Alors que les variants continuent à se multiplier, les frontières à se fermer et les restrictions sanitaires à rendre la vie morne et insipide, il faut être particulièrement optimiste – ou particulièrement opiniâtre – pour organiser une listening session réunissant les représentants de la presse metal européenne comme si de rien n’était. C’est pourtant bien la mission a priori impossible mais réussie avec brio par Sabaton et Nuclear Blast le 22 novembre dernier.
Pour la Team France, menée par Olivier Garnier, le trajet est plutôt court. C’est en effet à Bruxelles que nous attend le groupe, et plus précisément, heavy metal option histoire militaire oblige, au Musée Royal de l’Armée. La pandémie étant, qu’on le veuille ou non, toujours bien présente en Europe (et plus spécifiquement du côté du Bénélux), la première étape en arrivant sur les lieux consiste à effectuer un autotest pour identifier les éventuels porteurs asymptomatiques du virus. Un résultat positif se traduisant par une mise à la porte automatique et immédiate, l’opération s’avère plus stressante qu’un test de grossesse après un accident de pilule – une analogie qui risque de laisser de marbre les lecteurs de ces colonnes, mais à laquelle nombre de lectrices pourront sans doute s’identifier. À notre connaissance, aucun journaliste présent ce jour-là n’a été testé positif, et les invités sont donc gracieusement autorisés à tomber le masque pour le reste de la journée.
« Je ne suis pas si différent quand je suis sur scène, mais je suis une sorte de personnage, ou une caricature de moi-même. Tout est plus grand, plus imposant, et je sais gérer ça. Mais je n’ai pas envie d’être le gars qui est ce gars en permanence ! [Rires] »
Une fois tout un chacun passé par la case prélèvement nasopharyngé, la chargée de relations avec les médias de Nuclear Blast escorte tout son petit monde dans la grande salle du musée consacrée, sans surprise aucune, à la Grande Guerre. C’est donc très logiquement au milieu des tanks, des batteries d’artillerie et des Fokker Dr.I à vous mettre immédiatement l’introduction de « The Red Baron » dans la tête que le groupe au grand complet fait son entrée, sous les applaudissements d’une bande de journalistes acquis à la cause avant même d’avoir entendu une seule note de l’album. Loin de la personnalité démonstrative et expansive qu’on lui connaît sur scène et en interview, c’est un Joakim Brodén presque timide – mais visiblement ravi de voir autant de gens réunis dans un même endroit – qui accueille les journalistes présents et nous invite à rejoindre la salle où doit avoir lieu l’écoute.
Pour l’occasion, la salle de séminaire du musée s’est vue dotée, en plus de deux avions d’époque, d’un écran géant beaucoup plus moderne, sur lequel est projetée la riante pochette de The War To End All Wars, deuxième album de Sabaton consacré à la supposée « Der des Ders ». Après une brève prise de parole destinée à rappeler le thème, DJ Brodén en personne lance la musique – et nous voici à nouveau projetés un petit siècle en arrière, au plus près des soldats, de la mer au sommet des Alpes, en passant naturellement par les tranchées.
Si la patte Sabaton reste reconnaissable du premier accord de « Sarajevo » à la dernière note de « Versailles », The War To End All Wars se montre étonnamment riche en surprises pour un groupe qui semblait avoir trouvé sa voie et ne plus vouloir en dévier. En témoignent les deux titres déjà cités, qui, non contents de jalonner historiquement le contenu de l’album, comportent en prime des couplets narrés par une voix de femme plutôt que chantés par la voix identifiable entre toutes de Joakim. « Hellfighters », chanson consacrée au célèbre régiment d’infanterie composé de soldats new-yorkais noirs, est sans conteste le titre le plus riffu de l’album, voire de toute la discographie de Sabaton, et lorgne presque par moments du côté du thrash. Surprise également du côté de « Soldier Of Heaven », titre aux paroles particulièrement touchantes et aux sonorités à la limite de l’indus (et non des « synthés des années 80 », comme d’aucuns ont eu l’effronterie de le décrire). Si la deuxième moitié de l’album se renouvelle moins que la première, « Christmas Truce » se démarque malgré tout grâce à l’omniprésence des claviers et à son subtil rappel au traditionnel « Carol Of The Bells ». Dans l’ensemble, la batterie d’Hannes Van Dahl fait des merveilles, et les talents de guitaristes solistes de Tommy Johansson et Chris Rörland sont plus exploités que jamais. À en juger par les headbangs généraux et les expressions ravies des invités, The War To End All Wars et sa production archi-soignée ont fait mouche. En une phrase comme en cent, si Sabaton ne vous a pas rallié à sa cause jusqu’à présent, ce n’est sans doute pas ce dixième album qui vous fera changer d’avis – mais les amateurs, eux, seront forcément conquis.
