de Kiss avaient notamment été reprises. Et selon lui, cette reprise de Grand Funk Railroad incarne au mieux l’esprit du groupe de Zombie aujourd’hui : « Nous sommes un groupe américain dans sa quintessence, tout ce qu’il y a de bon et de mauvais de l’Amérique dans un seul groupe », déclare le chanteur. Une vision directe et sans fioriture de cette vocation de la musique de Zombie : à l’image de ses films, un divertissement avant tout. La complexité et l’aspect très abouti et riche des compositions, qui vont même plus loin que ce qu’a pu faire Zombie dans le passé, servent un propos à l’objectif pourtant simple : faire passer à l’auditeur un bon moment dans un monde coloré différemment de toutes parts. Zombie veut sans cesse atteindre de nouvelles contrées créatives et atteint ce but, grâce à des moyens assurément rock, tels que les riffs de guitares acérés de John 5 ou les mélodies ultra-accrocheuses, et aux armes parfois cinématographiques (forcément) comme les samples et ambiances de films d’horreur, qu’il utilise toujours dans ce Venomous Rat Regeneration Vendor. Malgré les différents atours du spectre large de sa carrière, la régénération créative est bien un phénomène continu chez Rob Zombie.
Album Venomous Rat Regeneration Vendor, sorti le 23 avril 2013 via Zodiac Swan/Universal Music Enterprises
quand on voit que leur nouveau album est 7eme au billboard et que celui de will.i.am est 9eme on se dit kil y a justice
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