L’énergie de Ronnie Atkins force le respect. A peine quelques semaines après avoir reçu des nouvelles positives quant au cancer du poumon qui lui avait été diagnostiqué en 2019, c’est la douche froide : le cancer s’est déporté sur la moelle osseuse et atteint le stade quatre, incurable selon les médecins. Quasiment un an après, Ronnie Atkins est toujours parmi nous et s’apprête à délivrer son premier album solo, intitulé One Shot. Si la panique a pu l’envahir pendant un temps, le chanteur n’a pas baissé les bras et s’est servi de cette fibre rock et metal mélodique qui a fait sa réputation comme d’un exutoire, y déversant ses émotions et réflexions sur la vie.
Avec une honnêteté et une lucidité des plus touchantes, il nous parle de ce qu’il a vécu et du cheminement ayant mené à un tel album, mélancolique mais aussi plein de vie, réalisé avec l’aide de son ami Chris Laney et d’une ribambelle de musiciens. Ayant sorti l’an dernier avec son groupe phare Pretty Maids le live Maid In Japan, immortalisant la célébration des trente ans de Future World, nous en avons également profité pour revenir sur cet album culte et le début de carrière de Ronnie Atkins.
« Je me sens comme une antilope dans la savane. Je ne sais pas quel sera le prochain truc qui va essayer d’avoir ma peau, ou quand ce sera. »
Radio Metal : Tu as sorti en novembre 2019 ton dernier album avec Pretty Maids, Undress Your Madness. Au même moment, tu as annoncé qu’on t’avait diagnostiqué un cancer du poumon et quelques mois plus tard, une pandémie a frappé le monde, avec toutes les fermetures et les confinements que ça a impliqués. En conséquence, vous n’avez pas vraiment eu l’occasion de promouvoir l’album en tournée. A quel point ça a été frustrant ?
Ronnie Atkins (chant) : Ça a été généralement très frustrant, surtout pour moi mais pour le groupe aussi car nous avions un tout nouvel album qui venait de sortir et nous ne pouvions pas tourner pour le défendre. Ça a été frustrant pour tout le monde dans la communauté rock n’ roll, je suppose ; on ne peut pas aller aux concerts et ce genre de chose. Ça a été une année horrible pour tout le monde. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de faire cet album solo, parce que nous étions en confinement et on m’avait diagnostiqué un cancer très grave au stade quatre, et c’était ma manière d’essayer d’oublier un peu la maladie, de me concentrer sur quelque chose de positif. J’avais toutes ces idées de chansons que je voulais sortir de mon système. Voilà en gros la raison pour laquelle je l’ai fait, car à l’origine, je n’avais aucune intention de faire un album solo. J’avais suffisamment à faire avec Pretty Maids, et puis j’ai fait Nordic Union, Avantasia, etc., c’était assez pour moi, mais puisque je ne pouvais rien faire d’autre et que j’étais dans la situation dans laquelle j’étais, ça avait du sens.
Le cancer au stade quatre t’a été diagnostiqué autour de Pâques en 2020, seulement six semaines après qu’on t’ait dit que tout avait l’air très positif pour ta santé, et on t’a dit que c’était incurable. Je ne peux imaginer comme tu as dû être dévasté. Quel était ton état d’esprit à ce moment-là ?
C’était horrible. Pas seulement pour moi mais pour ma famille, mes enfants et ma femme aussi. J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. Comme tu l’as dit, à peine six semaines auparavant, j’avais subi une intervention chirurgicale, j’ai eu trente-trois radiothérapies et de la chimio pendant trois mois ; j’allais bien, mais c’était dur. Donc quand on m’a dit ça, ça a absolument choqué tout le monde. J’étais dans un très mauvais état d’esprit pendant un temps et j’ai paniqué. La première chose que j’ai dû faire, c’était de vérifier mes droits et toutes sortes de trucs sur le plan financier parce que ça m’a complètement pris par surprise. Enfin, ils avaient dit au départ que ça avait l’air prometteur, mais je savais que j’avais eu un cancer et qu’il fallait que je me fasse examiner tous les trois mois pendant les cinq prochaines années. Mais évidemment, je ne m’attendais pas à ce que ça revienne aussi vite, et les oncologues et médecins ne s’y attendaient pas non plus, donc j’étais complètement choqué et en panique. C’était l’enfer. En plus de ça, pendant longtemps, entre décembre 2019 et janvier, jusqu’à avril 2020, j’étais incapable d’atteindre les notes aiguës parce que le tissu de mes pouvons était endommagé à cause des radiothérapies et de la chirurgie. A chaque fois que j’essayais de chanter, je commençais à tousser. Puis j’ai lentement retrouvé ma voix et j’ai réalisé autour du mois de mai qu’elle fonctionnait encore. C’est là que j’ai décidé de m’y mettre. Mon bon ami Chris Laney qui a produit l’album m’a mis un coup de pied aux fesses : « Eh mec, on le fait, envoie-moi tes chansons et tes idées ! Je vais les enregistrer et te les renvoyer ! » C’est ainsi que nous l’avons fait.
