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Chronique Focus   

S.U.P. – Dissymmetry


Groupe culte de la scène death française, S.U.P. (pour « Spherical Unit Provided ») a une histoire qui ne ressemble à aucune autre, résolument liée à celle de son frère siamois Supuration. Recomposition des mêmes membres – Thierry Berger, Frédéric Fievez et les frères Loez – autour d’une même base death et d’une même approche très cinématographique de thématiques flirtant souvent avec la SF, S.U.P. se distingue par l’idiosyncrasie de son death metal qui sous le vague terme d’avant-gardiste convoque riffs ultra-lourds, atmosphères glaciales presque indus et cold wave mélancolique, là où Supuration serait un peu plus conventionnel. Projets jumeaux donc, qui depuis le début des années 90, évoluent en parallèle, jusqu’à la dernière décennie, où Supuration semblait avoir repris le dessus. Mais pour le plus grand plaisir des fans qui n’osaient plus espérer que quelques performances live, S.U.P. est enfin de retour, et offre à Hegemony, sorti en 2008, un lointain descendant, Dissymmetry : 10 titres pour faire oublier plus de 10 ans d’attente. Dès les premières minutes d’écoute et le premier coup d’œil à la pochette, l’auditeur est plongé dans un monde à la fois inconfortable et familier : le quatuor reprend exactement où il nous avait laissés.

C’est que la formule de S.U.P. s’est toujours distinguée par sa dimension atemporelle, à la fois en avance sur son temps et un peu rétro par certains aspects (les éléments gothiques très années 80 notamment). Ainsi, titres récents et morceaux plus anciens (« Tribulation », qui date de l’époque d’Hegemony) s’enchaînent sans accroc : une fois de plus, c’est la cohérence qui prime, l’album reposant sur une véritable trame narrative plus encore qu’un concept. Procédé habituel du groupe, dont chaque album s’écoute d’une traite, comme on regarde un film. Cette fois-ci, le pitch est simple : une sorte de savant fou décide de se découper en morceaux pour pouvoir se recomposer à sa guise, et évidemment (!), ça tourne mal. Prétexte de choix pour des morceaux sombres et torturés, véritable plongée dans une psyché tourmentée. Entre les murmures menaçants qui ouvrent et qui ferment le disque, le quatuor met en place ses morceaux comme son histoire, usant tant de l’acier chirurgical de riffs anguleux (« Piperdream ») que de la légèreté mélancolique de la cold wave (« Tribulation », « Excision »), bouffée de chloroforme qui permet de respirer un grand coup et d’amortir le choc. C’est qu’entre les paroles pour le moins sanglantes de Siobhan Mac Carthy (les frères Loez n’hésitent pas à parler à leur propos de « poésie gorifique »), les accords vrombissant comme des tronçonneuses (« Excision ») et les rythmes syncopés qui vrillent la cervelle (« Hypnagogic Hop »), l’auditeur est mis à rude épreuve – la moindre des choses, au vu de ce qu’a choisi d’évoquer le groupe.

Car finalement, plus encore que son mélange unique de death metal volontiers progressif qui lorgne parfois vers le technical death et de sonorités gothiques et cold wave, c’est sa manière de suturer si étroitement fond et forme qui distingue S.U.P., au point que la méthode de composition du groupe semble relever du même démembrement méthodique suivi d’une reconstruction monstrueuse, certes, mais méticuleuse que s’inflige le narrateur, faisant de Dissymmetry une sorte de créature de Frankenstein sonore. De la même manière, les jeux entre voix gutturale et voix claire font parfaitement écho à la schizophrénie qui semble guetter le personnage. La dualité est un thème récurrent chez les Nordistes, qui avaient déjà consacré un album au thème de la gémellité en 1999 (Chronophobia), et elle est au cœur de leur esthétique qui semble s’attacher à en explorer toutes les modalités (reflets, déchirements, (a)symétries). Le résultat de ces réflexions est, évidemment, ambivalent : repoussant et attirant, organique et mécanique (le disque est ponctué tant de hurlements que de bips de machines), parfois hermétique, parfois irrésistiblement accrocheur, Dissymmetry se révèle plus équilibré qu’il le prétend, et constitue paradoxalement une définition remarquable de ce qu’est le death metal.

Lyric vidéo de la chanson « Excision » :

Clip vidéo de la chanson « Cathedra » :

Chanson « The Chasm And Chronograph » en écoute :

Album Dissymmetry, sortie le 29 mars 2019 via Overpowered Records. Disponible à l’achat ici



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