Une fois l’écoute terminée, les musiciens ont à peine le temps de profiter des applaudissements enthousiastes des invités avant de s’embarquer pour un véritable marathon d’interviews. Les journalistes qui attendent leur tour sont libres d’explorer le musée à leur guise, avec ou sans guide, dans une quiétude absolue : le lundi étant le jour de fermeture au public, nous avons les lieux pour nous tout seuls, et c’est un véritable privilège que de pouvoir parcourir les différentes salles sans la foule habituelle que l’endroit doit brasser. Car ce Musée de l’Armée bruxellois est un véritable béhémoth, une sorte de Louvre en beaucoup plus thématique qu’il faudrait bien deux jours pour étudier dans les moindres recoins et face auquel les Invalides ne peuvent même pas espérer lutter. De la guerre d’indépendance belge de 1830 à la Deuxième Guerre mondiale, en passant par la grande galerie de l’aviation et une impressionnante collection de tout ce que l’être humain a été capable d’inventer au cours des siècles pour taper sur ses semblables, il y a largement de quoi s’occuper en attendant son créneau d’interview, puis pour patienter jusqu’au dîner. Après avoir présenté The Great War pour la première fois à Verdun, Sabaton se devait de maintenir le niveau pour The War To End All Wars, et le pari est plus que gagné.
« Chaque fois que je fais des recherches pour un album, il arrive au moins un moment où je me demande : ‘Mais pourquoi est-ce que cette histoire n’a pas fait l’objet d’une superproduction hollywoodienne ?!’ C’est plus intéressant et plus incroyable que ce que n’importe quel scénariste peut inventer. »
Après un dîner à la bonne franquette en compagnie du groupe et des officiels de Nuclear Blast, un dernier événement, que le programme avait omis de mentionner pour ménager l’effet de surprise, est annoncé : un film va être diffusé dans la salle où a eu lieu l’écoute. La présence de l’écran géant prend alors tout son sens, car sans cela, un simple backdrop représentant la pochette de l’album aurait suffi à l’ambiance. Ce film, le bassiste Pär Sundström le présente comme un véritable aboutissement pour Sabaton, qui n’a de cesse depuis quelques années maintenant de proposer autant de contenu original et de qualité que possible – à l’image des clips soignés en partenariat avec World of Warships ou des collaborations diverses et variées avec World of Tanks et Cobi, l’équivalent polonais de Lego.
Ce moyen-métrage d’animation, réalisé par les studios YarnHub, permet de remettre en contexte et surtout dans l’ordre chronologique les événements relatés dans The War To End All Wars, grâce à une narration historique accompagnée par la musique de Sabaton – une excuse pareille pour se mettre l’album dans les oreilles une deuxième fois, ça ne se refuse pas ! L’animation légèrement naïve, dévoilée au public dans la dernière vidéo de « Christmas Truce », surprend au premier abord, mais son principal intérêt est de limiter l’impact visuel de la violence d’une guerre qui, rappelons-le, a tout de même entraîné la mort de vingt millions de personnes. Les membres du groupe ont évidemment droit à leur représentation animée (indice : vous les reconnaîtrez aux coupes de cheveux pas du tout réglementaires), et Joakim se paie même le luxe d’apparaître en chair et en os à la toute fin pour conclure le fil rouge qui parcourt l’histoire, à savoir le devenir d’un message transmis au roi des Belges Albert Ier dans les premières minutes du film. Pour quelqu’un qui nous disait en 2019 avoir une sainte horreur de faire l’acteur, l’ironie ne passe pas inaperçue ! Les chansons prenant véritablement une autre dimension grâce à cette mise en contexte, on ne peut qu’espérer que le film sera disponible dans son intégralité sur une quelconque édition collector de The War To End All Wars.