Comment va ta santé aujourd’hui ?
Je ne sais pas, en fait ! Je pourrais te le dire dans dix jours. Je me sens bien. Je passe des scanners et ce genre de chose tous les trois mois et alors ils te disent s’il y a quelque chose de suspect. Ça donne toujours l’impression de passer devant plusieurs juges et d’attendre ton verdict [petits rires]. Ceci dit, ce n’est pas drôle. Ma femme et moi y allons ensemble et la semaine qui précède n’est pas drôle. La dernière fois, il y a dix mois quand on m’a fait part du diagnostic, vers Pâques, je me sentais bien. J’avais juste quelques douleurs sur les côtés mais il s’est avéré que c’était le cancer qui allait sur mes os, sur une côte. C’est pourquoi ça m’a surpris, car je ne me sentais pas faible. Je ne me sens pas faible maintenant. Je me sens bien là tout de suite, au moment où je te parle, donc j’espère qu’il n’y a rien mais on ne sait jamais ! Je dis toujours que je me sens comme une antilope dans la savane. Je ne sais pas quel sera le prochain truc qui va essayer d’avoir ma peau, ou quand ce sera – je pense que plein de gens atteints de cancers peuvent comprendre.
En quoi la situation avec ta santé a-t-elle influencé cet album solo ? On dit souvent que, quand on affronte un cancer, l’esprit joue un rôle important. Considères-tu cet album comme une partie du traitement ?
Oui. Certaines chansons sont probablement plus en mode mineur qu’auparavant. L’album est un petit peu plus mélancolique ; je pense qu’il est très mélodique mais aussi mélancolique. C’est plus personnel et plus introspectif que certaines choses que j’ai faites par le passé – pas toutes les chansons, mais nombre d’entre elles. Je peux défendre l’album parce qu’il vient du cœur, il est vraiment honnête. D’une certaine façon, l’album est très différent de ce que j’ai fait auparavant. Je l’ai effectivement utilisé comme une sorte de thérapie musicale, ce qui se reflète dans une grande partie des paroles. Le truc, c’est que j’ai eu du mal à écrire à propos d’autre chose à certains moments ou à penser à autre chose. Il fallait que je me dise que je ne pouvais pas tout le temps rester bloqué sur le même sujet, autrement ça allait ressembler à un album de funérailles ! Il y a une chanson que j’ai écrite qui n’est même pas dans l’album mais qui pourrait sortir plus tard dans un truc acoustique, c’était l’une des premières chansons que j’ai faites et elle s’appelle « Carry Me Over », et ça parle vraiment d’à quel point je me suis senti mal. Elle était trop triste pour la mettre dans l’album, car je voulais conserver une forme d’équilibre.
