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Interview   

Rudolf Schenker : Le rock est une attitude !


Inutile de vous présenter Rudolf Schenker, ce grand blond, la soixantaine épanouie mais aussi, accessoirement guitariste rythmique et fondateur du groupe légendaire Scorpions. C’est en pleine tournée d’adieux et seulement deux heures avant de monter sur scène qu’il nous reçoit dans sa loge afin de répondre à quelques questions. Il semble être resté quelqu’un de très simple et confie qu’il est heureux d’être de retour en France tout en étant satisfait de voir que les places de concerts se vendent aussi bien. Très serein, l’homme dégage une telle aura que même le plus hyperactif des gosses resterait sans voix.

A l’approche de la fin de la carrière des Scorpions, Rudolf dresse un bilan généreux en anecdotes et s’interroge sur comment conclure au mieux cette aventure. Et, rassurez-vous, entre cette tournée de trois ans et les quelques 800 heures d’archives live ou studio que possède le groupe, elle est loin d’être finie. Scorpions est un combo populaire qui a néanmoins pris quelques risques et tenté des expériences innovantes, tant sur le plan musical que scénique comme aller jouer du rock en Asie ou donner un concert de rock en haute altitude ! Rudolf est loin d’être un nostalgique et ne considère pas que le style est mort, tel un Alain Delon qui nous rabâche sans cesse son horripilant « le cinéma est mort ». C’est effectivement un regard plein d’espoir qu’il porte sur l’évolution du style et son avenir, qu’il voit radieux, notamment grâce à des groupes tels que… Nightwish, Angra ou Linkin Park !

« La tournée sud américaine a été très dure car nous avons donné le concert rock le plus haut de l’histoire. Le stade à La Paz est situé à environ 3 000 mètres d’altitude ! C’était vraiment quelque chose d’exceptionnel mais aussi de difficile car l’air est raréfié. »

Radio Metal : Le concert d’Athènes a du être annulé car Klaus souffrait d’une laryngite, comment se sent-il maintenant ?

Rudolf Schenker (guitare) : Il va bien. Le fait est que nous n’avons pas eu assez de temps de repos entre les différents continents et ces voyages sont relativement longs. Le risque majeur est d’attraper des microbes à cause de l’air conditionné dans l’avion : si quelqu’un est malade, ça fait circuler le virus. La tournée sud américaine a été très dure car nous avons donné le concert rock le plus haut de l’histoire. Le stade à La Paz est situé à environ 3 000 mètres d’altitude ! C’était vraiment quelque chose d’exceptionnel mais aussi de difficile car l’air est raréfié. L’aéroport est à 4 200 mètres d’altitude, nous devions sortir, nous avions même avec nous de l’oxygène dans le cas où quelqu’un se sentirait mal. Tout s’est bien passé et les tournées sud-américaine, ouest américaine et canadienne dans leur ensemble ont été fantastiques !

L’année 2010 fut une année sombre pour le monde du rock : Ronnie James Dio, Peter Steele de Type O Negative, Paul Gray de Slipknot et plus récemment Steve Lee de Gotthard sont tous décédés cette année. Cette situation a créé une sorte de paranoïa chez les fans. Avez vous senti qu’il était nécessaire d’immédiatement rassurer les fans en les informant de la nature de la maladie de Klaus et en publiant des messages à leur attention ?

Non, il est juste normal d’informer les gens si tu sais ce qu’il se passe sinon ils se déplacent pour rien. Klaus le savait avant le concert d’Athènes. Nous avions donc à l’esprit d’informer les gens avant qu’ils ne se rendent sur place. C’était aussi important car le concert à Sofia était en extérieur et Klaus nous a dit que c’était impossible. Il était donc normal de l’annoncer sinon cela aurait été injuste de dire “ok, allez y, génial, on se voit plus tard!”. Non ! L’essentiel est de prévenir les gens assez tôt pour qu’ils puissent s’organiser.

Tu as déclaré en Août que le Get Your Sting And Blackout Farewell Tour était simplement un adieu aux tournées. Vous avez précisé que le groupe serait prêt à refaire quelques concerts après la tournée actuelle. Est ce que c’est vrai ?