La standing ovation qui suit le générique de fin terminée, Tommy Johansson donne le signal de l’after-party. Quel meilleur moyen de profiter des dernières heures de cette journée mémorable que de se mêler aux membres du groupe (voire, pour la Team France, d’accaparer Joakim pendant la plus grande partie de la soirée…), un verre à la main, pour les féliciter pour le travail accompli et les remercier de nous avoir offert une oasis de détente – malgré les thèmes abordés et les engins de mort qui nous entourent – dans un désert de déprime qui semble s’étirer à n’en plus finir ? Surtout lorsque les musiciens en question se montrent extrêmement sympathiques et sincèrement reconnaissants de recevoir des retours positifs, aussi bien sur l’album que sur le film.
Pour conclure, laissons la parole à Joakim Brodén, que nous avons pu interviewer dans la vaste salle du musée consacrée à la Der des Ders, entre un Fokker rouge vif et une combinaison de protection plus dangereuse que ce contre quoi elle était censée protéger les soldats. Ambiance.
Radio Metal : Avant toute chose, comment vas-tu ?
Joakim Brodén (chant) : Je ne suis plus nerveux. C’est super bizarre, parce que je suis nerveux quand il s’agit de dire bonjour à tout le monde et de présenter l’album, alors que je n’ai aucun problème à monter sur scène en pantalon de camouflage devant des milliers de personnes. Je pense que c’est simplement hors de ma zone de confort.
Tu t’attendais peut-être aussi à des réactions négatives ?
Non. L’album est ce qu’il est. Certaines personnes vont adorer telle chanson, et d’autres vont la détester. J’ai l’habitude. C’est davantage lié au fait de sortir de ma zone de confort et de parler, parce que je ne veux pas… Je veux dire, je ne suis pas si différent quand je suis sur scène, mais je suis une sorte de personnage, ou une caricature de moi-même. Tout est plus grand, plus imposant, et je sais gérer ça. Mais je n’ai pas envie d’être le gars qui est ce gars en permanence ! [Rires]
« Nous pourrions probablement raconter assez d’histoires sur la Grande Guerre pour en faire cinq albums. »
Nous nous trouvons actuellement au Musée Royal de l’Armée et d’Histoire Militaire de Bruxelles. Évidemment, Sabaton est pour ainsi dire à la maison ! En tant que groupe, vous sentez-vous investis d’une mission qui consisterait à préserver l’histoire militaire, comme une version musicale de ce musée ?
Oui ou non. Je veux dire, ça n’a jamais été notre intention. Mais peut-être que, étant donné que je suis de plus en plus passionné par l’histoire… En fait, je suis à l’opposé de ce que pensent les gens : « Tu n’es pas lassé de tout ça ? » Je réponds : « Non, j’aime ça encore plus qu’il y a dix ans ! » Plus j’en apprends et plus je réalise que je ne sais rien. Parfois, j’ai l’impression que tellement d’histoires incroyables sont oubliées que je me demande pourquoi on se donne la peine d’en inventer de nouvelles. Chaque fois que je fais des recherches pour un album, il arrive au moins un moment où je me demande : « Mais pourquoi est-ce que cette histoire n’a pas fait l’objet d’une superproduction hollywoodienne ?! » C’est plus intéressant et plus incroyable que ce que n’importe quel scénariste peut inventer. De ce point de vue, je pense que notre intérêt pour l’histoire ne fait qu’augmenter, et le fait d’être ici… Pär [Sundström, basse] était venu ici faire de la promo pour The Great War, et il nous a dit : « Vous devez absolument voir cet endroit, même si nous n’y faisons rien. »
Simplement pour visiter.