« J’ai eu du mal à écrire à propos d’autre chose à certains moments ou à penser à autre chose. Il fallait que je me dise que je ne pouvais pas tout le temps rester bloqué sur le même sujet, autrement ça allait ressembler à un album de funérailles ! »
Je suppose que lorsqu’on est atteint d’une maladie comme le cancer, on devient plus sensible. J’ai gagné en sensibilité, je suis davantage conscient de ce qui se passe autour de moi. Certaines chansons comme « Picture Yourself » ne parlent pas du cancer mais, en l’occurrence, du changement climatique. J’ai écrit sur ce sujet auparavant mais cette fois, c’est plus personnel. On est affecté par ce qui se passe autour de soi, parce qu’on est dans un autre état d’esprit. C’est dur à expliquer précisément, on n’est plus conscient de l’instant présent. C’est de ça que parlent certaines chansons, comme « Real » – qui est introspective et parle de ma vie – ou le morceau éponyme « One Shot ». Ça parle de vivre ici et maintenant, car on ne sait jamais combien de temps il nous reste, on peut être heurté par un camion demain. On ne sait jamais ce qui va nous arriver. Mes propres parents, comme plein de gens, disaient toujours : « On peut toujours économiser de l’argent pour pouvoir faire ça quand on sera vieux ! » Le truc, c’est que ma mère n’a jamais été vieille, car elle est morte d’un cancer à l’âge que j’ai aujourd’hui. Si jamais je disparais demain, je peux dire que j’ai voyagé partout dans le monde et que j’ai vécu une superbe vie où me suis beaucoup amusé. J’ai poursuivi mon rêve d’enfance, quand j’avais dix ans, car ça fait maintenant quarante ans que je suis dans le business du rock n’ roll. Mais j’ai encore envie de vivre quelques années de plus, j’ai encore des choses à faire !
Dirais-tu que tu vis encore plus à fond aujourd’hui ?
Je suis bien obligé ! En fait, j’essaye de garder la forme autant que possible malgré ma maladie. J’essaye d’avoir de l’humour et d’être moi-même. Comme je l’ai dit, je vis par intervalles de trois mois, car tous les trois mois je dois passer des scanners, rencontrer les médecins, etc. pour voir où on en est. Tout est beaucoup plus compliqué pour moi aujourd’hui parce que je ne peux pas voyager comme j’en avais l’habitude – enfin, actuellement, personne ne le peut, mais si je dois partir en voyage aujourd’hui, si j’ai envie d’aller en France ou en Espagne, il faut que je demande la permission pour des questions d’assurance. Alors la compagnie d’assurances vérifiera auprès des médecins à l’hôpital pour voir si je peux partir ou pas. Aujourd’hui, avec ma femme, nous adorions partir dans le Sud et nous allonger sur la plage, mais c’est impossible. Ça fait un an que j’ai envie de ça mais la vie est très différente pour moi maintenant.
Ceci est ton tout premier album solo, donc je suppose que, même si tu as une grande expérience à faire des albums, c’était assez nouveau pour toi. Comment as-tu vécu la création d’un album sans groupe derrière toi ?
J’ai écrit des chansons avec Kenny, par exemple, par le passé, mais cette fois, effectivement, il n’y avait personne ; j’ai écrit une chanson, « Frequency Of Love », avec Chris Laney, mais le reste des chansons, je l’ai composé seul soit à la guitare, soit au piano. J’ai davantage composé au piano cette fois. Je n’avais pas de contradicteur. Evidemment, Chris a fait du super boulot et m’a aidé à arranger les chansons et à constituer le tout, il a eu sa petite influence sur certaines chansons, mais je n’étais pas obligé de discuter des tonalités dans lesquelles on devait jouer les chansons. En temps normal, Kenny dirait : « Je ne peux pas jouer ça dans cette tonalité, car ça ne sonne pas bien à la guitare. » Il a fallu que je prenne plein de décisions tout seul, j’étais mon propre patron ! A bien des égards, c’était plus facile, je ne devais pas débattre avec d’autres gens, ça ne demandait pas beaucoup de diplomatie. C’est facile de caler une session photo ou vidéo, il n’y a que moi. Il n’y avait personne avec qui me disputer, même si parfois c’est bien de se disputer avec quelqu’un sur la musique et, bien sûr, j’ai toujours aimé être dans un groupe, car c’est comme un groupe de frangins. Donc j’ai simplement composé l’album, je l’ai enregistré sur mon iPhone, j’ai fait les différentes parties et je les ais envoyées à Chris à Stockholm. Il a fait l’instrumentation et m’a renvoyé ça sous forme de démo et j’ai fait le chant. C’était un album très frustrant à faire, car je ne savais vraiment pas combien de temps il me restait, mais aussi très fluide. Le processus était assez tranquille quand nous nous y sommes mis.
Tu as déclaré être incapable de « gérer l’enregistrement [toi-même] vu que [tu es] de la vieille école et un idiot complet en matière d’IT, de Pro Tools, etc. », ce qui explique pourquoi tu as fait appel à Chris. Ça fait quarante ans que tu es un artiste professionnel qui enregistre des albums. Ne t’es-tu jamais mis à la page avec la technologie ?