J’ai dit dans chacune de mes interviews que c’était notre dernier album et notre dernière tournée. Elle va durer trois ans, c’est donc ce que nous sommes en train de faire ! Nous voulons être certains que, jusqu’à la fin de cette tournée, nous serons en bonne santé, que nous pourrons encore sauter, courir… Klaus et moi avons 62 ans, Suite à ces trois ans de tournée, nous en aurons 65. Après une pause on reviendrait à l’âge de 66 ans et avec un nouvel album à 67 ans puis une nouvelle tournée. Cependant à 67 ans c’est difficile de jouer « Bad Boys Running Wild » et d’autres titres du genre, de sauter partout. Nous ne voulons pas mourir devant notre public ! Nous voulons finir sur une note positive. Ce que l’on a ressenti en travaillant sur cet album était que nous avions vraiment quelque chose de spécial entre nos mains, on avait retrouvé l’ADN, l’essence même des titres de Scorpions datant des années 1980. Ici en France on s’approche du disque d’or, du disque de platine en Allemagne et on s’en sort aussi très bien dans les autres pays. Nous nous servons de ce retour aux années 1980 pour conclure. Nous avons eu une belle carrière, vécu des moments incroyables au long de ces années, on a éprouvé beaucoup de plaisir à être sur scène, en tournée. Et surtout maintenant nous suivons un cycle : nous préparons un album, allons en studio, sortons le disque, partons en tournée et ainsi de suite. Aujourd’hui la boucle est bouclée, nous avons exploré chaque concert avec une perspective différente.

Vous avez mentionné qu’un énorme concert final était programmé pour courant 2011, regroupant des anciens membres du groupe. As-tu d’autres informations à nous donner ? Des invités confirmés ? Un lieu ? Une date ?

C’est en effet une possibilité mais rien n’est programmé pour l’instant car nous ne programmons rien ! Avant toute chose, nous défendons notre album Sting In The Tail et nous verrons ensuite ce qui est possible. Jusqu’à maintenant l’album se vend bien, la deuxième édition vient de sortir. Je crois qu’elle sera disponible en France demain [ndlr: disponible depuis le 18 octobre]. Nous voulons le soutenir et après nous reviendrons avec autre chose.

Lorsque nous avons rencontré Matthias Jabs, il nous a dévoilé son rêve de jouer un dernier concert dans un stade qui serait totalement gratuit. Crois-tu que c’est réalisable?

Rien n’est impossible. Je suis persuadé que lorsque le moment sera venu, les idées suivront. L’endroit doit aussi être spécial. Ce n’est pas comme quand tu fais un album ou un DVD dans un lieu traditionnel, là ça doit être vraiment quelque chose de surprenant et c’est ce que nous recherchons.

« L’Asie était déjà un lieu hors du commun pour nous. Même lorsqu’il n’y avait pas encore de maisons de disques, on s’est dit ‘allons jouer là bas !' »

Crois-tu que le groupe a réussi à tout dire ou gardes-tu à l’esprit certaines frustrations sur des choses que le combo n’aurait pas eu le temps d’expérimenter ? Je pense par exemple à la direction musicale que vous aviez pris avec Humanity Hour 1. De nombreuses personnes s’attendaient à une suite…

Il n’y avait rien de plus à ajouter. Lorsque nous avons sorti Humanity Hour 1, au même moment, Linkin Park est arrivé avec Minutes to Midnight qui suivait le même genre de direction. Donc tout était dit ! Il n’y avait rien d’autre à ajouter. Pourquoi faudrait-il répéter encore et toujours la même chose ? La meilleure chose à faire était de composer un album rock et positif. Laissons de côté ces ténèbres, cette crise et let’s rock ! Nous avons donc commencé à écrire et tout s’est mis en place naturellement avec des titres comme “Raised On Rock”, “Spirit Of Rock” et “The Best Is Yet To Come” qui étaient issues des sessions de travail sur Unbreakable. C’était vraiment nous, notre univers, nos chansons, notre vie ! C’est aussi certainement la raison pour laquelle nous avons décidé que cela serait notre dernier album et notre dernière tournée : nous avions tout dit !

Un DVD/ Blue Ray de Get Your Sting And Blackout Farewell Tour est en préparation. Que peux-tu nous en dire ?

Comme je te l’ai dit nous ferons un DVD dans un endroit très spécial, nous sommes toujours en train de travailler dessus. Ce n’est pas comme faire un concert à Bercy ou dans n’importe quelle salle de concert. Nous voulons vraiment avoir un lieu à part et vivre un moment unique avec peut être quelques invités etc.

Apparemment vous avez plus de 800 heures de films en réserve datant des premières années du groupe et que vous aimeriez sortir. Que ressens-tu lorsque tu regardes quelques uns de ces vieux films de toi et du groupe à ses débuts ?

Tout était super à l’époque. L’énergie était incroyable ! Nous avons vraiment accompli des choses exceptionnelles comme jouer au festival Rock in Rio, devant le mur de Berlin avec L’Orchestre Philharmonique de Berlin qui est l’un des plus grands orchestres au monde ! Nous avons été invités par Mikhaïl Gorbatchev. Chaque étape recèle quelque chose de particulier. Les années 1990 ont été un peu difficiles surtout en Europe et en Amérique à cause de l’émergence du grunge et de l’alternatif. On a choisi d’autres directions. Nous ne sommes pas allés là où l’argent se trouvait, nous avons préféré aller vers l’aventure et les fans. L’Asie était déjà un lieu hors du commun pour nous. Même lorsqu’il n’y avait pas encore de maisons de disques, on s’est dit « allons jouer là bas ! »

Nous y avions déjà joué dans les années 1980. Au moment où le Grunge/Alternatif a fait son apparition dans les années 1990, nous avons pu nous produire dans de grands stades en Malaisie, à Jakarta. Nous avons été vingt fois disque de platine en Thaïlande ! Nous avons eu beaucoup de succès là-bas. Lorsque la tendance Grunge/Alternative s’est dissipée, nous sommes retournés aux États Unis.