Voilà, exactement. Il y a deux guides ici. Nous avons fait la visite avec l’un d’eux hier ou avant-hier, et même si j’en connais un rayon sur ce qui se trouve ici – sans doute plus que le visiteur moyen, j’imagine –, plus de la moitié de ce qu’il nous a raconté était totalement inédit pour moi. Si tu regardes ce qui est exposé, c’est impressionnant, mais il n’y a pas d’histoire derrière. Mais quand tu visites avec quelqu’un qui sait exactement de quoi il s’agit, d’où ça vient et comment… Certaines de ces armes, là-bas, n’existaient pas ; elles ont été construites par les soldats eux-mêmes dans les tranchées. Si je les regarde, elles n’ont rien d’impressionnant, mais avec ce contexte, waouh ! Comme ce truc-là. [Il désigne la combinaison exposée dans une vitrine derrière lui.] OK, ça pourrait sortir d’un film de zombies, et alors ? Mais si tu passes deux heures dans ce truc, tu es mort dans les quinze jours – une mort douloureuse et horrible. Il ne faut surtout pas casser cette vitrine. Cette combinaison est en amiante. Elle protégeait les soldats du feu des lance-flammes. Ils ont vraiment choisi un super endroit pour faire cette interview !
Ce nouvel album est une sorte de suite de The Great War. Selon toi, qu’est-ce qui fait la « richesse » de cette guerre en termes de sujets à couvrir ? Après The Great War, aviez-vous le sentiment de n’avoir fait qu’effleurer la surface ?
Absolument. Il y avait tellement de chansons… Non, en fait, nous n’avions pas les chansons, le problème était là. Nous n’avions pas les chansons pour toutes les histoires, et nous avons l’impression d’en avoir abandonné tellement. Comme les Harlem Hellfighters, par exemple. Je pensais que c’était un sujet évident pour l’album précédent, mais nous n’avions pas de chanson qui rendait justice à cette histoire. Emotionnellement, il faut que ça colle. Et puis nous avons reçu tellement d’idées de la part des fans… Quand nous avons annoncé l’album et que les gens l’ont entendu, ils nous ont dit : « Pourquoi vous n’avez pas parlé de ci ? Pourquoi vous n’avez pas parlé de ça ? Il faudrait que vous parliez de ça. » Et nous étions là : « Putain, mais comment sommes-nous passés à côté de ça ?! » Parfois par pure ignorance – nous ne savions rien dessus. Parfois parce que nous n’avions pas la bonne chanson. Et parfois, tout bonnement parce que nous n’avions pas le temps ou la possibilité. Nous avions connaissance de l’histoire, nous avons essayé de l’intégrer, mais ce n’était pas assez bon ! [Rires] Nous pourrions probablement raconter assez d’histoires sur la Grande Guerre pour en faire cinq albums. Je ne suis pas sûr que ce soit ce que nous voulions, ou ce que veulent les fans, mais les sujets sont bien là.
Qu’est-ce qui vous a motivés à revenir à la Première Guerre mondiale si tôt après The Great War, plutôt qu’à un moment ultérieur de votre carrière, après un ou deux autres albums, par exemple ?
En partie à cause de ce dont nous avons parlé un peu plus tôt : nous avions l’impression d’être passés à côté de tellement de sujets et nous avons trouvé beaucoup d’autres histoires à raconter. Mais, plus important encore, nous n’avons pas pu finir The Great Tour. Il a été interrompu et nous avons fini par l’abandonner. Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas eu l’occasion de voir ces chansons en live. Peut-être qu’ils auraient vraiment voulu voir telle ou telle chanson, et au lieu de ça, nous serions repartis sur un tout nouveau cycle, avec un tout nouveau sujet. Imaginons que nous soyons passés aux guerres napoléoniennes. Visuellement, le décor de scène serait très axé là-dessus, ce qui signifie que nous devrions abandonner beaucoup de choses de l’album précédent. Aujourd’hui, nous pouvons jouer ces deux albums en même temps, dans une sorte de relation fraternelle. Je ne sais pas [rires]. Pour nous, c’était plus logique.