Je ne me suis jamais vraiment mis dedans ou je n’ai jamais essayé. Je suis un idiot avec les ordinateurs ! Peut-être que j’abandonne trop facilement. Je pourrais probablement apprendre, mais… En fait, par exemple, la dernière fois, Kenny et moi, nous nous sommes posés avec deux guitares pendant un mois dans notre ville d’origine, nous nous sommes retrouvés dans un appartement, et nous avons écrit tout l’album. Au final, Chris est venu et nous avons tout enregistré sur un iPhone [petits rires], il est reparti et il a fait les démos. C’est ainsi que nous avons composé durant toutes ces années – nous nous posons, trouvons des idées, retrouvons les autres gars, finalisons les chansons, répétons en salle de répétition, faisons la préproduction, allons en studio et enregistrons. Je crois que Kenny est comme moi, il n’est pas bon non plus avec la technologie. Ça peut paraître un peu absurde mais c’est comme ça.
« J’avais l’impression d’être dans une course contre la montre. […] J’étais dans un état de panique. Je voulais m’assurer que mes parties étaient faites, de telle sorte que si je mourrais soudainement, au moins mes enregistrements seraient faits et ce serait mon héritage. »
Je suis au moins capable d’envoyer un e-mail et ce genre de chose ! Je peux utiliser la technologie comme tout le monde mais je ne me suis jamais vraiment intéressé au côté enregistrement et si jamais j’ai un problème, j’appelle mes enfants. Ils ont vingt-huit et vingt-cinq ans et ce sont des experts avec ces trucs ! Je suis juste un peu vieux-jeu. J’aime composer, c’est ce que j’ai fait pendant les quarante dernières années : quand j’avais une idée, j’avais toujours un dictaphone sur moi, peu importe où j’étais, puis les smartphones sont arrivés et on pouvait enregistrer des trucs avec. Cet iPhone que je tiens dans ma main là tout de suite contient probablement l’équivalent de trois ou quatre années d’idées – ça fait des tonnes d’idées ! A chaque fois que j’ai une idée, je l’enregistre sur mon iPhone, c’est ce qui est super avec ça ! On ne peut pas lutter contre la technologie de toute façon et c’est bien qu’on puisse faire autant de choses avec aujourd’hui, mais je n’en tire pas profit au maximum parce que je ne sais pas faire !
Tu as aussi fait remarquer que tu avais « d’abord enregistré le chant, ce qui est l’opposé de ce qu’on ferait normalement mais vu l’incertitude autour de [ta] situation avec ta santé, [tu] voul[ais] l’enregistrer rapidement ». La perspective de ne plus pouvoir chanter ou même pire était-elle toujours présente dans ton esprit durant tout le processus ?
Oui, et bien sûr, c’était complètement l’opposé de ce qu’on ferait normalement, mais j’avais l’impression d’être dans une course contre la montre. C’est la raison pour laquelle nous avons procédé ainsi. Donc j’envoyais mes trucs à Chris et il en faisait une bonne démo, ce qui me suffisait. Dès que les arrangements étaient prêts pour une chanson, je faisais la démo. Nous changions peut-être quelques trucs ici et là, mais j’enregistrais le chant avec Jacob Hansen et je renvoyais ça à Chris qui commençait à faire l’instrumentation. En fait, l’une des dernières choses que nous avons faites, c’était la batterie et la basse, plus ou moins. C’est complètement n’importe quoi mais c’est ainsi que ça a fonctionné ! J’étais dans le flou quand j’ai eu le dernier diagnostic, car quand tu lis à ce sujet, quand tu as un cancer du poumon et que ça touche ta moelle osseuse, ce n’est pas drôle à lire, les statistiques sont très mauvaises. Donc je ne savais pas combien de temps il me restait – et je ne sais toujours pas. Enfin, personne ne sait, on pourrait se faire écraser par un camion demain, mais quand tu reçois un tel diagnostic, la mort est un peu plus proche. Nous voilà dix mois – presque un an – plus tard, et je suis toujours là, Dieu merci, mais je ne savais pas. Comme je l’ai dit, j’étais dans un état de panique. Je voulais m’assurer que mes parties étaient faites, de telle sorte que si je mourrais soudainement, au moins mes enregistrements seraient faits et ce serait mon héritage. Je sais que ça sonne dramatique, je ne suis pas une drama queen, mais c’est la vérité, c’était comme ça.