Y a-t-il par hasard quelques inédits, comme des chansons jamais sorties, que les fans peuvent s’attendre à découvrir dans le futur ?

Bien sûr, nous avons environs 800 heures d’enregistrement. Dès que nous aurons le temps, après le dernier concert, on se retrouvera tous ensemble et on réfléchira pour sortir quelques sujets sur le groupe comme : L’histoire des Scorpions, Scorpions en Russie, Scorpions sur les Pyramides (NDLR : Scorpions à la plage… ?)… On a tellement de matière pour travailler ! Mais c’est plus facile de réfléchir à ce genre de choses quand on dispose du temps nécessaire pour le faire. Rééditer aussi le World Wild Live en DVD avec des bonus datant de cette période serait fantastique !

« Je ne suis pas du tout d’accord avec les gens qui disent que les anciens musiciens étaient les meilleurs. »

Scorpions a été une source d’inspiration pour de nombreux groupes de musique. Par conséquent, que penses-tu de la nouvelle scène métal ?

Je ne suis pas du tout d’accord avec les gens qui disent que les anciens musiciens étaient les meilleurs. Ils l’étaient à l’époque, mais je trouve que les jeunes musiciens parviennent aussi à trouver leur propre voie pour faire leur musique. Bien sûr nous avions aussi nos héros comme Jimmy Page ou Jimi Hendrix. Nous savons que nous avons inspiré beaucoup de nouveaux groupes comme Van Halen – enfin c’est plutôt un vieux groupe maintenant – mais aussi Green Day, Nickelback ou encore System Of A Down. Une nouvelle scène signifie de nouvelles personnes. Je trouve que Rammstein est un excellent groupe, aucun doute là-dessus, même s’ils ne sont pas si récents que ça. Three Doors Down ou encore Nighwish le sont également ! La scène change tellement ! Edguy est un aussi un groupe génial ! Il y a tellement de nouveaux groupes qui arrivent avec un son nouveau, de nouvelles façons de jouer, c’est une bonne chose !

Donc tu penses que l’avenir de la musique est entre de bonnes mains ?


La famille du rock est très fermée. Ils ne sont pas ouverts aux nouvelles choses. Ils croient fermement en l’ancienne « new school », aucun doute là-dessus. Je me suis rendu compte que nous avions énormément de fans jeunes. Ils prennent en effet les vieux trucs de leurs parents en se disant « C’est quoi ça ? C’est génial ! Écoute ça ! Scorpions ? Ils tournent encore ? J’y vais ! »
Donc oui, pour moi la musique est entre de bonnes mains. Tant qu’il y aura des guitares… En réalité, le rock est une attitude, une pure attitude ! Tu peux faire tellement de choses avec des guitares et une batterie ! Aujourd’hui un batteur peut être le héros d’un groupe. Récemment nous étions invités dans un club de São-Paulo, le Manifesto, j’y ai vu un groupe brésilien, ils étaient fantastiques (NDLR : il parle d’Angra) ! Leur jeu est vraiment surprenant, le batteur est incroyable, ils font du rock de manière très différente de nous. Ils jouaient tellement vite ! Leur musique était rapide et puissante, le chanteur aussi était vraiment bon.

Durant vos concerts, vous rendez hommage à Ronnie James Dio, étiez-vous amis?

Cela fait des années que l’on se connaît, cela remonte à l’époque de Rainbow. Puis nous avons participé à une tournée en 2002 aux côté de Deep Purple aux États-Unis et Ronnie James Dio faisait la première partie, nous avons tourné plusieurs fois ensemble. On a vécu des moments incroyables ensemble ! Nous avons fêté son anniversaire à Chicago. On a fait pas mal de fêtes avec lui : un jour Deep Purple prenait part à une nuit Tequila, on a fait une nuit allemande avec des caleçons en cuir, de la bière et pendant ce temps, Ronnie a fait une nuit du vin… On a fait des trucs supers ! C’était un homme incroyable, tout comme sa femme d’ailleurs. Je me rappelle qu’à chaque fois qu’on le croisait, Klaus et Ronnie se disaient toujours « question heavy, nous sommes les frères du rock’n’roll ! ». Il était vraiment formidable !

« Je me rappelle qu’à chaque fois qu’on le croisait, Klaus et Ronnie se disaient toujours « question heavy, nous sommes les frères du rock’n’roll! ».


Interview préparée par Isabelle, Spaceman et Metal’O Phil
Réalisée par Isabelle à Dijon, le 19 octobre 2010

Traduction : Isabelle



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