Là où de nombreux groupes utilisent la musique pour extérioriser et exorciser des sujets graves, voire aller sur le terrain de la politique, du religieux ou du philosophique, Royal Republic s’est donné une autre mission : vous faire oublier tout ça. Avec ce rock jovial, enjoué et plein d’humour, tel qu’on le retrouve dans son nouvel opus Weekend Man, Royal Republic est là pour accompagner vos fiestas ou vous faire décompresser après une éreintante et stressante journée de boulot.
Il ne faut pas croire pour autant que cette grande légèreté que le groupe suédois déploie dans sa musique se retrouve également dans sa façon de la concevoir. Bien au contraire, les quatre membres de Royal Republic sont des musiciens accomplis qui ont apportés beaucoup de soin à leur album. Nous en parlons ci-après avec le frontman Adam Grahn.
« Laisse tes problèmes de côté pendant quatre-vingt-dix minutes et viens voir un concert de Royal Republic, tu l’as mérité ! »
Radio Metal : Votre nouvel album s’appelle Weekend Man. A quoi est-ce que ça fait référence ?
Adam Grahn (chant & guitare) : Nous avons créé le Weekend Man en tant que genre de créature mythique, un ancien esprit Viking ou quelque chose comme ça. Le Weekend Man, c’est un peu le petit diable qui se tient sur ton épaule, le truc qui se faufile en chacun de nous et nous fait faire des choses que nous ne devrions pas faire, des choses bien trop marrantes. C’est ça le Weekend Man, et où que le Weekend Man aille, il y a un weekend, et le Weekend Man est en chacun de nous.
Les chansons de l’album ont un côté très positif et enjoué. Et sur les photos promos, on vous voit rire et sourire. Est-ce qu’un esprit positif et jovial était précisément ce que vous vouliez partager avec l’auditeur ?
Ouais, la plupart du temps. Très tôt, nous nous sommes un peu imposé comme mission d’être un groupe qui… Enfin, nous avons aussi des paroles qui sont plus profondes et sérieuses [petits rires] mais, dans l’ensemble, je pense que nous voulons simplement être le groupe qui permet aux gens d’oublier leurs problèmes, comme « laisse tes problèmes de côté pendant quatre-vingt-dix minutes et viens voir un concert de Royal Republic, tu l’as mérité ! » Car il y a plein de groupes qui mélangent la politique avec leur musique et font des déclarations et peut-être d’autres choses. Il n’y a strictement rien de mal à ça mais il y a plein de groupes de ce genre et ils le font très bien. Mais nous avons pris sur nous d’être le groupe que tu écoutes lorsque tu ne veux pas penser à quoi que ce soit et tu veux juste passer du bon temps.
Est-ce que vous vouliez montrer que le rock et le metal, ce n’est pas toujours broyer du noir ?
Le rock n’ roll en règle générale a toujours été une question de rébellion et de passer un bon moment, comme le fait de traîner avec ses potes, prendre un verre de whiskey et fumer une cigarette [petits rires]. Et la scène metal, je ne sais pas, je pense que la plupart des groupes chantent à propos de la mort, du mal, des dragons et peu importe mais je pense que la plupart d’entre eux s’amusent en le faisant, ça reste marrant, ça reste une manière positive de libérer une énergie et passer de bons moments ensemble. La musique, dans mon esprit, c’est une question de communauté et ça peut te faire ressentir différentes choses. Il y a de la musique triste qui est absolument incroyable et magnifique, et puis il y a de la musique heavy qui est bonne pour différentes choses. Et comme je l’ai dit, c’est ce que nous avons envie de faire. Lorsque je prends une guitare, ceci est ce que je me sens de faire. Je peux commencer à jouer du Metallica pendant des heures pendant les balances et tout le monde s’énerve contre moi parce que je fais perdre du temps. Et je ne veux pas choisir. Je vois la musique comme devant être sans catégorisation. Je ne suis pas du genre « j’aime le metal, j’aime le jazz et j’aime le blues, » je ne réfléchis pas comme ça, je crois qu’aucun de nous n’est comme ça. Nous aimons la bonne musique, quelle qu’elle puisse être.