Comment as-tu enregistré sans avoir les véritables pistes instrumentales ?
J’avais une démo et Alan [Sørensen] a fait du super boulot à la batterie chez Jacob avant que nous enregistrions. Il a fait de vraies parties de batterie dans son propre petit studio. J’avais donc de super pistes pour faire ça. Ce n’était pas du tout difficile, j’avais de relativement bonnes démos pour le faire. Nous avons d’ailleurs conservé certains trucs des démos pour l’album – certaines parties rythmiques, quelques parties de guitares, etc. Tant que tu as le bon arrangement, ce n’est pas un problème. Mais les véritables parties de batterie étaient parmi les dernières choses que nous avons enregistrées.
Autant One Shot est un album solo, autant on y retrouve pas mal de musiciens qui y ont participé. Etait-ce important pour toi, compte tenu des circonstances, de faire ça entouré de gens, et ne pas le faire tout seul ?
J’aurais pu collaborer avec plein de personnes, car je connais plein de gens, mais la raison pour laquelle ce sont ces gars qui ont joué sur l’album, c’est que Chris Laney était en train de faire un projet qui s’appelait At The Movies, qui faisait des reprises de vieilles chansons des années 80. Ils m’ont demandé d’y participer. A ce moment-là, j’avais des problèmes pour chanter à cause des tissus endommagés dans mes poumons. J’ai donc fait une version de « We Don’t Need Another Hero » de Tina Turner en mai, quand je savais que je pouvais réussir à la chanter, mais il avait un tas de musiciens et parmi eux, il y avait Morten Sandager – notre ancien guitariste dans Pretty Maids – et Allan Sørensen, notre ancien batteur. Puis il y avait Pontus Norgren d’Hammerfall, Pontus Egberg de King Diamond et The Poodles, Björn Strid de Soilwork et Linnea Vikström qui faisaient du chant. Ils font tous partie du projet At The Movie. Chris m’a donc demandé : « Pourquoi est-ce qu’on ne fait pas appel à ces gens ? Car ce sont tous de super musiciens. » C’est donc devenu la base de l’album et ensuite nous avons fait appel à des guitaristes supplémentaires. Puis Olliver Hartmann d’Avantasia est venu me rendre visite en août et m’a demandé de lui faire écouter ma nouvelle musique, et il a dit qu’il adorerait jouer dessus, donc il apparaît sur deux ou trois chansons. C’est pour ça que je n’ai rien vraiment choisi moi-même. C’était des gens avec qui Chris, qui a produit l’album, avait l’habitude de travailler et ils ont fait du super boulot. C’était super sympa d’avoir une chanteuse comme Linnea sur l’album – je n’avais jamais fait ça avant – car ça confère aux chansons une identité totalement différente. Ça sonne presque comme du gospel. Elle a une super voix et elle est très douée pour arranger les chœurs. Ça a été palpitant et fantastique !
« Je me souviens qu’une fois, notre manageur m’avait fait écouter cette cassette, c’était le premier truc qu’a sorti Metallica et j’ai dit : ‘Bon sang, c’est de la merde ! Ça ne fera jamais rien !’ [Rires] J’avais sacrément tort ! »
L’album lui-même s’intitule One Shot : penses-tu que cet album solo sera juste un projet ponctuel pour toi ou bien comptes-tu en faire d’autres, si tu le peux ?
C’est sans doute ce que je me suis dit quand j’ai enregistré cette chanson, car c’est l’une des premières que j’ai écrites pour l’album – c’était probablement vers le mois d’avril. Ce que je dis aussi dans cette chanson, son message, c’est que nous n’avons qu’une seule chance, qu’une seule vie, d’après ce qu’on sait. Elle dit : « Soyez ici maintenant, vivez dans l’instant présent. Profitez du jour présent ! » Mais oui, j’espère bien [pouvoir en faire plus]. Là tout de suite, je suis en train de composer des chansons, j’ai déjà écrit beaucoup de choses. Je pense que je vais avoir suffisamment de chansons pour un autre album. J’espère juste que j’aurai le temps de l’enregistrer ! Enfin, comme je l’ai dit, je ne peux rien faire d’autre pour l’instant. Je n’ai pas de plan particulier, mais mon prochain truc c’est de finir certaines compositions et de faire des chansons. C’est tout ce que je vais pouvoir faire durant les deux ou trois prochains mois, à moins que je ne tombe malade.
