Malgré un départ de Three Days Grace pour « raisons de santé » et motivé par une envie « d’avancer musicalement », Adam Gontier est rapidement revenu sur le devant de la scène avec son nouveau projet Saint Asonia avec Mike Mushok (Staind) – rejoints par le bassiste Corey Lowery (Stuck Mojo) et le batteur Rich Beddoe (ex-Finger Eleven) -, certes musicalement plus heavy, mais malgré tout comparable à son groupe précédent. Il apparaît clairement que le chanteur avait tout simplement besoin de changer d’environnement de travail et d’environnement humain.
A l’occasion de la sortie du premier album éponyme, Gontier nous parle avec un soulagement apparent de la décontraction et la liberté dont il jouit dans ce projet qui semble être son nouveau bébé, et finit par éclairer un peu mieux notre lanterne au sujet de son départ de Three Days Grace.
« La liberté créative que Mike et moi avons dans ce groupe, c’est quelque chose que nous n’avons pas connu auparavant – tout du moins, je ne l’ai pas connu. »
Radio Metal : Au départ, Mike Mushok et toi écriviez des chansons uniquement pour le fun, sans intention de monter un groupe. Quand est-ce que vous vous êtes rendus compte que ces sessions de compositions pouvaient mener à un projet solide et concret ?
Adam Gontier (chant) : En gros, lorsque nous avions fini de composer trois ou quatre chansons, nous avons décidé d’aller dans un studio et enregistrer des démos de ces titres, juste pour voir ce que ça donnerait, comment ça fonctionnerait. Nous avions quelques autres chansons mais nous nous sommes contentés d’en choisir trois. Je crois que c’est à ce stade que nous avons su que nous tenions quelque chose de spécial et d’assurément unique. Donc, c’est lorsque nous avons fait les démos que nous nous sommes dit : « Il faut que nous allions plus loin, faisons un album complet et montons un groupe ! »
Vous avez déclaré vous considérer comme des réfugiés qui s’entendent bien d’un point de vue créatif. Qu’est-ce que tu sous-entendais par ce terme ?
Nous n’avons pas été mis ensemble par quelqu’un d’autre. Nous n’avions pas l’intention d’avoir un groupe ensemble, nous n’avons pas réfléchi à qui serait dans le groupe, tout s’est juste passé naturellement et nous sommes amis depuis des années, à parcourir les routes en tournée. Au lieu d’essayer de forcer les choses, nous nous entendons bien et nous écrivons bien des chansons ensemble, donc… C’est super !
Comment décrirais-tu l’alchimie du groupe, que trouves-tu dans ce groupe que tu ne trouvais pas forcément dans Three Days Grace ?
Il y avait beaucoup de choses positives dans Three Days Grace… Mais pour moi, la chose principale dans Saint Asonia, ce groupe de gars super talentueux, c’est le niveau de respect que nous avons les uns pour les autres qui est vraiment élevé. Nous nous respectons tous pour ce que nous avons fait par le passé. Tu sais, j’ai toujours été un grand fan de Staind et de Mike, aussi bien que de Rich et Corey. Nous faisons tous ça depuis longtemps, donc nous savons comment nous comporter les uns avec les autres, nous avons du respect. Et nous nous amusons. Nous faisons ce que nous adorons faire et nous nous éclatons à le faire. J’en suis vraiment reconnaissant.
A propos de l’enregistrement de l’album, Mike a dit qu’il « y avait des chansons que [vous] av[ez] finies qui ne sont pas sur l’album et des chansons que [vous] n’av[ez] pas finies parce que [vous] n’en aviez pas vraiment besoin. » Où avez-vous trouvé toute cette inspiration pour ce projet ?
L’inspiration est assurément venue des trois dernières années de ma vie. Beaucoup de choses ont changé dans ma vie, j’ai quitté quelques relations de longue date… J’ai eu beaucoup de sujets sur lesquels écrire, c’est certain ! En gros, la plupart des chansons sur l’album parlent de ces situations dans lesquelles je me trouvais et de celle dans laquelle je me trouve aujourd’hui. Donc ouais, l’inspiration est venue assez facilement, quoi qu’il en soit. Ça vient directement du cœur, sans trop y réfléchir ou quoi. C’est plutôt brut et tangible.
Penses-tu que ces chansons inutilisées sortiront un jour ?
Le 23 octobre, notre album sera disponible en Europe en précommande, et deux des chansons que nous n’avons pas mises sur l’album en Amérique ont été ajoutées à cette version de l’album, ce qui est très cool. Il y a une chanson qui s’appelle « Voice In Me » et une autre qui s’appelle « No Tomorrow », et ces chansons seront sur l’album en Europe. Nous en avons quelques autres encore. Aussi, nous sommes constamment en train d’écrire de la musique, donc il va y avoir pas mal de choses dans le futur.