Bien que vous soyez suédois, vous avez une chanson qui s’appelle « American Dream ». Qu’est-ce que ça évoque ?
Nous avons plusieurs chansons similaires, qui parlent du même sujet, c’est-à-dire « Follow The Sun » sur le nouvel album et « Everybody Wants To Be An Astronaut » sur le précédent album, où nous parlions du fait que l’herbe n’est pas toujours plus verte de l’autre côté. Plein de gens sont obnubilés par leur carrière de nos jours, nous y compris. Nous ne courons pas après la gloire, nous ne courrons pas après l’argent ou alors nous aurions dû devenir dentistes ou quelque chose comme ça. Mais quoi qu’on veuille, les gens oublient de commencer à regarder autour d’eux et se dire : « Hey, j’ai déjà beaucoup de choses ! J’ai de bons amis, j’ai une super famille, peut-être, j’ai quelqu’un que j’aime, j’ai suffisamment d’argent pour payer le loyer. Peut-être que je n’ai pas d’argent mais au moins j’ai quelque chose. » Ca a toujours été un problème pour nous aussi. Dans le business de la musique, lorsque tu as un groupe, c’est facile d’être pris dans le cirque, à tout le temps regarder devant soi. Tu ne t’arrête jamais pour apprécier ce que tu as, alors que c’est important, donc nous essayons de nous améliorer là-dessus. Et ces chansons sont simplement notre vision du monde et ce n’est pas à propos du rêve américain, ça aurait pu être le rêve français, le rêve suédois ou le rêve anglais, c’est juste que le rêve américain est très connu, tout le monde sait à quoi ça fait référence.
Dans le communiqué de presse il est spécifié que vous vouliez « davantage utiliser le studio comme un instrument qu’auparavant. » Qu’est-ce que ça veut dire ?
En gros, ça veut dire utiliser les outils qui sont à ta disposition dans le studio, comme le fait de vraiment ajuster les effets, trouver exactement le bon son de caisse claire, etc. Nous avions une vision très claire de notre son lorsque nous sommes entrés en studio, comme le fait de vouloir que la caisse claire sonne comme ceci, la grosse caisse comme cela, les guitares comme ci et ainsi de suite. Nous l’avons donc soigneusement utilisé. Ca a pris environ quatre mois pour enregistrer l’album et je crois que nous avons passé deux semaines rien qu’à chercher exactement le son de guitare que nous voulions au final. Et aussi le fait d’utiliser différents sons et maintenir l’énergie parce que nombre des chansons, je ne sais pas, elles ne sont peut-être pas produites comme les chansons de pop conventionnelles sont produites mais c’est cool avec différents sons, différents sons de guitare, différents sons de batterie, différents sons pour le chant… Nous avons donc simplement utilisé tout ce que le studio avait à offrir.
« La seule chose que nous avions en commun était le fait que nous étions bons pour jouer de nos instruments et ensuite, au-delà de ça, nous étions des gens complètement différents, nous n’avions rien en commun. »
Tu parles des chansons pop mais justement, la pop a été une grande influence sur vous pour le côté accrocheur…
Ouais, comme je l’ai dit avant, nous écoutons tout ce que nous pensons être bon, que ce soit du death metal, du jazz ou du classique. Je veux dire qu’évidemment, il y a quelques groupes qui nous ont influencés, comme Danko Jones qui était une grosse influence, The Hives ont bien sûr été une grosse influence, Hellacopters, même Metallica… Ca varie beaucoup. Mais je pense que pour ce dernier album, nous avons beaucoup été influencés par nous-mêmes [petits rires], si je puis dire. J’ai beaucoup écouté notre premier et notre second albums, et je me suis posé la question : « Ok, quels sont nos points forts ? Quelles sont les choses qui mériteraient d’être améliorées ? Quelles sont nos faiblesses ? » Et, en gros, essayer de faire de notre mieux pour corriger ça et rendre les chansons aussi bonnes que possible. Nous avons donc passé beaucoup de temps à ajuster les chansons pour qu’elles soient bien, car au final, l’album sera juste aussi bon que les chansons. Ça n’a pas d’importance dans quel studio onéreux, cool et célèbre nous enregistrons l’album parce que les chansons doivent être supers, donc nous les avons rendues aussi super que nous pouvions [petits rires], et maintenant l’album est super ! Enfin, à peu près, je trouve.