Avec Pretty Maids, vous avez sorti l’an dernier Maid In Japan, un album live immortalisant les trente ans de Futur World, l’album le plus populaire du groupe. Il se trouve que c’était seulement votre second album : comment expliques-tu la magie qui s’est produite à l’époque ?
Je ne sais pas, parfois la magie opère ! [Rires]. Ça fait longtemps que je n’ai pas écouté cet album, même si nous l’avons joué deux ou trois fois il y a deux ans, mais je considère toujours le morceau éponyme, « Future World », comme étant l’une des meilleures chansons que nous ayons jamais faites, car elle a tous les ingrédients d’une bonne chanson de Pretty Maids. Je dirais que l’album d’avant, Red Hot And Heavy, et Future World étaient deux albums qui ont défini ce qu’était Pretty Maids : la combinaison de bons riffs de guitare, de chant mélodique, de super sons de claviers et ce genre de chose. C’est ce qu’est devenu Pretty Maids. Donc ces albums – Red Hot And Heavy, Future World, mais aussi Jump The Gun et en partie Sin-Decade – restent des jalons importants pour ce groupe. Future World est notre Sgt. Pepper, si on peut dire ! Je sais que c’est une comparaison très osée mais tu vois ce que je veux dire. C’est un album majeur. Ce qui est encore plus important à mes yeux et que je suis très fier d’avoir accompli, c’est que Pretty Maids soit parvenu à rester pertinent dans la scène musicale durant les dix dernières années. Depuis que nous avons fait Pandemonium, qui à mon avis est l’un de nos meilleurs albums, nous sommes restés assez constants et nous avons fait quatre ou cinq bons albums studio, et nous pouvions le voir car les ventes n’ont cessé de croître et nous voyons de plus en plus de gens venir aux concerts. Je suis assez fier que nous soyons parvenus à ça. Si je devais mourir demain, j’en serais fier. Ce serait ça mon héritage !
Pour Future World, vous aviez fait appel au prestigieux producteur Eddie Kramer, qui a été prétendument viré durant les sessions d’enregistrement parce qu’il s’est endormi sur la console de mixage, et ensuite le groupe a terminé l’album avec l’ingénieur Chris Isca. Quelle part de vérité y a-t-il dans cette histoire d’Eddie qui s’endort ?
C’est vrai ! Je veux dire que le gars était beaucoup plus vieux que nous, nous étions des jeunots. Tout d’abord, il faut que je dise qu’Eddie Kramer était un mec très sympa, je ne veux pas le rabaisser, mais il était âgé. Parfois, quand j’arrivais, il était assis à la console. Je faisais du chant et j’allais le voir dans la salle de contrôle pour lui demander : « Du coup Eddie, comment c’était ? » Il était affalé là en train de s’endormir : « Ah, c’était super, Ronnie, peux-tu le refaire ? » [Rires] Ce n’est pas une blague, c’est la vérité. Les choses prenaient beaucoup trop de temps. Il s’avère qu’il s’était fait virer des deux ou trois projets qu’il avait faits avant de faire Future World de Pretty Maids. Nous l’avions choisi sur la base d’un album qu’il avait fait d’un groupe qui s’appelait Icon. Pour nous, c’était très important d’avoir un producteur anglo-américain. Enfin, il avait quand même travaillé avec Jimi Hendrix, Kiss, Led Zeppelin, etc. C’était un poids lourd mais ça ne s’est finalement pas passé comme nous le voulions. La maison de disques n’était pas contente, donc ils l’ont viré. Peu importe qui aurait produit l’album, si ça avait été quelqu’un d’autre, ça aurait été un bon album, car c’était le bon timing et il y avait de bonnes chansons dessus, et nous sonnions peut-être un petit peu différemment d’autres groupes… Je ne sais pas. Je pense que quoi qu’il arrive, cet album aurait eu du succès. Nous étions jeunes, nous avions le feu sacré !
A l’époque, Pretty Mails était sur le même label qu’Europe qui rencontrait un gros succès avec The Final Countdown, et ils voulaient un autre groupe à succès, c’est pourquoi ils ont voulu que Kevin Elson mixe les chansons plus commerciales, tandis que Flemming Rasmussen s’occupait du reste. N’était-ce pas agaçant que le label essaye de transformer Pretty Maids en un autre groupe à la Europe ?