Mike a aussi dit que « faire de la nouvelle musique ne sera pas trop difficile, mais il faut en faire quelque chose de neuf et que ce soit frais et excitant. » Comment y parvenez-vous ?
Je crois que dès qu’on écrit quelque chose de nouveau, ça paraît toujours frais et ça te rend enthousiaste. Mike compose et écrit énormément de musique. Je trouve que c’est rafraîchissant dans le sens où, d’un point de vue créatif, nous pouvons faire ce que nous voulons avec notre musique, plutôt que d’avoir plein de gens extérieurs qui interfèrent là-dedans. La liberté créative que Mike et moi avons dans ce groupe, c’est quelque chose que nous n’avons pas connu auparavant – tout du moins, je ne l’ai pas connu. C’est ce qui rend ce groupe assez différent de mes autres groupes.
Les paroles sur l’album semblent assez sombres, avec des chansons comme « Let Me Live My Life », « Waste My Time », Dying Slowly »… Musicalement, vous avez par ailleurs dit que ces compos étaient parmi les trucs les plus heavy qui vous ayez jamais écrits. Qu’est-ce qui vous a poussés dans cette direction ?
Musicalement, j’ai toujours adoré la musique heavy, j’ai toujours été branché heavy rock et metal, ce genre de trucs. Je dirais peut-être que la moitié de l’album est plutôt sombre. « Waste My Time » est en fait une chanson d’amour. « Dying Slowly », même si le titre ne paraît pas, est aussi une chanson d’amour. J’ai écrit « Leaving Minnesota » vers 2010 et j’ai en fait écrit cette chanson en quittant le Minnesota mais ça parlait juste de quelqu’un que j’ai rencontré. Tu vois, j’ai rencontré ma femme en 2010 et c’est simplement une chanson sur notre rencontre dans le Minnesota et ce genre de choses. C’est très personnel et c’est l’une de mes préférées. Les autres, comme « Let Me Live My Life », « Better Place », « Fairy Tale », toutes ces chansons parlent de situations dans le passé, dans ma vie, que je devais extérioriser. Pour ma part, j’ai pu exprimer ce que je ressentais, en laissant derrière moi certaines situations et passant à autre chose dans ma vie. C’est bien de pouvoir écrire sur ces sujets et en faire des chansons. Donc ouais, il y a pas mal de choses légères et il y a aussi beaucoup de choses lourdes sur l’album, et c’est ma meilleure œuvre à ce jour, c’est sûr.
« Les meilleures choses qui te viennent en tant qu’artiste et musicien, ce sont les choses qui te viennent de but en blanc, sans réfléchir. »
Il semble d’ailleurs y avoir comme un paradoxe entre l’obscurité et la luminosité dans cet album, et une chanson comme « Happy Tragedy » l’illustre plutôt bien. Ce paradoxe était-il intentionnel ?
Je ne crois pas que quoi que ce soit ait été intentionnel sur cet album. Je n’ai pas trop réfléchi à ce que j’écrivais et aux paroles. Je sais que nous ne voulions pas trop en faire et trop y penser. Les meilleures choses qui te viennent en tant qu’artiste et musicien, ce sont les choses qui te viennent de but en blanc, sans réfléchir, et que tu ne réécris pas encore et encore. Toutes les chansons sont venues de façon très naturelle. Les paroles sont venues très naturellement. « Happy Tragedy », c’est juste une chanson à propos du fait de ne pas se sentir assez bon pour quelqu’un, grosso modo. J’ai toujours écrit de telle façon qu’on lise dans mes sentiments comme dans un livre ouvert. Les paroles sont assez directes mais les gens s’y identifient à leur niveau, ce qui est vraiment cool. Il n’y a donc rien de vraiment intentionnel sur cet album. Nous avons été en studio, nous avons fait ce que nous voulions faire, nous avons fait ce que nous aimions et c’est ce qu’on retrouve sur l’album !
Votre premier concert était un concert secret. Pourquoi avoir fait ça ?
Lorsque nous avons fait l’album, tout s’est passé très vite – nous avons écrit les chansons, avons été en studio et, avant même de s’en rendre compte, nous avions terminé. Nous n’avions pas vraiment l’intention de garder le groupe secret et ne rien dire à personne, je pense que nous étions juste davantage concentrés sur ce que nous faisions. Nous étions concentrés sur la confection de l’album, plutôt que d’essayer d’abord de créer un buzz autour du groupe. Mais ouais, nous disions sans doute : « Ok, peu de gens sont au courant, donc gardons ça secret et faisons la surprise à nos fans. » Et ça a bien marché ! Le festival où nous avons joué, Rock On The Range, était super, il y avait plein de gens là-bas et les réactions étaient super. C’était donc un bon endroit pour lancer le groupe.