Tous les quatre dans le groupe, vous avez étudié à l’Académie de Musique de Malmö ; c’est d’ailleurs là que vous vous êtes rencontrés. Quelle importance a eu cette expérience pour vous ?
Nous étions tous musiciens, même avant d’aller à l’académie. Nous travaillions en tant que musiciens, freelance en studio et ainsi de suite depuis toujours, en gros. Et l’Académie est une école où tu te rends après le lycée. Il faut être très bon pour pouvoir y rentrer [petits rires]. Ce qu’il y avait de bien, c’est que nous pouvons communiquer très rapidement. Ce n’est pas comme un groupe d’amis qui ne savent pas vraiment jouer et qui doivent se creuser la tête pour comprendre comment jouer les chansons, car nous pouvons faire ça en, genre, une demie seconde. Notre défi était plus de se connaître les uns les autres parce que nous ne nous connaissions pas. La seule chose que nous avions en commun était le fait que nous étions bons pour jouer de nos instruments et ensuite, au-delà de ça, nous étions des gens complètement différents, nous n’avions rien en commun. J’adore le football, alors que les autres gars n’en ont rien à foutre du football [petits rires] ! C’était donc plus un challenge de trouver la bonne alchimie au début et ensuite, ça s’est fait assez rapidement. Maintenant nous sommes comme une famille. C’est ce que nous avons emporté avec nous. Nous avons tous quitté l’Académie pour former ce groupe, ce qui s’est révélé être le bon choix à faire au final. Je suis content que nous l’ayons fait.
Dirais-tu que le fait d’avoir une très bonne communication entre les membres d’un groupe est presque aussi important que d’être de très bons musiciens ?
Être un très bon musicien, au bout du compte, ça ne t’amène nulle part. Il y a des millions de super musiciens. Il y a tellement d’autres choses qui rentrent en ligne de compte. Il faut que tu sois capable d’écrire des chansons, il faut que tu aies aussi en toi le sens du business, même si c’est le truc le plus merdique en musique, le fait que tu dois apprendre le business, j’aurais aimé ne pas avoir à me soucier de ça… Mais je veux dire qu’il y a tellement de choses qui doivent s’aligner pour pouvoir réussir et vivre de la musique. Tu sais, il faut être de supers musiciens, il faut écrire des chansons, il faut avoir le bon look, il faut de la chance, il faut un manager, il faut quelqu’un qui s’occupe de choses, il faut le bon moment… Il y a plein de choses qui doivent s’empiler et, en ça, nous avons un peu eu de la chance. Plein de choses se sont alignées au bon moment. Mais je veux dire que dans l’ensemble, il faut travailler dur et avoir conscience que le rock et la musique, quoi que tu fasses, ce n’est pas ce que tu vois dans la Nouvelle Star, ce n’est pas ce que tu vois à la télévision. Ca nécessite beaucoup de travail au final si tu veux tourner et faire ce que nous faisons.
Dans le communiqué de presse, il est marqué qu’une autre raison clé qui explique pourquoi votre groupe assure, c’est que « chaque membre est à cent pour cent en contact avec son Viking intérieur. » Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
[Rires] Je ne sais pas ! Je n’ai pas lu le communiqué de presse. Je pense qu’il y a un homme qui est plus en contact avec son Viking intérieur, c’est notre bassiste Jonas [Almén]. Il vient d’une minuscule île sur la côte Est de la Suède. En fait, elle est si minuscule qu’ils lui ont retiré le statut d’île ! Ce n’est plus une île [petits rires], c’est juste un… truc. Et Jonas a une barbe rousse et un gros paquet de muscles. Son Viking intérieur est à deux bières de se révéler. Alors que moi, mon Viking intérieur, il faut bien dix verre de whiskey pour qu’il ressorte. Je suis un peu une tapette par rapport à Jonas [rires]. Donc, lui, il est clairement en contact avec son Viking intérieur !
Interview réalisée par téléphone le 19 mai 2016 par Philippe Sliwa.
Retranscription, traduction & introduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Royal Republic : www.royalrepublic.net