Je pense que c’est courant quand un groupe perce et devient majeur, tout le monde voulait avoir son Europe. Mais la différence était que nous étions signés chez CBS Records à Copenhague alors que Europe était signé à Londres. C’est la principale différence parce que les gens chez CBS à Copenhague ne savaient tout simplement pas comment gérer ça. Ils avaient le soutien du siège international à Londres, mais ce n’était pas pareil. Future World était peut-être un super album mais nous ne tenions pas un Final Countdown pour autant [rires], et nous n’étions pas non plus Europe. Mais je pense qu’ils ont regardé d’autres groupes scandinaves et [ont pensé que] Kevin Elson pouvait donner aux chansons [un impact plus commercial]. Je crois qu’il a mixé « Rodeo », « Love Games » et « Long Way To Go » sur cet album, mais aucune de ces chansons n’avait le potentiel pour être un tube de la trempe de « The Final Countdown ». Puis nous avons travaillé avec Flemming qui a fait du super boulot sur Future World ! Il a travaillé sur les morceaux plus heavy. Nous avons retravaillé avec lui plus tard, c’est un bon gars ! Mais je pense que nous-mêmes nous recherchions ça ! Nous étions d’accord pour que Kevin mixe les morceaux plus commerciaux et que Rasmussen se charge de ceux qui étaient plus heavy. Ça n’a pas mal fonctionné au final !
« Quand j’avais dix ans, je suis allé voir mon premier concert de Sweet et c’était ce que je voulais faire ! Tous les rêves et souhaits que j’avais à l’époque sont réalisés ! »
Flemming Rasmussen en tant que producteur mais aussi un groupe comme Mercyful Fate sont des compatriotes danois qui, tout comme Pretty Maids, ont eu pas mal de reconnaissance durant les années 80. Comment était l’atmosphère dans la scène danoise dans le temps ?
Le heavy metal et le hard rock n’étaient pas très importants dans les années 80. C’est arrivé à partir du milieu voire la fin des années 80 et ça a commencé à être diffusé à la radio, mais ça a pris beaucoup de temps. Je vis à la frontière allemande dans le Jutland, c’est de là que nous venons, et quand nous allions aux concerts, nous allions souvent à Copenhague parce que c’est là que tous les grands concerts étaient programmés. Nous y croisions ces gars, Mercyful Fates, King Diamond, etc. parce que c’est là qu’était la scène. Je crois que nous étions le seul groupe venant du Jutland, la partie ouest du Danemark, à l’époque. Mais c’était un mouvement culte, c’était underground. C’était très dur d’avoir des dates. Donc quand nous faisions des concerts à l’époque, parfois nous en faisions dans notre ville d’origine, mais autrement, il fallait aller à Copenhague pour faire les deux ou trois premiers concerts que nous avons faits, et c’était normalement avec deux autres groupes ou quelque chose comme ça pour attirer un peu de monde.
Lars Ulrich était aussi danois, même s’il a vite été faire carrière en Californie. Etait-ce quelqu’un qui, grâce à son succès, a été source d’inspiration pour d’autres musiciens danois ?
Pas à l’époque, parce que quand nous avons commencé, nous n’avions jamais entendu parler de Metallica. Je me souviens que notre manageur, Ken Anthony, était un très bon ami de Lars Ulrich. Quand Lars était à Copenhague, il venait lui rendre visite. Je me souviens qu’une fois, notre manageur m’avait fait écouter cette cassette, Metal Up Your Ass ou je ne sais plus comment ça s’appelait, c’était le premier truc qu’a sorti Metallica et j’ai dit : « Bon sang, c’est de la merde ! Ça ne fera jamais rien ! » [Rires] J’avais sacrément tort ! Il a fallu attendre 84 ou 85, quand Metallica a explosé, pour que tout le monde se rende compte qu’ils tenaient quelque chose. On peut s’accorder sur le fait qu’ils sont devenus assez énormes et que j’avais tort ! Je m’intéressais beaucoup plus à la New Wave [Of British Heavy Metal], comme Def Leppard, que Metallica à l’époque. Le thrash metal ne m’intéressait pas. C’est venu plus tard. Aujourd’hui j’aime beaucoup la musique de Metallica ; ils ont fait plein de super chansons et de super riffs. Je trouve que James Hetfield est l’un des meilleurs frontmen de tous les temps ! J’ai changé de point de vue. En revanche, si nous avons fait appel à Flemming, c’est avant tout parce qu’il avait travaillé avec Rainbow, il avait fait Difficult To Cure et Bent Out Of Shape. C’était sur ces albums que j’ai pour la première fois entendu parler de Flemming Resmussen. C’est la raison principale pour laquelle nous l’avions choisi, pas tellement à cause de Metallica, d’après mes souvenirs.