« C’était difficile pour nous, parce que nous voulons vraiment tourner. La survie économique du groupe a été compliquée. »
J’ai l’impression de poser cette question à tous les groupes du monde en ce moment, mais il n’y a pas moyen d’y couper, désolée : l’album a été écrit pendant la pandémie. Je sais que la Suède était l’un des pays les moins stricts d’Europe en matière de restrictions, mais quel impact cela a-t-il eu sur l’album ?
Personnellement, et je parle pour tous les membres du groupe, nous avons choisi le métier de musicien parce que nous aimons voyager et monter sur scène. De ce point de vue, ça nous a fait beaucoup de mal. C’était difficile pour nous, parce que nous voulons vraiment tourner. La survie économique du groupe a été compliquée. Tous les musiciens, mais aussi tous les techniciens et tous ceux qui travaillent dans cette industrie… Les gens dans le sport, les clubs de foot… Comment sont-ils censés payer les salaires ? Mais l’album lui-même est intact, parce que j’écrivais principalement la musique seul, et puis j’appelais Chris [Rörland, guitare] pour lui demander s’il voulait écrire quelque chose. Je vis actuellement en Norvège et il fallait que je sois en quarantaine et que je me fasse tester au retour, mais j’ai presque toujours réussi à voyager. Du coup, nous nous retrouvions à Falun pour écrire des chansons, comme nous le faisons normalement. Et quand nous sommes entrés en studio… Bien sûr, d’un point de vue personnel, le fait que Chris et Tommy ne soient pas là pendant qu’Hannes enregistrait la batterie m’a manqué, parce que c’est sympa de se retrouver tous ensemble. Mais l’album n’en a pas souffert. C’était la même chose, en dehors du fait qu’Hannes n’était pas là pendant l’enregistrement des guitares, ou pendant que Pär jouait, ou pendant que je chantais. C’est bizarre à dire, mais en fait, autant la pandémie nous a beaucoup affectés personnellement, autant elle a à peine affecté la production de l’album.
En 1918, le monde a également eu à subir une pandémie. L’existence même de la grippe espagnole et les terribles dommages qu’elle a causés, en particulier en Europe, ont été tenus secrets autant que possible à l’époque. Dans le contexte actuel, avez-vous été tentés d’écrire une chanson sur la grippe espagnole ? Ce triste épisode de l’Histoire peut-il nous apprendre quelque chose concernant ce que nous traversons à l’heure actuelle ?
Je vais commencer par répondre à la seconde partie de ta question : oui, il peut nous apprendre énormément. Je pense qu’il est important de se tourner vers le passé. On dit souvent que l’Histoire se répète. Je ne suis pas d’accord, mais elle a tendance à rimer. Il y a des choses à apprendre, et je n’aime pas la tendance actuelle qui consiste à ignorer, voire à essayer d’effacer les passages dérangeants de l’Histoire, parce que c’est grâce à ça qu’on apprend. Si un enfant pose la main sur une plaque de cuisson chaude et se brûle, il s’en souviendra toute sa vie : ne fais pas ça, ça fait mal ! Pourquoi voudrait-on effacer ce souvenir ou cette expérience ? Elle s’est révélée utile. Donc de ce point de vue, oui, je pense que nous devrions regarder davantage… Non, nous ne devrions pas essayer de tout retenir du passé, mais nous devrions toujours vérifier si nous n’avons pas oublié des choses dont nous pourrions apprendre. Mais concernant la première partie de la question, non, nous avons à peine envisagé d’évoquer la pandémie, car ça ne concerne pas l’histoire militaire. Ça appartient à l’Histoire, mais pas à l’histoire militaire. Nous avons décidé de mettre une limite, sinon… Je suis très intéressé par les histories d’espionnage de la Guerre Froide. Nous pourrions faire un album sur le sujet. J’adorerais, mais bon…
J’ai trouvé la structure de l’album très intéressante, car la première et la dernière chanson sont entièrement narrées, à l’exception des refrains, qui sont chantés. Est-ce une idée que vous avez eue suite à l’History Edition de The Great War ?