Le groupe de Mike, Staind, est actuellement en pause indéterminée. Penses-tu que s’ils en arrivent à relancer leurs activités, ça mettrait en péril le développement de Saint Asonia ?
Non, je ne le crois pas. Je ne peux pas parler à la place de Mike à propos de Staind et savoir s’ils ont prévu des choses pour le futur. Je sais en revanche, de toute évidence, qu’Aaron [Lewis, le chanteur de Staind] a prévu de faire des trucs de country pendant un moment. Mais même si effectivement Staind se remettait ensemble et commençait à faire des concerts, je ne pense pas que ça interférerait beaucoup avec Saint Asonia. Mike peut faire les deux groupes, je pense. Mike est un mec talentueux, il peut sauter sur pleins de trucs à la fois.
Peux-tu nous donner des nouvelles de tes travaux en solo ?
J’ai écrit pas mal de musique. Lorsque j’ai quitté Three Days Grace, j’ai travaillé sur des trucs solo, en acoustique, mais je ne prenais pas ça trop au sérieux. Je prenais surtout une pause, en règle générale, et c’est là que Mike m’a appelé et m’a demandé si je voulais qu’on se retrouve, juste pour composer avec lui. J’ai plein de musique que j’ai écrite avec les années et peut-être qu’un jour je sortirais ça. A l’heure actuelle, pour ma part, Saint Asonia est ma priorité et je prévois de faire plein d’albums ; nous prévoyons de faire plein d’albums avec Saint Asonia. Les trucs en solo, ça peut attendre, Saint Asonia c’est ce que je veux faire.
Les circonstances de ton départ de Three Days Grace sont assez floues. D’abord il a été annoncé que tu démissionnais à cause de problèmes de santé, ensuite le groupe a déclaré que tu étais parti sans crier gare et sans expliquer pourquoi et, au bout du compte, tu as déclaré dans un communiqué être parti pour ouvrir un nouveau chapitre dans ta vie. Peux-tu clarifier ce qui s’est passé à l’époque ?
Ouais, je peux dire que je suis effectivement parti pour des raisons personnelles de santé. Mais il y a plein de raisons qui expliquent pourquoi j’ai quitté Three Days Grace. J’ai le sentiment que tout simplement mon bien-être était compromis si je continuais avec Three Days Grace. Il a fallu que je parte du groupe pour mon propre bien-être, pour faire attention à ma santé. Et à l’époque, il y avait des différends musicaux et créatifs, et ce genre de choses. Il y avait donc une multitude de facteurs, c’est certain. Pour ce qui est du fait que je serais parti sans crier gare, tout le monde savait plus ou moins que j’allais quitter le groupe au bout du compte, c’est juste qu’ils ne savaient pas exactement quand.
Est-ce qu’il y a un risque pour que tes problèmes de santé reviennent ?
Non. Les problèmes de santé… Je veux dire, que ma santé physique n’a jamais été un souci. C’était plus quelque chose d’émotionnel à laquelle j’avais affaire. Je me battais contre beaucoup de stress et d’anxiété et ce genre de choses. Et aujourd’hui, je me sens mieux que jamais. Je suis dans un nouveau groupe avec un tas de mecs super et très talentueux, nous avons fait un super album. J’ai déménagé et je me suis marié en mars. Je suis donc vraiment heureux et reconnaissant de pouvoir vivre de la musique, tu sais, et d’en être là où j’en suis aujourd’hui.
Est-ce pour cette raison que tu as choisi d’ouvrir l’album avec la chanson « Better Place » ?
Ouais, absolument. Avec cette chanson, j’ai clairement écrit à propos de quitter la situation dans laquelle j’étais dans ma vie. J’ai quitté deux relations de longue date. J’étais toujours en train de lutter pour trouver un endroit où je me sentirais mieux et j’y suis finalement arrivé. C’est palpitant et très cool d’avoir pu mettre ça dans une chanson et que nous ayons pu la mettre sur l’album et la faire passer en radio.
Quelle est ta relation avec les gars de Three Days Grace aujourd’hui ?
Nous sommes restés en contact. Il n’y a strictement aucune animosité. Nous nous entendons bien. Peut-être que nous partagerons une scène avec eux dans un futur proche, ce serait sympa !
Interview réalisée par téléphone le 9 octobre 2015 par Philippe Sliwa.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Saint Asonia : www.saintasonia.com.