Quel est ton sentiment quand tu repenses au jeune Ronnie Atkins ?
Il n’avait pas autant de rides ! [Rires] Je ne sais pas, pour être honnête, je n’écoute jamais les vieilles musiques, sauf si je suis quelque part et que quelqu’un les joue. On apprend avec les années. Je suis toujours jeune ! En tout cas, dans ma tête, j’ai parfois encore seize ans ! C’est probablement un des effets qu’a l’industrie musicale sur nous, le fait d’être dans le train de rock n’ roll, à tourner dans le monde entier, à voyager. Evidemment, je suis supposé être plus sage aujourd’hui, mais il m’arrive probablement encore de refaire les mêmes erreurs. Bien sûr, je suis plus mature à cinquante-six ans que je ne l’étais il y a quarante ans quand j’avais seize ans. Chaque époque de notre vie a quelque chose de spécial. Je me souviens du bon vieux temps, c’était fantastique ! Le truc, pour être honnête, c’est que quand j’avais dix ans, je suis allé voir mon premier concert de Sweet et c’était ce que je voulais faire ! Tous les rêves et souhaits que j’avais à l’époque sont réalisés ! J’ai écrit ma propre musique et les gens l’ont aimée, j’ai eu l’occasion de jouer devant quatre-vingt mille personnes ou je ne sais combien, je fais ce que j’aime faire le plus et j’ai la possibilité de pas trop mal en vivre. Donc j’en suis reconnaissant !
Ne regrettes-tu pas parfois un peu l’innocence que tu avais à l’époque ?
Il est clair que ce business la gâche complètement ! [Rires] Il y a toujours des choses que tu aurais faites différemment et ce genre de truc. Oui, ma jeunesse me manque, je me souviens de ce que je ressentais quand j’avais vingt-cinq ans, mais je dois dire que la meilleure époque de ma vie était entre quarante et cinquante ans ! Mon père me disait toujours que le meilleur âge était entre quarante et cinquante ans, et je suis probablement d’accord avec lui, parce que tu es toujours… pas jeune, mais tu n’es pas vieux non plus, et tu es plus sage, tu as la majorité et la maturité en tant qu’être humain. J’aime toutes les époques de ma vie.
Avais-tu imaginé en 1987 que le monde du futur en 2020 ou 2021 ressemblerait à ce qu’on est en train de vivre maintenant ?
Ce qui est drôle, c’est qu’à cette époque, j’ai commencé à écrire sur le changement climatique, parce que je me souviens que dans les années 80, la première chose dont on a entendu parler concernant le changement climatique, c’est qu’il y avait un trou dans la couche d’ozone – je parle d’un « trou dans le ciel » dans « Lethal Heroes », ou même dans Future World, la chanson « Needles In The Dark ». Déjà à l’époque, il y a quarante ou cinquante ans, on a commencé à tuer notre mère la Terre, à lentement la détruire, et on n’a strictement rien appris ! Aujourd’hui, c’est bien pire ! Je trouve ça vraiment effrayant ! Ça démontre simplement le fait que les êtres humains n’ont rien appris au cours des quarante ou cinquante ans. Parfois, je me demande – je n’essaye pas d’avoir l’air d’un sorcier – si ce coronavirus n’est pas, pour notre mère la Terre, une manière de nous dire de ralentir et d’y aller mollo, que nous ne sommes pas les maîtres du monde. Nous n’avons rien appris, c’est certain !
Interview réalisée par téléphone le 11 février 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Tallee Savage.
Facebook officiel de Ronnie Atkins : www.facebook.com/RonnieAtkinsOfficial
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Respect à Ronnie ! Une belle mentalité et beaucoup d’humilité après toutes ces années passées sur les scènes du monde entier ! Je lui souhaite le meilleur et bien sûr d’être plus fort que cette saloperie qui nous a déjà enlevé Eddie… Force et honneur !!