Oui, nous voulions forcer les gens à adopter le programme [rires]. Mais il y aura également une History Edition pour cet album, pour que les gens puissent vraiment en profiter. Je recommande d’ailleurs à tout le monde de commencer par écouter l’History Edition – même en streaming, car cette version sera disponible en ligne également – au moins les premières fois, parce que ça décrit ce à quoi on peut s’attendre. Où se trouve-t-on dans le monde ? Quelle est la vision que vous avez en tête ? Quand vous comprenez ça et que vous avez entendu la chanson cinq fois, vous savez de quoi ça parle. Ensuite, si vous invitez des amis pour boire une bière ou faire un barbecue, vous n’en avez plus besoin. Mais si vous le faites dès le départ, je trouve que ça renforce l’expérience.
D’après ce que j’ai compris des paroles, « Soldier Of Heaven » semble être écrite à la première personne, ce qui est inhabituel pour Sabaton. Vous n’aviez pas utilisé cette approche pour Heroes, qui aurait pourtant pu bien s’y prêter. Pourquoi avoir choisi cette option cette fois-ci ?
C’est en fait Pär qui a écrit les paroles. Elles parlent du front italien et du Vendredi Blanc. Nous sommes au sommet des Alpes, à haute altitude, avec une tonne d’équipements et des soldats, et une avalanche se produit. Les gens meurent de plusieurs causes à la guerre, pas seulement en se faisant tirer dessus. Il y a encore des soldats gelés, là-haut – ils sont toujours là. D’ailleurs, c’est drôle parce que, il y a tout juste quelques semaines, en raison de la chaleur inhabituelle et des températures qui augmentent depuis des années, des baraquements ont été découverts dans les Alpes. En ville, il y aura toujours un projet de construction pour mettre au jour ces vestiges et les retirer. Mais là-haut, toutes ces armes et tous ces soldats sont toujours là, gelés. Pas tous, évidemment, mais il y en a quelques-uns. Pär a choisi d’écrire les paroles – qui, selon moi, comptent parmi ses meilleures – du point de vue d’un soldat gelé pour l’éternité.
« Je n’aime pas la tendance actuelle qui consiste à ignorer, voire à essayer d’effacer les passages dérangeants de l’Histoire, parce que c’est grâce à ça qu’on apprend. »
Est-ce une impression ou y a-t-il plus de solos de guitare sur cet album – et ces solos sont-ils plus longs – que sur n’importe quel autre album de Sabaton ?
Oui et non. Je ne pense pas qu’il y ait plus de solos à proprement parler, mais parfois, sur les ponts, j’ai remarqué… C’est quelque chose que j’ai remarqué à propos de ma façon d’écrire des chansons : dès que j’écris avec quelqu’un, le pont permet de faire une pause. On retire les guitares pour faire de la place et créer une dynamique pour repartir ensuite. Ça se calme, il n’y a que les claviers, la batterie est plus détendue, il y a de la basse et je chante un peu, puis ça repart. Tomber dans le piège qui consiste à utiliser ces blocs de construction de la même façon est très facile. Du coup, à plusieurs endroits – je crois qu’il s’agit de trois chansons, ou quelque chose comme ça –, nous avons laissé la mélodie de guitare ou une partie instrumentale jouer le rôle du pont. Il y a comme une mélodie sur laquelle on peut presque chanter, et puis arrive le solo de guitare. Donc, de ce point de vue, tout à fait. « Dreadnought » a sans aucun doute un solo plus long que ce que nous faisons d’habitude. Nous l’avons en fait doublé, parce que nous trouvions que Tommy le jouait tellement bien ! [Rires] Donc oui, cette chanson comporte un solo plus long, et il y a davantage de ponts instrumentaux. Mais je dirais que le solo de guitare moyen n’a pas beaucoup changé. Mais ça s’accumule, évidemment, donc il y a effectivement plus de guitares.
C’est aussi la première fois que vous établissez un cadre temporel très clair, avec le début de l’album à Sarajevo, et la fin à Versailles. Pourquoi cette volonté de délimiter clairement l’album, cette fois ?
Pour lui donner un cadre, d’une certaine façon. Tu peux avoir un très beau tableau, mais avec un beau cadre, ça rend encore mieux. Je ne sais pas comment l’expliquer. Ça a un côté pratique, parce que mon côté obsessionnel compulsif aurait voulu organiser les chansons dans l’ordre chronologique, mais l’expérience d’écoute aurait été affreuse ! Il aurait fallu commencer par « Race To The Sea », puis « Christmas Truce », et ensuite, nous avons tous ces événements qui se passent sur deux mois. Qu’est-ce qu’on en fait ? Ils se passent tous en même temps, donc comment les organiser ? Pour éviter ces problèmes et une mauvaise expérience d’écoute, nous nous sommes dit : « Nous allons balancer tous ces titres au milieu. » Mais nous avions aussi l’impression d’avoir oublié de raconter l’histoire sur The Great War, et nous pensions que « Sarajevo » se devait d’être présente. « Versailles » est… J’imagine qu’on peut appeler ça une blague d’initiés ou un message. Parce que je ne sais pas si tu as remarqué, mais les refrains de « Sarajevo » et de « Versailles » sont exactement les mêmes, mais avec un léger changement. Celui de « Sarajevo » est dans une tonalité mineure, et quand on passe à « Versailles », c’est exactement le même, mais en majeur – jusqu’au dernier refrain, qui laisse présager la Seconde Guerre mondiale, et qui revient au refrain de « Sarajevo ». Ça envoie un message et ça encadre le tout.
Le clip de « Christmas Truce » est absolument spectaculaire. Depuis les vidéos tournées pour The Great War, vous vous surpassez à chaque fois. Quelle était la logistique pour une telle vidéo ? Combien de temps le tournage vous a-t-il pris ? Et par pitié, dis-moi que le piano a survécu aux tranchées !
Je vais te décevoir avec une des réponses ! [Rires] Pour commencer, merci. Ce clip nous a demandé beaucoup d’efforts. Nous avions le sentiment que ça ne pouvait pas être une simple vidéo où le groupe jouerait. Il fallait qu’elle raconte l’histoire. Il y aura encore au moins trois clips pour cet album, et tous ont déjà été tournés. La situation était un peu compliquée à cause des problèmes liés aux déplacements. Nous avons fait ça en République tchèque. Nous y avons passé deux jours et demi, peut-être trois. Je parle pour nous, parce qu’il y a des scènes qui ont été tournées dans lesquelles nous n’apparaissons pas. Je ne peux pas te répondre concernant la durée de production et de montage pour laquelle nous n’étions pas là, mais cette vidéo a impliqué beaucoup de monde. Ce qui m’a plu, c’est que personne n’avait l’habitude de réaliser des clips musicaux. Tous ces gens avaient l’habitude des longs métrages – ils ont travaillé sur des films hollywoodiens. Ils évoluent dans ce milieu. Prague est une vieille ville, elle a toujours l’air ancienne. Du coup, quand une production a besoin d’une vieille ville, elle s’installe à Prague, à Vienne ou à Budapest pour tourner. Beaucoup de ceux qui ont travaillé sur le clip avaient l’expérience des films. Nous voulions que ce soit davantage un film qu’une vidéo de nous en train de jouer. Nous en sommes d’ailleurs très fiers. J’étais vraiment ravi en voyant le résultat, parce que je suis fatigué… D’ordinaire, je n’aime pas tourner des clips. J’ai une putain d’horreur de ça, en fait. Alors mettre le costume de scène et jouer sans raconteur une histoire… Pour la bonne chanson, pourquoi pas, mais pour celle-ci, ç’aurait été totalement à côté de la plaque. Je n’aime pas tourner de clips, mais quand j’ai vu celui-ci, je me suis dit : « Chaque seconde de douleur en valait la peine ! »
Tu n’as pas répondu à ma question concernant le piano, et me voilà inquiète, maintenant ! [Rires]
Ah, le piano, pardon. Non, ce piano a vraiment sauté. C’est bien le piano qu’on voit dans la vidéo. À notre décharge, ce piano était déjà cassé, injouable et irréparable. D’un côté, c’était un très joli et très vieil objet, mais en y regardant de plus près, il était vraiment dans un sale état. Il était inutile. Lorsque la production l’a acheté, il n’y avait rien à en faire. Il n’était même plus réparable. Les poutres du piano n’auraient pas survécu si on y avait mis des cordes – elles auraient craqué. La production a essayé, d’ailleurs, et certaines cordes ont provoqué des fêlures. Il était déjà détruit. Je ne pouvais pas jouer là où il fallait. Dans la vidéo, on me voit jouer comme ça alors que ma main droite devrait plutôt être ici. Parce que quand je jouais cette note, la touche restait enfoncée et ne pouvait pas remonter. Donc non, nous n’avons pas détruit un beau piano !
Interview réalisée en face à face le 22 novembre 2021 par Tiphaine Lombardelli.
Retranscription & traduction : Tiphaine Lombardelli.
Photos : Tim Tronckoe (2, 3, 4).
Site officiel de Sabaton : www.sabaton.net
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Tiens, Joakim croit à la cancel culture ; ça ne va pas plaire à X-Dusk. ?
De un je t’emmerde ! De deux il parlait de confusionnisme et de négationnisme, alors apprend à lire !
Je cite Joakim dans l’article : « je n’aime pas la tendance actuelle qui consiste à ignorer, voire à essayer d’effacer les passages dérangeants de l’Histoire, parce que c’est grâce à ça qu’on apprend »
C’est ça, la cancel culture, mon grand. Lire, ça je sais déjà faire, je suppose que toi aussi ; la différence entre nous deux, c’est que moi je comprends ce que je lis. ?
Mais j’aime beaucoup la première partie de ton message : en général les insultes arrivent quand on n’a plus aucun argument ; au moins là, tu nous préviens dès le début ! ?
Non,non… la théorie du complot appelée « cancel culture » est utilisée par l’extrême droite quand on supprime des « traditions » ou « fêtes » plus que discutables (exemple quand des associations Nord-américaines veulent annuler Thankgiving qui célèbre le massacre des amérindiens, elles sont taxer de faire usage de « cancel culture »).
Quand comme dit par Joakim on: « ignore voir efface des passages dérangeants de l’histoire » c’est du confusionnisme voir du négationnisme. Comme quand Pékin fait retirer une statue commémorant le massacre de la place tian’anmen ou quand Poutine nie les purges staliniennes, ou chez nous quand Zobmmour dit que Pétain a donné les Juifs Parisiens aux boches pour sauver les juifs de France…
Bref… comme quoi tu comprends pas tant que ça ce que tu lis, sûr que c’est plus compliqué comme lecture que le site VDM n’est-ce pas ? 🙂
Bon ça m’emmerde de dire ça, car son ton irrespectueux me donne envie de lui claquer le beignet… mais X-Dusk a raison sur ce coup-là, la cancel culture c’est une connerie et Joakim causait clairement de confusionnisme et de négationnisme.
Mais c’est ma seule et unique intervention ici, c’est un site musical et vos débats politiques cassent les burnes/ovaires de tout l’monde ! Alors vous êtes cordialement invité à fermer vos claque-merde
Sauf que le terme « cancel culture » signifie bien plus de choses que simplement supprimer des fêtes ou des traditions, et que ça englobe justement le confusionnisme et le négationnisme (entre autres).
Bref, en vrai je m’en fous (je viens même de chercher sur internet pour être sûr, donc j’avoue que je ne maîtrise pas le sujet, même si pour le coup j’avais raison), je voulais juste balancer une petite pique, et faut croire que j’ai visé juste. ?
Y’en a qui sont à fleur de peau, en cette veille de Noël. ?
Bon réveillon à tous !
Pareil bon réveillon aux apôtres du métal avant que la cancel culture le supprime et encore merci aux oies !!??